HG/NC Le site académique d'histoire-géographie de Nouvelle-Calédonie

Pouembout, un centre de colonisation pénale à la fin du XIXe siècle

vendredi 20 décembre 2019 par Cynthia DEBIEN VANMAI

Groupe de réflexion pédagogique Histoire-Géographie-EMC Lycée
S’approprier les thèmes adaptés du programme en HISTOIRE CLASSE DE PREMIÈRE GÉNÉRALE
THÈME N° 3 – Chapitre 4. La Nouvelle-Calédonie de 1870 à 1914
Point de passage et d’ouverture : Un site d’implantation du bagne en Nouvelle-Calédonie, au choix

 Cadre de la mise en oeuvre des « points de passage et d’ouverture »

Deux à quatre « points de passage et d’ouverture » sont indiqués pour chaque chapitre. Ces « points de passage et d’ouverture » mettent en avant des dates-clefs, des lieux ou des personnages historiques. Chacun ouvre un moment privilégié de mise en oeuvre de la démarche historique et d’étude critique des documents. Il s’agit d’initier les élèves au raisonnement historique en les amenant à saisir au plus près les situations, les contextes et le jeu des acteurs individuels et collectifs.

Les « points de passage et d’ouverture » sont associés au récit du professeur. Ils confèrent à l’histoire sa dimension concrète. Ils ne sauraient toutefois à eux seuls permettre de traiter le chapitre. Le professeur est maître de leur degré d’approfondissement, qui peut donner lieu à des travaux de recherche documentaire, individuels ou collectifs, et à des restitutions orales et écrites. Source Éduscol

 Pourquoi enseigner ce point de passage et d’ouverture :

Pouembout traduit l’impulsion que cherche à donner la IIIe République à la colonisation en Nouvelle-Calédonie et en particulier à la colonisation pénale. Dans les années 1880 ce programme devient prioritaire, avant qu’il ne soit remis en question dans les années 1890. Le centre de colonisation pénale de Pouembout est effectivement ouvert en 1883, le Président du conseil est alors Jules Ferry.
Enseigner la colonisation pénale à Pouembout permet de rapprocher les élèves des réalités concrètes de l’histoire : ici ils étudient un lieu, un temps, une personne (un condamné à la transportation), des documents d’archives très originaux.
À partir de l’étude de Pouembout, l’enseignant peut définir les contours de la colonisation pénale (son cadre juridique, son inscription spatiale, ses réalités humaines et économiques).

 Pistes de mise en oeuvre en classe

On cherchera de manière prioritaire à faire comprendre à l’élève :

  • Le statut du transporté-concessionnaire : en insistant sur la condamnation et ses prolongements, notamment son exil à vie en Nouvelle-Calédonie.
  • Le rôle tenu par les transportés-concessionnaires dans le peuplement, la colonisation agricole et la maîtrise du territoire ; sans oublier d’insister sur le fait que ce programme est pensé et encadré étroitement par l’administration coloniale et le gouvernement.
  • La mise en place d’une société coloniale originale issue de la transportation : des petites communautés humaines isolées, étroitement encadrées et surveillées, attachées à une terre qui libère et qui permet de s’enraciner durablement en Nouvelle-Calédonie.

Le point de passage est intégré dans le thème 3, chapitre 4 « La Nouvelle-Calédonie de 1870 à 1914 (5-6 heures). L’enseignant pose le cadre de la colonisation pénale (annexe 1) : loi de 1854 (annexe 1 document 1), les lieux de la transportation en Nouvelle-Calédonie (annexe 1 document 3), l’impulsion donnée à la colonisation pénale par la IIIe République au début des années 1880 (annexe 1, voir document
2).

Les élèves disposent de trois documents (Annexe 2) avec lesquels ils doivent rédiger le récit de vie d’Auguste Jules Julian un condamné à la transportation. L’enseignant peut suggérer le plan du récit de manière plus ou moins précise selon le niveau du groupe classe. On peut aussi concevoir une écriture collective (sur l’ordinateur) en constituant plusieurs groupes qui se partagent les chapitres de la vie du transporté. L’enseignant peut inciter les élèves à dépasser les documents et faire des recherches.

