Disparités et organisation de l’espace néo-calédonien
Caledonie Troisieme Premiere Conférence
Mis à jour le lundi 17 mars 2025
Nouméa IUFM
Mercredi 5 novembre 2014
TEXTE DE LA CCONFERENCE :
Retour sur le programme de l’ANC
Diapos 2 à 27
Trois produits :
- L’Atlas papier.
- Le DVD.
- Le livre.
DIAPO 28 Couverture livre
Pourquoi avoir écrit ce livre ? Un atlas n’était-il pas suffisant ?
Les limites de la démarche encyclopédique de l’Atlas qui fait le tour des connaissances sur la NC en les exposant selon un ordre thématique, mais parfois au détriment d’une compréhension plus globale.
Les frustrations du codirecteur que certains thèmes n’aient pas été développés d’une manière plus nette et moins parcellisée, spécialement les questions de d’inégalités et d’organisation des territoires, tout cela avec pour toile de fond le souci des pouvoirs publics du « rééquilibrage ».
Ce livre cherche à mettre en relief des mécanismes socio-spatiaux complexes en développant une démonstration que la brièveté des notices de l’ANC ne permettait pas.
Après trois ans à avoir parcouru tout le pays, à avoir eu l’honneur de côtoyer les auteurs de l’ANC et à avoir brassé une masse conséquente d’informations, j’ai eu le sentiment de me trouver au centre d’une sorte de toile d’araignée que j’avais tissé et duquel je pouvais obtenir toutes les informations qui ont permis d’écrire dans l’exaltation et rapidement ce livre, avec
DIAPOS 29 et 30 Remercier les éditions de l’IRD pour le remarquable travail éditorial.
– une approche par les lieux et les territoires (diapo 31) ;
– un souci de vulgarisation (diapo 32) ;
– un souci d’actualisation (diapo 33).
Les cartes et documents qui le composent sont pour la plupart originaux car il ne s’agissait pas de plagier l’ANC.
L’explication du titre
Un jeu de mots sur la belle notion de « destin commun » qu’on trouve dans le préambule de l’accord de Nouméa et qui n’est pas sans ambiguïté puisque la première acception du mot « destin » est celle d’une puissance extérieure ou d’événements qui régissent nos vies indépendamment de notre volonté. La Force du destin, l’opéra de Guiseppe Verdi (Don Alvaro et Don Carlo) en est une illustration parfaite. Dans ce sens-là l’opposition entre les Kanak et les autres communautés peut être considérées comme quelque chose d’irrévocable ou on peut également estimer que tout le monde est condamné à vivre ensemble.
Il me semble que dans l’accord de Nouméa, on utilise une acception secondaire et affaiblie du mot « destin » renvoyant à la possibilité qu’ont les hommes de modifier leur existence. Ainsi les Kanak et les autres communautés pourraient mettre un terme à cette fatalité coloniale par un principe de double légitimité à vivre en NC :
– celle du premier occupant pour les Kanak ;
– la reconnaissance pour les autres de leur participation à la construction de la NC.
C’est devenu en l’espace de 16 ans une sorte de formule magique qu’on utilise à tort et à travers pour s’assurer les bonnes grâces des dieux ou de l’Etat mais souvent sans se donner les moyens de la rendre concrète.
Le destin peu commun de la NC c’est :
– son histoire coloniale très dure où il n’y a eu que peu de gagnants entre les Kanak spoliés et ségrégués et la masse des Petits-Blancs sans parler des asiatiques exploités sur mine.
– Le processus négocié de décolonisation et d’émancipation.
– Son évolution récente qui en fait un territoire à nul autre pareil au sein de la République.
Quel est le bon niveau de compréhension de la NC ? L’Océanie ou l’outre-mer ? Faut-il avoir une approche régionale ou en réseau ?
Si on a une démarche culturaliste, la réponse ne fait aucun doute. Il s’agit bien d’un territoire océanien.
Diapo 34
Mais à y regarder de plus près, la NC ressemble plus au reste de la FOM ou aux territoires ultramarins des EUA.
Diapo 35
PIB/habitant inférieur à celui d’Hawaii mais supérieur à celui de Guam ou de la PF.
