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Enseigner les sociétés coloniales en Nouvelle-Calédonie

mardi 25 juin 2013 par Stéphane MINVIELLE

 III- Quelle histoire des sociétés coloniales enseigner aujourd’hui en Nouvelle-Calédonie ?

Les programmes scolaires en vigueur en Nouvelle-Calédonie, qui sont
en Histoire-Géographie des programmes adaptés, accordent une place
à l’histoire locale et régionale, inégalement répartie selon les niveaux. En
outre, les questions de la colonisation et des sociétés coloniales sont déjà
présentes dans les programmes nationaux, par exemple en classe de 4e et
3e, ou en classe de 1re et de terminale.

La place dévolue à l’histoire locale et régionale dans les programmes
calédoniens est depuis longtemps un objet de débats et de
controverses. Quel que soit le point de vue de chacun sur ces questions, je
pense important de rappeler que l’époque de « Nos ancêtres les Gaulois » est
depuis longtemps révolue, et que les programmes ne privilégient plus une
histoire seulement nationale. D’ailleurs, lors de l’annonce du contenu des
nouveaux programmes dévoilés à partir de 2009, beaucoup de voix se sont
élevées en France pour dénoncer le sacrifice de l’histoire nationale dans la
formation des élèves français.

Malheureusement, en Nouvelle-Calédonie, la mise en place de
programmes adaptés n’a jamais permis d’aboutir à une situation
totalement satisfaisante, par exemple du fait de nombreuses dérives dans
leur mise en oeuvre.

  • faire comme si les adaptations n’existaient pas, ou les cantonner dans
    une position subalterne.
  • donner trop de place aux adaptations en négligeant, voire en
    abandonnant le cadre national des programmes

Bref, la préservation du caractère adapté des programmes nationaux
est une nécessité mais, plus encore, l’enjeu essentiel est la façon dont
les enseignants s’en emparent et les mettent en oeuvre dans un souci
d’EQUILIBRE et de COMPLEMENTARITE.
A la source de ces dérives, on trouve souvent les mêmes discours :

  • il est difficile de mettre en oeuvre les programmes adaptés à cause du
    manque de documents et de supports pour construire des séances, voire
    même à cause du manque de formation des enseignants sur ces questions
  • dans les classes les plus difficiles, les élèves sont davantage
    intéressés par l’histoire locale et régionale, et donc on privilégie cet
    aspect par rapport aux autres

Depuis ma prise de fonction à l’IUFM de la Nouvelle-Calédonie en
septembre 2011, j’ai tenté de donner toute sa place à l’histoire locale
dans la formation des futurs enseignants du territoire et, à cette fin, la
première promotion de master dont j’ai eu la charge a eu pour tâche de
choisir des thèmes de recherche portant sur l’histoire de la Nouvelle-
Calédonie

  • en M1, travail sur les sources dans le but de produire un mémoire de
    recherche en histoire
  • en M2, prolonger ce travail dans une perspective non plus scientifique, mais
    didactique et pédagogique

Liste des mémoires professionnels de M2, année 2013 :

  • J. BERNARDI, Enseigner « Le chemin de fer Dumbéa-Païta » en classe de
    4e
  • D. BOI, Enseigner « Le masque kanak » en classe de 5e
  • C. COMPIN, Enseigner « La présence américaine en Nouvelle-Calédonie
    durant la seconde guerre mondiale » en classe de 3e
  • A. ESTIEUX, Enseigner « Les Japonais de Nouvelle-Calédonie face à la
    seconde guerre mondiale » en classe de 3e
  • S. L. MALTAUS, Etudier « L’éducation des populations colonisées en
    situation coloniale en Nouvelle-Calédonie » en classe de 4e
  • L. MERER, Enseigner « L’histoire d’une famille pionnière de Pouembout »
    en classe de 4e
  • M. NARDELLI, Enseigner « L’attractivité de Nouméa » en classe de 6e
  • E. QALUE, Comment enseigner « Le mariage kanak » dans le secondaire
  • H. TEMAURIURI, Enseigner « La citoyenneté en situation coloniale. Le
    cas de la Nouvelle-Calédonie »
  • J. HANNEQUIN, Enseigner « Les débuts de l’exploitation du nickel en
    Nouvelle-Calédonie » en classe de 4e
  • F. CAPON, Enseigner « La Nouvelle-Calédonie dans la France libre » en
    classe de 3e

