La civilisation kanak traditionnelle (1000-1774)
PROBLÉMATIQUE
Il s’agit d’étudier dans ce deuxième thème l’émergence d’une civilisation propre à l’archipel calédonien : la société kanak traditionnelle pré-européenne qui s’est élaborée au tournant du deuxième millénaire après J.-C. et dont l’étude sera bornée par l’arrivée des Européens à la fin du XVIIIe siècle (1774 : premiers contacts avec
l’arrivée de Cook).
Le professeur, en s’appuyant sur les prérequis de 6e et la notion de civilisation, aborde donc l’organisation de la société kanak traditionnelle et son fonctionnement à partir de :
- l’organisation politique et sociale
- la vie économique et matérielle
- les traditions religieuses (principales croyances et pratiques)
Les connaissances de la Nouvelle-Calédonie pré-européenne reposent sur des sources archéologiques en construction (« en l’état des connaissances actuelles … »), les témoignages oraux consignés par les premiers Européens et les écrits des premiers observateurs extérieurs (pasteurs, ethnologues …). Il faut donc dès la
première leçon inviter les élèves à porter un regard critique sur les sources. Dans cet ordre d’idée, il faut manier le vocabulaire avec précaution et proposer des termes plus adaptés comme par exemple « hameau » ou « village » plutôt que tribu, ou « l’aîné » « grand frère » plutôt que chef.
La vie économique et matérielle
L’attachement à la terre est fort : la terre est nourricière et « elle définit l’identité sociale des individus par référence à un tertre fondateur et à l’itinéraire qui a conduit les ancêtres de ce lieu d’origine à l’habitat actuel » (Leblic).
Le monde kanak est un monde d’horticulteurs qui occupent au moment de l’arrivée des Européens les plaines littorales et les vallées de l’intérieur. En effet, des vestiges d’aménagements complexes de tarodières irriguées en terrasses, de billons d’ignames sur pentes attestent que la population est nombreuse et entreprenante au
moment des premiers contacts avec les Européens. L’exploitation du terroir est communautaire : partage des terres et travail en famille.
Les outils sont rudimentaires : herminette, pelle, pieu à fouir. La production d’ignames est fondamentale non seulement pour l’alimentation (c’est le seul tubercule qui peut être stocké longtemps) mais aussi parce qu’elle occupe
une place centrale dans le maintien et la permanence du lien social.
La chasse, la pêche, le ramassage (sur le platier ou dans les mangroves) et la cueillette assurent des ressources complémentaires.
Le village est édifié à proximité des cultures, l’organisation des cases sur tertres autour d’une allée centrale rend compte de la place que chacun occupe dans la société.
L’organisation politique et sociale
A. La chefferie.
Elle repose sur les clans et la famille. Chaque clan regroupe plusieurs familles qui ont un ancêtre commun, un même mythe fondateur et une terre. Le clan a un rôle qui lui est propre, transmis à chaque génération à l’aîné (maître des cultures, gardien des lieux sacrés, police, maître des terres ….). Certains sont plus prestigieux que
d’autres mais tous sont complémentaires.
La structure de la Grande case symbolise les liens qui unissent les clans. Ainsi, les poteaux de tour de case représentent les clans, le poteau central le « frère aîné » ou chef. L’ancêtre fondateur du clan (du chef) devenu dieu, est représenté par la flèche faîtière au sommet de la case. Tous les éléments sculptés de la case
accueillent les esprits bienveillants et protecteurs des ancêtres devenus dieux après leur mort qui veillent sur les vivants. La forme ronde de la case est propice à la discussion.
L’organisation sociale est visible dans l’aménagement du village/hameau où le plus grand tertre accueille la chefferie/la Grande case. C’est là que les représentants des clans se réunissent pour prendre des décisions collégiales pour le groupe.
Le chef n’est pas un chef au sens européen du terme, même s’il est investi d’un pouvoir militaire, il n’a pas autorité sur ses frères et n’a pas de pouvoir décisionnaire. « Grand frère », il a plutôt un rôle d’arbitre lors des discussions. Le conseil des anciens (constitué des chefs de clans) prend ses décisions à l’unanimité. L’aîné doit
rassembler, il est donc choisi pour ses qualités plus que par sa naissance. C’est pourquoi dans certains cas il est « adopté ».
B. Les relations entre les chefferies.
Les échanges entre chefferies sont fréquents et suivent des « chemins coutumiers » qui témoignent dans l’espace des systèmes d’alliances et des déplacements d’une population sédentaire mais mobile. Ces échanges cérémoniels se font à l’occasion de naissances, mariages, deuils, inauguration de grande case … et
sont des moments où les chefferies réaffirment et resserrent les liens qui les unissent.
Les cérémonies donnent lieu à des échanges de présents symboliques mutuels (« la coutume ») : le don et le contre don d’objets cérémoniels (hache ostensoir, monnaies canaques …) et d’ignames. Ce rituel est accompagné de discours (la parole) où l’orateur rappelle les généalogies et les liens.
Ces échanges cérémoniels sont à différencier des échanges marchands où par exemple les villages de l’intérieur troquent leurs productions agricoles et artisanales avec celles des villages du bord de mer.
