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La société et la culture kanak traditionnelles

samedi 17 juillet 2010 par Cathy LABERGUE

Problématique de la leçon :

Comprendre comment vivaient les Kanak avant l’arrivée des Européens :
Quel rapport l’individu a t-il avec son environnement écologique et humain ?

 Les notions abordées :

1. Une société en osmose avec sa terre.

Une société est un groupe d’hommes qui vivent et s’organisent ensemble.
Le clan : la société kanak se structure autour du clan. Le clan est formé d’un ensemble
de familles qui s’identifient à un ancêtre commun. Ses membres ont également en
commun un mythe et une terre.

  • La terre permet de cultiver l’igname, elle apporte donc la vie. Dans le conte étudié ici,
    l’igname naît des entrailles de la terre comme l’enfant naît des entrailles de sa mère.
    La terre et l’igname sont sacrées.
  • La terre est aussi celle des ancêtres, à commencer par l’ancêtre commun. Elle es t
    imprégnée de leur es prit. Les morts y sont déposés à même le sol, dans un arbre,
    dans une anfractuosité d’une falaise. Certains lieux tabous restent inaccessibles aux
    membres des autres clans.
  • L’igname est l’aliment de base, dont la culture rythme le calendrier. Mais, c’est aussi
    le tubercule qui permet à chaque clan de prendre sa place dans la société lors de la
    fête de l’igname. Elle est le symbole même du clan.

2. Une société semi égalitaire.

  • Chaque clan a sa place et son rôle dans la société. Par exemple, le clan atési (nom
    Lifou) désigne un clan de magiciens. Il existe aussi des clans de la pêche, de la
    culture de l’igname, des clans guerriers…
  • Le chef de clan est en général l’aîné. Mais c’est parfois le cadet quand il se montre
    plus capable d’en assumer les fonctions. Le chef de clan participe à la prise de
    décision dans le cadre du village. Le conseil des anciens se réunit dans la case pour
    discuter. Un consensus doit se faire pour qu’une décision soit prise.
  • Le chef de village est placé à la tête des fractions de clan qui y habitent.
  • L’autorité. Pas plus que le chef de clan, le chef de village ne prend seul les décisions.
    On leur doit le respect, mais ils sont plus des symboles que des chefs au sens
    commun. Le mot utilisé dans la langue pour les désigner est « frère aîné ». On voit
    bien le rôle du chef de clan dans le conte : il guide ses frères, protège le clan et
    assure sa survie. Mais les frères vont ensemble chercher le magnania (igname
    sauvage) ; ils essaient tour à tour de le sortir de terre. L’aîné s’incline facilement
    devant le cadet qui a réussi là où lui-même a échoué. Il raconte au père ce qui s’est
    passé dans la forêt. Il reconnaît au cadet les qualités qui font de lui un « frère aîné ».
  • Toutefois, cette société n’est pas égalitaire : les femmes n’ont pas ou peu de rôle
    dans la discussion. Certains clans ont droit à un plus grand respect que les autres.

3. Cette organisation sociale est symbolisée, entre autres, par la coutume et la case.

  • La coutume est un mot qui désigne à la fois un ensemble de règles sociales et une
    cérémonie.
    La cérémonie comporte la parole et le geste. Par le geste, on fait un don (sur la
    Grande Terre, il s’agissait d’une monnaie kanak). Par la parole prononcée, on rappelle
    l’origine des clans, l’histoire commune et les accords passés.
  • La case : par sa forme ronde, elle favoris e la discussion. Les nombreux éléments de
    la construction sont liés entre eux comme les individus sont liés entre eux. Les
    éléments du décor représentent les composantes de la société :
    poteau central et flèche faîtière : le « frère aîné ».
    les poteaux de tour de case : les clans.
    les chambranles : les esprits protecteurs.

4. Enfin, cette organisation favorise la production et les échanges.

  • Cette société très organisée et solidaire permet aux hommes de cultiver des
    tarodières irriguées jusque sur les pentes à 70° de la région de Hienghène et de
    dresser des billons d’une grande hauteur.
  • Les liens entre les clans se multiplient et s’organisent à l’échelle de l’ensemble de la
    Nouvelle-Calédonie (y compris les îles Loyauté), notamment par les stratégies
    matrimoniales.
  • Les échanges de biens se multiplient. Cf. le cycle du jade décrit par M. Leenhardt
    (Boulay Roger, De jade et de nacre ; patrimoine artistique kanak. Paris, réunion des
    musées nationaux, 1990).

