L’espace calédonien : une ruralité très contrastée

Caledonie Professionnel Premiere

Mis à jour le lundi 17 mars 2025 , par Carole BIDAULT

I.2 Les espaces français du Pacifique

Thème : « L’espace calédonien : une ruralité très contrastée. »

Commentaire du thème dans le programme adapté : « Il s’agit de mettre en évidence
les contrastes de l’espace rural néo-calédonien. Cet espace et les hommes qui y vivent sont
profondément marqués par le passé auquel il faut nécessairement faire référence. »

Notions-clés : espace rural, mise en valeur agricole, terres coutumières, ADRAF, vide,
mode de vie, identité culturelle.

ORIENTATIONS

Ce document d’accompagnement a pour
but de donner aux professeurs des pistes et
des éléments qui leur permettront de traiter
ce sujet sans altérer toutefois la liberté
pédagogique qui leur appartient pour
aborder ce thème.
L’espace rural est surtout le lieu de
confrontation directe entre les héritiers
d’une colonisation rurale européenne et la
population autochtone qui a largement
conservé son agriculture vivrière. Cette
dichotomie fondamentale est visible dans
la plupart des aspects de la vie rurale
contemporaine : le foncier, le mode de
production, l’utilisation du sol, les types de
production, l’organisation et les circuits
d’échange et de commercialisation de la
production.
L’étude de l’espace rural doit faire
apparaître :
• L’espace agricole.
L’agriculture occupe une place restreinte
dans les activités économiques de la
Nouvelle-Calédonie. Si elle ne représente
qu’une faible part de la richesse du pays
(1,3% du PIB en 1999), la question de la
possession de la terre est au coeur des
préoccupations de ses habitants.
On montre comment s’opère la
restructuration foncière menée par
l’ADRAF depuis 1978. Longtemps
cantonnés dans des « réserves » étroites, les
Kanak réclament depuis les années 70 le
droit de retrouver les terres de leurs
ancêtres. Une partie du domaine foncier
privé a donc été transféré à des clans
kanak, en particulier sur la côte Est. La
rétrocession des terres ne se traduit pas
forcément par une mise en valeur agricole.
On met ensuite en évidence les différents
types d’espaces agricoles rencontrés et les
contrastes de valorisation.
• Les modes de vie ruraux identitaires
On distingue deux représentations
identitaires de l’espace rural : la
brousse « caldoche » et l’espace kanak.
Cette dualité des modes de vie est un
héritage de la période coloniale. Il s’agit de
mettre en évidence les modes de vie
dominants dans l’espace rural néocalédonien,
leurs spécificités, leurs
perceptions et leurs appropriations
différenciées de la terre.
• Les espaces du vide
En Nouvelle-Calédonie, la SAU ne
représente que 10% de la superficie totale.
Le relief montagneux et les terres peu
fertiles limitent les possibilités de
valorisation. Cependant, il existe d’autres
espaces caractérisés par leur vide qu’il
convient de souligner : l’espace minier, les
espaces tabou, les espaces littoraux et
forestiers.

Pour comprendre l’espace rural néocalédonien,
il convient de montrer ses
évolutions historiques.
Dans un premier temps, il s’agit d’étudier
l’espace agricole en le situant dans le
contexte de la colonisation, des problèmes
fonciers puis de la réforme. Un bilan des
activités de l’ADRAF est nécessaire pour
bien cerner les enjeux de l’espace
agricole : les acquisitions, les attributions
et les répartitions entre les différentes
communautés. On peut s’appuyer sur
l’Accord de Nouméa et la loi organique
pour définir le rôle de cette structure.
Ensuite, on fera apparaître les cinq types
d’exploitation agricole : les grandes
propriétés extensives spécialisées (station
d’élevage), une petite polyculture, une
agriculture intensive et moderne (exemple
de l’aquaculture ou des fermes périurbaines),
une agriculture d’exportation
(le squash, le letchi), une agriculture kanak
entre subsistance et développement.
Dans un deuxième temps, on doit présenter
les modes de vie ruraux identitaires, leurs
grands traits, leurs paysages marqués et
montrer leurs évolutions. Les ruraux néocalédoniens
rejoignent l’agglomération de
Nouméa par nécessité et perdent leur mode
de vie paysan sans toutefois oublier leur
identité culturelle, quelle que soit la
communauté. On constate un retour à la
vie rurale au moment de la retraite.
Enfin, les espaces du vide peuvent être
appréhendés à partir de cartes ou de
photographies. Les possibilités d’exemples
offerts ne manquent pas : les espaces
miniers, en activité le jour, sont
indéniablement vides la nuit.
L’exploitation minière à ciel ouvert peut
créer des friches où la revégétalisation
naturelle ou artificielle est impossible.