Ce faisant, j’ai donc délibérément centré les apprentissages professionnels
sur le contexte calédonien en tentant de surmonter deux difficultés
majeures et bien réelles :

  • Comment aborder des sujets réputés sensibles, à commencer bien sûr par
    ceux concernant la période coloniale ?
  • Ne pas considérer comme une fatalité le fait que les Calédoniens ne
    connaissent pas, ou mal, leur histoire, et que cela proviendrait du fait
    qu’ils ne l’ont jamais étudiée

A ce titre, il faut souligner que ces deux faits ne sont pas propres à la
Nouvelle-Calédonie, même s’ils prennent ici un relief particulier...
Après ce long préambule destiné à montrer que l’histoire des sociétés
coloniales doit être, en Nouvelle-Calédonie, au centre de la formation et de la
pratique des enseignants, je vais en venir à la question particulière de leur
place dans les programmes scolaires.

NB : par manque de temps, je vais surtout me concentrer sur le collège
Un des objectifs de cette présentation est notamment de montrer comment
de nombreuses questions à traiter avec les élèves se situent dans le
prolongement direct des évolutions historiographiques vues plus haut.

1- Peuplement et sociétés traditionnelles avant la mise en place des
sociétés coloniales : classes de 6e et 5e

6e : Les débuts du peuplement en Océanie et en Nouvelle-Calédonie (4
heures)

  • Idée fondamentale : le peuplement de l’Océanie a été tardif, progressif,
    et il a été possible grâce à une série de déplacements de populations parties
    au départ d’Asie. Le début du peuplement austronésien de la Nouvelle-
    Calédonie remonte à environ 3000 ans
  • Importance de l’archéologie (travaux de Christophe Sand sur la
    Nouvelle-Calédonie) pour retrouver les traces des premières implantations
    humaines, et pour les dater. L’archéologie est d’autant plus importante qu’elle
    est le seul moyen d’étudier les débuts du peuplement et le développement
    d’une organisation sociale propre
  • Cette étape est fondamentale pour faire comprendre aux élèves que les
    territoires ensuite colonisés n’étaient pas vides d’hommes au moment de
    l’arrivée des Européens dans le Pacifique, et il s’agit aussi de préparer le
    terrain pour aborder en 5e le fait que ces populations étaient organisées en
    sociétés.

5e : I - Les civilisations océaniennes (20%, 8 heures) - Monde océanien à l’époque pré-européenne - Civilisation kanak traditionnelle - IV - Vers la modernité - Le Pacifique des premiers explorateurs (1 heure)

