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Habiter les territoires périurbains en France

lundi 2 décembre 2013

Support de la conférence de Hadrien Dubucs à l’IUFM de Nouméa, 11 septembre 2013.

Références utilisées et citées

 Introduction

La périurbanisation est un processus aujourd’hui incontournable tant pour les chercheurs (c’est un phénomène constitutif de la ville aujourd’hui, en France comme ailleurs) que pour les acteurs de l’aménagement urbain.

En première analyse la périurbanisation désigne l’extension de l’urbain aux communes rurales qui entourent la ville dense. Ce processus est toujours vu comme posant problème :

  • Il marquerait un affaiblissement voire une disparition des caractéristiques qui font une ville, c’est-à-dire le mélange de la densité et de la diversité. Rejoint en ce sens la formule célèbre de Françoise Choay prédisant « Le règne de l’urbain et la mort de la ville » (1980)
  • Dans un contexte d’injonction politique et sociale au « développement durable », la périurbanisation incarne la dérive vers une ville étalée, consommatrice d’espace et indissociable de l’automobile.

Or on tend à globaliser et à caricaturer ce « tiers espace », ni tout à fait urbain ni tout à fait rural, réputé détruire la distinction rassurante entre ville et campagne et cumulant les désavantages de chacun de ces espaces sans en retenir aucune des qualités. On oublie aussi que la périurbanisation, toujours décrite comme un processus en cours, a désormais au moins une trentaine d’années et a donc atteint une certaine maturité. Le pluriel s’impose : tous les périurbains (à la fois les habitants et les espaces qu’ils habitent) ne se ressemblent pas ! Enfin on oublie qu’avant d’être un problème d’aménageur le périurbain est un territoire, c’est-à-dire un espace vécu et pratiqué, constitutif d’un certain mode de vie.

 1. Le périurbain, un « tiers espace » incontournable dans le panorama urbain français

Fil rouge : un espace défini en creux, négativement (c’est-à-dire par la négative et de manière péjorative), en occultant la diversité de ses habitants, de ses formes et de ses enjeux

 1.1. Les difficultés de définition et de délimitation

1.1.1. Rappels sur les définitions successives, les seuils, les catégories.

Les définitions officielles sont à la poursuite de la ville. Après le développement des faubourgs dès l’époque moderne, puis l’expansion des banlieues, caractéristique de l’ère industrielle, les villes françaises se sont étendues depuis un demi-siècle selon des modalités et des échelles radicalement différentes.

Définitions 1 (CERTU) : La périurbanisation décrit le processus d’urbanisation qui s’est développé à partir des années 1970 à la périphérie des villes, dans des espaces à faible densité sans continuité de l’habitat avec l’agglomération urbaine : dominent des constructions pavillonnaires. S’oppose à la suburbanisation qui définit l’extension urbaine dense, depuis la fin du 19e siècle, orientée le long des infrastructures de
transport.

Brignoles, Var, 16 000 habitants

Définitions 2 (Définition de l’INSEE, ZAU, 1999) : la couronne périurbaine est formée par la totalité des communes dont au moins 40% de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle urbain. Peuvent donc être concernées à la fois des communes rurales et urbaines (plus de 2000 habitants).

Au-delà de ces nuances lexicales, les dynamiques d’étalement ont contribué à produire des espaces d’interpénétration de la ville et de la campagne aux contours mal définis, caractérisés par d’importantes migrations quotidiennes domicile/travail, que l’on a qualifié de façon générique de périurbain.

1.1.2. Les limites de ces approches : une définition « négative », restrictive et coupée du « vécu »

Si le terme tend à s’imposer dans les discours politiques et médiatiques, il est loin d’être ancré dans les représentations des habitants : les « périurbains » eux-mêmes ignorent souvent jusqu’à son existence même. Le premier zonage a suscité de vifs débats dans les années 2000. Beaucoup de chercheurs ont estimé que l’ampleur de la périurbanisation était volontairement minorée, afin de préserver la visibilité statistique des espaces ruraux (Charmes, 2009).

Le zonage en aires urbaines, 1999

En outre, le nouveau ZAU (zonage en aires urbaines) souffre comme le précédent de la simplification inhérente à toute nomenclature : en se fondant exclusivement sur les données de l’emploi et des migrations alternantes, ce découpage fait, par exemple, peu de cas des pratiques commerciales, culturelles et de loisirs, qui structurent fortement les bassins locaux de déplacements et témoignent d’autres aspects essentiels de l’influence urbaine.

Les définitions officielles à la poursuite de la ville

  • 1846 : zone urbaine (recensements 1846 à 1946)
  • 1954 : unité urbaine (recensements 1954 à 2006)
  • 1964 : zone de peuplement industriel et urbain (recensements 1968, 1975, 1982, 1990)
  • 1994 : zonage en aire urbaine (recensements 1999, 2006)
  • 2010 : nouveau zonage en aire urbaine (recensements partiels à partir de 2008)
1.1.3. Un espace en forte croissance

Données statistiques sur l’espace à dominante urbaine (Source : Delpirou, Dubucs, Steck La France en villes, 2010 / INSEE)

Si la périurbanisation s’est amorcée dès les années 1960, l’expansion spatiale du phénomène et sa dilution dans des territoires de plus en plus éloignés de la villecentre constituent des traits caractéristiques des derniers recensements (1975, 1982, 1990, 1999, 2004). Dans les limites du nouveau ZAU, l’espace périurbain couronnes et communes multipolarisées des grandes aires urbaines) englobe plus du tiers du territoire métropolitain (38%) et presque un quart de la population.

Source : INSEE

À l’intérieur des pôles urbains, les villes-centres connaissent un regain démographique lié au tassement du déficit du solde migratoire. Une partie de la population tend, en effet, à revenir dans les centres, particulièrement dans les grandes agglomérations, même si le flux reste minoritaire par rapport à celui des sortants. La progression des villes-centres est désormais supérieure à celle des banlieues. Ces dernières gagnent encore des habitants, mais à un rythme moindre : la croissance y est seulement due au solde naturel, tandis que le solde migratoire est quasi nul (et même nettement négatif dans l’agglomération parisienne). Les couronnes périurbaines ont une croissance ralentie, mais les soldes restent positifs, en lien avec un croît naturel de +0,4% par an et un solde migratoire de +0,6% par an entre 1999 et 2006. Les parties les plus externes des aires urbaines sont celles qui s’accroissent le plus rapidement.


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