 La mise en activité des élèves :

1. Lire et comprendre un texte.
La première partie du questionnaire, à faire à la maison, sert à vérifier que les élèves ont
bien compris le sens général de l’histoire.

2. Découvrir que le mythe peut renseigner sur l’histoire et les caractéristiques
culturelles d’un peuple.
On peut rapprocher cette démarche de celle utilisée en 6e : le mythe d’Osiris, la Bible, l’Iliade et
l’Odyssée.
Les élèves découvrent que le mythe donne à l’homme une explication sur le monde qui
l’entoure. On y trouve donc les croyances et l’univers quotidien d’une société ancienne.
Cependant, on peut mettre en garde les élèves : au cours du temps, le mythe s’enrichit
des apports des différents narrateurs. Le mythe est donc formé de strates successives
dans lequel on trouve aussi des éléments d’une histoire plus récente sans rapport avec la
culture kanak traditionnelle. Ains i, le professeur doit montrer aux élèves que des mots du
vocabulaire sont plus récents. Tribu, chef, grand chef, coutume, parole sont des mots du
colonisateur français. Utilisés dans le contexte de la culture kanak, ils n’ont pas le sens
usuel de la langue française. Il faut aussi faire observer que la fin de l’histoire très
redondante a vraisemblablement été ajoutée récemment, pour intégrer la fonction de
grand chef apparue au début du XXe siècle.

3. Savoir rédiger une phrase simple pour répondre à une question.

 Les documents et les questionnaires.

LES CINQ FRERES.

Dans une tribu de Lifou vivaient cinq frères. Quand la saison sèche arriva et que la nourriture se fit rare, le père appela ses
enfants et leur dit :
— Fils, allez dans la forêt nous chercher de quoi manger.
Très tôt le lendemain, les cinq frères se mirent en route sous la conduite de l’aîné. Ils recherchaient un magnania : c’est une
igname sauvage appelée alu en lifou. En cas de famine, on peut en manger les tubercules amers.
Soudain, ils aperçurent un superbe pied de magnania. L’aîné pensa que c’était à lui de déterrer ces tubercules. Il débroussa,
creusa autour, assez, croyait-il, pour saisir la tête et sortir le pied sans difficulté. Il commença à tirer, tirer encore, tirer plus fort,
toujours plus fort, de toutes ses forces, les muscles gonflés, les dents serrées1 , le front ruisselant, le souffle court, mais... en vain !
II avait creusé trop superficiellement2 .
A bout de force, il dit :
— Donnez-moi un coup de main l’un après l’autre.
Toutefois, il interdit au plus jeune d’approcher. C’était un pauvre garçon malingre, sale, galeux et méprisé de tous3 . De l’aube au
coucher du soleil, les quatre frères usèrent leurs forces sous le commandement de l’aîné : le magnania ne bougeait toujours pas
d’un pouce. Plusieurs fois, le jeune frère s’était avancé pour aider mais on l’avait repoussé avec mépris. Comment ! Ce gringalet4
prétentieux5 , d’apparence chétive, réussirait là où ses frères avaient échoué ?
Le soleil descendant sur la mer, les quatre frères épuisés allaient abandonner quand le benjamin leur demanda très humblement
de tenter sa chance. La permission fut accordée. Il se mit à l’ouvrage sous les rires, les moqueries et les invectives des aînés :
— Tire, pouilleux ! Tire fort, galeux ! Tire plus fort maigrichon !6 Courage toi le champion des magnanias !
Imperturbable7, il creusa patiemment la terre, toujours plus profond, prenant bien soin de dégager les tubercules. Lorsque les
racines apparurent, il les coupa au bon endroit, libérant le mag nifique magnania. Il en saisit la tête, tira lentement, doucement,
et, comme naît un petit d’homme, le beau magnania sortit des entrailles de la terre8 selon la coutume il le présenta à l’aîné qui le
reçut avec un petit ricanement gêné et le partagea en cinq.
La nuit tombée, ils s’en retournèrent au village, ayant chacun un beau tubercule sur l’épaule gauche. Dans la case, au coin du
feu, l’aîné raconta au père toute l’histoire du magnania.
— Fils, approchez, dit le vieux. Je vais prononcer la parole pour l’avenir. Voici : à partir de cet instant, le benjamin qui a su
déterrer le magnania sera le chef de notre clan. Vous lui obéirez car il est le plus capable de défendre et de conduire la famille. Il
en fut ainsi. Le benjamin devint chef du clan. Plus tard, il prit autorité dans toute la région. Le grand chef le nomma même un
jour à la tête des conseillers atési*, car son conseil était to ujours le meilleur de tous.

