La lettre de rentrée 2010
LETTRE DE RENTRÉE…
… et de sortie
Chers collègues,
Je dois vous dire que j’ai éprouvé quelques difficultés à rédiger cette lettre de rentrée qui pour moi
présente un caractère particulier puisqu’elle est la dernière que je vous adresse avant d’être rayé des
cadres comme on le dit si joliment dans notre administration. Nous nous serons donc côtoyés, avec les
plus anciens d’entre vous, pendant vingt ans. Un bail ! Et cela crée des liens… Une page se tournera
bientôt, mais le livre que nous avons écrit ensemble durant toutes ces années est, et restera pour moi,
un très beau roman. J’espère que vous aurez globalement apprécié le co-auteur qui s’en va sur la
pointe des pieds.
Sans faire dans le grandiloquent, je pense que nous pouvons tous être fiers du travail accompli. Il
n’était pas forcément facile de mener de front le nécessaire travail pédagogique et didactique et le
chantier sur les adaptations de programmes. L’un ne va pas sans l’autre. Un contenu, aussi adapté soit-
il, n’est rien si on ne sait le faire passer auprès des élèves. Et j’estime que nous avons gagné sur tous
les tableaux. Je vous l’ai déjà dit à de nombreuses reprises et je le réaffirme aujourd’hui :
l’enseignement d’histoire-géographie délivré en Nouvelle-Calédonie est de grande qualité. J’espère y
avoir contribué à mon niveau en vous faisant passer le message de mes convictions. Mais on ne peut
réussir dans ce métier sans passion. J’ai été, et je suis encore, un passionné et j’ai rencontré chez la
plupart d’entre vous la même passion qui m’a toujours animé. C’est réconfortant. Cette passion, elle
est d’abord nourrie du sentiment d’avoir une lourde responsabilité envers des enfants et des
adolescents dont on doit assurer la formation intellectuelle et civique. Mais je pense que pour vous,
pour nous, il y a aussi autre chose. Cette autre chose, c’est la conscience que nous avons d’une identité
à affirmer, d’un pays à aider à grandir et à devenir fort, dans toute sa diversité. Et là nous touchons au
devoir que vous avez en tant que Calédoniens (ou que Métropolitains installés pour un temps plus ou
moins long en Nouvelle-Calédonie) de participer à la construction de ce pays.
Que de travail accompli depuis vingt ans ! La recherche fondamentale, pour l’essentiel assurée par les
professeurs d’histoire-géographie, a fait un bond en avant et couvre aujourd’hui l’essentiel de nos
sujets d’étude. Il lui reste sûrement encore à mûrir, à passer au stade de l’analyse critique et des
confrontations de thèses ou d’opinions en dehors de toute passion politique, mais nous avons
aujourd’hui de quoi travailler utilement pour transformer ce « savoir savant » en « savoir à
enseigner ». Mais quel savoir à enseigner en dehors du cadre des programmes métropolitains ? Ce fut
le deuxième grand volet de notre (je dis bien « notre » et pas « mon ») action. Il aura fallu porter à
bout de bras ces adaptations de programmes car l’on sait très bien que dès que l’attention se relâche on
retombe dans le pot commun des programmes nationaux. Nous nous sommes attelés à la tâche, sans
relâche, au collège, au lycée, au lycée professionnel. L’affaire n’est pas si évidente que cela. Songez
que les trois entités françaises du Pacifique sont les seules de tout l’outre-mer français à appliquer des
adaptations en lycée professionnel… C’est dire combien il nous faut être vigilants, car il est toujours
périlleux d’être des précurseurs. Dans la machine administrative, on n’aime pas forcément les têtes qui
dépassent. Signe d’inquiétude : la décision récente de l’Inspection générale d’arrêter les adaptations de
programmes en collège à la classe de quatrième, de manière à ne pas trop perturber la future
élaboration nationale des sujets de brevet. J’ai dû livrer, seul parmi mes collègues de l’outre-mer, peu
réactifs sur le sujet, un combat redoutable pour faire admettre que l’on fasse exception pour le
Pacifique. Ce combat-là est gagné, mais jusqu’à quand ? Le fait même d’imaginer que l’on puisse ne
pas adapter les programmes de troisième en dit long, à mon sens, sur le peu de cas que l’on fait à Paris
des adaptations, de leur logique, de leur utilité, de leur absolue nécessité. Il s’agit là aussi, pour aller
plus loin, d’une question de respect. Respect pour des hommes et des civilisations qui se démarquent de la Métropole. Des civilisations qui ont leurs racines complexes, leur histoire spécifique, leur
environnement original, leurs propres problématiques, même si elles s’inscrivent par ailleurs dans le
cadre de la République.