11 x supérieurs à celui de Fidji
17 x supérieurs à celui du Vanuatu
37 x supérieurs à celui des Salomon
42 x supérieurs à celui de la PNG
Des ressemblances avec le reste de la FOM (chômage élevé, taux de couverture très bas, IDH flatteur, indice de Gini très fort donc société plus inégalitaire que la Métropole, PIB/hab. inférieur à la moyenne métropolitaine…).
Aux sources des disparités : les effets pervers des transferts publics et de la rente minière
Diapo 36
Le syndrome néerlandais touche l’ensemble de l’outre-mer y compris la NC en raison des effets pervers dus à la quantité des ressources financières entrant dans l’économie sous forme de transferts publics et de revenus du nickel.
Suite à la découverte de gaz naturel en mer du Nord dans les années 1960 l’injection d’argent dans cette petite économie a entraîné une augmentation des salaires et a entraîné un déclin du secteur manufacturier et du tourisme car les salaires ne pouvaient suivre les secteurs en plein boom.
La force du nickel limite le développement des secteurs importateurs.
Diapo 37
La formation des prix et des salaires (voir le rapport Syndex).
L’indice Big Mac est intéressant car les éléments de fabrication de ce produit sont identiques dans le monde entier.
On voit que le prix du Big Mac est plus élevé à Nouméa de 17 % que dans la zone euro.
Les produits alimentaires sont 89 % plus chers qu’en Métropole d’après une étude du CEROM de 2012.
Un Ipad 2 coûtait 40 % plus cher à Nouméa qu’à Bruxelles en 2012 soulignant l’existence de marges et de barrières douanières élevées.
La prospérité de l’économie de la NC en termes de niveau de vie repose sur l’exploitation de la rente minière et sur l’arrivée de revenus extérieurs venant de l’Etat français.
L’indexation des salaires des fonctionnaires, sans lien à une plus grande productivité, a un effet inflationniste spectaculaire. Tout cela fragilise la NC car si c’est une chance d’avoir du nickel, cela a aussi des effets pervers.
La malédiction des ressources naturelles a été mise en évidence par de nombreux économistes ces deux dernières décennies (Auty, Frankel, Humphreys et Stiglitz...). Tous constatent que :
– l’absence de ressources naturelles ne gênent pas le développement ;
– en revanche la présence de ressources naturelles pose des problèmes.
Ce paradoxe tient dans :
– la mauvaise redistribution des revenus miniers se traduisant par de fortes inégalités sociales, les rentes étant appropriées par une minorité ;
– l’extraction n’est pas le résultat d’un processus productif et peut se faire indépendamment des autres activités économiques ;
– étant donné qu’il s’agit généralement de ressources non renouvelables (volatilité des revenus soumis à l’évolution des cours) cette richesse devrait être épargnée ou investies en équipements et non pas financer des dépenses courantes. On constate généralement un sous-investissement éducatif dans les pays rentiers car la présence de richesses fait oublier la nécessité d’avoir une population qualifiée ;
– l’appropriation de la rente minière génère une instabilité politique et l’émergence de coups d’Etat ou de guerres civiles.
Diapo 38
Le tourisme est la première victime du syndrome néerlandais. La NC est la destination qui a le moins progressé en 30 ans dans le Pacifique.
Diapo 39
C’est une destination quasi invisible sur le plan mondial. Elle n’a pas pris le tournant touristique de nombre de destinations insulaires tropicales.
On peut estimer qu’il y a seulement 75 000 vrais touristes, les autres sont des voyageurs d’affaire, des sportifs, des personnes venant se faire soigner.
Compte tenu de son potentiel, la NC devrait être la seule destination insulaire du Pacifique sud dépassant le million de touristes. On en est loin.
Diapo 40
Les effets redistributifs et de maintien de la population rurale sur place ne sont donc pas utilisés, ce qu’on remarque lorsqu’on analyse les pratiques spatiales des touristes, trop concentrées à Nouméa.
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Les niveaux d’organisation de l’espace de la NC
Le niveau de la tribu
DIAPO 41
Habitat diffus, auréole d’agriculture vivrière, déconcentration de l’habitat avec extension de la zone habitée parfois et volonté de réinstallation dans les zones abandonnées. Coût important parfois pour les mairies.