Suggestions de plan :
Auguste Jules, un homme condamné à la transportation / Auguste Jules subit la peine aux travaux forcés / Auguste Jules est installé à Pouembout et fonde une famille / Auguste Jules exploite sa concession
Ou
Le plan du récit devra décrire les grandes étapes du parcours de vie d’Auguste : la condamnation et la peine, l’installation à Pouembout et la réinsertion.

 ANNEXE 1

 Synthèse : Le rôle des bagnards dans la colonisation en Nouvelle-Calédonie (1854-1931).

Le contexte : « La politique de débarras » (1)

La loi sur l’exécution de la peine aux travaux forcés du 30 mai 1854 est l’aboutissement en France d’une longue période de réflexion initiée dès 1848 sur la réforme des prisons, sur la fermeture des bagnes et leur évacuation. L’ensemble des travaux permettent à Louis Napoléon Bonaparte de déclarer le 12 novembre 1850 devant l’assemblée nationale : « Six mille condamnés enfermés dans les bagnes grèvent le budget d’une charge énorme, se dépravent de plus en plus et menacent incessamment la société. Il semble possible de rendre la peine aux travaux forcés plus efficace, plus moralisatrice, moins dispendieuse et plus humaine en l’utilisant au progrès de la colonisation française » (2).
Alors qu’une commission définit dès 1851 tous les aspects de la colonisation pénale et que le choix d’un lieu de transportation se porte sur la Guyane (à 8 voix contre 6 pour la Nouvelle-Calédonie), le gouvernement n’attend par la loi pour envoyer dans la colonie le premier convoi de forçats le 31 mars 1852.
C’est dans ce contexte que s’inscrit aussi la prise de possession de la Nouvelle-Calédonie, présentée par L.J. Barbançon comme « une mesure conservatoire prise par la Marine, en prévision du pire en Guyane. […] elle « rassure les députés sur la possibilité d’une colonie pénale de remplacement en cas d’échec en Guyane » (3). C’est effectivement dans ce sens que l’acte du 24 septembre 1853 est justifié dans Le Moniteur du 14 février 1854 : « Le gouvernement étant désireux depuis longtemps de posséder dans les parages d’Outre-Mer quelques localités qui puissent, au besoin, recevoir des établissements pénitentiaires. La Nouvelle-Calédonie offrait toutes les conditions désirables. »
Quand toutes les conditions politiques et administratives sont réunies, le projet de loi sur l’exécution de la peine aux travaux forcés, déposé au Conseil d’État depuis le 1er juin 1852, est enfin adopté par le Corps Législatif le 30 mai 1854.

Analyse de la loi : expiation, amendement, réinsertion.

La loi comprenant 15 articles est construite sur trois principes : Répression- Amendement- Réhabilitation.
Son originalité réside dans l’obligation qui est faite au forçat condamné à plus de huit années de rester à vie dans l’île. Cette disposition s’étend aussi à ceux qui sont condamnés à moins de huit années, puisqu’ils doivent le doublement : c’est-à-dire qu’ils doublent leur peine d’un séjour dans la colonie égal à la durée de leur peine
Cette obligation est sans précédent dans la législation française et on ne la retrouve pas dans les dispositifs étrangers anglo-saxons.
Une autre originalité consiste à donner un caractère mixte à la peine : les travaux forcés et la terre. Quelle logique a dominé : la peine ou la colonisation ? Les législateurs répondent : la peine d’abord, la colonisation après. La rigueur avec laquelle la loi est appliquée en Nouvelle-Calédonie ne peut les démentir.

