Les colonies françaises dans la Seconde Guerre mondiale
Synthèse
Le choix des colonies françaises d’outre-mer : collaboration ou résistance
Après un premier conflit mondial qui a fait plus de 9 millions de morts, la France et l’Europe sont à nouveau confrontées à la guerre avec le déclenchement d’un nouveau conflit suite à l’invasion allemande de la Pologne le 1er septembre 1939. Engagés dans un processus d’alliances militaires, la France et le Royaume-Uni déclarent la guerre à l’Allemagne nazie le 2 septembre 1939. S’ouvre alors, côté français, une période d’attente à laquelle participent des milliers de soldats d’Afrique, d’Indochine et quelques Néo-Calédoniens, présents sur le sol métropolitain. « La drôle de guerre » prend fin en mai 1940 lorsque les troupes allemandes passent à l’offensive. L’armée française, surprise, est rapidement défaite et les Allemands entrent dans Paris le 14 juin. Le 17, le maréchal Pétain, devenu Président du conseil, annonce la décision de signer l’armistice avec l’Allemagne, armistice signé à Rethondes le 22 juin 1940. La France est alors divisée en deux zones : au Nord, une zone contrôlée par les nazis et au Sud une zone libre où est installé le gouvernement de Vichy dirigé par le Maréchal Pétain qui entre en collaboration économique et politique avec les Allemands. Mais, face à cette situation, le général Charles de Gaulle, exilé à Londres, appelle les Français « où qu’ils se trouvent » à entrer en résistance contre les nazis. Le 18 juin 1940, il prononce un discours à la radio britannique, la BBC, discours relayé par les radios coloniales, quelques temps après. Son appel s’adresse aussi bien aux Français de métropole qu’aux citoyens français et sujets des colonies.
Dès lors les populations des colonies doivent choisir entre la poursuite de la collaboration avec les nazis en suivant le maréchal Pétain et l’entrée en résistance aux côtés du général de Gaulle.
Durant les mois qui suivent l’appel du 18 juin, des comités s’organisent en outre-mer pour diffuser son contenu et rassembler le maximum de personnes derrière l’idée de poursuite de la guerre. Face à ces comités d’autres groupes insistent sur des valeurs également patriotiques pour inciter les citoyens français des colonies à suivre le maréchal Pétain et à soutenir le gouvernement de Vichy qui représente désormais la France. Les affrontements entre gaullistes et vichystes dans les colonies se multiplie
Lorsque les premiers l’emportent, généralement quand les gouverneurs décident de rallier de Gaulle, les territoires entrent en résistance et des hommes s’engagent dans les forces françaises libres combattant aux côtés des Alliés.
La participation des colonies à la guerre
En plus de ces oppositions entre vichystes et gaullistes à l’intérieur des colonies, certains territoires sont des théâtres d’opérations de la guerre, et tout particulièrement le continent africain. En effet celui-ci sert de base de reconquête pour les Alliés qui souhaitent reprendre pied en Europe. Ainsi des affrontements entre les troupes françaises de Vichy, les troupes de la France Libre et celles des Alliés se multiplient-ils, impliquant une population qui ne comprend pas toujours les enjeux de la Seconde Guerre mondiale et ne distingue pas les antagonismes entre les deux légitimités françaises qui se sont constituées à partir de juin 1940.
Participant aux combats les populations indigènes demandent de plus en plus à obtenir de nouveaux droits voire à accéder à l’autonomie. La Seconde Guerre mondiale se présente alors comme l’un des éléments déclencheurs de la décolonisation qui se déroule au cours de la seconde moitié du XXe siècle.