Mythe de Lifou raconté par M. Tamunu Ajapuhnya.
  1. Les dents serrées : on serre les dents de colère, de douleur, pour agir avec force, ce qui est le cas dans le texte.
  2. Superficiellement : trop en surface, seulement à la surface, sans aller plus à fond.
  3. Un pauvre garçon, malingre, sale, galeux et méprisé de tous : l’accumulation des adjectifs décrit bien ce jeune garçon.
  4. Ce gringalet : petit, maigre, chétif.
  5. Prétentieux : qui prétendait réussir là où ses frères plus forts n’avaient pas réussi.
  6. « Tire, pouilleux, tire plus fort, galeu x, tire plus fort, maigrichon ! » Ces expressions montrent que les frères aînés méprisaient le plus jeune frère.
  7. Imperturbablement : de façon résolue, inébranlable malgré les moqueries de ses frères.
  8. Les entrailles de la terre : les pro fondeurs de la terre, ce qui est à l’intérieur de la terre.
  9. Atési* : un clan atési est un clan très important, un clan sacré.

 I. COMPRENDRE L’HISTOIRE.

  • Quel souci a cette famille au début de l’histoire ?
  • Quelle solution est proposée ?
  • Qui doit se charger de régler le problème ?
  • Quelle est la difficulté rencontrée par les garçons ?
  • Comment le cadet parvient-il à déterrer le tubercule ?
  • Quel moyen avaient utilisé ses aînés ?
  • Que peut-on en conclure sur la personnalité du cadet par rapport à celle de ses aînés ?
  • Que se passe-t-il lorsqu’ils rentrent à la maison ?

 II. QU’EST-CE QUE CE MYTHE NOUS APPREND SUR LA SOCIETE ET LA CULTURE KANAK ANCIENNES ?

A. LA FORCE DU MYTHE :

  • Quand cette histoire se passe-t-elle ?
  • Dans cette histoire, qui a été choisi comme chef. Pourquoi ?
  • Qu’est-ce qui permet aux hommes de survivre malgré la saison sèche ?
  • D’après vous, quelle plante est restée par la suite la base de l’alimentation kanak ?
  • Montrez que le passage au cours duquel l’igname est déterrée est aussi la description d’un
    accouchement.
  • D’après ce texte, quels liens sont montrés entre l’homme, la terre et l’igname ?
  • A votre avis à quoi sert cette histoire ?

B. DES HOMMES PLUTÔT EGAUX ET LIÉS ENTRE EUX :

1. Les décisions sont prises ensemble.

  • Comment se comportent les aînés envers leur cadet ?
  • Quelle est la réaction du frère aîné lorsque le cadet parvient à déterrer le magnania ?
    Citez le passage qui le montre bien.
  • Qu’est-ce qui a changé dans son attitude ? Pourquoi ?
  • Que se passe-t-il lorsque les cinq frères rentrent chez eux ?
  • Que décide donc le père ? Pourquoi ?
  • Où cette discussion et cette décision ont-elles eu lieu ?
  • Qui était jusqu’à présent le chef de clan ? Qu’est-ce qui le montre ?
  • A l’aide de vos réponses aux questions, dites qui est le chef de clan dans la culture kanak
    traditionnelle. Expliquez ensuite ce qu’est un clan.

2. Le partage des biens et des responsabilités.
Le mythe montre à deux reprises que le partage est important dans la société kanak
traditionnelle : trouvez les passages concernés.

3. Le geste, la parole, le don : la coutume.

  • Quel est le sens du mot « coutume » dans le passage suivant : « selon la coutume, il le
    présenta à l’aîné… » ? Par quel autre mot peut-on remplacer : « coutume » ?
  • Quel est le sens du mot parole, lorsque le père dit à ses fils : « Je vais prononcer la parole
    pour l’avenir » ?

 LA CASE KANAK TRADITIONNELLE EST UN SYMBOLE DE CETTE CULTURE.