Quant à l’enseignement de l’histoire-géographie proprement dit, le message fort que j’aimerais
transmettre, au-delà de toute considération plus ou moins techniques, est qu’il doit être attractif, au
sens le plus fort de ce terme. Capter l’attention, susciter l’intérêt, la curiosité, entraîner dans un beau
livre d’images qui traverse l’espace et le temps, puis faire réfléchir… Après seulement. Puis travailler
les savoir-faire, les compétences, les attitudes… Après. D’abord avoir les élèves avec soi. Le
professeur d’histoire-géographie, j’en suis convaincu, n’est pas un professeur comme les autres. Plus
que d’autres, il doit être à la fois mentor, guide et conteur. Il doit être une ressource, une référence…
Et la leçon d’histoire ou celle de géographie doit être un plaisir sans cesse renouvelé pour des élèves
maintenus en appétit.
Vous savez tout cela. Nous en avons parlé combien de fois ?… Il est donc temps que je m’efface.
C’est le propre des vieux de radoter. Mais je suis persuadé que, si l’inspecteur va changer, le discours
variera peu.
À propos de changement, il en est un autre dont je dois vous parler. Notre webmestre, Françoise,
prend un peu de recul à compter de cette année et n’assurera plus cette mission. Je tiens ici à la
remercier vivement pour le travail qu’elle aura effectué depuis 2001 et lui souhaite pleine réussite dans
les nombreuses activités professionnelles qu’elle continue à poursuivre dans son établissement. J’ai
demandé à notre collègue Jérôme Geoffroy de prendre la succession de Françoise. Je me félicite
vraiment qu’il ait accepté et je suis convaincu qu’il saura mener à bien et avec brio cette tâche
difficile.
Mais ouvrons les dossiers brûlants de cette année…
Le point sur l’enseignement en collège
La poursuite de la rénovation des programmes de collège
Après avoir mis en oeuvre les nouveaux programmes de sixième, nous devons nous atteler à ceux de
cinquième. Au niveau des contenus, je ne me fais pas trop de souci au sujet des programmes d’histoire
et d’éducation civique, qui ne changent pas fondamentalement. Je suis plus inquiet à propos de la mise
en œuvre du programme de géographie, très novateur. Toutefois, si l’on arrive à bien maîtriser le
binôme étude de cas / mise en perspective, ce programme ne devrait pas poser de problèmes
insurmontables. Un stage de formation continue vous aidera à faire le point sur les nouvelles
questions. Nous aurons donc l’occasion d’en reparler abondamment.
Au niveau des adaptations, vous considèrerez que nous sommes toujours en expérimentation.
L’Inspection générale ne veut valider ces programmes que d’une manière globale, programmes de
troisième y compris. Or je vous ai dit combien nous avions dû ferrailler sur ces derniers. L’heure est à
l’apaisement, mais la validation se fait attendre. On peut supposer qu’elle arrivera en cours d’année.
S’il y a des modifications aux programmes expérimentaux qui ont été établis, elles ne pourront être
que minime et en aucun cas nuire à l’économie générale de l’ensemble.
L’introduction de l’enseignement de l’histoire des arts
Sur ce sujet, je vous renvoie au long développement que j’ai produit dans ces mêmes colonnes l’an
dernier. Qu’ajouter à cela ?
Que nous nous trouvons cette année devant un sérieux problème qu’en bons fonctionnaires nous allons
essayer de résoudre au mieux. Mais à l’impossible nul n’est tenu. Si l’on en croit les textes, cet
enseignement devrait être introduit à tous les niveaux du collège dès 2010, et proposé à titre
expérimental aux élèves volontaires à l’examen du brevet.
On aura compris que l’on fonctionne dans l’urgence. Et encore, en Nouvelle-Calédonie nous avons six
mois de plus pour nous préparer à l’évènement. Pour tout vous dire, en Polynésie française nous
n’avons introduit cet enseignement que dans quatre collèges dits « expérimentaux », et seulement en
classe de troisième. Et déjà à ce stade nous ne comptons pas les problèmes que nous avons rencontrés.