DIAPO 42
Forte variation de la population entre périodes scolaires et vacances et grandes vacances. Beaucoup de RS.
DIAPOS 43 et 44
Enclavement parfois spécialement pour les tribus les plus au nord de la chaîne.
Le niveau communal
Malgré ses défauts et ses faiblesses que l’on va aborder, l’institution municipale est devenue, en quatre décennies, un acteur fondamental de la vie quotidienne des populations, spécialement en brousse et dans les îles. Le sentiment d’appartenance communal est aujourd’hui très fort. Les chefs-lieux sont dotés de commerces et de services vers lesquels convergent tous les habitants des communes. Celles-ci mettent parfois en place des navettes pour que leurs administrés puissent s’y rendre, spécialement les jours de marché.
DIAPO 45
La première particularité des communes néo-calédoniennes est leur taille. Sur les trente plus grandes communes françaises, douze sont néo-calédoniennes, et sur les cinquante plus grandes, 26 sont néo-calédoniennes.
Yaté, la plus grande avec 1 338 km2, se classe au 15e rang national, devancée par 14 communes guyanaises, dont l’immense Maripasoula avec 18 360 km2, aussi vaste que la Nouvelle-Calédonie.
Le premier défi qu’a dû relever l’institution municipale a été d’intégrer le système coutumier et de recoudre l’espace communal, divisé entre espace colonisé et réserves indigènes.
DIAPO 46
L’institution municipale a généralement pris le dessus sur les autorités tribales, mais celles-ci continuent de jouer un rôle notable dans certaines communes, spécialement celles où la population habitent majoritairement en tribus, et les règles issues des documents d’urbanisme ne s’appliquent pas sur terres coutumières.
DIAPO 47
L’étendue et la dissémination de l’habitat sont un autre défi. Elles occasionnent des charges particulièrement lourdes, spécialement en matière de transport, de ramassage scolaire, d’adduction d’eau potable ou d’entretien de la voirie, fréquemment dégradée par les intempéries.
Or, ces communes sont sous perfusion financière, dépendantes de l’État et de la Nouvelle-Calédonie en l’absence d’une véritable fiscalité spécifique, avec une moyenne de 10 % de recettes propres. En dehors du Grand Nouméa et de quelques communes de Brousse, la capacité contributive des administrés est nulle ou presque et ce sont les trois fonds intercommunaux de péréquation (FIP) qui fournissent la grande majorité des ressources.
Cette situation ne leur permet guère de mener des politiques efficaces de développement économique et de les responsabiliser, attendu que certaines fournissent gratuitement à leurs administrés l’eau potable ou la collecte des ordures ménagères, se privant ainsi de ressources.
DIAPO 48
De surcroît, malgré leur vastitude, plusieurs souffrent d’un manque de foncier propre, inhibant leur élan (cas de Poindimié) surtout lorsqu’elles sont cernées de terres coutumières.
L’intercommunalité est rudimentaire en Nouvelle-Calédonie, puisque les quatre communes de l’agglomération ne coopèrent que depuis peu avec la création sous l’injonction de l’État, en 2006, du Syndicat intercommunal du Grand Nouméa (SIGN), alors que les enjeux et les défis en termes d’urbanisation et de transport sont importants.
Certes il existe des syndicats intercommunaux à vocation unique (SIVU) ou multiple (Sivom), mais on ne trouve ni communauté urbaine, ni communauté d’agglomération, ni communauté de communes. Il faut dire que les outils métropolitains sont peu adaptés, la gestion des communes de la NC relevant déjà d’une forme de coopération entre les nombreux hameaux, tribus et le chef-lieu.
DIAPO 49 Koumac
La gestion n’est pas la même lorsqu’on a à faire à une commune ayant des tribus regroupées autour du chef-lieu et des communes à la population très dispersées.
Aux deux extrémités de la NC on trouve deux cas rares de regroupement complet de la population effectués par les missionnaires autour de la mission et qui aujourd’hui sont en train d’évoluer.
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Sur l’île des Pins, l’installation des missionnaires catholiques à Vao, en 1848, va être à l’origine d’une réorganisation complète de l’habitat qui, de dispersé, se regroupe autour de la mission, formant le plus grand village kanak de la Nouvelle-Calédonie avec 1 109 habitants en 2009.