Commentaire
Document 1 : les appels du général de Gaulle et du maréchal Pétain aux coloniaux en 1940
Désormais deux hommes prétendent représenter la France. D’un côté, le maréchal Pétain, héros de Verdun, qui, devenu président du Conseil le 17 juin 1940, annonce ce même jour aux Français :
« C’est le coeur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut tenter de cesser le combat. Je me suis adressé cette nuit à l’adversaire pour lui demander s’il est prêt à rechercher avec nous, entre soldats, après la lutte et dans l’Honneur les moyens de mettre un terme aux hostilités. »
Il signe ensuite l’armistice avec l’Allemagne nazie. De l’autre côté, le général de Gaulle, officier français qui fut pendant quelques jours sous-secrétaire d’État à la guerre et à la défense nationale dans le gouvernement Reynaud avant le remplacement de celui-ci par Pétain, refuse la capitulation de la France et invite les Français à la résistance dans son appel du 18 juin :
« Moi, Général de Gaulle, actuellement à Londres, j’invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j’invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d’armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, à se mettre en rapport avec moi. Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas. »
Ces deux hommes insistent sur le rôle que doit tenir l’empire colonial. Déjà dans son appel du 18 juin, le général de Gaulle s’adresse aux coloniaux :
« Car la France n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. »
Il réitère son appel aux colonies dans son discours du 22 juin 1940, radiodiffusé par la BBC de Londres, afin d’influencer les chefs de ces territoires à entrer en résistance tandis qu’ils hésitent encore, ne sachant quel camp choisir. De Gaulle rappelle ainsi, dès le début de son discours, que la signature de l’armistice impose à la France vaincue des conditions strictes parmi lesquelles la séparation du pays en deux zones dont l’une occupée par les nazis, l’entretien de l’armée allemande par la France, le maintien en captivité des prisonniers de guerre jusqu’à la signature d’un accord de paix, la réduction des effectifs de l’armée française. De Gaulle lance donc un appel pour que le combat continue avec toutes les forces présentes dans les territoires coloniaux : les chefs et les soldats, les marins, les aviateurs des forces françaises de terre, de mer, de l’air, les ingénieurs, les ouvriers….
Rapidement des habitants de l’empire colonial entrent en résistance et rejoignent de Gaulle, plusieurs colonies se rallient officiellement à la France Libre. Cette situation incite le maréchal Pétain à s’adresser à son tour à l’empire colonial le 6 septembre 1940. Dans un message radiodiffusé par Paris Mondial, radio créée en 1931 sous le nom de Poste colonial afin de diffuser la culture française et les nouvelles de la métropole dans l’Empire, il invite tous les habitants des colonies (gouverneurs, colons, citoyens, sujets et protégés français) à soutenir le gouvernement de Vichy qu’il préside contre les actions de résistance menées par de Gaulle.
Document 2 : les ralliements des colonies françaises à la France Libre en 1940
En 1940, après l’appel à la résistance du général de Gaulle et la signature de l’armistice avec l’Allemagne nazie par le maréchal Pétain, les colonies françaises sont appelées à faire un choix.
Ce sont les Nouvelles-Hébrides, condominium franco-britannique du Pacifique, qui rallient de Gaulle en premier, le 20 juillet 1940, suivis par le Tchad du gouverneur Éboué, le 26 août. Les autres colonies d’Afrique Équatoriale française choisissent la résistance tandis que l’AOF (Afrique Occidentale française), l’Indochine, les colonies de l’Océan Indien, Wallis-et-Futuna, les colonies de l’Atlantique restent encore fidèles à Vichy en cette année 1940.
Les ralliements à la France Libre s’expliquent généralement par la forte personnalité des gouverneurs qui dirigent ces colonies comme Henri Sautot aux Nouvelles-Hébrides ou Félix Éboué au Tchad.
Le ralliement à la France Libre est officiellement annoncé par les gouverneurs à la population.
D’autres ralliements à la France Libre après 1940 :
- Juin-juillet 1941 : les territoires du Levant (Liban et Syrie)
- 24 décembre 1941 : Saint-Pierre-et-Miquelon
- 27 mai 1942 : Wallis-et-Futuna
- 28 novembre 1942 : La Réunion
- 14 décembre 1942 : Madagascar
- 28 décembre 1942 : la Côte française des Somalis (Djibouti)
- 16 mars 1943 : la Guyane
- 3 juillet 1943 : les Antilles
Document 3 : le choix des Nouvelles-Hébrides
Première colonie à rallier de Gaulle et la France Libre, les Nouvelles-Hébrides ont la particularité d’être un condominium franco-britannique. La présence anglaise explique en grande partie ce ralliement car le Royaume-Uni poursuit la guerre contre l’Allemagne nazie et ses alliés, même après la défaite française.