Il sera intéressant de faire le point sur la situation dans les académies métropolitaines. Si nous voulons
faire les choses sérieusement, nous ne pouvons tirer dans tous les coins. C’est impossible. Ma position,
et je la défendrai auprès de l’Institution, est qu’il faut savoir prendre son temps en la matière.
L’expérience est intéressante. Elle ne mérite pas d’être bâclée. Elle ne peut être imposée à tous et à
tous les niveaux sans que l’on fasse du n’importe quoi. Si cela devait être, il faudra alors se montrer
humbles et accepter de fonctionner dans l’homéopathique.
En tout état de cause, un groupe de travail interdisciplinaire, coordonné par notre collègue Laurent
Chardon, réfléchit depuis l’an dernier à la mise en œuvre de cet enseignement. Ses travaux sont
prolongés par le groupe collège en HG. Leurs premières conclusions vous seront très bientôt
proposées.
Il se posera également le problème des modalités d’évaluation au brevet, sur lesquelles nous avons du
mal à nous mettre d’accord les uns et les autres. Dossier à suivre. Je vous en reparlerai ultérieurement.
Le socle commun
Le socle sera complètement pris en compte au DNB 2011, c’est-à-dire l’an prochain (arrêté du 9 juillet
2009, BO 31 du 27 août 2009). À cette date, disparaîtront les évaluations en langues (A2) et en
informatique (B2i), incluses dans les piliers du socle.
Le socle a une double finalité :
- fixer des objectifs à atteindre pour les élèves et donc les aider à progresser dans les apprentissages
fondamentaux ; - permettre aux professeurs de déterminer leurs propres objectifs d’enseignement, de réfléchir aux
procédures de travail à mettre en place pour accompagner leurs élèves à la réussite.
De fait, « le socle interroge autant les compétences des professeurs que celles des élèves » (Philippe
Claus).
Mais comment évaluer les compétences du socle ? Du pilier 5 en particulier ? Aucune réponse précise
ne nous est donnée. N’est-ce pas un faux problème ? Une ultime usine à gaz ? Car enfin, dès l’instant
où la non validation d’un pilier entraîne la non validation du socle et donc l’échec au brevet, on s’y
reprendra sans doute à deux fois avant de prononcer la sentence – couperet. Mais on risque d’assister à
de belles foires d’empoigne dans les salles des professeurs, untel jurant qu’il faudra lui marcher sur le
corps pour qu’il valide le pilier de tel élève, alors que son collègue le donne à tout le monde… En tout
état de cause, méfiez-vous des grilles trop sophistiquées qui empêchent de voir l’essentiel.
Le brevet
La réforme du brevet traîne encore… On avance, mais la maquette de l’épreuve d’histoire-géographie
n’est toujours pas connue. Elle devrait se rapprocher, en plus simple, de ce qui est appliqué en lycée
dans les séries technologiques.
Pour les dernières réformes de cet examen à géométrie de plus en plus variable, faisons le point
suivant :
- 2006 : introduction des mentions
- 2007 : introduction de la note de vie scolaire
- 2008 : introduction des notes éliminatoires de A2 et de B2i
- 2009 : pause…
- 2010 : introduction de l’histoire des arts (sigle : HiDA) à titre expérimental
- 2011 : introduction de l’HiDA et de la référence au socle commun, et donc disparition de
l’A2 et du B2I (compétences prévues par le socle).
On pourrait imaginer en 2012 une épreuve spécifique sur l’épreuve du brevet elle-même… Il y aurait
matière.
Cette année donc est introduite, de manière facultative, une épreuve d’HiDA. Les élèves volontaires
pour passer l’examen récupèreront les points au-dessus de la moyenne, affectés d’un coefficient 1. Si
l’on obtient 17, on bénéficie de 7 points supplémentaires. Si l’on obtient 9, on n’est pas pénalisé.
Il s’agit là de mesures transitoires puisque dès l’année prochaine l’HiDA sera obligatoire à tous les
niveaux d’enseignement (elle l’est déjà, en théorie tout du moins) et fera l’objet pour tous les élèves
d’une épreuve orale en cours de formation, affectée du coefficient 2.