  • Idée fondamentale : l’Océanie a connu le développement de plusieurs
    civilisations ayant des caractéristiques propres avant l’arrivée des
    Européens.
  • Principale difficulté : la colonisation a bouleversé en profondeur la société
    kanak. Il faut donc faire attention aux anachronismes. Avant la
    colonisation, par exemple, le clan existe et pas la tribu. Bref, il est important
    de donner l’image d’une organisation sociale et d’une culture qui ne sont pas
    figées, et dont les caractéristiques actuelles sont le produit d’une longue
    évolution, évidemment affectée par la transformation de cet espace en
    colonie. Il est important de ne pas confondre la civilisation kanak
    traditionnelle et la civilisation kanak actuelle, car ce sont deux choses
    bien différentes !
    Outre l’archéologie, il faut ici faire appel aux résultats obtenus par les
    anthropologues et ethnologues. Pour la Nouvelle-Calédonie, par exemple,
    travaux d’Alban Bensa ou Isabelle Leblic. Il faut souvent faire très attention
    à ne sélectionner que les informations portant sur la période pré-coloniale.
  • Quelles informations retenir ?
    • Les formes d’habitat
    • Organisation politique et sociale centrée sur le clan
    • Le développement des activités agricoles et de la pêche
  • mythes et croyances
    • La diversité des différents pays kanak, et les relations qui s’établissent entre
      eux
  • Enfin, il est important de montrer que la Nouvelle-Calédonie est
    restée à l’écart des premiers contacts entre Européens et populations
    locales dans le Pacifique, même si les navires partis d’Europe ne sont pas,
    parfois, passés bien loin. Cette situation tranche avec le premier
    élargissement du monde des Européens, qui débouche sur la naissance des
    premiers empires au XVIe siècle.

2- Des premiers contacts à la mise en place du système colonial :

C’est essentiellement en classe de 4e que la thématique des sociétés
coloniales commence à être abordée avec les élèves puisque le programme
invite à considérer la mise en place des sociétés coloniales, notamment
dans le Pacifique.

Partie I, thème 2 : L’Europe dans le monde au XVIIIe siècle - Premiers contacts en Nouvelle-Calédonie (1 à 2 heures)

Les premiers contacts doivent se limiter à l’étude de l’exemple
calédonien, c’est-à-dire, pour aller vite, entre 1774 et 1853, et ils peuvent
être abordés en parallèle avec les voyages d’exploration dans le
Pacifique
Sur ces premiers contacts, importance de ne pas les aborder comme le
préalable inéluctable de la colonisation => le concept d’histoire à parts
égales est ici essentiel, même si les sources locales sont quasiment
inexistantes pour savoir comment les premiers contacts ont été perçus par
les populations kanak.
Quels enjeux principaux :

  • fragilité de ces premiers contacts : présence ponctuelle des Européens
    au début de la période en fonction des missions d’exploration envoyées dans
    la région
  • nombreux obstacles lors des premiers contacts : barrière de la langue,
    incompréhensions réciproques, nécessité pour les Européens de se plier, au
    moins au départ, aux usages kanak
  • développement dès l’origine de contacts économiques et culturels,
    avec des échanges de produits dans les deux sens, ce qui bouleverse la
    civilisation kanak traditionnelle dès avant la période coloniale
  • Des premiers contacts qui oscillent en permanence entre approches
    pacifiques et réactions violentes
  • Installation des premiers Européens sur le territoire, et leurs relations
    avec les populations locales
  • La question centrale des débuts de l’évangélisation, qui précède l’entrée
    dans la phase de colonisation, même si l’étude de l’évangélisation doit en
    principe être abordée plus tard

Partie III, Thème 4 : Les colonies (4 heures)

La mise en place des sociétés coloniales en Nouvelle-Calédonie doit
être replacée dans le contexte de la seconde vague de colonisation au
XIXe siècle, avec donc le développement de l’emprise européenne dans le
Pacifique.
Plusieurs point essentiels sont ici à mettre en relation avec la partie
précédente sur l’évolution de l’historiographie :

  • la violence est un moteur essentiel du développement du fait colonial.
    La violence peut à la fois être abordée au travers des opérations militaires
    liées à la conquête et lors des répressions féroces contre les révoltes des
    populations locales
    => C’est par la violence que les Européens soumettent les kanak, et c’est par
    la violence qu’ils maintiennent leur emprise sur le territoire
  • la naissance d’une société coloniale
    • deux particularités dans le contexte calédonien : une colonie
      pénitentiaire et la volonté de développer une colonisation de peuplement libre
    • les populations locales sont assujetties par toute une série de
      mesures prises par l’administration coloniale qui affectent le fonctionnement
      des sociétés locales traditionnelles, mais certains acteurs participent au
      fonctionnement du système colonial en tant qu’auxiliaires indigènes
    • les débuts de la mise en valeur de la Nouvelle-Calédonie
    • la spoliation foncière des peuples kanak pour libérer de l’espace pour
      les exploitations agricoles des colons
    • les débuts de l’exploitation minière
    • l’importation d’une main d’oeuvre extérieure à la colonie qui commence
      avant la première guerre mondiale

