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La Nouvelle-Calédonie durant la Première Guerre mondiale

dimanche 19 juillet 2015 par Sylvette BOUBIN-BOYER
  Sommaire  

 Le statut des Français en Océanie

La déclaration de guerre oblige les Français d’Océanie à une prise de conscience
concernant leur statut. Entre les libérés du bagne calédonien déchus de leurs droits civiques, les métis ou demis, les indigènes, les bi-nationaux, les heimatlosen d’origine allemande, etc. qui est vraiment citoyen français ? En 1914, le concept de « soldat-citoyen » puis celui de « tirailleur indigène » avec la prise en compte de la socialisation antérieure des individus montrent la complexité des pratiques sociétales des communautés humaines dans ces colonies françaises d’Océanie si éloignées de leur métropole. La Nouvelle-Calédonie, colonie française de peuplement depuis 1853 a été aussi une terre de bagne jusqu’en 1903, le condominium des
Nouvelles-Hébrides impose une double appartenance depuis 1906 et la colonisation
mouvementée des ÉFO depuis 1842 a institué plusieurs légitimités.
D’après le dernier recensement de 1911, la Nouvelle-Calédonie compte 58 098
habitants. 13 138 appartiennent à la « population blanche libre », parmi eux : 2 010 étrangers (Japonais, Australiens, Allemands, Autrichiens, Italiens, Belges,…). 5 506 citoyens français sont en âge de porter les armes. Il y a également 5 671 personnes d’origine pénale, des hommes âgés, souvent déchus de leurs droits civiques. Aux Nouvelles-Hébrides, en 1914, on compte 400 nationaux français, 450 sujets et ressortissants français, 180 nationaux anglais, 50 sujets et ressortissants anglais. On dénombre également à cette époque environ 2 000 étrangers, Italiens, Belges, Japonais… Mais ces derniers chiffres ne sont guère fiables.
Les citoyens français mobilisés sont catégorisés en deux groupes par le ministère de la Guerre :
Les Français : nés en métropole. Cette population est constituée de 4 084 fonctionnaires en poste, la plupart à Nouméa, à Port-Vila ou à Papeete, et de militaires (la Marine, l’infanterie coloniale, les gendarmes, les surveillants de la Pénitentiaire en Nouvelle-Calédonie). Ce sont aussi les colons agricoles ou des mineurs. Leurs enfants nés dans la colonie sont des créoles, bien que ce mot ne soit pas utilisé ni accepté en Océanie.
Les créoles sont nés dans la colonie ; ce sont surtout des colons de brousse. La loi de 1905 sur le service militaire et son application à partir des années 1911 en
Nouvelle-Calédonie ont tenté de mettre fin au flou concernant les déclarations de naissance, dû essentiellement à l’éloignement des foyers par rapport au bureau d’état-civil et aux nombreuses unions libres. Encore faut-il que ceux qui se croient Français et citoyens, le soient légalement. Quelques-uns descendent des premiers colons britanniques ou allemands comme les heimatlosen [15] en position délicate après la déclaration de guerre. André Hagen, né en 1894 à Nouméa de parents d’origine allemande est étudiant à Paris. Il écrit à son frère : Au fait, avons-nous encore des parents en Allemagne ? Je me rappelle vaguement t’avoir entendu
parler des tantes en Bohème. Dans la hâte des mobilisations de première heure, sa situation militaire n’est pas claire mais il affirme Tu peux avoir confiance que lorsque l’occasion se présentera et lorsque ce sera utile, je ferai mon devoir jusqu’au bout.
En Nouvelle-Calédonie ou aux Nouvelles-Hébrides, des jeunes gens découvrent leur
statut lors de la mobilisation comme François Azzaro, né en 1888 à Bourail, qui est rayé des contrôles de l’armée, classé fils d’étranger ou bien Alexandre Smitt, qui s’était cru sujet anglais, mais son acte de naissance ne faisant pas mention de la qualité d’Anglais de son père, il revendique l’honneur d’être Français. D’autres sont des métis nés de mère indigène, non reconnus par leur père européen, ils sont classés indigènes, comme Jules, né en 1900 à Koumac, fils de père inconnu et de Julie Amnius, indigène, qui est inscrit sur le registre de mobilisation. Il est ensuite rayé d’office comme indigène ou bien Alfred Peters dit Cur, né en 1898 à Canala, fils de l’indigène Louise et de père non désigné, qui demande à être excusé car son état civil n’a jamais été établi, et il ne se croyait pas astreint aux obligations militaires.
Les métis (55 pour la Nouvelle-Calédonie et les Nouvelles-Hébrides) sont-ils citoyens ou indigènes ? La réponse se fait au coup par coup dès la fin de 1916, pour devenir plus favorable à l’inscription comme « citoyen » de manière à pouvoir mobiliser ces hommes dont l’arrière et le front ont un besoin pressant.
Les mobilisés appartiennent aux classes de 1887 à 1920 : les hommes ont entre 40 ans et 18 ans. Quelques ouvriers des mines et de la métallurgie sont recrutés dans les usines d’armement tels neuf ouvriers calédoniens qui ont rejoint les usines de fabrication de chars à Saint-Chamond ou à Tarbes. Des condamnés demandent à s’engager. Après leur réhabilitation et l’accord du tribunal de Nouméa, 20 libérés partent pour la France entre 1915 et 1917 et sont incorporés dans des bataillons disciplinaires.
Tous les mobilisés ne partent pas au front. Parmi eux 102 hommes sont réformés, soit environ 8 %. Le personnel diocésain ou missionnaire mobilisé reste sur place en sursis d’appel ou est réformé. En Nouvelle-Calédonie, seuls le Père Ollier (Mariste) et le pasteur protestant de Do Neva, Paul Laffay, sont mobilisés en 1915. Les 23 autres religieux sont mobilisés sur place en 1917 dans le cadre de la répression de la révolte kanak sur la Grande Terre. De nombreux fonctionnaires de l’administration civile ou militaire travaillant pour la Défense nationale en Nouvelle-Calédonie, aux Nouvelles-Hébrides et dans les ÉFO sont mobilisés sur place. Les employés des sociétés minières ou des sociétés maritimes commerciales sont maintenus en poste sur place leur présence étant indispensable pour assurer la marche de l’usine le Nickel fournisseur des puissances alliées, tout comme ceux de la Société des Phosphates de Makatéa. Les années suivantes, les militaires, les gendarmes, les
fonctionnaires sont parfois remplacés par des blessés inaptes à retourner au front.
Le gouverneur accorde systématiquement des sursis d’appel aux inscrits maritimes
pour ne pas interrompre la navigation entre les archipels et les pays environnants.
Pendant toute la guerre, les autorités sont à la recherche d’une cinquantaine d’insoumis ou de déserteurs. Mais certains sont décédés parfois depuis plusieurs années, d’autres ont quitté la colonie ou ont disparu. Malgré tout, ce sont les territoires français océaniens qui comptent le moins de déserteurs (4 %).