Je voudrais enfin faire le point sur les épreuves du brevet de l’an passé. J’avais fait savoir par le canal
de la lettre de rentrée 2009, ainsi qu’au moment des stages de formation continue mon souhait de faire
modifier les modalités de correction à cet examen, qui me paraissaient ne pas présenter toutes les
garanties de sérieux et d’équité. Dans ma lettre de rentrée, il me semble avoir été fort clair : « je
souhaite que seuls les professeurs titulaires enseignant en troisième corrigent le brevet et je souhaite
également que le nombre de copies par correcteur soit sérieusement revu à la hausse. Il me semble
raisonnable, comme cela se fait partout (en Polynésie française en particulier) qu’un correcteur au
brevet corrige au minimum 70 copies (et non 36 comme actuellement). Être moins nombreux à
corriger plus de copies rend la correction plus juste, limite les écarts d’évaluation, sans que cela
représente une charge de travail excessive (on ne dépassera pas deux jours de correction) ».
Durant les mois qui ont suivi cette mise au point, je n’ai eu aucune réaction, et quelle n’a pas été ma
surprise de recevoir à la mi-décembre le courrier d’un syndicat que je ne nommerai pas, critiquant ces
modalités et se permettant de dire : « nous avons été avertis par la bande que seuls etc… », « les
enseignants ayant été mis devant le fait accompli… ». J’en ai donc déduit (à juste titre) que les
membres de ce syndicat ne lisaient pas mes lettres de rentrée et ne participaient pas aux stages…
Lorsque l’on ne s’intéresse pas à la vie de la discipline, il me semble que l’on est mal venu d’en
critiquer le fonctionnement. J’insiste : ces mesures sont justes, et qu’on ne vienne pas me parler de
surcharge de travail quand on demande à des enseignants de collège de consacrer deux à trois jours au
lieu d’un à un et demi aux corrections d’examen. Leurs collègues des séries générales de lycée
consacrent une semaine pleine aux corrections du baccalauréat. Par contre, j’ai été sensible à la
requête de certains collègues qui, bien que n’enseignant pas en troisième, souhaiteraient corriger les
épreuves. J’ai ainsi demandé au service des examens d’enregistrer ces collègues dans les effectifs de
correcteurs. Il leur suffira de se faire connaître auprès d’Isabelle.
Ces remarques étant faites, je tiens à remercier tous les correcteurs de la session 2009, qui ont effectué
un travail remarquable, sans qu’il y ait les défections annoncées par le susdit syndicat.
Le point sur les nouveaux programmes de lycée
Les nouveaux programmes de seconde en série générale et technologique
À la suite de la concertation nationale, ces programmes ont évolué depuis le premier projet. Je vous en
fais ici une exégèse un peu rapide.
Tout d’abord, nous sommes confrontés au manque de visibilité par rapport aux nouvelles dispositions
concernant le cycle terminal. Ensuite, se pose le problème de la prise en compte des apprentissages
méthodologiques, suite à la disparition de l’enseignement modulaire. On signalera toutefois que la
mise en place du dispositif d’accompagnement personnalisé devrait pouvoir atténuer cette difficulté.
En histoire, le fil conducteur s’appuie sur les Européens, plutôt que sur les notions d’héritage ou de
fondements de civilisation. Cet européocentrisme nous pose évidemment problème en Océanie. Notre
tâche d’adaptation ne va pas s’en trouver facilitée. Vous constaterez par ailleurs que le programme est
très ouvert, donne de nombreuses possibilités de choix et a été réduit par rapport à la mouture
originelle (on est passé de 14 à 9 questions).
En géographie, les changements ont été moins importants. On rappellera que le programme de
géographie s’organise autour de quelques points-clés :
o Inscription explicite de la géo dans les sciences humaines et sociales (hors géo physique)
o Programmes problématisés dans leur fil conducteur et pour ch aque question…
o Place réelle à la démarche inductive (EDC)
o Recentrage sur les territoires à toutes les échelles en donnant une place normale à la
France et aux territoires de proximité
o Recentrage sur la mondialisation et la géostratégie
o On insiste encore sur le développement durable.
