Stage « LA JUSTICE EN NOUVELLE-CALÉDONIE »
STAGE « LA JUSTICE EN NOUVELLE-CALÉDONIE » ; Éducation civique ; jeudi 11 octobre 2012
- Lieu : salle 120 (Vice Rectorat imm. Flize)
- Horaires : 08h00-11h15 – 13h00-16h00
- Établissements représentés (25 enseignants) : collège de Magenta - collège de Koumac – collège de We – Lycée des Iles – Lycée Jules Garnier – collège Mariotti – collège d’Ouvéa…
Intervention d’Isabelle AMIOT – Chargée de mission auprès de l’IA-IPR (8h05-8h10).
Présentation de la journée.
Intervention de Luc STEINMETZ – Professeur d’Histoire-Géo retraité (8h10-9h30)
L’organisation juridictionnelle en Nouvelle-Calédonie :
Utiliser le terme de justice ou de judiciaire est une maladresse car cela ne prend pas en compte la partie administrative alors que l’organisation juridictionnelle tient compte de la partie judiciaire et administrative. Le tribunal de Première instance ou TPI de Nouméa est à la fois civil et pénal ce qui en fait une spécificité. Il cumule en effet deux juridictions : le tribunal d’instance et le tribunal de grande instance. Le TPI juge les litiges entre particuliers de droit commun ou coutumier, les affaires familiales, les affaires de nationalité…
Le tribunal mixte de Commerce est une spécificité locale (le Tribunal du Commerce en Métropole n’est composé que de commerçants). Il se compose d’1 magistrat du siège qui le préside + 10 juges consulaires élus par les commerçants tous les 4 ans (2009-2013 durant les élections de la Chambre du Commerce). Seuls 4 d’entre eux siègent, les 6 autres les suppléent.
Le tribunal du Travail (en Métropole, il s’agit du Conseil des Prud’hommes composé de juges issus des syndicats patronaux et de salariés) en Nouvelle-Calédonie est présidé par un juge du siège avec des assesseurs (2 employeurs + 2 salariés pour 2 ans proposés sur des listes).
Le tribunal de police devient en NC le tribunal de simple Police pour les affaires de contravention. Il n’existe pas de juges de proximité en NC.
Aux sections détachées du TPI de Nouméa (Koné et Lifou) :
- Tribunal correctionnel
- Tribunal de simple police
- Tribunal pour enfants
- La juridiction administrative ordinaire :
A Nouméa : tribunal administratif de NC (imm. Carcopino)
A Paris :
- Cour administrative d’appel
- Conseil d’État
La juridiction administrative spécialisée :
- à Nouméa : la Chambre territoriale des Comptes de NC (contrôle tous les établissements publics de NC de plus en plus nombreux avec le transfert des compétences).
- à Paris : la Cour des Comptes, Le Conseil Constitutionnel et les « Lois du Pays » : avant la promulgation de la « Loi du Pays », il est possible de faire appel au Conseil Constitutionnel après saisine du Haut-Commissaire, du Gouvernement de la NC, du Président du Congrès de la NC, d’une assemblée de Province ou de 11 membres du Congrès.
Justice coutumière kanak :
La coutume est le fondement de la règle sociale dont les manquements sont sanctionnés par une justice dite coutumière. C’est depuis 1982, que des règles coutumières ont été insérées dans la justice française confirmée par la loi organique de 1999. Cela se traduit par la présence d’assesseurs coutumiers dans la justice civile. 95% des Kanak (soit près de 100 000 individus) relèvent du statut coutumier contre 5% de droit commun.
L’état du droit coutumier et la justice coutumière avant 1853 : il existait avant l’arrivée des Européens des règles concernant les affaires civiles – des affaires familiales, de transmission et de succession des terres, aux biens (récoltes) – et d’autres règles relevant d’affaires pénales : vol, adultère, violation d’un tabou. Le droit coutumier ou la justice coutumière était hétérogène ; il n’existait donc pas d’unité dans les règles judicaires.
Les sanctions :
- bastonnades, destruction par le feu des biens du coupable, mise à mort
- coutume de pardon et coutume de rachat du sang
- cicatrices corporelles comme marque du souvenir
Durant la période 1853-1946 : les Indigènes sont soumis au droit pénal français, soumis au Code de l’Indigénat et à la justice coutumière.
Depuis 1982 : le juge est assisté d’assesseurs qui ont une voix délibérative au moment du jugement. Les Kanak ont le choix lors de litiges civils de faire appel à la justice civile française ou de se référer aux autorités coutumières.