Les deux documents proposés montrent les deux positions antagonistes dans l’archipel en juillet 1940.
Le premier document est un extrait du télégramme du gouverneur Henri Sautot au général de Gaulle le 22 juillet 1940 annonçant le ralliement de l’archipel à la France Libre. Henri Sautot, né en 1885, fut nommé commissaire-résident de France aux Nouvelles-Hébrides en 1933. L’archipel étant un condominium, l’administration est assurée également par un commissaire-résident britannique. La population française des Nouvelles-Hébrides s’élève, en juin 1940, à un peu plus d’un millier de personnes tandis que les nationaux britanniques sont environ 300. Les Français des Nouvelles-Hébrides apprennent avec émotion la défaite française en 1940 et ne l’acceptent pas. Après une première réunion, fin juin 1940, au cours de laquelle Henri Sautot explique la position que doit avoir l’empire colonial français dans la poursuite de la lutte contre les nazis, il réunit à nouveau les Français des Nouvelles-Hébrides le 20 juillet 1940. Plus de 700 personnes, d’après les chiffres donnés par Henri Sautot dans ses mémoires, se rendent à cette réunion au cours de laquelle le commissaire-résident français annonce que les Nouvelles-Hébrides se rallient au général de Gaulle et refusent donc de servir la France de Vichy. Sautot lit alors à l’assistance le contenu du télégramme dont un extrait est proposé en document 3a. Ce télégramme est transmis le 22 juillet au général de Gaulle, en Angleterre, par le haut-commissaire britannique à Suva puis par le ministre britannique des colonies à Londres.
Ce ralliement qui implique également l’envoi d’hommes en armes auprès du général n’est pas voulu par toute la communauté française de l’archipel. Ainsi l’auteur du document 3b, Charles-André Doley, juge pour la France aux Nouvelles-Hébrides, refuse-t-il cette décision. Lors de la réunion du 20 juillet 1940, à Port Vila, il rejette l’idée d’un ralliement, avec d’autres membres éminents de la communauté française de la ville. Tous ceux-ci sont alors invités à quitter la salle de réunion. Doley tente ensuite d’écrire au gouverneur de la Nouvelle-Calédonie, Georges-Marc Pélissier, pour lui expliquer le déroulement de la réunion et son refus de rallier de Gaulle. Mais son courrier est intercepté. Mi-septembre Doley est expulsé du condominium par Henri Sautot. Réfugié à Saïgon, il rédige un ouvrage, en 1942, Sterling et dissidence, l’aventure des Nouvelles-Hébrides, juillet-août 1940, dans lequel il donne sa vision du ralliement à de Gaulle, en critiquant l’action de Sautot qu’il qualifie de « traitre » à plusieurs reprises, le présentant comme un homme sans jugement, manipulé par les Britanniques pour des raisons économiques.
Document 4 : Félix Éboué et Henri Sautot à Brazzaville en octobre 1940
Cette photographie prise à Brazzaville en octobre 1940 réunit les deux premiers gouverneurs de territoires coloniaux français à avoir rallié le général de Gaulle : Henri Sautot, à droite, commissaire-résident français des Nouvelles-Hébrides qui rejoint le général le 20 juillet 1940 puis entraîne la Nouvelle-Calédonie dans la France Libre le 19 septembre 1940 avant d’en devenir le gouverneur, et Félix Éboué, gouverneur du Tchad qui fait entrer ce territoire colonial en résistance le 26 août 1940.