Dans une bibliographie importante, se reporter notamment à L’archipel des
forçats de Louis José Barbançon et à Isabelle Merle, Expériences
coloniales. La Nouvelle-Calédonie (1853-1920)

3- Le XXe siècle ou la difficulté de passer d’une société coloniale à une
société postcoloniale

Classe de 3e

Partie II, thème 1 : Première guerre mondiale - Implication de la Nouvelle-Calédonie dans la Première guerre mondiale (1
heure) ; Partie II, thème 3 : Seconde guerre mondiale - Guerre du Pacifique (1 heure) - La Nouvelle-Calédonie dans la seconde guerre mondiale (1 heure)

L’idée centrale est ici l’engagement des colonies, et notamment de la
Nouvelle-Calédonie, aux côtés de la métropole coloniale

  • insister sur l’engagement humain, mais pas seulement
  • insister sur l’engagement dans la France libre dès 1940
  • insister sur le « moment américain » durant la seconde guerre mondiale

Du point de vue des sociétés coloniales, il faut évoquer le peu de
gratitude de la métropole => montrer en quoi la guerre a montré
l’importance des colonies pour la métropole, mais aussi des espoirs
déçus pour les populations colonisées.
Utiliser par exemple la thèse de Sylvette Boyer sur la Nouvelle-Calédonie
dans la Grande guerre.

Partie III, thème 2 : Des colonies aux Etats nouvellement indépendants (environ 3 à 4 heures) - Décolonisation en Océanie

La Nouvelle-Calédonie reste à l’écart des mouvements de
décolonisation classique, et son évolution est aussi originale au sein de
l’aire Pacifique.

Partie IV : La vie politique en France - La société coloniale calédonienne et ses spécificités durant l’entre-deuxguerres
(1h) - La Nouvelle-Calédonie face au choix de la collaboration ou de la résistance
(1h) - L’évolution statutaire de la Nouvelle-Calédonie entre 1958 et 1969 (1h) - L’évolution statutaire de la Nouvelle-Calédonie depuis 1969 (1h)

Dans le cadre du programme de 3e, il convient d’insister sur la sortie
progressive et originale de la Nouvelle-Calédonie de sa période
coloniale, même si une première séance peut servir à prolonger l’étude
de la société coloniale faite en 4e.
Pour aborder cette question, j’évoquerai la question d’un de mes étudiants il
y a quelques mois en cours de préparation au CAPES : la Nouvelle-
Calédonie est-elle encore aujourd’hui une société coloniale ?
La mise en oeuvre du programme de 3e doit conduire chaque élève à être
capable de répondre à cette question, et à éviter des confusions
fréquentes entre plusieurs choses :

  • la connaissance de l’évolution politique et institutionnelle de la Nouvelle-
    Calédonie depuis 1945, qui est le domaine de l’historien, et donc ici de
    l’enseignant
  • la mémoire de la colonisation dans la société calédonienne, et les
    multiples traumatismes qui en ont découlé
  • la très fréquente instrumentalisation de l’histoire pour servir un discours
    politique loyaliste ou indépendantiste

Le fait de qualifier les territoires qui ont fait partie de l’empire colonial, et qui
sont toujours aujourd’hui sous souveraineté française quel que soit leur
statut, de « confettis de l’empire », ajoute une difficulté supplémentaire,
comme si l’outre-mer français n’était que l’ultime avatar de la colonisation.
Pourtant, depuis 1945, il est assez facile de montrer que la Nouvelle-
Calédonie a progressivement cessé d’être une société coloniale, avec
trois périodes biens distinctes.

