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L’exploitation du nickel du milieu du XIXe au milieu du XXe siècle

samedi 17 juillet 2010 par Jérôme GEOFFROY

Les mutations d’une filière économique : le nickel calédonien du milieu du XIXe siècle au milieu du XXe siècle.

Dossier

I – Le développement de la filière nickel et le perfectionnement des outils de production.

A – Les transformations de l’activité minière

Document 1
Criblage (= tamisage) du minerai par des travailleurs néo-hébridais sur la mine Sans-Culotte, près de Thio, dans les années 1870 (cl. A. Hughan paru dans M.C. & J. Valette, La Nouvelle-Calédonie Terres Lointaines, Alan Sutton, 2004)

Document 2
Document 2 : Concasseur (= broyeur) de minerai à Thio en 1909 (cl. SLN paru dans Tadao Kobayashi, les Japonais en Nouvelle-Calédonie, SEHNC no48, 1992)

B – Les transformations du chargement et du transport.

Document 3
Chalands à voile en attente de chargement au pied de la mine du Plateau à Thio vers 1880 (cl. SLN paru dans Tadao Kobayashi, op.cit.)
Document 4
A partir de 1906, à Thio, le téléphérique apporte le minerai au transbordeur où est amarré un trois-mâts (coll. M. Gouge paru dans Marc Métayer, Les voiliers du nickel, Alan Sutton, 2003)

C – Les transformations industrielles.

Document 5
L’usine métallurgique de la pointe Chaleix à Nouméa en 1877 (cl. A. Hughan paru dans M.C. & J. Valette, op. cit.).
Document 6
L’usine métallurgique de Doniambo à Nouméa en 1937 (arch. SLN parue dans Le Mémorial de Nouméa 1859-1999, Planète Mémo, 2000)

II – Les difficultés des entrepreneurs et les conditions de vie des travailleurs du nickel.

A – Les difficultés de l’usine électro-métallurgique de Tao (Doc.7).

Extraits tirés de Luc Legeard, L’aventure de l’usine métallurgique de la cascade de Tao, bulletin n°149 de la SEHNC, 4° trim.2006.

  • Les plaintes affluent contre le banquier [Monsieur] de Max [financier de l’usine]. Le total des détournements va atteindre 15 millions. Il a été déclaré en faillite hier après midi par le tribunal de commerce. (18 janvier 1913)
  • Le personnel de l’usine est toujours à espérer la nouvelle d’une solution satisfaisante. On sait que l’ancienne société a été dissoute et que le syndic a rendu ses pouvoirs aux actionnaires. C’est un changement de situation complet. […] La paie [du personnel qualifié] se monte de 10 000 à 12 000 francs par mois et quoiqu’elle soit assurée actuellement par un capitaliste possédant de gros intérêts miniers dans la colonie, c’est quand même l’anxiété autour de l’usine. (5 juillet 1913)
  • Plusieurs ouvriers électriciens amenés [de France] il y a cinq ans sont partis et monsieur Sabatier, ingénieur, annonce également son départ. (23 juillet 1913)
  • Le magasinier et le charpentier Berthier s’en vont par le prochain courrier. Il tombe un peu d’eau mais pas en quantité suffisante pour actionner les turbines. (24 janvier 1914)
Extraits d’articles du Bulletin du commerce de la Nouvelle-Calédonie au sujet de l’usine de Tao
  • Il m’a été impossible jusqu’à ce jour de trouver un forgeron, pas plus à Thio qu’ici, et il me serait absolument nécessaire. (29 septembre 1916)
  • Il arrive très souvent que, par suite des variations atmosphériques, des dérangements se produisent dans la marche des fours, les matières à traiter étant très hygrométriques, par temps très humide, ce qui arrive très souvent ici. Le métal ne coule plus que difficilement surtout à l’état pâteux autour du creuset. (13 décembre 1916)
  • On a du diminuer la quantité de charbon ajoutée aux lits de fusion afin de prolonger quelque peu la durée des électrodes et reculer autant l’arrêt de l’usine. La teneur en nickel des mattes s’en ressent inévitablement et la moyenne actuelle oscille aux environs de 43 ou 44%. (19 octobre 1917)
  • La marche de fusion continue à n’être pas aussi satisfaisante que nous l’aurions voulu et les quantités de ferro-nickel produites restent très faibles. Tout cela ne laisse pas que de nous inquiéter, surtout étant donné les prix extrêmement élevés des électrodes et le déchet que laisse leur emploi. […] Les dernières électrodes reçues nous paraissent cette fois de très bonne fabrication. Elles sont tout au moins irréprochables comme aspect extérieur. (10 février 1921)
Extraits de lettres de Léon Morlot, directeur de l’usine, adressées à la direction de la SLN