L’implantation du bagne en Nouvelle-Calédonie

Alors que la Nouvelle-Calédonie avait déjà été pressentie en 1851 pour accueillir le bagne, l’idée se précise dix ans plus tard quand les premiers rapports sur le bagne de Guyane tendent à montrer l’échec de la colonisation pénale en raison du taux trop élevé de mortalité (165 pour 1000 en 1857).
Une commission est chargée par le gouvernement d’étudier les conditions requises à l’établissement d’un lieu de transportation.
Celle-ci est clairement sollicitée par les officiers en poste dans la colonie, s’inquiétant de la stagnation dans laquelle le Gouvernement a laissé cette nouvelle possession française où le chef de bataillon Testard ne recense dans un rapport établi en 1858 que 90 colons dont 61 à Port-de-France (4).
L’impulsion décisive est venue d’un autre officier de Marine, Charles Guillain, nommé premier gouverneur en titre en 1861, en poste à Port-de-France le 1er Juin 1862. Ses dépêches et ses rapports sont enfin entendus et le 2 septembre 1863, Napoléon III signe à Saint-Cloud un décret qui autorise la création en Nouvelle-Calédonie d’un établissement pour l’exécution de la peine des travaux forcés.
Le premier convoi de 250 bagnards quitte la rade de Toulon à bord de l’Iphigénie le 6 janvier 1864. Ils sont accueillis à Nouméa par Charles Guillain le 9 mai 1864 par ces mots :

« Ouvriers de la Transportation,
Vous êtes envoyés en Nouvelle-Calédonie pour participer aux travaux importants à exécuter dans la colonie, je vous y attendais impatiemment …. » […]. « Votre conduite ici peut faire oublier les funestes égarements … » […]. « Mais autant je suis disposé à l’oubli du passé, autant aussi je suis décidé à exiger désormais de tous le strict accomplissement du devoir… ». (5)

74 autres convois se succèdent jusqu’en 1897, au total quelques 22 000 immatriculés à la transportation subissent dans l’île la peine aux travaux forcés.
Le bagne est organisé en 3 types d’établissements dans lesquels le condamné est censé évolué en trois étapes :

  1. La répression dans les pénitenciers (celui de l’île Nou, de Montravel et de l’île des Pins après le départ des déportés politiques) et les camps de travail (dans la ville et en brousse le long des routes) où il est employé aux travaux les plus pénibles. Son obéissance sans condition et la qualité de son travail lui permettent de s’amender.
  2. L’administration le place alors progressivement à la 1re classe (il y en a 5 au total), elle peut l’autoriser à s’engager chez un particulier (comme « garçon de famille » par exemple) ou dans l’administration. Elle peut lui accorder aussi, à sa demande, une concession de terre provisoire (elle devient définitive à sa libération) dans un centre agricole (quatre sont fondés à Bourail en 1867, à La Foa en 1876, au Diahot en 1880 et à Pouembout en 1883), le droit de se marier ou encore la possibilité de faire venir sa famille depuis la métropole.
  3. Le condamné arrive alors au terme de son parcours, peut commencer alors sa réhabilitation qui n’est effective qu’à sa libération. (6)

Les bagnards et les travaux d’intérêt général

« Contribution des bagnards à l’édification de la ville de Nouméa » (7)
Si pendant les premières années du bagne jusqu’en 1879, les condamnés sont surtout utilisés à construire tous les bâtiments destinés à accueillir la transportation à l’île Nou, ils contribuent par la suite, de manière conséquente, à la mise en oeuvre du plan d’urbanisme établi par le service civil des Ponts et Chaussées, doté alors de moyens ridiculement modestes.
Parmi les travaux les plus spectaculaires, on peut citer l’arasement de la butte Conneau qui débute en 1875 pour être achevé en 1877. L’opération occupe 250 à 300 condamnés, la terre arrachée à la colline, qui gênait la circulation et les installations portuaires, a servi à combler plus de 12 ha de marécages salins dans la ville.
Les autres opérations d’envergure sont l’adduction d’eau de la ville par une conduite tirée depuis Yahoué, l’ouverture des principales rues de Nouméa, la construction des quais, l’édification des principaux bâtiments publics (cathédrales, temple, gendarmerie, logements des officiers…), construction du réseau télégraphique, des routes carrossables qui relient le chef-lieu à Païta et au Mont-Dore.
À partir de 1873, la main-d’oeuvre pénale devient payante, 50 centimes par jour et par homme. La municipalité doit emprunter pour honorer ces dettes, l’État ne prend pas en charge les frais, selon le principe qui consiste à ce que chaque colonie se suffise financièrement. Quant à l’administration pénitentiaire, elle fait partie des services les mieux dotés de la colonie, avec une budget spécial non soumis aux règles de la comptabilité publique. Ses détracteurs lui reprochent d’ailleurs de se transformer en véritable entreprise privée et de faire de l’ombre à la colonisation libre.