Toutefois, à l’instar des autres îles, on constate une diffusion de l’habitat, puisque le village de Vao ne concentre plus que 56 % de la population en 2009 contre 71 % en 1996. Ce mouvement est singulier, car il ne s’agit pas ici d’un étalement hors des tribus, mais d’une réoccupation permanente des terres tribales, notamment au contact du massif de péridotites et de la plateforme corallienne, là où se trouvent la route principale circulaire, les quelques terres agricoles vivrières et les sources provenant de la nappe du plateau. C’est
d’ailleurs pour préserver cette ressource, qui suffit à la consommation locale, qu’il existe une interdiction coutumière de construire et de cultiver sur le plateau.
DIAPO 51
L’évangélisation des îles Belep a provoqué de profondes mutations, spécialement le regroupement, en 1874, de toute la population à Waala, un village créé par les missionnaires dix-huit ans plus tôt. L’île Pott (12 km2) est de la sorte évacuée, alors que les tribus sur l’île Art (56 km2) quittent leurs baies d’origine pour Waala. Il faut attendre 1956 pour que Pott soit restituée, trois quarts de siècle après être devenue une terre de colonisation, sur laquelle s’installèrent des colons et leur bétail. Le Territoire et les Béléma durent racheter cette île, qui est redevenue terre coutumière en 2011.
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Aujourd’hui, la question du retour sur les terres est pendante. La volonté est forte de quitter Waala, un village où les clans, regroupés en quartiers, se plaignent de la promiscuité. Une relocalisation est jugée prioritaire pour les clans originaires de Bwéo, de Pairomé et de Pott.
Les bassins d’emplois et de vie
DIAPO 53
Ce sont des espaces animés par l’intenses migrations alternantes et au sein desquels s’opèrent une redistribution des richesses par transferts de revenus entre lieux d’emplois et lieux de résidence, avec l’opposition entre communes-dortoirs et communes possédant de nombreux emplois. On le voit dans le Grand Nouméa ou dans les bassins de vie en brousse à l’instar de Koumac.
Plus de 1 = + d’emplois sur la commune que d’actifs y vivant
Moins de 1 = - d’emplois sur la commune que d’actifs y vivant (communes-dortoirs)
DIAPO 54
À environ une heure de route les uns des autres, les bourgs de La Foa, Bourail, Koné, Poindimié et Koumac, assurent l’encadrement tertiaire de la Brousse. Ils
forment les noyaux de microrégions, environ deux fois plus petites que les départements métropolitains, qu’on peut rapprocher des « bassins de vie » définis par l’INSEE pour la Métropole, mais dilatés par la vacuité.
Ils bornent les mobilités les plus courantes, comme celles pour faire ses courses ou aller à son travail. Avec Nouméa et quelques localités minières, les centres de Brousse sont les communes les plus attractives pour l’emploi, comme le montre Koumac.
Les provinces
DIAPO 55
A l’échelle des trois provinces, des déséquilibres préoccupants.
DIAPO 56
La redistribution de la richesse passe par les clés de répartition qui favorisent les provinces Nord et Loyauté. Sans rentrer dans le débat de l’évolution ou pas de celles-ci, il faut noter que si l’outil fiscal est surutilisé en Métropole, il est sous-utilisé en NC, où la pression fiscalo-sociale est limitée par l’ampleur des transferts de l’Etat. D’autres mécanismes redistributifs à plusieurs échelles existent.
Il y a donc une redistribution à l’échelle provinciale par le biais des clés de répartition.
Au sein de la province Nord, il y a une tentative de rééquilibrage entre Est et Ouest par le tourisme est le développement d’un tourisme intégré en tribu sur la côte océanienne.
Entre la province Sud (Grand Nouméa) et les îles Loyauté il y a d’importants transferts financiers entre les milliers de Loyaltiens vivant dans le Grand Nouméa vers leur île et leurs tribus comme le montre l’espace d’usage des langues des îles Loyauté, au 2/3 parlées à l’extérieur DIAPO 57.