La cour d’assises n’est pas compétente pour fixer le montant des intérêts civils (préjudice moral et intérêts) depuis un arrêt de la Cour de Cassation rendu en 2005. La victime doit engager une nouvelle démarche auprès de la justice civile avec présence d’assesseurs coutumiers pour réclamer une indemnité.
Voir aussi l’article de Luc Steinmetz.
Intervention de Marianne HUMBERT-DESWARTE – Juge des enfants – Présidente du Tribunal pour enfants de Nouméa et coordinatrice des sections détachées du TPI (9h50-11h10)
Rappel du statut de l’enfant :
L’enfant était considéré comme un adulte en miniature (cf Philippe Ariès) et donc enfermé avec les adultes sans égard particulier. Sous Napoléon 1er (1804) et l’époque de la famille bourgeoise traditionnelle, la Loi autorise la puissance paternelle à enfermer son enfant : un mineur de moins de 16 ans peut être incarcéré 1 mois au maximum contre 6 mois à 1 an pour un mineur de plus de 16 ans. À partir de 1912, la justice éducative spécifique aux mineurs apparaît. Dès 16 ans, si le mineur encourait la peine de mort alors il pouvait être condamné aux travaux forcés à perpétuité ou à la déportation. Avec l’ordonnance de février 1945 et l’après-guerre (orphelins, enfants de retour de déportation, jeunesse perdue et violente), la justice prend en compte la protection du mineur délinquant : un volet éducatif et répressif. Le juge des Enfants a ainsi une mission de protection et de répression. Depuis récemment, l’enregistrement audiovisuel de la garde-à-vue est systématique et inséré dans le dossier et sous scellé notamment concernant les conditions des aveux.
La protection de l’Enfance :
Conformément au Code civil, si la santé, la moralité, les conditions d’éducation… portent préjudice à l’enfant alors le juge des enfants doit intervenir après saisie ou requête du Procureur de la République. Il ne punit par les parents mais protège l’enfant. L’enfant a droit à un avocat ou à un assesseur coutumier. La convocation est destinée aux parents. Le juge peut aussi être saisi par des parents (un dossier est obligatoirement ouvert) ou se saisir d’office après signalement d’un médecin (sévices graves, fractures, brûlures de cigarettes..). Il convoque en audience les parents et l’enfant pour leur signifier (parents, assistante sociale, voisins, famille) le dossier.
En cas d’extrême urgence : le juge n’a pas le temps de convoquer les parents, une décision d’urgence peut interdire le retrait de l’enfant par les parents à l’hôpital par exemple. C’est le procureur de la République qui peut prendre cette mesure d’urgence (nuit, week-end) avant de transmettre le dossier au juge des enfants. L’enfant est alors confié à un autre membre de la famille ou à une personne digne de confiance.
Action éducative en urgence : le mineur est placé en milieu ouvert (AEMO) avec 1 éducateur qui suit la famille ou en placement provisoire (OPP) avec retrait immédiat de la famille. Des mesures d’investigation (IEO) est enclenché par un bilan pluridisciplinaire (psychologue, éducatrice, assistante sociale) : enquête sociale dans la famille élargie, école, carnet de santé, expertises médicales et psychiatriques du mineur mais ces expertises ne sont pas imposées aux parents. Autre possibilité : un non-lieu si le danger n’est pas avéré.
Ces ordonnances s’appliquent pour une durée de 6 mois. La famille est convoquée une nouvelle fois avec les conclusions de l’enquête d’investigation. La révision du dossier se fait tous les 2 ans obligatoirement (depuis 1985) de la naissance à 18 ans.
Pour signaler : le Vice rectorat saisit l’Aide sociale à l’enfance qui peut saisir la justice ou non. Ensuite le Procureur peut ou non saisir le juge des enfants. Délai entre la saisine et l’action du juge : 1 mois. Souvent les assistantes sociales sont avisées par le juge, à elles d’en aviser les enseignants.
Loi de mars 2012 : obligation faite au juge de signaler au Ministère de l’Éducation nationale les mineurs poursuivis ou condamnés pour crimes proxénétisme, acte de torture ou de barbarie, assassinat.
L’Enfance délinquante :
Le juge des enfants est un juge pour mineurs, juge d’instruction, juge du siège, juge d’application des peines, toutes les compétences mais ne juge pas les faits criminels.