  • 1945-1958 : comprendre comment la période 1945-1958 a représenté
    une mutation cruciale dans les rapports entre la République française et
    la Nouvelle-Calédonie, avec une sortie du cadre colonial.
    Durant cette période, plusieurs éléments propres aux situations coloniales
    disparaissent :
    • 1946 : dans le cadre de l’Union française, la Calédonie n’est plus considérée
      comme une colonie, mais comme un Territoire d’Outre-Mer
    • 1946 : abolition de l’indigénat (fin des restrictions liées à la résidence, au
      travail et à la circulation, fin des prestations et des sanctions administratives
      qui frappaient les populations autochtones du fait de leur statut de sujet)
    • 1946 : reconnaissance d’un statut de droit particulier pour les Kanak
    • 1945-1957 : les Kanak deviennent progressivement des citoyens par l’accès
      au droit de vote
    • 1945-1957 : modifications institutionnelles et dans l’organisation
      administrative de la Nouvelle-Calédonie (élection d’un député, réforme
      municipale, apparition de l’assemblée territoriale en 1956...)
    • 1958 marque une forme d’aboutissement de ce premier processus
      engagé à la fin de la Seconde guerre mondiale.
      => 98% des Calédoniens approuvent la constitution de la Ve République et
      manifestent leur volonté de rester un territoire de l’Outre-Mer français
      Dès lors, il est impropre de parler de la Nouvelle-Calédonie comme d’une
      colonie, mais cela ne signifie pas qu’il faille pour autant parler d’une
      décolonisation par le maintien dans la République française selon de
      nouvelles modalités. La période 1945-1958 montre la spécificité du
      processus de décolonisation calédonien par rapport à beaucoup
      d’autres colonies.
  • 1958-1988 : cette période montre la difficulté de proposer une nouvelle
    organisation politique et sociale qui donne naissance à des relations
    apaisées avec la France, et à un consensus sur l’avenir de la Nouvelle-
    Calédonie => difficulté de la transition postcoloniale
    Trois questions montrent une sortie difficile de la situation coloniale :
    • la question du degré d’autonomie de la Nouvelle-Calédonie au sein de la
      république
    • la question de l’évolution d’un paysage politique de plus en plus clivé
      entre les partisans de l’indépendance et ceux du maintien dans la France
    • Certains territoires proches de la Nouvelle-Calédonie sortent
      progressivement d’une situation coloniale par l’indépendance, soit un
      système de décolonisation classique qui ne concerne pas ce territoire
      Cette période montre donc que la Nouvelle-Calédonie est un territoire dont
      on peut dire que le processus de décolonisation est inachevé ou
      incomplet. Le problème majeur est l’absence d’un consensus sur l’avenir
      du Territoire, ce qui débouche sur une confrontation entre deux visions a
      priori incompatibles lors des « événements », entre 1984 et 1988. Il existe des
      interprétations différentes sur la période des événements :
      • une lecture « officielle », et prétendument consensuelle : les « événements »,
        soit une période de troubles qui correspond à une volonté de minimiser la
        gravité de ce qui s’est réellement passé
      • une lecture qui correspond à une vision assez « loyaliste » des faits, à savoir
        que la Nouvelle-Calédonie, en tant que territoire de la République, a vu des
        Français s’opposer à d’autres Français, ce qui conduit à interpréter les
        événements comme une guerre civile
      • une lecture plus proche du discours indépendantiste qui peut assimiler les
        événements à une guerre d’indépendance avortée ou inaboutie
        Quel que soit le regard porté sur cette période de divisions et de violences,
        ces années ont, par bien des aspects, traumatisé les Calédoniens, et ce
        de manière durable. Elles ont rajouté une seconde série de
        traumatismes après ceux issus de la période coloniale.
  • Depuis 1988 : cette période, dans laquelle nous sommes encore,
    commence avec les événements de l’année 1988, dont nous
    commémorons en 2013 le 25e anniversaire. Ces événements marquent,
    dans l’histoire calédonienne, un tournant tout aussi important que ceux de
    1946 ou 1958 : la paix retrouvée ; la réconciliation ; le pardon.
    Le symbole de ce changement est bien entendu la célèbre poignée de
    mains entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou lors de la signature
    des Accords de Matignon en juin 1988.
    Depuis cet événement important, quelles sont les principales caractéristiques
    de l’histoire de la Nouvelle-Calédonie ?
    • l’entrée dans une période, encore inachevée aujourd’hui, qui donne à la
      Nouvelle-Calédonie un statut transitoire au sein de la république
    • une autonomie de plus en plus forte au sein de la République, symbolisée
      par les transferts de compétences initiés en 1998
    • la recherche de solutions qui tournent le dos au retour des événements
      des années 1980, malgré un paysage politique durablement structuré autour
      de l’opposition entre loyalistes et indépendantistes