Contribution des bagnards aux travaux de route à l’intérieur de la colonie.
C’est une des missions que le gouvernement donne à l’administration pénitentiaire mais ce n’est qu’au début des années 1880, sous l’impulsion du Gouverneur Pallu de la Barrière qu’un programme est vraiment engagé et que l’administration pénitentiaire s’exécute non sans devoir insister auprès de son directeur qui préfère réserver la main-d’oeuvre et ses ressources à ses besoins.
Il faut reconnaître que l’organisation de tels chantiers n’est pas simple. Dans des camps itinérants faits de tentes ou de cases démontables en bois il faut pouvoir assurer la surveillance des bagnards.
Les travaux n’ont pas satisfait les contemporains, ils sont jugés insuffisants et de mauvaise qualité. En 1894, à l’arrivée du gouverneur Feillet, la colonie ne compte que 120 km de routes, pour la plupart en mauvais état.

La contribution des bagnards au développement du capitalisme minier : les « contrats de chair humaine ».

Dans les années 1880 une campagne est lancée contre l’administration pénitentiaire par les entrepreneurs locaux reliée en France par des groupes de pression comme le Parti colonial. Elle vise à faire croire que la loi de 1854 appliquée dans la colonie a été détournée de ses principes et de ses objectifs, que la Nouvelle-Calédonie est devenue l’eldorado des forçats, que la colonisation agricole porte préjudice à la colonisation libre, ils reprochent enfin à l’administration pénitentiaire de se replier sur elle-même, de pratiquer une espèce d’autarcie dangereuse, de prétendre produire à peu près tout ce dont elle avait besoin (8) et d’imposer une concurrence sauvage aux colons libres.
Les auteurs de cette campagne font prévaloir qu’il n’est plus question de coloniser avec des bagnards mais qu’ils doivent être au service de la colonisation libre, qu’il faut utiliser la population pénale aux forages des mines, à l’extraction du nickel, ou à préparer l’arrivée des nouveaux immigrants.
Une disposition législative leur permet bientôt de disposer de centaines de condamnés, pendant des dizaines d’années, qu’ils échangent avec l’État contre des domaines fonciers ou encore des usines. Les industriels finissent même par se racheter les contrats. Parmi eux on compte La SLN, Higginson, Cardozo, et même une société étrangère, australienne. Sur le plateau de Thio, la SLN emploie certaines années jusqu’à 2 000 condamnés pour une redevance ridicule de 22 sous par jour et par homme (9).
À partir de 1890, les voix s’élèvent pour dénoncer ces pratiques en montrant qu’elles ne servent pas l’intérêt général comme le veut la loi de 1854 mais l’intérêt privé de quelques entreprises capitalistes, qui elles-mêmes avouent pouvoir ainsi baisser le coût de revient du nickel extrait et ainsi pouvoir relever la concurrence des entreprises au Canada.
Le décret du 13 décembre 1894 supprime les contrats de main-d’oeuvre aux particuliers mais comme le fait remarquer J.-Y. Mollier : « au moment où la Tentiaire rendait plus de 40 000 hectares de terres aux colons libres, la SLN possédait 100 000 hectares, remplaçant un ÉTAT dans l’ÉTAT par un autre, sans doute bien plus puissant. » (10)

La contribution des bagnards au peuplement de la colonie : les centres agricoles de concessionnaires.