La garde-à-vue :
- moins de 13 ans : avocat obligatoire
- + 13 ans assistance d’un avocat après accord des parents
En revanche, dès que le jeune est déféré auprès de la justice, un avocat l’assiste, obligatoirement.
Les sanctions :
Elles sont données en chambre du Conseil c’est-à-dire par le juge des enfants lui-même : des mesures de réparation, stage de citoyenneté (intervention de professionnels, aller à la gendarmerie, rôle d’un éducateur), mesures de liberté surveillée, remise à parent (ce qu’ont fait les parents pour punir leur enfant), admonestation (avertissement) : ces mesures sont inscrites au casier judiciaire n°1. Le n°3 est destiné à la personne, le n°2 destiné à l’administration, le n°1 est accessible aux juges.
Les peines :
Au tribunal pour enfants : le juge des enfants + 2 assesseurs citoyens : des TIG, des sursis, des sursis avec mise à l’épreuve en tenant compte de l’excuse de minorité (réduire de moitié la peine), on peut exclure cette excuse mais rarement. Le Tribunal correctionnel pour mineurs est composé d’1 juge + 2 magistrats (+ 2 assesseurs citoyens en NC) dont la mission est de juger des mineurs récidivistes de + 16 ans.
Les affaires criminelles concernant des mineurs :
- Tribunal pour enfants : mineurs - 16 ans
- Cour d’assises des mineurs : mineurs + 16 ans
La détention provisoire s’applique uniquement aux mineurs de plus de 16 ans et pour des affaires de crime. La place de l’enfant est prise en compte par une enquête de personnalité qui est faite avec 1 éducateur par exemple (analyser sa place dans la famille élargie dans la famille océanienne). Les 2 assesseurs coutumiers en assistante éducative : présents à la 2nde audience qui délibèrent avec le juge des enfants. Possibilité pour la famille de refuser la présence d’assesseurs coutumiers.
L’incarcération :
Depuis 2 ans, un quartier des mineurs au sein du Camp Est existe avec une capacité de 15 places actuellement 6 mineurs y sont détenus. Les conditions de détention sont convenables : 1 détenu par cellule avec une cabine de douche avec 1 mur pour respecter son intimité, 2 instituteurs pour leur faire passer le CFG, des intervenants extérieurs, une bibliothèque et une salle informatique. Au quartier des majeurs, ils sont 6 par cellule et ne disposent que d’1 heure de promenade.
Remarque : Mme Adèle BUAMA Conseillère pédagogique retraitée de l’enseignement primaire intervient dans la cadre de la formation des magistrats nouvellement affectés en NC sur le droit coutumier, la coutume…
Intervention de Michel BEAULIER – Avocat général près la Cour d’Appel de Nouméa (13h00-14h15)
La justice pénale :
L’avocat général est un magistrat du parquet comme le procureur général, le procureur de la République ou le substitut du procureur. L’avocat général représente le ministère public devant la Cour de cassation, les cours d’appel ou les cours d’assises.
La Cour d’Appel est la juridiction générale avec des chambres qui sont spécialisées. La justice pénale échappe aux transferts de compétences à l’opposé du Droit commercial et du Droit du Travail. La mission du parquet est de traiter toutes infractions en ressort (c’est-à-dire sur le territoire de la NC). L’objet du Parquet est l’action publique : 1 magistrat du parquet est de permanence pour recevoir les comptes rendus envoyés par la Police ou la Gendarmerie notamment les mesures de garde-à-vue. La durée d’une garde-à-vue est de 48 heures au maximum. Pour une procédure impliquant un suspect dans une affaire pour acte de terrorisme ou pour trafic de stupéfiants, pour bande organisée, une dérogation est autorisée par le Code de procédure pénale allant jusqu’à 96 heures voire +). Lors de la garde-à-vue, la personne peut être assistée de son avocat. L’identification génétique par une trace ADN est faite par des laboratoires en Métropole alors qu’en Métropole, au stade de la garde-à-vue, il est possible d’écarter formellement un suspect. Le délai est donc plus long en NC. À la fin de la garde-à-vue, le Procureur de la République peut convoquer la personne pour un rappel à la loi (pour vol à l’étalage par exemple). Il peut y avoir une composition pénale : le paiement d’une amende pour éviter une poursuite auprès du Tribunal correctionnel. La comparution immédiate permet de juger le jour même pratiquement pour répondre à une délinquance sérieuse ou récidiviste sauf si la personne souhaite un délai pour préparer son dossier.