En octobre 1940, alors que plusieurs colonies, en particulier en Afrique, n’ont pas rejoint la résistance, le général de Gaulle décide de créer le Conseil de défense de l’Empire, sorte de gouvernement de la France Libre, qui doit mener la guerre afin de libérer le territoire national. Dans le Manifeste de Brazzaville prononcé le 27 octobre 1940, de Gaulle énonce la politique de la France Libre après avoir rappelé la faiblesse du maréchal Pétain face à l’Allemagne nazie :
[…] il n’existe plus de Gouvernement proprement français. En effet, l’organisme sis à Vichy et qui prétend porter ce nom est inconstitutionnel et soumis à l’envahisseur. Dans son état de servitude, cet organisme ne peut être et n’est, en effet, qu’un instrument utilisé par les ennemis de la France contre l’honneur et l’intérêt du pays. […]
Il faut donc qu’un pouvoir nouveau assume la charge de diriger l’effort français dans la guerre. Les événements m’imposent ce devoir sacré, je n’y faillirai pas.
Pour m’assister dans ma tâche, je constitue, à la date d’aujourd’hui, un Conseil de Défense de l’Empire.
À Brazzaville est ainsi créé le Conseil de Défense de l’Empire, organisme composé de personnalités françaises qui exercent pour certaines des responsabilités sur les territoires coloniaux comme Sautot et Éboué. Le premier a été nommé gouverneur de la Nouvelle-Calédonie le 19 septembre 1940 en remplacement du Lieutenant-Colonel Denis, après avoir organisé le ralliement des Nouvelles-Hébrides à la France Libre. Le second, né en 1884 à Cayenne (Guyane française), est gouverneur du Tchad (colonie française dans le cadre de l’AEF, Afrique Équatoriale française) depuis 1938. Il est nommé, quelques temps après Brazzaville, gouverneur général de l’AEF. Les autres membres du Conseil de Défense de l’Empire sont le général Catroux, gouverneur général de l’Indochine avant d’être relevé de ses fonctions par Vichy en juillet 1940 et de rejoindre les rangs de la France Libre, le vice-amiral Muselier créateur et organisateur des FNFL (forces navales françaises libres), le général de Larminat qui aide au ralliement du Moyen-Congo puis est nommé haut-commissaire des territoires africains de la France Libre, le médecin général Sicé, qui fut parmi les premiers ralliés à de Gaulle au lendemain du 18 juin puis est nommé Haut-Commissaire de l’Afrique française libre, le professeur de droit René Cassin qui a rejoint très rapidement les rangs de la France Libre et est nommé secrétaire permanent du Conseil de défense de l’Empire jusqu’en 1941, le Révérend Père d’Argenlieu, qui est l’un des premiers compagnons de De Gaulle avant d’être nommé haut-commissaire pour le Pacifique et le colonel Leclerc qui organise le ralliement du Cameroun le 27 août 1940.
Document 5 : l’épopée du Bataillon du Pacifique
Parmi les coloniaux à rejoindre la France Libre, se trouvent des Néo-Calédoniens qui s’engagent dans diverses armes. Beaucoup rejoignent les rangs de l’armée de terre et composent, avec des Tahitiens et des Néo-Hébridais, le Bataillon du Pacifique qui fut mis sur pied par Félix Broche, commandant supérieur des troupes du Pacifique depuis le 25 octobre 1940. Les engagements se multiplient parmi les citoyens et les sujets français de la colonie. Les chefferies de la Grande Terre et des îles sont appelées par le gouverneur Sautot à rejoindre le mouvement de résistance. C’est le grand chef de Nece, à Maré, Henri Naisseline, qui y répond le premier, le 16 octobre 1940 en lançant à la radio l’appel suivant :
D’un regard clair et avec fierté, les indigènes de la Nouvelle-Calédonie libre doivent accourir aux côtés du général de Gaulle pour défendre l’honneur du drapeau tricolore qui représente l’esprit de la liberté et de la justice.