Les centres agricoles de concessionnaires rentrent dans le dispositif de la loi qui vise la réinsertion du condamné puis sa réhabilitation. Ils ont aussi pour impératif de résoudre le problème des libérés dont le désoeuvrement fait courir un risque à la sécurité de la population libre.
Le condamné arrivé à la première classe ou le libéré peuvent obtenir une concession de terre à titre provisoire dans un des centres de l’île.
Les lots délimités sont d’une superficie très modeste de 4 à 6 hectares en fonction de la qualité du sol.
Pour comparaison la colonisation libre se conçoit quant à elle, sur les exploitations beaucoup plus grandes, plusieurs centaines voire plusieurs milliers d’hectares. Feillet accordera des concessions d’une vingtaine d’hectares.
Un règlement définit progressivement les droits et les devoirs du concessionnaire. Pendant les 30 premiers mois l’administration pénitentiaire lui octroie une indemnité, des outils aratoires et un trousseau de linge. Au terme de la période s’il a mis en rapport une partie de l’exploitation et construit sa maison selon les plans définis par l’administration, il peut se marier (les femmes condamnées sont prévues à cet effet au couvent de Bourail), ou faire venir sa famille de France, cette démarche est vivement encouragée. La concession ne devient définitive qu’à sa libération.
Le gouvernement compte ainsi peupler l’intérieur de la colonie qui n’attire pas les colons libres. D’ailleurs la population d’origine pénale est plus nombreuse dans l’île que la population européenne libre : en 1887 on compte 9 061 Européens issus de l’immigration libre, dont seulement 5 585 colons pour 10 547 bagnards auxquels il faudrait ajouter les familles des concessionnaires. (11)
Les condamnés et leur famille constituent jusqu’au début du XXe la première source de peuplement européen, avec un rôle d’autant plus essentiel que se sont essentiellement des « broussards » donc des ruraux, alors que la majorité des colons libres se regroupent dans le chef-lieu. (12)
Les études menées (13) sur les centres montrent un taux de dépossession important ou d’abandon après libération, mais aussi restreints soient-ils, ces groupes d’Européens isolés dans la brousse calédonienne constituent des points d’appui indispensables à la maîtrise du territoire.

Conclusion

La France décide d’arrêter les convois de transportés en Nouvelle-Calédonie en 1897, les établissements pénitentiaires sont progressivement désaffectés au début du XXe et attribués à l’administration locale mais cette époque ne montre pas de « changement dans la perception des déshérités » comme le conclut le professeur Jean-Yves Mollier. (14)
Après Feillet qui, selon ses propos « ferme le robinet d’eau salle » pour lancer un programme de colonisation agricole avec des immigrants libres, des voix s’élèvent bientôt (celle entre autres de Jules Garnier) pour exiger la dépossession des concessionnaires d’origine pénale et l’expulsion des libérés afin que leur terre soit attribuée à de nouveaux immigrants. Parallèlement, dans la notice destinée aux visiteurs de l’exposition universelle de 1900, Jean Carol se félicite de la disparition prévisible de « la race canaque ».
Comme Jules Garnier quelques temps auparavant, on se prend alors à rêver « d’une Nouvelle-Calédonie d’un million d’habitants, où Kanak, transportés et relégués sont chassés après avoir rempli leur mission historique, préparer les terres pour la colonisation, pour les premiers, bâtir les infrastructures et assurer la formation du capital primitif pour les seconds. » (15)
Cette analyse historique permet à J.Y. Mollier, en 1993, de terminer son article sur ces mots : « Canaques et victimes de l’histoire ne savaient pas nécessairement qu’ils subissaient les mêmes contraintes mais le temps viendrait où il leur faudrait ensemble regarder le passé, l’analyser sans préjugé, tenter de le comprendre pour se forger une identité nouvelle. » Il y voit là la grandeur du métier d’historien.