Le parquet de Nouméa traite en Première instance 25 000 procédures par an (taux important par rapport à la population et par rapport à la Métropole). Le taux de délinquance est plus élevé en NC et concerne des jeunes de 18 à 25 ans. Une délinquance variée avec le poids de l’alcool : une très forte délinquance routière dont le ratio est très élevé ici (associé au cannabis et kava), la conduite sans permis. La délinquance routière représente 40% des affaires, ensuite la délinquance par infraction et enfin les violences. Une quarantaine de crimes est traitée en NC (50% de viols dont beaucoup d’incestes et 50% de crimes de sang). Il n’y a pas de délinquance organisée comme en Métropole. La justice pénale applique le Code pénal, le Code de la route calédonien, le Code de l’environnement pour les provinces Sud et Nord. La Cour d’assises tire au sort 200 personnes pour 4 sessions par an (d’une durée de 3 semaines). 30 personnes sont tirées au sort et convoquées à chaque session. Le juré tiré au sort doit informer le président de la Cour d’assises de ses liens avec l’accusé ou la victime pour être déporté, récusé. Les procès durent 2 jours environ. Chaque matin, un tirage au sort est fait.
Au Camp Est : 459 personnes dont 453 hommes et 6 femmes (au quartier réservé aux femmes) sont actuellement au centre pénitentiaire. Ce sont 397 condamnés et 62 prévenus (les prévenus sont les adultes en détention provisoire). La détention provisoire est de moins en moins appliquée. Le Camp Est connaît une surpopulation de 250% (la norme européenne préconise 1 personne par cellule alors qu’ici, ce sont 6 personnes par cellule contre 4 en Métropole). En NC, 1200 personnes sont condamnées en milieu ouvert : sursis ou durée avec mise l’épreuve ou le bracelet électronique (une trentaine de personnes actuellement en NC). La loi encourage la condamnation en milieu ouvert pour les peines inférieures à 2 ans d’emprisonnement. Une personne détenue en détention provisoire qui a fait l’objet d’un acquittement peut exercer son droit à une indemnisation de la Justice pour sa durée de détention, son préjudice moral et professionnel.
Intervention de Bertrand DAROLLE – Président de Chambre près la Cour d’Appel de Nouméa (Chambre civile) (14h20-15h30)
Il existe 35 Cours d’appel en France (Métropole et Outre-mer). Dans la justice civile, les assesseurs civils ou coutumiers sont des personnes volontaires qui se portent candidats auprès du tribunal. Les magistrats du siège sont inamovibles contrairement aux magistrats du parquet. La collégialité est une garantie de justice : entre le juge et le procureur général.
Le procureur de la République a de moins en moins le choix de poursuivre ou non une affaire à cause de la pression exercée par l’autorité judicaire qui fixe à 80% le taux de poursuites. Parce que les moyens ne suivent pas, il est donc difficile de poursuivre toutes les affaires.
La hiérarchie des normes, la justice se doit de faire respecter :
- les circulaires,
- les décrets,
- les lois,
- les traités internationaux
- les normes constitutionnelles (Constitution de 1958, Préambule de 1946, DDHC, Charte de l’environnement de 2004, loi organique de l’Accord de Nouméa de 1999)
Avec le transfert possible des compétences régaliennes à la sortie de l’Accord de Nouméa, aujourd’hui un Calédonien après sa formation en Métropole doit accepter tout poste en France en fonction de son classement et rend donc difficile une affectation en NC.
La justice pénale est de compétence d’État alors que la justice civile est de compétence locale.
La justice civile ne peut pas sanctionner une personne relevant du droit coutumier à payer une indemnité à une autre personne de droit coutumier. Ainsi, les juridictions coutumières n’hésitent plus à faire payer des indemnités à des personnes relevant du droit coutumier.
Intervention d’Ève CLAEYMAN – professeure d’Histoire-Géo au collège de Magenta (15h35-16h00)
Exemple de séquence de 4e : La Justice garante du respect du Droit
Sitographie :
- Académie de Lille : http://histgeo.discipline.ac-lille.fr/
- Initia Droit : http://www.initiadroit.com/
titre documents joints
Stage « LA JUSTICE EN NOUVELLE-CALÉDONIE »
Compte-rendu du stage d’éducation civique pour le collège, à Nouméa le jeudi 11 octobre 2012.
Patrice FESSELIER-SOERIP
Articles de cet auteur
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