Rapidement d’autres chefferies suivent et le recrutement des volontaires est un succès. Les volontaires kanak sont de plus en plus nombreux entre novembre 1940 et mai 1941. 1 100 engagements volontaires ont été recensés. Quelques dizaines de ces engagés quittent la Nouvelle-Calédonie, le lundi 5 mai 1941, avec le premier contingent du Bataillon du Pacifique qui se compose alors de 600 volontaires dont plus de 280 Néo-Calédoniens. Après un mois d’entraînement en Australie, les volontaires gagnent ensuite le Proche-Orient puis le Nord de l’Afrique où ils sont incorporés à la Première Division française libre sous le commandement de Pierre Koenig. Les volontaires du Bataillon reçoivent leur baptême du feu le 2 janvier 1942 près du Caire. Puis se succèdent les combats dont quelques-uns sont indiqués sur le timbre-poste édité en 1971 pour commémorer les 30 ans du départ du premier contingent du Bataillon du Pacifique : Bir Hakeim (mai-juin 1942), bataille contre les troupes de l’Afrika Korps du général allemand Rommel au cours de laquelle de nombreuses victimes sont dénombrées dont le commandant du Bataillon du Pacifique, Félix Broche, qui est tué le 9 juin 1942 ; Garigliano, en Italie, en mai 1944 ; Hyères lors du débarquement de Provence d’août 1944.
Le 3 mars 1943, un second contingent du Bataillon du Pacifique de près de 170 Néo-Calédoniens quitte Nouméa pour se rendre en Tunisie.
Des Néo-Calédoniens ont rejoint d’autres armes. Certains s’engagent dans les FNFL (forces navales françaises libres) dès décembre 1940. La flotte FNFL du Pacifique comprend trois unités : le contre-torpilleur Le Triomphant, l’aviso Le Chevreuil et le croiseur auxiliaire Le Cap-des-Palmes Les FNFL participent à des actions d’escorte de convois et de défense dans la zone Pacifique comme Le Chevreuil qui a effectué le ralliement à la France Libre de Wallis le 27 mai 1942. D’autres s’engagent dans les commandos parachutistes du SAS (Special Air Service) en 1943 afin de participer aux opérations liées au débarquement de Normandie en juin 1944. Enfin quelques Néo-Calédoniens se trouvant en métropole lors de la mobilisation de 1939 y sont restés après l’armistice de juin 1940 puis sont entrés en résistance dans les FFI (forces françaises de l’Intérieur).
Document 6 : les combattants coloniaux de la France Libre
En mars 1940, on dénombre dans l’armée française 10 000 militaires indochinois, 10 000 Malgaches, plus de 68 000 soldats d’Afrique noire et 340 000 hommes d’Afrique du Nord participant à la « drôle de guerre ». Ils combattent lors de la bataille de France et beaucoup périssent.
L’appel à la résistance du général de Gaulle lancé dans les colonies a reçu un écho favorable puisque les engagements dans les troupes de la France Libre sont nombreux. Des quatre coins de l’empire des hommes se mettent sous les ordres de De Gaulle et rejoignent les troupes combattantes. Les coloniaux sont regroupés dans des régiments constituant « l’armée d’Afrique » pour les engagés venant d’Afrique du Nord et les « troupes coloniales » pour les engagés des autres colonies : les RTS (régiments de tirailleurs sénégalais qui ont combattu les Allemands lors de la campagne de France en mai-juin 1940), les groupes du RACM (régiment d’artillerie coloniale du Maroc) participent, entre autres, à la libération de la Méditerranée en 1944, les deux contingents du Bataillon du Pacifique partis de Nouméa en mai 1941 et en mars 1943 et qui ont intégré les troupes de la 1re DFL (division française libre) participent aux divers combats en Afrique du Nord puis en Italie et enfin sur le sol national, le bataillon des tirailleurs algériens, …
Certains régiments de coloniaux se caractérisent par un uniforme permettant d’identifier rapidement l’origine des soldats. Ainsi les tirailleurs algériens portent-ils un turban blanc autour de la tête, une veste bleue et un pantalon de type sarouel et défilent-ils précédés de leur mascotte, un mouton.