 La présence des Océaniens français dans la Grande Guerre

 Les soldats au départ pour la métropole

1 040 Calédoniens dont 81 Néo-Hébridais, créoles et Français sont mobilisés ou
engagés volontaires. En 1916 et 1917, 906 Tahitiens gagnent Nouméa. Les ÉFO envoient en tout 1 080 hommes car quelques Tahitiens utilisent la voie américaine pour rejoindre la métropole. Tous ne partent pas en métropole, certains sont réformés, d’autres décèdent à Nouméa en attendant le navire.
En Nouvelle-Calédonie, dès septembre 1914, l’armée rapatrie en métropole 117
gendarmes et militaires. Quelques volontaires calédoniens et néo-hébridais partent à ce moment-là. Durant toute la guerre, on compte 51 engagés volontaires à Nouméa : parmi eux, des jeunes gens de 18 à 20 ans aussi bien que des hommes de plus de 50 ans. Ils ont devancé l’appel ou bien ils sont plus âgés que les appelés. Lors de la mobilisation générale, des Océaniens français se trouvent en métropole comme les étudiants. Ils rejoignent les centres de recrutement proches afin d’être incorporés sur place. Aucun n’utilise la possibilité offerte par la loi de rentrer dans la colonie pour faire partie des contingents océaniens. Ils sont affectés immédiatement, principalement dans les 1er, 3e et 4e RI, quelques-uns, des officiers, dans l’armée de l’air. Les étudiants sont pour la plupart sous-lieutenants et meurent dans les
premiers combats à la bataille de la Marne avant la fin août 1914 ou dans le nord jusqu’en Belgique avant la fin décembre 1914. Quelques inscrits maritimes présents sur des navires en métropole sont affectés sur des navires de guerre.
En Nouvelle-Calédonie, huit hommes sont rejetés en tant qu’étrangers : deux
rejoignent la Légion étrangère qui recueille 110 engagements à Nouméa dont 100 Japonais qui résilient leur engagement peu de temps après leur arrivée en France et rembarquent à destination du Japon. Peu d’entre eux ont donc participé à la guerre depuis Nouméa. Les Italiens et les Belges sont mobilisables en janvier 1917, parmi eux, six rejetés du début de la guerre. 17 Calédoniens et Néo-Hébridais possédant la double nationalité franco-britannique ou franco-australienne s’engagent dans les ANZAC.
Avant leur départ vers la métropole, les mobilisés assurent la défense de leur colonie
contre une menace éventuelle d’ennemis mais aussi contre les révoltes indigènes qui ont éclaté dans tous les empires coloniaux. Les années 1916 aux Nouvelles-Hébrides et 1917 en Nouvelle-Calédonie connaissent de tels événements.