À nous, à présent, de nous pencher sur les adaptations à envisager. Celles-ci devraient se résumer, en
géographie, au développement de quelques études de cas régionales. Pour l’histoire, l’affaire sera plus
compliquée et nous demandera un travail de réflexion plus approfondi. Ceux d’entre vous qui ont des
idées et qui ont envie de les faire partager ne doivent pas hésiter à demander à rejoindre le groupe
lycée. Nous aurons besoin de toutes nos forces vives pour avancer.
Le projet de programme de première en série générale et technologique
Tous les élèves ont le même programme mais seuls les élèves de S passent l’examen. Je ne puis vous
donner que les grandes lignes de ce programme, qui passera sous peu à la consultation et donc risque
d’être remanié.
Histoire : questions pour comprendre le XXe siècle
Le fil conducteur est d’aborder des questions jugées indispensables à la compréhension de l’histoire du monde,
de l’Europe et de la France. Chaque question est problématisée, de manière à éviter la dérive de l’exhaustivité.
Les grands thèmes envisagés seraient :
- croissance économique, mondialisations et mutations des sociétés depuis le XIXe siècle.
- la guerre au XXe siècle
- les totalitarismes
- colonisation et décolonisation
- les Français et la République
- l’Europe en construction.
Géographie : France et Europe, dynamique des territoires dans la mondialisation.
Le fil conducteur consiste à étudier les territoires de la France et de l’Europe dans le contexte de la
mondialisation, qui constitue la toile de fond du programme.
- comprendre les territoires de proximité
- la France : aménager et dév elopper les territoires
- l’UE, dynamique de développement des territoires
- France et Europe dans le monde.
Les nouveaux programmes de seconde bac pro
Une petite merveille que ces programmes. On dirait qu’ils ont été faits pour le Pacifique. On peut les
accepter comme tels pour l’essentiel. Faites-vous plaisir et faites plaisir à vos élèves. Je sais que
certains d’entre vous éprouvent des difficultés avec la question sur l’Humanisme et la Renaissance. Il
n’y a aucune raison de ne pas pouvoir intéresser les élèves sur ces questions passionnantes. Il vous faut
trouver les bons angles d’attaque. Cela viendra avec l’expérience : cette question est nouvelle pour
vous et il vous faut en prendre la mesure. D’ores et déjà sachez que vous disposez d’une très grande
liberté pour l’aborder, profitez-en.
En ce qui concerne le BEP, il n’y aura plus d’examen terminal à compter de la rentrée prochaine (le
temps d’écluser les ex-seconde BEP), mais un CCF. Le seul examen que vont passer vos élèves de bac
pro nouvelle formule est… le bac.
Et la réforme des lycées à partir de la rentrée de février 2011 ?
À la rentrée de février 2011 (septembre 2010 pour la métropole) sera mise en place la réforme des
lycées, si longtemps repoussée. Cette réforme nous intéresse au plus haut point car l’histoire-
géographie se trouve en première ligne sur bien des projets.
La suppression de l’enseignement de l’histoire-géographie en série « S » et ses conséquences
Dans les nouvelles grilles horaires des classes du lycée, on constate un certain nombre de nouveautés :
3 heures d’HG en classe de seconde, mais avec disparition de l’enseignement modulaire, 4 heures pour
les trois séries en classe de première et 4 heures en terminale L et ES, alors que les S voient cet
enseignement devenir optionnel sur 2 heures.
Il me paraît difficile de ne pas revenir sur la quasi-suppression de l’enseignement de l’histoire-
géographie en série « S ». Cette décision qui a profondément choqué le petit monde de l’histoire-
géographie et, peut-être un peu aussi, la société civile, est une première en 150 ans d’enseignement en
lycée. Cela signifie, pour être clair, que la plupart des élèves qui vont demain prendre les commandes
politiques ou économiques du pays n’auront pas eu de cours d’histoire en terminale, à un âge où
beaucoup s’ouvrent aux affaires du monde. Cette mesure est une catastrophe pour la formation des
citoyens de demain, même si on pourra toujours dire que l’enseignement de nos disciplines est
renforcé en première S (puisqu’il passe de 2h30 à 4h) et qu’il demeure une option de 2h en terminale.