Les troupes coloniales et l’armée d’Afrique participent à la reconquête du territoire national commencée en juin 1944 avec le débarquement de Normandie. Ces soldats atteignent la métropole en août 1944 lors du débarquement de Provence. Progressivement le pays est libéré dans un mouvement vers le Nord, jusqu’en Alsace, département qui a connu l’annexion au IIIe Reich pendant l’occupation allemande. Le document 6b est le témoignage d’un tirailleur marocain qui participe à la libération de l’Alsace en novembre 1944 (le 21, la 1re armée française libère Mulhouse tandis que Strasbourg est libéré le 23 par le 2e DB du général Leclerc). C’est alors la rencontre de deux mondes : d’un côté les soldats coloniaux, libérateurs de l’Alsace, pas habitués aux conditions climatiques difficiles et de l’autre, les habitants du département restés plusieurs années sous le joug allemand.
Document 7 : les colonies d’Afrique, des champs de bataille
Le continent africain regroupe les plus nombreuses possessions coloniales françaises regroupées dans l’AEF (Afrique Équatoriale française), l’AOF (Afrique Occidentale française), l’Afrique du Nord et Madagascar.
Des soldats des colonies font partie des troupes françaises combattant l’Allemagne nazie au début de la Seconde Guerre mondiale. Après l’armistice de juin 1940, ces soldats qui ont déjà payé un lourd tribut sont souvent exécutés sommairement par les nazis. Plusieurs rejoignent les rangs de la résistance tandis que d’autres restent fidèles au gouvernement de Vichy, une fois de retour dans leurs colonies. Ces hommes restent éloignés des deux positions antagonistes qui naissent en juin 1940 et ne pensent qu’à servir tout d’abord leur régiment. Ainsi, l’AOF qui suit en 1940 le maréchal Pétain est-elle défendue par des milliers de combattants tandis que d’autres milliers vivant en AEF rallient le général de Gaulle.
Progressivement au cours du conflit, les possessions coloniales françaises d’Afrique rejoignent la France Libre. C’est en premier le Tchad, sous l’impulsion de son gouverneur, Félix Eboué, qui entre en résistance suivi par le Cameroun, le Moyen-Congo puis l’Oubangui Chari. L’AOF ne rallie la France Libre qu’en 1942.
Les différents régiments coloniaux venant d’autres colonies (Pacifique et Antilles) se rejoignent en Afrique afin de libérer ensuite le territoire national.
L’Afrique devient rapidement un théâtre d’opérations où s’affrontent les troupes de la France Libre intégrées dans les armées alliées et celles de l’Allemagne nazie. Parmi les batailles, peuvent être retenus :
• la bataille de Mers El Kébir le 3 juillet 1940 concerne la puissance navale française qui refuse de se neutraliser à la demande des Britanniques. La marine anglaise attaque donc la flotte française basée dans ce port de la baie d’Oran au matin du 3 juillet 1940. Le bilan côté français est très lourd avec, outre les pertes matérielles, plus de 1 300 morts.
• l’opération Menace sur Dakar du 23 au 25 septembre 1940 est aussi un affrontement naval entre les forces françaises libres et leurs Alliés contre les forces françaises de Vichy dans le but de rallier l’AOF à la France Libre. Elle se solde par un échec pour les Alliés.
• la bataille de Bir Hakeim entre mai et juin 1942 durant laquelle s’affrontent, côté français, les troupes de la Première Division française libre et, côté nazi, l’Afrika Korps de Rommel. Après plusieurs jours de violents combats les troupes ennemies se retirent.
• la bataille d’El Alamein, lors de la campagne de Tunisie, remportée le 4 novembre 1942 par les troupes françaises libres et leurs alliés britanniques.
• le débarquement Allié en Afrique du Nord le 8 novembre 1942 baptisé opération Torch engage plus de 100 000 hommes sur plus de 300 navires. Trois groupes débarquent simultanément sur plus de 1 500 kilomètres de côtes en Algérie et au Maroc.