Les travaux marchent avec beaucoup de lenteur par suite de l’insuffisance de la main-d’oeuvre qu’il est absolument impossible de se procurer à n’importe quel prix. Les Japonais ne veulent pas travailler dans la montagne à cause des pluies fréquentes qui diminuent leur journée de travail effective. Quant aux Canaques, il faut les payer presque aussi cher que les Japonais. Il est inutile de compter sur eux car à tout instant, ils se déclarent malades et lâchent leur besogne pour se chauffer, d’où un rendement désastreux.

Extrait d’un rapport de monsieur Tribot, directeur des travaux, adressé à la SLN (15 mars 1918)
Usine de Tao
Les vestiges de la centrale électrique de Tao aujourd’hui : roues Pelton, génératrices démontées, excitatrices rouillées.
(cl. P. Schaff paru dans Luc Chevalier, L’or vert, La Martinière, 1996)

B – Les conditions de vie des travailleurs du nickel.

Document 8 : Livret de travail de Lolole, néo-hébridais âgé de huit ans, en 1877 (paru dans Dorothy Shineberg, La main d’œuvre néo-hébridaise en Nouvelle-Calédonie, SEHNC, 2003)
Document 8

Doc.9 : plainte d’immigrés japonais (paru dans Tadao Kobayashi, op. cit.).

Le 21 septembre 1914

Koné, Poum , mine de Kataviti,
Nouvelle-Calédonie.

Au Ministère des Affaires Etrangères du Japon,

Le contrat de travail qui nous lie par l’intermédiaire de la société « Nihon Shokumin Gôshi Kaisha », à la société des « Hauts Fourneaux de Nouméa » [Ballande] n’ayant pas été bien respecté, nous avons alerté le Consul du Japon à Sydney qui n’a rien fait jusqu’à maintenant. C’est pourquoi nous vous demandons de nous aider.
Voici les articles du contrat qui n’ont pas été respectés : […]

Achats des articles d’usage courant : nous achetons la plupart des articles d’usage courant au magasin de l’employeur mais actuellement, par rapport aux autres magasins, les prix ont augmenté énormément. Nous souhaitons donc pouvoir acheter ailleurs, mais comme notre salaire n’est pas payé, nous n’en avons pas la possibilité.

Logement : il est trop petit, mal adapté au climat et malsain. De plus, il n’a pas d’équipement sanitaire, ce qui est sordide.

Santé : pour les malades, il n’y a pas suffisamment de soins médicaux et la fourniture des médicaments n’est pratiquement pas assurée.
A partir du mois d’août, on devait distribuer de la nourriture, ce qui n’a pas été fait et nous l’exigeons. Nous demandons également que les malades obligés d’arrêter de travailler et de se faire porter « absents » ne soient pas pénalisés de 2 jours d’amende pour 1 jour d’absence.

L’eau potable : il n’y a pas suffisamment d’eau potable pour faire la cuisine dans de bonnes conditions.

Nishimura Matahei, immigré sous contrat et tous les autres.

Questions

Proposition de questionnement.

Les transformations de l’activité minière (docs1&2)

D’où semble provenir le nom de cette mine (doc.1) ? Qu’est-ce qui a changé entre 1870 et 1909 ?

Les transformations du chargement et du transport (docs3&4)

A votre avis, comment le minerai est-il chargé sur les chalands avant 1906 ? Où les chalands vont-ils alors décharger leur cargaison ?

En quoi la mise en place du téléphérique et du transbordeur améliore-t-elle la productivité ?