 Le cas particulier des Tahitiens

À Tahiti, depuis le 27 août 1914, la compagnie d’infanterie et les mobilisés assurent la
défense de la colonie, particulièrement lorsque, le 22 septembre 1914, la flotte allemande de l’amiral Graf Von Spee bombarde Papeete, sans beaucoup de dommages ou victimes. Les mobilisés regagnent ensuite leur foyers, faute d’argent pour les entretenir. Les citoyens français des ÉFO ne sont pas les seuls à partir à la guerre. En 1915, le gouverneur Julien procède à la mobilisation des créoles citoyens français et des indigènes de nationalité française qui, par la loi d’annexion des États de Pomaré V de 1880 sont devenus citoyens français. Le 10 mai 1915, les mobilisés tahitiens des classes 1912 à 1914 sont dirigés sur la France. Entre janvier et juillet 1916, 907 soldats tahitiens arrivent à Nouméa en sept convois. D’avril à juin 1917, 173 Tahitiens arrivent en trois convois.
Au départ de Nouméa, dans les trois derniers contingents, les soldats mobilisés,
créoles ou Français sont regroupés au sein du bataillon du Pacifique. Ils sont dispersés ou séparés des indigènes à l’arrivée du navire à Marseille. En mars 1916, le pasteur Pommaret de Tahiti écrit : Le gouverneur est très content du bon esprit qui anime tous nos jeunes gens tahitiens appelés sous les drapeaux. Cependant, pour eux, le sacrifice est plus grand que pour les jeunes colons français d’origine. Beaucoup n’ont jamais quitté nos îles et ne savent qu’imparfaitement notre langue. Parmi les Tahitiens citoyens ou indigènes partis de Nouméa, les premiers intègrent principalement le 22e RIC, les autres vont ensuite faire partie du
bataillon du Pacifique puis du bataillon mixte du Pacifique (BMP).

 Les soldats océaniens au front

Incorporés dans le bataillon d’infanterie coloniale de Nouvelle-Calédonie (BICNC),
les Français et les créoles d’Océanie française vont pouvoir rejoindre la métropole à partir de 1915. Le BICNC envoie quatre « contingents » de Calédoniens, de Néo-Hébridais et de Tahitiens mobilisés en renforts de régiments coloniaux.
Ces renforts (dits contingents) embarquent tout d’abord sur le Sontay le 23 avril 1915,
appelé dans les documents officiels Premier contingent créole calédonien. Il y a là 713 Créoles ou Français, militaires ou mobilisés dont 40 Néo-Hébridais et 165 Tahitiens venus se faire inscrire volontairement dans les registres de mobilisation à Nouméa [16]. Entre eux, ils s’appellent Niaoulis. Ce contingent ne compte aucun Kanak. Durant la guerre, en tout 948 créoles calédoniens dits Niaoulis, citoyens français mobilisés quittent la colonie. Cependant, en dehors des quatre principaux convois, à de nombreuses reprises, des petits groupes de soldats, mobilisés ou indigènes partent ou reviennent via l’Australie
Les Français, à leur arrivée en métropole sont généralement envoyés dans les corps
d’armée dépendant de leur lieu de naissance. Les Créoles sont principalement des fantassins ou des artilleurs destinés à être, comme dans tous les régiments coloniaux, des Poilus en première ligne : dans l’Artois, la Somme, dans l’est de la France comme à Verdun, sur le front d’Orient (à Salonique et dans les Balkans,...) et dans bien d’autres régiments ou bataillons de combat. Quelques-uns encadrent les compagnies de bataillons indigènes : tirailleurs sénégalais, spahis nord-africains, Somalis. Ce sont ceux qui comptent le plus de morts et de blessés durant toute la guerre. Cependant, l’étude attentive des fiches de mobilisation montre une grande dispersion de tous ces hommes dans de nombreux régiments.
Quelques expériences du front pour les créoles océaniens : En 1916, les Calédoniens du 5e Régiment d’infanterie coloniale (RIC) vont donc tout de suite être dirigés sur la Somme où une offensive franco-britannique a débuté le 1er juillet [17], puis en Champagne au nord de Souain (Marne). Le 5e RIC relève en ligne le 6e RIC dans le secteur de Belloy en Santerre et Barleux (Somme) le 2 septembre. Dans la nuit du 3 au 4 septembre, les troupes prennent leur place dans le dispositif d’attaque des positions allemandes au sud-ouest de Barleux. 24 Niaoulis tombent au Champ d’honneur les 4 et 5 septembre 1916 [18] avec 122
officiers et hommes de troupe du 5e RIC et 259 officiers et hommes de troupe du 6e RIC. L’Historique du 5° Régiment d’infanterie Coloniale nous permet de constater l’horreur des combats : Ces pertes élevées suffisent à prouver l’héroïsme avec lequel officiers et soldats se sont acharnés à poursuivre un succès que l’absence de moyens d’artillerie rendait difficile. Leurs fatigues et leurs sacrifices n’auront pas été vains. Les troupes ont fixé l’ennemi, l’ont obligé à une grosse consommation d’hommes et de munitions, et ont ainsi facilité la progression d’autres unités. Signé : Général BRO [19] .
Le 4 septembre à 14 heures, le 6e RIC donne l’assaut en direction de Villers-
Carbonnel ; la tranchée Goritzia de première ligne allemande est prise rapidement. En
seconde ligne, la tranchée du Poivre se rend, elle aussi. Mais la division d’infanterie et le 5e RIC qui attaquaient le village de Barleux se replient, entraînant avec elles le 6e RIC. Une lutte acharnée dure toute la nuit entre les Allemands et les Français qui réussissent à conserver les tranchées conquises. Deux attaques françaises à 5 heures du matin et à 13 heures, le 5 septembre font échouer les contre-attaques ennemies. Les violents bombardements, les tirs de fusils ou de mitrailleuses se sont ajoutés aux corps à corps dans les tranchées. Un extrait du
journal de marche du régiment peine à nous faire imaginer l’ampleur des souffrances des hommes : L’occupation de ce secteur fut très dure en raison des bombardements violents et continuels de l’artillerie allemande et des tirs d’engins de tranchée ; de plus, l’approche de l’hiver, des pluies persistantes changent bientôt la contrée en un vaste marécage. Les hommes qui piétinent dans la boue des boyaux tombent dans les trous d’obus remplis d’eau puante et très souvent, malgré les guides, arrivent à s’égarer [20].

