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La civilisation kanak de l’an mil à l’arrivée des Européens

lundi 17 avril 2023 par Patrice FESSELIER-SOERIP

 Chapitre 1

Chapitre 1 – 1000 après J.-C., émergence d’une civilisation océanienne singulière, la civilisation kanak.
Problématique – Quels sont les éléments qui caractérisent cet ensemble culturel qui émerge deux mille ans après le début du peuplement Lapita de la Nouvelle-Calédonie ?

 I – La terre, un espace politique social et un enjeu d’appropriation et de rivalités

Document 1 – Structurer l’espace (Bourail)

Le deuxième millénaire après J.-C. a vu le développement de l’Ensemble culturel traditionnel kanak. Celuici a été marqué sur le domaine de Deva par une occupation plus dense des collines du domaine, avec la création de hameaux et l’intensification de l’utilisation des sols pour des cultures horticoles. Cette période est également caractérisée par un changement dans le mode d’occupation de la plaine littorale, les installations épisodiques des millénaires précédents prenant progressivement un caractère pérenne.
À partir du début du deuxième millénaire après J.-C., les signes d’une intensification globale de l’occupation de la région de Deva se multiplient. Des tertres surélevés, portant des cases rondes à poteau central, ont progressivement été érigés sur les lignes de crêtes propices, ainsi qu’au-dessus des niveaux d’inondation des rivières dans certaines zones des plaines. Dans certains cas, quelques dizaines de tertres étaient construits, formant des hameaux regroupant plusieurs familles. Si ceux-ci étaient généralement des lieux de vie, certains devaient également être des centres politiques plus importants.

Christophe SAND, Malia TEREBO, Louis LAGARDE, Le Passé de Deva, Archéologie d’un domaine provincial calédonien, Archéologie Pasifika 2, 2013.

Document 2 – Organiser l’espace (Touho et Ponérihouen)

Exemple d’hameau kanak en allée centrale sur une ligne de crête dans la vallée de la Tiwaka (Tuo Cèmuhî)
Source : Émilie DOTTE-SAROUT, Christophe SAND, Jacques BOLE, André-John OUETCHO, Archéogéographie et processus de territorialisation pré-contacts au Nord de la Grande Terre, Journal de la Société des Océanistes, n°136-137, 2013
Tertres d’un ancien hameau dans la haute Tchamba (Câba à Pwäräiriwa)
Source : Christophe SAND

Document 3 – Réguler les espaces fonciers (Grande Terre)

Suite à une augmentation progressive de la population, des problèmes de propriété foncière ont commencé à apparaître. Chaque famille d’horticulteurs devait avoir un domaine foncier vaste afin de ouvoir pratiquer des jachères dépassant 10 ans. En effet, l’utilisation intensive de la technique de brûlis finit par appauvrir les sols entrainant la limitation progressive des terres cultivables. Ceci a nécessairement entrainé des conflits et la mise en place progressive d’ensembles politiques régulant les espaces fonciers.
Un des moyens de marquer au sol ces limites était de réaliser un bornage, en identifiant le propriétaire avec des signes. Le développement d’une partie des pétroglyphes de la Grande Terre à partir du premier millénaire après J.-C. peut s’expliquer par cette nécessité de définir les espaces fonciers, même si leur signification dépasse largement la notion de bornage.

Source : d’après Christophe SAND, Jacques BOLE et André OUETCHO, Les cahiers de l’archéologie, volume 8, « Traces, 3000 ans de patrimoine archéologique calédonien », Service territorial des musées et du patrimoine, Département archéologie, 1999.

Document 4 – Ancrer un clan dans un nouveau territoire (Ponérihouen)

L’arrivée du clan Näbai (devenue Nâaucùùwèeè) dans la vallée de Göièta (Pwäräiriwa).

Téâ Méapôô ou Téâ Nànyàrâmî est l’ancêtre d’une partie des Bai, des Nâbai. Il est parti du mont Gôrôârâtua. Nânyarâmî est le nom de l’endroit où il a fait sa case et Méapôô est le nom de l’endroit autour. À l’époque, il n’y avait pas la forêt comme maintenant, il y avait juste cette liane mî, d’où le nom de l’endroit.
Quand il est venu de là-haut, qu’il a quitté tout ceux qui étaient là-haut sur le mont Gôrôârâtua, il est donc descendu et il a bu dans un trou d’eau, au wâdo (« l’endroit pour boire »). C’était à ce moment-là le seul trou d’eau. Ceux qui sont partis de ce côté sud ont donné notamment les Gôrôwirijaa qui sont encore à Nâpwéépaa. Sur l’autre versant, côté nord, ce sont les ancêtres des Pwêêdi Pwêdaa, des Wénaé...
Il a bu dans ce trou d’eau et est parti en suivant la ligne de crête. Il est arrivé sur un sommet. Il part construire sa case au sommet. Il était toujours seul, célibataire. C’est la source du creek nàpwé Gôrôjëu.
Il a construit sur le pic, c’est Téâ Méapôô.
De là, il est reparti sur Càba plusieurs années après pour chercher une femme. Il a pris une femme Gôrôatû de Càba (Tchamba). Ses descendants sont devenus très nombreux. Ils ont construit au sommet d’une crête, à un endroit que l’on contourne aujourd’hui car tabou. Ses fils ont donc construit le tertre de Gôwéu. À sa mort, ils l’ont mis dans une grotte à cet endroit, ce qui fait que c’est devenu un cimetière sacré et donc un lieu tabou jusqu’à maintenant. Les tertres se trouvaient sur les crêtes ou à flanc de montagne de façon à dominer les vallées. C’était une question de sécurité, car la période était très troublée par des guerres et toutes sortes de conflit.