++++
La double insularité néo-calédonienne
L’évolution des transports a eu tendance à accentuer la coupure entre île principale et îles secondaires. Pour le fret, le coût des dernières centaines de kilomètres transitant par l’île principale, en provenance d’un grand port et à
destination d’une île périphérique peut être exorbitant. Pour preuve, l’acheminement d’un conteneur EVP (Équivalent vingt pieds) du Havre à Nouméa (Nouvelle-Calédonie), sur près de 20 000 km, revient à 2 500 €, alors que les 250 km de Nouméa aux îles Loyauté coûtent 1 500 €. La concentration des services océaniques sur quelques escales, due à l’usage de navires de plus en plus gros, la collecte ou la distribution des conteneurs dans des ports secondaires (feedering) ainsi que la desserte des petites îles par cargos mixtes expliquent que les prix au mille nautique peuvent varier de 1 à plus de 100 suivant que l’on est sur une grande route ou en situation très périphérique.
On a d’un côté une hypo-insularité de la Grande Terre.
De l’autre une sur-insularité des « îles » le qualificatif est intéressant montrant que l’on a tendance à continentaliser la Grande Terre.
Contrairement à une idée reçue, les îles ne sont pas les territoires les plus isolés et c’est la population insulaire qui est la plus mobile en NC.
Parce que la petitesse ne permet pas de proposer une offre éducative complète, la tranche de la population scolarisée hors de l’île y est d’autant plus importante que l’île est peu peuplée.
Ainsi, s’il existe un lycée à Lifou, les jeunes Maréens ou Ouvéens doivent, après le collège, se rendre à Nouméa ou dans l’île voisine pour poursuivre leurs études, alors que les jeunes de Tiga, de Belep ou de l’île Ouen doivent quitter leur île dès la fin de l’école primaire. Quant aux insulaires de Poum, l’absence d’école les oblige à faire toutes leurs études hors de leur tribu, ce qui conduit généralement les parents à les suivre.
On a donc à faire à des lieux privés d’une part conséquente de leur population et où les retraités sont surreprésentées. Les îles se repeuplent et s’animent au moment des grandes vacances
Une telle situation est la conséquence du principe d’équité spatiale qui a présidé à la desserte des îles avec la création, en 2004, d’une aide à la continuité territoriale intérieure (CTI), destinée aux liaisons aériennes intérieures. Mais les généreuses réductions proposées par Air Calédonie aux
résidents des Loyauté, qui se rajoutaient à la CTI, ont creusé le déficit de la compagnie aérienne. Elles ont abouti, en l’absence d’un tel dispositif pour le bateau, à un trafic passager dominé par l’avion, étonnamment le moins cher, y compris pour le fret !
La remise en question de ce système en 2011, afin de « sauver » cette compagnie, avec suppression de la CTI et mise en place de quotas de sièges sur les vols les plus demandés pour générer plus de revenus, a provoqué, sur fond de conflits coutumiers et politiques, un bras de fer entre les collectifs d’usagers et Air Calédonie aux Loyauté, témoignant de la banalisation et de l’importance de l’avion pour les Loyaltiens, qui vont continuer de bénéficier de tarifs très préférentiels.
Des pistes de décollage trop courtes et trop étroites, qui ne permettent pas d’utiliser à pleine charge les ATR 42 et ATR 72 (emport maximal de 50 passagers pour 68 sièges à Ouvéa), ainsi qu’un balisage des pistes ou des moyens météo mal adaptés, obèrent en outre les possibilités de redressement financier de la compagnie aérienne intérieure.
DIAPO 58
La discontinuité maritime se traduit cependant, en raison de l’organisation du trafic maritime, par des coûts de transport des marchandises plus élevés par mer que par la voie terrestre. Par conséquent, pour que les prix du gaz, de l’essence et du gazole soient identiques sur tout le territoire, le gouvernement a dû mettre en place une péréquation neutralisant la distance à Nouméa, lieu d’arrivée des énergies fossiles, et surtout l’insularité.
Sachant que le coût de la distribution était estimé, fin 2008, à 0,67 FCFP/litre à Nouméa, 4 à 5 FCFP/litre sur la Grande Terre et 21 FCFP/litre environ dans les îles Loyauté, les Loyaltiens paient leur litre d’essence 18 FCFP de moins que son coût, la différence étant réglée par les consommateurs du Grand Nouméa qui paient celui-ci 2,43 FCFP de plus que son coût.