Les incidences de cette mesure ne touchent pas que la filière « S », comme vous l’avez compris. En
effet, elles nous amènent à bouleverser les programmes en amont, puisqu’il faut les boucler entre la
seconde et la première… Tout ceci bien sûr dans la plus grande précipitation. Autre sujet
d’inquiétude : il devrait y avoir une épreuve (écrite je l’espère) anticipée pour les « S » en première, ce
qui, l’an prochain, ne sera pas sans poser de sérieux problèmes au niveau de la correction du bac. En
effet, vous aurez à corriger toutes les séries générales de terminale (L, ES et S) + toutes les copies des
élèves de première S…
Au fait, quelle sera la maquette de l’épreuve d’HG au bac S ?
Les contenus de l’épreuve sont encore en discussion. Elle se démarquera de l’épreuve donnée aux
terminales L et ES. L’épreuve devrait durer quatre heures et vérifier les compétences d’écriture. Rien
n’est pour l’instant arrêté.
Les enseignements d’exploration
Voilà une deuxième réforme dans laquelle nous sommes en partie impliqués.
Les élèves disposent d’une liste de quinze enseignements possibles, parmi lesquels ils sélectionnent un
enseignement en économie et un autre enseignement de leur choix. L’objectif des enseignements
d’exploration est de faire découvrir aux élèves des enseignements caractéristiques des séries qu’ils
seront amenés à choisir à l’issue de la classe de seconde. Il s’agit d’un véritable parcours de
découverte qui doit contribuer à mieux préparer la future orientation en testant le goût et les aptitudes
des élèves et à les informer sur les cursus possibles au cycle terminal et à l’Université. Deux de ces
quinze enseignements concernent donc directement l’histoire-géographie : « littérature et société »,
que se partagent le français et l’HG et « création et activités artistiques : patrimoines », piloté par un
professeur habilité en histoire des arts et confié à une équipe pluridisciplinaire (histoire, français, arts
plastiques, musique…).
La mise en œuvre de ces enseignements doit être souple. Il n’y a pas de contrainte hebdomadaire, mais
une globalisation des heures, pour un total annuel de 54 heures par élève. On a la possibilité par
exemple d’envisager des blocs de trois heures. Il faut en tout cas sortir des sentiers traditionnels,
travailler différemment (penser aux TPE), utiliser les TICE, insister sur la prise de parole, sur les
mises en activité, etc.
L’enseignement « littérature et société » a pour rôle de montrer la richesse et l’intérêt d’une formation
littéraire et humaniste, en la situant dans un contexte historique. Il s’agit de percevoir les interactions
entre la littérature, l’histoire et la société et les enjeux d’une formation humaniste.
L’enseignement « création et activités artistiques : patrimoines » doit amener les élèves à approfondir
l’expérience esthétique et à en apprécier le enjeux économiques, humains et sociaux. Cet enseignement doit interroger l’objet patrimonial, développer une familiarité avec le patrimoine,
sensibiliser à sa fragilité et à la nécessité de sa sauvegarde.
Ces deux enseignements doivent solliciter, autant que faire se peut, des partenaires extérieurs, dans ou
hors de l’établissement. Ils s’inscrivent par ailleurs dans une démarche de projet (création artistique ou
littéraire). Quant à leur évaluation, elle doit prendre en compte non seulement le produit final, mais
aussi les démarches engagées, le degré d’investissement.
L’accompagnement personnalisé
Autre volet de la réforme, l’accompagnement personnalisé vient en relais des défunts modules. Il est
un temps d’enseignement intégré à l’emploi du temps des élèves à raison de 2h par semaine et court de
la seconde à la terminale. Ces heures peuvent se faire en classe dédoublées (cas le plus fréquent, donc
4 heures profs). Il s’adresse à tous les élèves sans exception et doit répondre à leurs besoins ou à leurs
attentes, sous forme de soutien, d’approfondissement ou d’orientation. Cet accompagnement est défini
par l’équipe pédagogique.
Sur un plan plus pratique, cet accompagnement ne peut guère se mettre en place qu’après deux mois
de classe. Il doit s’appuyer sur une évaluation diagnostique et doit permettre rapidement aux élèves de
surmonter leurs premières difficultés et de développer leur autonomie. On travaille plutôt sur la
méthodologie de base au premier trimestre, puis on axe davantage sur les problèmes d’orientation par
la suite. Les professeurs auront tendance à vouloir récupérer par l’accompagnement personnalisé les
heures de module perdues mais il faut bien préciser que ce n’est pas de l’aide individualisée. Des kits
de formation seront mis en ligne sur le site de la DGESCO.