NOTES

(1)-Introduction à l’histoire pénale de la France, collectif d’auteurs, Privat, Paris, 1991,expression d’André Zysbert citée dans Louis-José BARBANÇON, L’archipel des forçats, Histoire du bagne de la Nouvelle-Calédonie (1863-1931), Presses universitaires du Septentrion, 2003, p 86
(2)- cité par Louis-José BARBANÇON, L’archipel des forçats, Histoire du bagne de la Nouvelle-Calédonie (1863-1931), Presses universitaires du Septentrion, 2003
(3)- Louis-José BARBANÇON, L’archipel des forçats, Histoire du bagne de la Nouvelle-Calédonie (1863-1931), Presses universitaires du Septentrion, 2003, p 72.
(4)- Ibidem, p 78.
(5)- Pour le discours complet voir Michel Reuillard Les Saint-simoniens et la tentation coloniale : les explorations africaines et le gouvernement calédonien de Charles Guillain (1808-1875), 1995, Étude, L’harmattan, Paris 1995.
(6)- Pour plus de détails, voir la présentation générale des établissements pénitentiaires pp.10 à 33 dans La colonisation pénale en Nouvelle-Calédonie. L’exemple des concessionnaires de Pouembout, 1883-1895. Debien Cynthia, Collection mémoires et thèses, CDP de Nouvelle-Calédonie, février 1992.
(7)- Pour plus de détails, voir, Les bâtisseurs, catalogue de l’exposition, publication de la ville de Nouméa, article intitulé « Contribution de la main-d’oeuvre pénale à l’édification de la ville de Nouméa », par l’association La Nouvelle (société des descendants de bagnards). Voir aussi, La belle au bois dormant, regards sur l’administration coloniale en Nouvelle-Calédonie de 1874 à 1894, publication de la SEH, N°8, Nouméa 1974.
(8)- Article de Jean-Yves Mollier dans : Le peuplement du Pacifique et de la Nouvelle-Calédonie XIXe siècle, actes du colloque universitaire, L’Harmattan, p 55.
(9)- Pierre Gascher, La belle au bois dormant, regards sur l’administration coloniale en Nouvelle-Calédonie de 1874 à 1894, publication de la SEH, N°8, Nouméa 1974, p 170.
(10)- Le peuplement du Pacifique et de la Nouvelle-Calédonie XIXe siècle, actes du colloque universitaire, L’Harmattan, p 62
(11 ) Pierre Gascher, La belle au bois dormant, regards sur l’administration coloniale en Nouvelle-Calédonie de 1874 à 1894, publication de la SEH, N°8, Nouméa 1974, p 79
(12) Pour le détail par arrondissement voir ibidem p 78/79.
(13) - Mémoires de maîtrise de Nicolas Dubuisson sur La Foa et de Debien Cynthia sur Pouembout publiés par le CTRDP en 1992.
(14)- Le peuplement du Pacifique et de la Nouvelle-Calédonie XIXe siècle, actes du colloque universitaire, L’Harmattan, p 63
(15)- Ibidem, p 64

 Documents :

Document 1 : extraits de la loi sur l’exécution de la peine des travaux forcés du 30 mai 1854.

Napoléon, par la grâce de Dieu et la volonté nationale, Empereur des Français, à tous présents et à venir, salut.
Avons sanctionné et sanctionnons, promulgué et promulguons ce qui suit :
Le Corps Législatif a adopté le projet de loi dont la teneur suit :
Article premier. La peine aux travaux forcés sera subie, à l’avenir, dans des établissements créés par décret de l’Empereur, sur le territoire d’une ou plusieurs possessions françaises autre que l’Algérie.
Article 2. Les condamnés seront employés aux travaux les plus pénibles de la colonisation et à tous autres travaux d’utilité publique.
Article 3. Ils pourront être enchaînés deux à deux ou assujettis à traîner le boulet à titre de punition disciplinaire ou par mesure de sûreté.
Article 4. Les femmes condamnées aux travaux forcés pourront être conduites dans un des établissements créés aux colonies ; elles seront séparées des hommes et employées dans des travaux en rapport avec leur âge et leur sexe.
Article 6. Tout individu condamné à moins de huit années de travaux forcés sera tenu, à l’expiration de sa peine, à résider dans la colonie dans un temps égal à la durée de sa condamnation. Si la peine est de huit années, il sera tenu d’y résider toute sa vie. Toutefois, le libéré pourra quitter momentanément la colonie, en vertu d’une autorisation expresse du gouverneur. Il ne pourra en aucun cas, être autorisé à se rendre en France. En cas de grâce, le libéré ne pourra être dispensé de l’obligation de résidence que par une disposition spéciale des lettres de grâce.
Article 11. Les condamnés des deux sexes qui se seront rendus dignes d’indulgence par leur bonne conduite, leur travail et leur repentir pourront obtenir
1° l’autorisation de travailler aux conditions déterminées par l’administration, soit pour les habitants de la colonie, soit pour les administrations locales.
2° une concession de terrain et la faculté de le cultiver pour leur propre compte.
Cette concession ne pourra devenir définitive qu’après la libération du condamné.
Article 12. Le gouvernement pourra accorder aux condamnés aux travaux forcés à temps l’exercice, dans la colonie, des droits civils ou de quelques-uns de ces droits, dont ils sont privés par leur état d’interdiction légale.
Article 13. Des concessions provisoires ou définitives de terrains pourront être faites aux individus qui ont subi leur peine et qui restent dans la colonie.