[15Au terme de la loi DELBRUCK du 22 juillet 1913, la nationalité allemande se perd soit par le congé, soit par l’acquisition d’une nationalité étrangère. Le séjour à l’étranger, si prolongé soit-il, ne fait pas perdre à l’Allemand sa nationalité.

[16ANOM, Registre Télégrammes 231 du gouverneur au ministre des colonies.

[17De juillet à novembre 1916, le général Joffre lance au nord et au sud de la Somme une série d’offensives sous la forme d’une bataille d’usure, pour ébranler l’armée et le front allemands. Après une avancée sensible début juillet, les armées franco-britanniques sont engagées dans une série d’attaques ponctuelles. Puis, début
septembre, l’offensive reprend avec l’utilisation des chars britanniques. Les armées franco-britanniques réussissent une nouvelle progression au nord de la Somme. En raison du mauvais temps et de l’épuisement des troupes, Joffre doit arrêter les combats qui s’enlisent. « La bataille de la Somme, première grande offensive
combinée franco-britannique, entraîna de lourdes pertes qui ne parurent pas en rapport avec les résultats obtenus : Foch, qui l’avait conduite, et Joffre qui l’avait décidée – et maintenue en dépit de la bataille de Verdun - furent écartés de leurs commandements. » D’après le Grand Dictionnaire Encyclopédique Larousse, tome 14, page 9687.

[18Dans tous les ouvrages consultés figure le nombre de 51 Niaoulis morts à Barleux. Or, d’après les archives et la consultation de la Liste Générale du Livre d’Or des Calédoniens et Néo-Hébridais « Morts pour la France », le nombre de morts aux combats des 4/5/6 septembre 1916 s’établirait à 25, auxquels s’ajoutent 2 disparus et 9 prisonniers (SHAT 12 H2). Lors de cette phase de la bataille de la Somme, sur les autres champs de bataille à Belloy en Santerre, à Assevillers, à Marcelcave, à Herbécourt, à Lassigny, à Capy ou à Villers-Carbonnel, 24 Poilus calédoniens sont décédés dans les combats au même moment. Il semble donc que le nombre de 51 regroupe les morts et les disparus de l’épisode de la bataille de la Somme entre le 4 et le 6 septembre 1916.

[19Lieutenant BOURDET, Historique du 5° RIC pendant la Grande Guerre (1914-1918), Librairie Chapelot, Paris, 1920, 200 pages, p.98.

[201914–1918, Historique réglementaire du 6° Régiment d’infanterie Coloniale, Editions Henri Charles-Lavauzelle, Paris, 1920, p.25.


titre documents joints

La Nouvelle-Calédonie durant la Première Guerre mondiale

19 juillet 2015
info document : PDF
591.5 kio

Conférence prononcée lors du stage effectué le jeudi 30 avril 2015 au Musée de la Ville de Nouméa


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