La poursuite de la correction locale du baccalauréat dans les séries générales et
technologiques
Nous avons, déjà, atteint notre vitesse de croisière sur ce dossier. Nous ferons le point ensemble lors
de ma prochaine mission. Nous avons eu encore quelques problèmes de réception et de distribution de
copies (cela devrait s’arranger dès cette année), mais en ce qui concerne les corrections proprement
dites, je tiens à saluer l’efficacité de chacun d’entre vous et votre grand professionnalisme. Les
corrections en loge seront maintenues à l’avenir. Elles donnent satisfaction. Par contre, forts de
l’expérience engrangée l’an dernier, nous avons pu réduire la phase de correction concertée, sans que
cela nuise à la qualité de la prestation de chacun. Nous devrions désormais nous en tenir à la procédure
adoptée cette année.
Les nouvelles techniques d’information et de communication
Je souhaite rappeler ce que j’écrivais l’an dernier en remarque liminaire : « une des grandes
préoccupations actuelles de la plupart des disciplines d’enseignement est la bonne utilisation de
l’outil informatique. Je ne saurais trop rappeler à chacun qu’il faut se montrer attentif à toutes les
opportunités qui s’ouvrent à nous, sans pour autant croire qu’elles vont résoudre tous nos problèmes.
On peut faire un excellent cours avec des moyens très traditionnels et un très mauvais en utilisant les
TICE, cela va sans dire. Toutefois, les professeurs d’histoire-géographie plus que beaucoup d’autres
se doivent de vivre avec leur temps. C’est de leur crédibilité auprès des élèves dont il est question. Le
métier exigeant d’enseignant réclame cette remise en question permanente ».
Ce texte de 2008 est toujours d’actualité. Mais je souhaiterais lui donner d’autres prolongements.
Aujourd’hui, de plus en plus d’établissements se dotent de vidéoprojecteurs et l’on peut supposer que
vont débarquer sous peu en Nouvelle-Calédonie les premiers tableaux interactifs. Ces nouveaux outils
sont une aide précieuse pour l’enseignant. Bien utilisés, ils peuvent entrouvrir des horizons didactiques
et scientifiques nouveaux. Mais attention, il ne faut pas pour autant qu’ils nous fassent oublier nos
vieux réflexes pédagogiques. Je dois vous dire que je suis très inquiet à propos de certaines dérives et je souhaiterais y mettre le holà le plus rapidement possible. Quels sont les principaux défauts que j’ai
pu constater ces derniers temps ? Je puis en dresser une liste non exhaustive :
- faire en cours du mauvais powerpoint tel que nous en assènent un nombre incalculable de pseudo-
orateurs, qui se contentent de lire ce qu’ils projettent. Lire ou écouter, il faut choisir. Si on lit en
écoutant, on se place en décalage constant et on n’enregistre plus rien. Dans le meilleur (ou le pire) des
cas, on aura droit à quelques émotikones ou assimilés qui auront raison du dernier élève qui avait
réussi à demeurer concentré ; - transformer le cours en un déballage d’images que l’on exploite à peine mais qu’il est si facile
d’envoyer par un simple clic… Vingt ans de réflexion sur le document explosent en trois minutes. Et
voilà que le cours de géo se transforme en soirée diapos – vacances. Il ne manque plus que les petits-
fours ; - projeter un plan qui disparaîtra aussi sec derrière la diapo suivante, laissant les élèves sans filet, ne
sachant pas où ils vont ni comment. Vous souvenez-vous seulement de ce vieux prof d’IUFM qui vous
faisait placer la trace du plan sur la partie gauche du tableau, et ce qu’il vous disait là-dessus ?… Vous
savez, la fameuse gestion du tableau noir, devenu blanc… Oubliée. - multiplier les documents compliqués, qui eux-aussi apparaissent et disparaissent, comme par magie,
sauf que là pour le coup il faudrait vraiment un magicien pour y retrouver ses petits ; - à l’issue d’un exercice, projeter de manière systématique la réponse toute faite (c’est tellement facile,
un simple clic…), sans imaginer que très vite les élèves ne feront plus d’effort pour répondre à des
questions dont ils savent que la réponse leur sera délivrée toute emballée ; - passer un temps infini à bricoler l’appareil, « qui marchait pourtant tout à l’heure », devant des élèves
amusés qui vont bien vite préférer se raconter leur dernier week-end. On peut les comprendre… - se réfugier durant quasiment toute l’heure derrière l’écran de son ordinateur, assis à son bureau, et
jouer à faire apparaître et disparaître des flèches, des points, des textes, des images… Mais où est donc
passé le prof ?