Les transformations industrielles (docs5&6)

Quelles différences constate-t-on entre les deux usines ?

Que peut-on en déduire concernant l’évolution de la filière nickel entre 1877 et 1937 ?

Les difficultés des entrepreneurs (doc.7)

Classez les obstacles rencontrés à Tao selon qu’il s’agit de problèmes techniques, de difficultés financières ou de questions de main-d’oeuvre (vous pouvez souligner le texte de trois couleurs différentes).

Résumez en trois phrases les difficultés de l’usine de Tao.

Les conditions de vie des travailleurs (docs8&9)

Ce livret (doc.8) rappelle les obligations des deux parties : l’engagiste (=employeur) et l’engagé (=employé). Comment appelle-t-on ce type de document juridique ?

Lolole a-t-il droit aux quantités de nourriture indiquées ? Calculez sa durée hebdomadaire de travail en été (en heures) en supposant qu’il travaille sur mine et comparez-la avec la durée légale actuelle.

Quelles sont les deux activités économiques de l’employeur dont il est question dans le doc.9 ? A qui se plaignent les travailleurs ? Pourquoi ?

Caractérisez les conditions de vie des travailleurs de la mine à la fin du XIXe et au début du XXe siècle à l’aide de ces deux documents ainsi que du doc.1.

Corrigé

Proposition de correction.

Les transformations de l’activité minière (docs1&2)

On peut penser aux citoyens passifs de la Révolution Française !

En 1870 le travail est exclusivement manuel. Entre 1870 et 1909 est apparue la mécanisation, fondée alors surtout sur la machine à vapeur.

Les transformations du chargement et du transport (docs3&4)

Vers 1880 le minerai est sans doute chargé sur les chalands dans des sacs, à dos d’homme. Les chalands vont décharger leur cargaison sur les minéraliers à voile mouillés dans le lagon.

La mise en place du téléphérique et du transbordeur exige une main d’oeuvre qualifiée mais économise beaucoup de main d’oeuvre peu qualifiée ; elle évite ainsi une rupture de charge coûteuse (en temps et en argent), surtout lorsque l’embouchure est impraticable (rivière en crue, marée basse).

Les transformations industrielles (docs5&6)

L’usine de Doniambo est plus vaste que celle de Chaleix et doit donc traiter des volumes plus importants ; sa haute cheminée révèle un affinage plus complet du minerai ; le nombre et la variété des bâtiments suggèrent une complexification des opérations de production.

On peut penser que la filière nickel s’est considérablement développée entre 1877 et 1937, au plan quantitatif (davantage de minerai traité) et au plan qualitatif (avec un produit semi-fini plus riche).

Les difficultés des entrepreneurs (doc.7)

Pour des commentaires, voir l’article cité en référence qui est très complet sur le sujet.

Les conditions de vie des travailleurs (docs8&9)

Ce livret est un contrat de travail. Lolole n’a pas dix ans et n’a donc droit qu’à une demi ration. En dehors des agriculteurs et des domestiques, les travailleurs ont un jour de repos le dimanche. Lolole travaille six jours par semaine et douze heures par jours en été. Il travaille donc 72 heures par semaine, soit plus du double de la durée légale actuelle.

La Maison Ballande a une activité métallurgique et minière mais aussi une activité de commerce. Ses « stores » font crédit aux ouvriers et l’employeur se rembourse en prélevant les sommes dues sur leurs salaires. Ce système rend les employés encore plus dépendants de leur patron.

Les travailleurs se plaignent au gouvernement japonais car ils n’ont pas signé de contrat directement avec l’employeur, comme Lolole, mais avec une société japonaise qui les loue à Ballande. C’est donc un contrat international qui, à cette époque, relève exclusivement des relations diplomatiques.

Pas de commentaire particulier sur les conditions de vie.


titre documents joints

L’exploitation du nickel du milieu du XIXe au milieu du XXe siècle

7 août 2010
info document : PDF
1.1 Mo

DOSSIER DOCUMENTAIRE Les mutations d’une filière économique : le nickel calédonien du milieu du XIXe siècle au milieu du XXe siècle. Niveau 1STG.


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