Source : d’après le témoignage oral des porte-paroles du clan recueilli par Bealo WEDOYE in Isabelle LEBLIC, Françoise CAYROL-BAUDRILLARDT, Jean-Yves Bealo WEDOYE, Étude ethno-archéologique de quelques sociétés de potiers kanak
(Ponérihouen et région de Hienghène), Rapport – Mission du patrimoine ethnologique, Ministère de la culture, 1996.

 II – L’horticulture occupe une place centrale dans le monde culturel kanak, le début des terroirs kanak

Document 5

Anciennes tarodières dans le col de la Pirogue (Païta)
Sources : Pierre-Alain PANTZ et Christophe SAND
Anciens billons d’ignames dans la basse plaine de la Tiwaka (Touho)
Sources : Pierre-Alain PANTZ et Christophe SAND

Document 6

Un pays kanak dominé par des structures horticoles
Source : Atlas de la Nouvelle-Calédonie, IRD, 2012

Document 7 – Aménager des espaces agricoles

La technique de cultures sur brûlis provoque une destruction massive de l’environnement, un appauvrissement des sols et nécessite une superficie considérable : chaque jardin n’étant cultivé qu’une fois tous les dix ou quinze ans. Sur les collines et les hautes vallées, l’augmentation de la population et les longues périodes de jachères tournantes entraînèrent des litiges sur les propriétés foncières. Il est possible que la prolifération d’une partie des pétroglyphes sur la Grande Terre, comme bornage géographique, ait été une nécessité.
Les structures en terrasse, de type tarodières, se répandent dans les basses collines de la Grande Terre. Dans les plaines et certaines vallées de la côte est, le paysage est sculpté par de longs billons horticoles surélevés, jusqu’à 1,50 m de haut, 10 m de large et plus de 100 m de long dont une partie a dû être utilisée pour la culture d’ignames : l’illustration d’une intensification majeure de l’occupation de l’espace insulaire jusqu’à la saturation parfois.
Le Ier millénaire après J.-C. a dû être une période de tensions politiques et d’évolutions sociales majeures, l’étendue des structures horticoles sur la Grande Terre semble indiquer que durant le IIe millénaire après J.-C., les sociétés avaient trouvé un équilibre politique relatif, qui leur permettait de mettre une énergie considérable dans les structures horticoles sans perpétuellement craindre leur destruction par des voisins.
La construction de murets de pierres pouvant dépasser deux mètres de hauteur dans les vallées encaissées de la côte est. Dans la région de Touaourou (Yaté), les populations avaient édifié des barrages de déviation des creeks mesurant plus de 100 m de long, 20 m de large et 4 m de haut pour assécher les marécages en bord de mer.
À Ouvéa, c’est la présence d’énormes fosses pour la culture du taro d’eau de plusieurs hectares réalisées en vidant le sable sur plusieurs mètres de profondeur afin de rejoindre la lentille d’eau douce. Cela implique le déplacement de millions de mètres cubes de sable, ce qui représente un travail physique important.

Source : Alban BENSA et Isabelle LEBLIC (dir.), En pays kanak, Ethnologie, linguistique, archéologie, histoire de la Nouvelle Calédonie, Maison des sciences de l’homme, 2000.

Document 8 - Paysage anthropique (Sarraméa)

Tarodières à proximité d'un ancien hameau dans le col d'Amieu (Ö Chönaxwéta à Xûâ Chârâmèa)

Document 9 – Définir la place de chacun

Le système horticole permettait de définir le rôle de chacun et de coordonner les différentes étapes de la vie sociale, entre les groupes responsables des activités horticoles, des activités liées à la pêche. Dans les textes anciens apparaît l’importance des surplus horticoles, cultivés en prévision des échanges coutumiers. La mise en place d’un système hiérarchisé où le « chef », personnage sacré matérialisant le calendrier horticole, était conçu comme garant des positions acquises, permettait d’éviter une grande partie des tensions.

Source : Alban BENSA et Isabelle LEBLIC (dir.), En pays kanak, Ethnologie, linguistique, archéologie, histoire de la Nouvelle Calédonie, Maison des sciences de l’homme, 2000.

 III – Des rites funéraires, symboles des interactions entre monde des vivants et monde invisible

Document 10 – Le masque de deuilleur

« Ce masque est porté dans les fêtes par un homme qui glisse sa tête de façon à garder les yeux à la hauteur de la bouche par laquelle il regarde. Il tenait généralement un morceau de bois horizontal dans sa bouche soutenant le filet. Cet homme masqué, armé d’un casse-tête causait de la frayeur dans les danses, exécutait des mimiques, mais aucune coutume ni légende ne subsistent montrant qu’il s’agissait d’une société secrète. Le masque appartient au Nord de l’île d’où il s’est répandu dans le Sud sans apporter avec lui de traditions qui expliquent son origine. »

Matériaux : bois, vannerie en fibres végétales, plumes de notou, cheveux humains, feuilles, tapa de liber1 d’écorce battu.

1 Liber : écorce intérieure d’un arbre où circule la sève.

Sources : photos du Musée du Quai Branly – Jacques Chirac et texte de Maurice Leenhardt.

Document 11 – Anciennes sépultures kanak à Deva (Bourail)


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Mise au point scientifique


La civilisation kanak de l’an mil à l’arrivée des Européens

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Activité chapitre 1


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Activité chapitre 2


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