Arrêtons là. Dans toute cette affaire, l’outil a pris le pas sur l’individu. Vous n’existez plus. Vous vous
effacez devant la machine. Ce n’est plus vous, c’est elle… Non. Vous vous devez d’être présent en
cours. Vous vous devez de prendre avec vous vos élèves, avec vos tripes, pas avec des manipulations
de clavier… J’ai assisté à d’excellentes leçons dans lesquelles il ne m’a semblé voir que le professeur
et ses élèves et où pourtant l’outil informatique était partout. Là, oui, c’était magique. Je me souviens
de ce cours de géographie où le collègue, qui se reconnaîtra, donnait moult conseils, distillait mille
informations toujours pertinentes, à des élèves chargés de construire un croquis sur les États-Unis. On
est parti d’un fond de carte muet assorti d’un simple cadre de légende pour arriver en fin d’heure à un
croquis complet sans qu’à aucun moment le professeur n’ait lâché la pression, toujours au contact avec
ses élèves. Et pourtant, d’un geste imperceptible, en un quart de seconde, il faisait apparaître
régulièrement un élément nouveau sur lequel on s’expliquait… L’outil, ici, est bien au service de
l’enseignant et non le contraire. J’ai assisté dernièrement à Tahiti à une leçon d’histoire tout aussi
remarquable dans laquelle le professeur faisait travailler ses élèves sur des fiches papier que ceux-ci
devaient compléter (exercice classique). Lesdites fiches étaient vidéoprojetées, mais en trois endroits
elles étaient assorties d’un lien sur lequel le professeur d’un seul clic faisait émerger l’histoire par des
documents de l’INA (le thème était le Mur de Berlin). Je dois dire que je n’ai jamais autant apprécié
une leçon sur le Mur, parmi les 250 auxquelles j’ai dû assister.
Il ne s’agit là que de quelques pistes. Sur ce dossier, nous devons nous considérer comme étant en
expérimentation. Et mes propos sans doute un peu acides ne doivent décourager personne d’utiliser les
TICE. Simplement, je souhaiterais que d’emblée on évite les pièges trop voyants, pour le bien des
élèves et la qualité de nos enseignements.
En guise de conclusion…
Et voilà… Une page est donc en train de se tourner. J’aurai encore une fois pris grand plaisir à vous
entretenir de tous nos chantiers, présents et à venir. Je l’aurai fait une fois encore avec la liberté de ton
que j’ai toujours employée avec vous. C’est mon mode de fonctionnement. Mais croyez bien que
derrière des propos parfois un peu « rapides » ou trop directs, j’ai toujours eu envers vous des
sentiments très chaleureux et une vraie reconnaissance pour la confiance que vous m’avez accordée
tout au long de ces années. Il me faut bien sûr avoir une pensée toute particulière envers tous ceux que
j’ai croisés si souvent dans le cadre de nos groupes de travail ou de nos productions d’outils
pédagogiques. Ils sont les moteurs de nos actions et sans eux rien ne serait possible. Une autre pensée
ira, vous imaginez bien, vers Isabelle qui fait un travail considérable et qui aura été ces dernières
années une partenaire extrêmement fiable, comme l’avait été avant elle Claudine que je salue au
passage. C’est par l’action et le rayonnement d’Isabelle que nous sommes reconnus et appréciés en
tant que discipline. Il faut en avoir conscience.
Il me reste à vous souhaiter, comme à l’accoutumée, bonheur et réussite dans votre vie familiale et
professionnelle tout au long d’une année scolaire que je n’aurai pas le plaisir de terminer avec vous.
Et, comme l’on dit à Tahiti, faaitoito. Je vous laisse faire la traduction en langues kanak.
Michel LEXTREYT
IA-IPR d’histoire-géographie
Le 20 avril 2010