L’offre proposée par la Compagnie maritime des Îles (CMI) et la Société de transport des îles (Stîles) est insatisfaisante et les îles Loyauté subissent assez régulièrement des pénuries de carburants, et d’autres denrées, en raison des problèmes de panne et de maintenance des rares bateaux assurant la desserte. À cela se rajoutent de préoccupants problèmes d’infrastructure. Certains wharfs sont délabrés et dangereux. Les entrepôts de stockage sont insuffisants
ou inexistants. Des trois îles principales, Ouvéa est la plus pénalisée, parce que la plus éloignée et la plus mal équipée.
DIAPO 59
Petites et généralement basses, certaines îles connaissent des problèmes d’approvisionnement en eau. Ouvéa est dotée depuis 1993 d’usine de dessalement de l’eau de mer. Celle-ci est distribuée, grâce à des camions-citernes, aux particuliers, qui disposent de cuve de 3 à 11 m3. À Taanlô, la récupération de l’eau de pluie sur les toitures reste la source unique ou majoritaire d’approvisionnement, comme c’était le cas à Tiga jusqu’à la mise en service, fin 2012, d’une petite unité de dessalement.
Ces deux cas témoignent d’un gaspillage de l’argent public quand on sait qu’à Taanlô une usine de dessalement par bouillage n’a fonctionné que de 2000 à 2002, cette installation, jugée trop coûteuse, n’ayant jamais été réparée. À Tiga, un équipement également onéreux fonctionna brièvement dans les années 1970 : un vaste réservoir, alimenté par un impluvium en tôle sur le premier plateau, amenait l’eau courante par gravité dans toutes les maisons du village.
DIAPO 60
La question de la maintenance se pose dans les îles difficiles d’accès. Ainsi, par sa proximité à Nouméa, l’île Ouen est un lieu d’expérimentation en matière d’énergie avec la mise en service, en 2008, d’une centrale électrique hybride, fonctionnant grâce à de l’huile végétale recyclée et à des panneaux solaires.
Rééquilibrage et restructuration de l’espace de la NC
Notion floue au coeur des accords de Matignon et Nouméa qui a légitimé le volontarisme de l’Etat et rassuré la population.
Il s’agit de répartir plus équitablement sur les plans territorial et humain :
– les richesses ;
– les pouvoirs ;
– les équipements ;
– les aptitudes.
Après plus de 20 ans d’action les résultats restent mitigés.
DIAPOS 61 et 62
Les inégalités socio-communautaires en matière de qualification et d’emplois restent très fortes.
Le système éducatif ne tient pas assez compte du contexte socioculturel océanien et il est pour le moment incapable de combler le retard entre les Kanak et le reste de la population :
– 1 Européen sur 5 a un diplôme de 2e ou 3e cycle universitaire ;
– 1 Kanak sur 100 a un diplôme de 2e ou 3e cycle universitaire.
85 % des détenus du Camp-Est seraient Kanak.
On a une partie de la jeunesse kanak à la dérive alcoolisée et droguée, particulièrement celle qui habite le Grand Nouméa.
DIAPOS 63 à 65
Les inégalités spatiales en matière de formation ou d’emplois sont aussi très fortes.
Variation dans un rapport de 1 à 11 entre Nouméa et Belep en matière de niveau de formation.
Variation dans un rapport de 1 à 19 entre Nouméa et Belep en matière de télécommunication.
Les inégalités entre communautés se retrouvent en ce qui concerne les pratiques à risques. Il y a un effarant retard, pour un territoire qui se dit développé, dans la prise de conscience du risque, de moins en moins toléré dans les sociétés les plus avancées :
– Insécurité routière (en 2010 26 tués pour 100 000 hab contre 10/100 000 en NZ). L’origine massivement océanienne des responsables et des victimes est une autre preuve des clivages qui traversent la société.
– Infections sexuellement transmissibles et grossesses non-désirées touchant principalement les Océaniens (voir les travaux édifiants de l’INSERM sur la question).
Le destin commun est à relativiser en raison des écarts de genre de vie et de revenus qui persistent et qui ont même tendance à se creuser.
Comment l’espace de la NC se restructure ?
DIAPO 66
Phénomène de concentration de la population dans le Grand Nouméa avec progressif glissement de la population de Nouméa vers les trois communes périphériques.