Délibéré en séance publique, à Paris, le 30 mai 1854.
Le président, Billault
Les secrétaires, Joachim Murat, Edouard Dalloz, Baron E. Chassériaux.

Document 2 : extraits des dépêches ministérielles dans les années 1880.

« Je ne saurais trop vous recommander, M. le gouverneur, de tenir la main à ce que la colonisation pénale soit encouragée et soutenue par tous les moyens possibles, et je vous serai obligé en conséquence, de donner des ordres précis aux fonctionnaires placés sous vos ordres. La mise en concession des transportés qui remplissent les conditions exigées par le décret disciplinaire du 18 juin 1880 doit faire l’objet de tous vos efforts. C’est en facilitant l’essor de la colonisation pénale que vous seconderez utilement les intentions du département, qui s’impose de lourds sacrifices pour parvenir à ce but ».

Dépêche ministérielle du 15 mai 1882, notice sur la transportation 1882-1883 p.338

« Vous ne devez pas perdre de vue que l’oeuvre principale qui s’impose à votre administration est celle de la transportation, dont la loi a confié l’exécution à mon département. Bien que pourvue d’une population libre, industrieuse, adonnée aux travaux agricoles, aux transactions commerciales, et digne d’encouragement, la Nouvelle-Calédonie est avant tout une colonie pénitentiaire ».

Instruction du ministre au gouverneur Pallu de la Barrière, 29 juin 1882, archives ministérielles modernes, carton 25.

« Je ne saurais trop insister, Monsieur le Gouverneur, sur la nécessité de hâter la mise en concession des transportés parvenus à la première classe et de favoriser leur mariage ou leur réunion avec leur famille : ces sortes d’autorisation doivent être accordées très largement, elles sont un puissant moyen de moralisation, en même temps qu’elles activent le développement de la colonisation pénale ».

Dépêche ministérielle du 24 janvier 1883 au sujet du départ du convoi de femmes condamnées, embarquées sur le bâtiment de commerce l’Océanie, notice sur la transportation 1882-1883 p.46

« J’ai constaté avec regret que sur 3 000 individus environ portés sur l’état nominatif des transportés de la première classe, il n’y a que 208 concessionnaires. J’appelle toute votre sollicitude, Monsieur le Gouverneur, sur cette question fâcheuse et je vous prie d’encourager et de provoquer, par tous les moyens en votre pouvoir, les demandes d’envois en concession. »

Ibidem

Document 3 : la colonisation pénale en Nouvelle-Calédonie, son implantation et ses effectifs dans les années 1880.

La colonisation pénale en Nouvelle-Calédonie
Barbançon Louis-José, L’archipel des forçats. Histoire du bagne de Nouvelle-Calédonie (1863-1931), Presses Universitaires du septentrion, 2003.

 ANNEXE 2

Document 1 : Auguste forçat-pionnier à Pouembout. Fiche descriptive du concessionnaire provisoire.