Document 1
Tribu de Nera en 1874 : la
vie quotidienne a changé avec l’arrivée des
Européens, mais la case reste.
Document 2
La grande case.

1. Rappel : dans le mythe que nous
avons étudié, à quoi sert la case ?

2. Document 2 : pourquoi peut-on dire
que l’architecture de la case favorise
la discussion ?

3. Pourquoi peut-on dire que par son
architecture, la case représente bien
les liens étroits qui existent dans la
société entre les clans et entre les
membres de chaque clan ?

4. Document 2 : observez le dessin, et donnez à chaque élément décoratif la lettre qui lui correspond :

  • Chambranle : …
  • Linteau : …..
  • Poteaux de tour de case : ….
  • Flèche faîtière : ….
  • Poteau central : ….

Que représente chacun des éléments observés ci-dessus ?
Ecrivez le mot qui correspond à chacune des définitions suivantes :

  • Fait le plus souvent d’un tronc de houp qui représente sa grandeur, c’est contre lui que s’adosse le « frère aîné » et
    autour de lui que s’assoient les chefs de clan. Il représente avant tout l’unité des clans :……..
  • Ils représentent les lignées des clans, ce sont eux qui soutiennent réellement la case :……..
  • Ils représentent les ancêtres, les esprits protecteurs :……..
  • Il est bas et oblige le visiteur à se baisser en signe de respect :……..
  • C’est l’esprit de l’aîné, cette pièce est enlevée lorsque le « frère aîné » meurt :…..

 Suggestion de plan du cours

LE MONDE OCEANIEN A L’EPOQUE
PRE -EUROPEENNE.

Objectif : quels points communs et quelles différences entre les cultures océaniennes ?

I) Le peuplement de l’Océanie.

Objectif : quelles sont les différentes populations qui ont peuplé l’Océanie avant l’arrivée des Européens ?

A) Rappels de géographie : trois grandes aires culturelles.

B) Des vagues de peuplement successives.

1. Une première vague de migrants.
2. Une deuxième vague.
3. Au XVIe siècle : retour de Polynésiens vers l’Ouest.

II) La société et la culture kanak anciennes.

Objectif : comprendre comment vivaient les Kanak avant l’arrivée des Européens.

A) La force du mythe.

B) Les hommes sont plutôt égaux.

1. Les décisions sont prises ensemble.
2. Le partage des biens et des responsabilités.
3. Le geste, la parole, le don : la coutume.

C) La case est un symbole de cette culture.

D) Cette organisation leur permet de produire des richesses.

1. Qu’est-ce qu’ils produisent ?

  • Une agriculture irriguée.
  • Artisanat et parures.
    2. Des échanges importants.

III) Villages de Mélanésie, royaumes de Polynésie.

Objectif : Qu’est ce qui rapproche et qu’est-ce qui différencie les deux aires culturelles ?

A) Des ressemblances.

B) Des différences.

 Bibliographie de base.

  • Ajapuhnya Tamumu (narrateur), in Contes du monde entier – Contes de Nouvelle-Calédonie -, Nathan, Paris, 1985.
  • Boulay Roger, La grande case des Kanaks, Office Culturel Scientifique et Technique Canaque, Nouméa, 1984.
  • Boulay Roger, De jade et de nacre, patrimoine artistique kanak, Réunion des musées nationaux, Paris, 1990.
  • Estournes Jean-Marc, La case, Collections découvertes calédoniennes, Planète Mémo, Nouméa, 1999.
  • Filippi Orso (sous la direction de), Chroniques du pays kanak, Planète Mémo, Nouméa,
  • 1999.
  • Leenhardt Maurice, Do Kamo, la personne et le mythe dans le monde mélanésien, Gallimard, Paris, 1947.
  • Leenhardt Maurice, Le pilou, moment culminant de la société, collection Chemin de parole, Grain de sable, Nouméa, 1998.
  • Leprisé Hélène et Giraud Philippe, La Nouvelle-Calédonie (guide pour voyageurs curieux), Les créations du Pélican, Paris, 1999.
  • Lextreyt Michel et Boyer Philippe (dir.), Hommes et espaces d’Océanie (sciences humaines 5e), CTRDP, Nouméa, 1995.
  • Sand Christophe, Les cahiers de l’archéologie en Nouvelle-Calédonie, services des musées et du patrimoine, Nouméa, 1992.

titre documents joints

La société et la culture kanak traditionnelles

22 août 2010
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