Phénomène de suburbanisation (banlieues) et de périurbanisation. Le suburbain est plus interne que le périurbain et s’en distingue par une occupation du sol plus continue et plus dense. Il y a entre le périurbain et la ville une discontinuité et les densités sont plus faibles que dans les espaces suburbains.
DIAPO 67
On a progressivement la mise en place d’un couloir central qui va du MDore à Bourail. Ce sont les communes les plus dynamiques, avec les ménages les plus équipés, les plus riches et une population majoritairement européenne DIAPO 68. On peut remarquer la grande ressemblance avec la carte des voix indépendantistes lors des élections de 2014. DIAPO 69 Preuve que les choix électoraux sont largement communautaires en NC.
C’est un ensemble qui se distingue nettement dans l’analyse en composantes principales (ACP) que nous avons faite et qui se trouve en annexe de cet ouvrage
DIAPO 70.
L’ACP est une analyse statistique multivariée qui réduit l’information et fait apparaître de nouvelles variables synthétiques et décorrélées, nommées « composantes principales » ou axes, résumant la matrice de données. Ainsi, quelques axes pourront expliquer une bonne partie de la variance totale. La première composante sera celle qui explique la variance la plus importante. Les composantes suivantes en expliquent chacune une partie de plus en plus faible.
L’axe horizontal distingue des disparités de ressources et opposent les communes européennes aux autres.
L’axe vertical décrit la base économique et met en évidence la diagonale minière de Yaté à Koumac voire Poum, s’opposant aux communes plus pauvres et marginalisées des îles et de la côte nord-est.
Les Loyauté pèsent de moins en moins dans l’ensemble calédonien DIAPO 71 et l’analyse des effectifs scolaires entre 2010 et 2014 montre que la perte de population se poursuit sur le nord de la côte et dans les Loyauté. DIAPO 72
DIAPO 73
En analysant les données de 1989 et de 2009 je démontre qu’il n’y a pas eu une réduction des disparités en 20 ans. Au contraire on remarque l’apparition de communes clairement distinctes. La gradation des inégalités communales a laissé la place à des ruptures sensibles. Pour filer la métaphore cycliste, on avait en 1989 un peloton très étiré avec quelques individus détachés ; on a en 2009, un groupe d’échappés et une série de convois d’attardés plus ou moins à la traîne typiques des étapes de montagne. Cet ordre est certainement la conséquence d’un dopage très inégal à l’argent public ou à la rente minière.
On remarque la même chose avec les quartiers de Nouméa. Les quatre types de quartiers que nous avons mis en évidence DIAPOS 74 et 75 révèlent une nette opposition N/S, qui ne s’est pas atténuée, bien au contraire DIAPOS 76 et 77.
Plus on s’éloigne de Nouméa et moins il y a de personnes nées en France hors NC
DIAPO 78
L’hétérogénéité des quartiers semble s’être accusée :
– d’une part par la taudification à l’oeuvre dans certains d’entre eux ;
– d’autre part par la gentrification renforcée des quartiers Sud, de plus en plus différenciés des quartiers intermédiaires.
CONCLUSION
Beaucoup de chemin reste à faire pour que le rééquilibrage aboutisse, au moins d’un point de vue social car sur le plan spatial on peut se demander s’il faut continuer à lutter, sans succès, contre la croissance du Grand Nouméa ?
Écartelée entre une province Sud qui concentre 81 % du PIB, une province Nord qui s’émancipe économiquement de la France par son usine métallurgique et des îles Loyauté qui ne cessent de se dépeupler et de s’enfoncer dans l’assistanat, la Nouvelle-Calédonie a-t-elle toujours les moyens de suturer son territoire ?
Comment sortir d’une économie trop assise sur la double rente ?
Comment réduire les écarts de formation et de revenus entre les différentes communautés (d’un côté des Porsche Cayenne, de l’autre des kanak qui font de l’autostop) quand la tendance mondiale est au renforcement des inégalités socioéconomiques ?
La bombe à retardement des inégalités.
Je souhaite que la NC ne soit pas un pays d’avenir destiné à le rester.
Documents joints
Disparités et organisation de l’espace néo-calédonien
Texte de la conférence du 5 novembre 2014 à l'IUFM de Nouméa
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