La poignée de mains de 1988 a donc ouvert une nouvelle phase de
l’histoire calédonienne, tout en n’apportant aucune réponse définitive
pour l’avenir. Elle a donc résolu autant de problèmes qu’elle en a créé
de nouveaux, directement ou indirectement :

  • problème de l’autodétermination, et la difficulté d’aboutir à sa mise en
    oeuvre concrète.
  • la notion de destin commun, qui est en gestation lors de la poignée de
    mains de 1988, et qui est concrétisée par l’accord de Nouméa de 1998.
    A ce titre, le paragraphe 4 de l’accord apporte une confirmation claire que la
    Nouvelle-Calédonie a cessé d’être une société coloniale : « Le passé a été le
    temps de la colonisation. Le présent est le temps du partage, par le
    rééquilibrage. L’avenir doit être le temps de l’identité, dans un destin
    commun ».

REEQUILIBRAGE : volonté de donner toute leur place aux peuples kanak
dans un destin commun qui veut faire de l’égalité entre toutes les
communautés et entre toutes les parties du territoire la pierre angulaire de
l’organisation de la société calédonienne

DESTIN COMMUN : cette notion est sans doute aujourd’hui le bien le plus
précieux pour servir de ciment à la société calédonienne, mais c’est aussi, et
peut-être encore plus, un bien extrêmement fragile.
=> la principale source de fragilité provient de la définition extrêmement floue
de cette notion, ou plutôt son interprétation variable dans la population.

Un avenir incertain : il est important de dire que, aujourd’hui, personne ne
peut prédire ce que sera l’avenir politique et institutionnel de la Nouvelle-
Calédonie mais que, dans tous les cas, ce sont les urnes qui devraient un
jour ou l’autre permettre la fin du statut transitoire initié en 1988.
Aujourd’hui, quatre solutions sont envisageables si l’on en croit les
déclarations des responsables politiques calédoniens :

  • un nouveau prolongement de la période transitoire après le premier qui a
    entraîné l’Accord de Nouméa de 1998, soit la volonté de repousser à plus
    tard une décision définitive
  • la fin de la période transitoire par le maintien dans la république, soit
    l’absence de transfert des compétences régaliennes
  • la fin de la période transitoire par l’indépendance, soit le transfert des
    compétences régaliennes et l’accès à la pleine souveraineté de la Nouvelle-
    Calédonie
  • la fin de la période transitoire par une solution qui soit une construction
    hybride entre les deux solutions précédentes, ce qui signifierait peu ou prou
    une indépendance-association.


titre documents joints

Enseigner les sociétés coloniales en Nouvelle-Calédonie

25 juin 2013
info document : PDF
191.6 ko

Texte tiré d’une conférence tenue le 19 juin 2013 à l’IUFM de Nouvelle-Calédonie.


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