Centre de Pouembout
Section de la rive gauche
Lot rural n°73
N°2978, Auguste, Jules
condamné à perpétuité, marié à Bourail le 9 Juin, avec Marie, libérée n°100, arrivé dans la colonie le 3 juin 1871, mis en concession le 13 février 1883, en cours de peine, concessionnaire provisoire.
Renseignements divers sur le concessionnaire : Auguste, Jules, fils de Barthélémy, Auguste et de Rosalie, né le 22 février 1842, à Alais, arrondissement du Gard, domicilié au même lieu, profession de journalier. Condamné à Nîmes assises du Gard le 22 février 1869, à perpétuité pour : homicide volontaire avec préméditation et guet-apens sur son oncle.
Condamnation antérieure : néant, condamnation dans la colonie néant. Grâces obtenues le 21 juin 1881, la peine perpétuelle commuée en celle de 20 ans. 1889, grâces générales : remise de 4 ans.
Marié à Bourail, le 9 juin 1886, à Marie libérée le 12 juillet sous le n° 100.
Enfants : Raymond, né le 15 décembre 1878, en France (reconnu) ; Jules Clément, né le 4 octobre 1887 ; Louise, Marie, née le 23 octobre 1888 (décédée), Anna née en 1889, Anaïs en 1891 et Edouard en mars 1893.
Très bon travailleur, caractère difficile.

Registre établi par l’administration pénitentiaire en 1895, Archives ministérielles anciennes, série H : administration pénitentiaire coloniale, carton H 831, centre de Pouembout.

Commentaire :

Dans ce registre est répertorié chaque lot délimité sur le domaine pénitentiaire de la région, avec les renseignements concernant le propriétaire en 1895 et sa concession (document suivant). On peut aussi connaître l’identité de tous les occupants qui l’ont précédé, ce qui permet d’évaluer la solidité de l’implantation.
Ce type de registre a été établi dans chaque centre pénitentiaire, il fait un état des lieux de la colonisation pénale à l’heure où il est justement question d’arrêter les convois de transportés sur la colonie et de relancer la colonisation libre (politique mise en oeuvre de Feillet).
Le nom de famille du condamné qui apparaît sur le document officiel a été retiré du document ici fourni.

Document 2 : une concession rurale à Pouembout, descriptif de l’exploitation.

Une concession rurale à Pouembout
Registre établi par l’administration pénitentiaire en 1895, Archives ministérielles anciennes, série H : administration pénitentiaire coloniale, carton H 831, centre de Pouembout.

Transcription :

Nature et qualité du terrain : sablonneux, bonne qualité.
Produits cultivés : 2 000 caféiers en rapport, maïs, haricots, manioc, jardinage.
A récolté en 1894 : 20 sacs de maïs, 10 sacs de haricots, 450 kg de café vendu 2 fr 50 le kilo.
A vendu pour 250 fr de légumes, et 300 fr de porcs et de volailles pour l’année 1894.
Constructions élevées : case en torchis couverte en tôle, 7 mètres sur 4 mètres, 2 pièces, véranda autour, hangar de 11 M sur 6 M couvert en paille, cuisine couverte en paille, écurie couverte en tôle 6 M sur 4 M, poulailler, porcherie, puits, (en bon état).
Matériel agricole servant à l’exploitation de la concession : voiture à cheval, charrue, herse, égrenoir, et outillage accessoire complet. (il s’agit de celui distribué gratuitement par l’administration, essentiellement des outils aratoires).
Animaux : de basse-cour : 70 ; porcs : 28 ; chevaux : 1 jument 2 poulains
Valeur de la concession : du lot : 1500 fr ; des constructions : 1500 fr ; du matériel : 600 fr ; des animaux : 1640 fr ; ensemble : 5240 fr
Revenu annuel : 4200 à 1500 fr
Situation de fortune du concessionnaire : très bonne situation.


titre documents joints

Pouembout, un centre de colonisation pénale à la fin du XIXe siècle

20 décembre 2019
info document : PDF
1.1 Mo

Document d’accompagnement des programmes adaptés d’histoire de 1re générale (thème N° 3 – Chapitre 4).


Contact | Statistiques du site | Espace privé | | Visiteurs : 568 / 1263991 Suivre la vie du site fr  Suivre la vie du site S’informer  Suivre la vie du site Programmes et accompagnements  Suivre la vie du site AIDE A LA MISE EN OEUVRE AU LYCEE   ?