Les croyances et les pratiques :
- Une tradition orale. Les mythes fondateurs ont pour fonction d’expliquer l’histoire des clans et l’organisation de la chefferie. Ils visent à justifier l’organisation sociale et la place de chacun dans sa famille et dans son clan. Mémoire du clan, le mythe est transmis, partagé et dicte aux individus leurs comportements. Il est à la fois sacré, moralisateur, protecteur et dangereux pour celui qui ne le respecte pas. Mais il est aussi vivant puisqu’il peut toujours être actualisé en fonction de la volonté du récitant.
- Le culte des ancêtres. Il n’y a pas de séparation entre le monde des vivants et des morts comme le montrent les rites funéraires. Le mort devient un esprit doté de pouvoirs magiques que les vivants invoquent pour être protégés. Il s’incarne
notamment dans les sculptures. Le culte des ancêtres fait cohabiter le monde invisible avec le monde visible. Quant aux ancêtres fondateurs des clans, ils deviennent des « dieux », point de départ des généalogies. - Les Kanak dépendent des cultures vivrières, ainsi ils se concilient la générosité de la nature par des pratiques magiques. Des pierres rituelles préalablement façonnées selon le besoin (igname, taro, banane, lune, soleil …..) sont enterrées dans les champs par des « sorciers » dépositaires d’un pouvoir. Elles sont censées favoriser de bonnes récoltes parce qu’elles recèlent la puissance des ancêtres. Dans chaque clan, il existe des « spécialistes ». Tous les clans interviennent dans les rites.
Cette puissance est également sollicitée lors de la construction d’une nouvelle case par la constitution d’un « bosquet magique » rassemblant des plantes et des arbres considérés comme protecteurs.
PIÈGES À ÉVITER DANS LA MISE EN OEUVRE
- Confondre la case d’habitation et la Grande case
- Confondre civilisation kanak traditionnelle et civilisation kanak d’aujourd’hui et ne pas rendre compte d’une évolution en employant un vocabulaire anachronique.
MISE EN OEUVRE
- De nombreuses séquences sont disponibles sur l’espace pédagogique du Vice-rectorat. http://histoiregeo.ac-noumea.nc/
- Visite guidée ou non du musée de la Nouvelle-Calédonie. La cellule pédagogique propose des ateliers artisanaux ou de danse pour les élèves. Renseignements et réservations : smp@gouv.nc ou auprès de Kita Terei au 27.06.47
- Visite guidée du centre culturel Tjibaou. Service jeune public du Centre Culturel Tjibaou Contact : Aude-Christelle Konyi Rue des accords de Matignon-Tina Tél : 41-45-45 Fax : 41-45-46 Courriel : adck@adck.nc www.adck.nc
- Conservatoire de l’igname. Contact Site de Nê-tôm-Böö, Col de la Pirogue Tribu de Saint-Laurent 98840 Tontouta Tél. : 43 51 11 Email : conserv.senat@gouv.nc Les visites au Conservatoire de l’Igname sont possibles pour les groupes d’élèves. Les demandes sont à adresser au conservatoire de l’igname ou au secrétariat du Sénat coutumier. Les périodes de visite sont les suivantes : du 01 mars jusqu’au 31 mai. Vous visiterez : une collection d’ignames en place ; deux parcelles de multiplication des variétés d’ignames ; le bâtiment du conservatoire, le matériel agricole.
- Prestataires extérieurs : conteurs, archéologues (Institut archéologique de Nouvelle-Calédonie et du Pacifique) …
BIBLIOGRAPHIE
Manuel d’Histoire – cycle 3, Collectif, Centre de documentation pédagogique de Nouvelle- Calédonie (CDPNC), 2007.
Sciences humaines 6e [C.T.R.D.P., Hommes et espaces d’Océanie, 1994] Livre de l’élève / Michel Lextreyt /Nouméa (Nouvelle-Calédonie) : CTRDP - 1994
Sciences humaines 5e [C.T.R.D.P., Hommes et espaces d’Océanie, 1994] Livre de l’élève / Michel Lextreyt /Nouméa (Nouvelle-Calédonie) : CTRDP - 1994
Atlas de la Nouvelle-Calédonie, Ouvrage collectif sous la direction de Jacques Bonvalot et Jean-Christophe Gay, IRD, Congrès de Nouvelle-Calédonie, 2013
Argounes Fabrice, Sarah Mohamed-Gaillard et Luc Vacher (avec Cécile Marin, cartographe), 2011. Atlas de l’Océanie. Continent d’îles, laboratoire du futur, Paris, éd. Autrement, coll. Atlas / Monde
Isabelle Leblic, Au fondement de l’identité culturelle kanak, les représentations du foncier. https://hal.archives-ouvertes.fr/ha...
Frédéric Rognon, Le sujet dans la religion kanak, Revue des sciences religieuses, 81/2 | 2007, pp249-261. http://rsr.revues.org/562
Kanak : l’art est une parole. Emmanuel Kasarhérou, Roger Boulay, musée du quai Branly, Actes Sud, 2013
titre documents joints
La civilisation kanak traditionnelle (1000-1774)
Proposition du groupe de recherche et de réflexion d’histoire-géographie-éducation civique