Document 8 : une guerre pour la libération de la France et l’affranchissement politique des colonies
Le 8 novembre 1942, les Alliés débarquent en Afrique du Nord au cours de l’opération Torch ainsi baptisée par le premier ministre britannique Winston Churchill. L’AFN (Afrique française du Nord) est alors sous l’autorité de Vichy, la France disposant des deux protectorats du Maroc et de Tunisie et des trois départements algériens. Les troupes alliées, principalement américaines, espèrent pouvoir bénéficier de l’aide des résistants de l’AFN. Ceux-ci organisent un putsch à Alger facilitant le débarquement allié et permettant ainsi à l’armée d’Afrique de rejoindre la France Libre ainsi que le demande le général de Gaulle dans un discours prononcé le 8 novembre même :
Chefs français, soldats, marins, aviateurs, fonctionnaires, colons français d’Afrique du Nord, levez-vous donc ! Aidez nos Alliés ! Joignez-vous à eux sans réserves. La France qui combat vous en adjure. Ne vous souciez pas des noms, ni des formules. Une seule chose compte : le salut de la patrie ! Tous ceux qui ont le courage de se remettre debout, malgré l’ennemi et la trahison, sont d’avance approuvés, accueillis, acclamés par tous les Français combattants. Méprisez les cris des traîtres qui voudraient vous persuader que nos alliés veulent prendre pour eux notre Empire.
Mais la situation politique de l’AFN reste complexe après le débarquement allié. L’Amiral Darlan, un Vichyste, est nommé par les Américains et les Britanniques à la tête de l’AFN, ce qui provoque le trouble parmi les Français Libres. Un message de 24 notables algériens est adressé aux autorités anglo-américaines le 20 décembre 1942. Il devient le Manifeste du peuple algérien affirmant le droit de la nation algérienne à l’autonomie. Les autorités françaises n’apprécient pas ce message adressé aux seules autorités anglo-américaines et obtiennent un autre message à leur intention dont un extrait est reproduit en document 8. Les représentants des musulmans algériens y signalent leur émotion face aux tensions politiques que connaît l’Algérie et au déroulement de combats sur le sol algérien. Ils ajoutent qu’ils sont prêts à combattre dans un conflit mondial qui est « une guerre de libération des peuples et des individus ».
Les représentants des musulmans algériens sont donc prêts à combattre pour libérer la France en échange de leur propre émancipation politique, connaissant la position du gouvernement des États-Unis d’Amérique en faveur de l’indépendance des colonies.
Document 9 : de nouveaux liens entre la France et ses colonies ?
Le 30 janvier 1944, alors que la Seconde Guerre mondiale n’est pas encore achevée, le général de Gaulle ouvre à Brazzaville, au Congo français, une conférence réunissant les représentants des territoires français d’Afrique. La ville a déjà accueilli le général pour lancer son Manifeste pour la création d’un Conseil de défense de l’Empire, le 27 octobre 1940. L’extrait proposé énonce des questions du général de Gaulle sur les problèmes de la colonisation et le devenir des colonies françaises. Il rappelle le rôle joué par les coloniaux dans le second conflit mondial, coloniaux qui n’ont pas hésité à rejoindre la France Libre et à entrer en résistance pour libérer le territoire national. Mais l’acte final de la conférence réduit les aspirations des colonisés. Même s’il est prévu une plus grande participation des colonisés aux affaires de leur pays, le texte énonce :
« Les fins de l’oeuvre de civilisation accomplie par la France dans les colonies écartent toute idée d’autonomie, toute possibilité d’évolution hors du bloc français de l’empire ; la constitution éventuelle, même lointaine, de self-governments dans les colonies est à écarter. »
Bibliographie indicative
- Broche François, Caïtucoli Georges, Muracciole Jean-François, La France au combat, de l’Appel du 18 juin à la victoire, Perrin-SCÉRÉN CNDP, 2007
- Sautot Henri, Grandeur et décadence du Gaullisme dans le Pacifique, F. W. Cheshire, Melbourne-Londres, 1949.
- Revue de la Fondation de la France libre, septembre 2003, numéro spécial : les Français libres.
- Revue de la Fondation de la France libre, septembre 2009, numéro spécial : l’appel du 18 juin 1940 du général de Gaulle et son impact jusqu’en 1945.
Sites Internet :
titre documents joints
Fiche 9 (histoire première) PP. 39-39
Les colonies françaises dans la Seconde Guerre mondiale
Mots-clés
-
Coloniale
- Les ressortissants japonais de Nouvelle-Calédonie (1941-1945) : tragédie et résilience
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