MISE AU POINT SCIENTIFIQUE

Le foncier occupe une place centrale dans la société néo-calédonienne.

Lorsque les Européens abordent la Nouvelle-Calédonie, l’archipel est occupé par une
civilisation agraire multiséculaire. Cette civilisation est organisée en clans regroupant les
descendants d’un ancêtre commun, liés entre eux par un jeu d’alliances complexes. Chaque
clan, dans cette société traditionnelle, occupe ou étend son influence sur un territoire. Les
noms de lieux, les anciens emplacements de cases et de cultures et chaque élément du paysage
rappellent un épisode de l’histoire dont la tradition est conservée oralement. L’espace foncier
traditionnel ne se limite pas aux terres, forêts, montagnes et vallées mais aussi aux rivières,
rivages et récifs. La notion de propriété foncière kanak s’apparente à la notion de patrimoine
collectif réparti entre les membres du groupe à l’intérieur du territoire du clan. La jouissance
se transmet aux descendants mâles, sous le contrôle de l’aîné.

Avant l’arrivée des Européens, les cultures pratiquées concernent diverses variétés
d’ignames, le taro d’eau, la patate douce et quelques espèces de bananiers. L’introduction de
ces plantes est très ancienne, elle remonte au peuplement de l’Océanie lors des différentes
phases migratoires successives venant d’Asie. L’igname occupe une telle place dans la société
qu’on peut parler de civilisation de l’igname. Elle sert de support rituel et son échange est un
élément significatif des échanges coutumiers. Sa culture est l’objet de tous les soins. Elle se
pratique selon un calendrier qui met en relation activités agricoles et activités rituelles. La
culture du taro d’eau est associée à celle de l’igname. L’igname est cultivée par l’homme, le
taro par la femme. Les pratiques culturales traditionnelles, notamment le brûlis, nécessitent
de longues jachères de 3 à 10 ans et les terrains nécessaires à leur pratique représentent 6 à 10
fois la superficie cultivée sur une année.

Document 1 : Calendrier de la culture de l’igname – d’après M. Leenhardt

Avec la prise de possession française en 1853, l’organisation sociale et foncière des
clans kanak sur la Grande-Terre est bouleversée pour permettre une colonisation agricole
européenne. A la suite des opérations de cantonnement et des destructions opérées par le
bétail, les terroirs aménagés se rétrécissent en provoquant une modification des pratiques
agricoles. Les dépossessions foncières ont eu pour conséquences les insurrections de 1878,
1917 mais aussi celles des années 80. La maîtrise foncière est chargée d’une dimension
politique et identitaire aussi bien pour la société kanak que pour la société issue de la
colonisation.

Document 2 : Coupe transversale d’une vallée de la côte Est - C. Terrier-Douyère

Le patrimoine foncier de la colonisation s’est constitué en trois phases. Entre 1860 et
1880, une période d’accaparement rapide s’opère, liée à la dynamique du front pionnier
pastoral sur la côte Ouest. La surface appropriée représente 230 000 ha. Ensuite, l’heure est à
la petite colonisation paysanne, pénale ou libre, plus peuplante et moins dévoreuse de terre.
Au début du XXème siècle, les propriétés européennes couvrent 250 000 ha : la colonisation
s’essouffle et se traduit par une forte concentration de petites et moyennes propriétés. Le front
pionnier reprend après la Seconde Guerre mondiale jusqu’à atteindre le maximum de surface
accaparée, aboutissant à un affrontement avec les Kanak engagés dans une politique de
reconquête des terroirs perdus. A la fin des années 70, la propriété européenne atteint un
maximum de 390 000 ha.

Dès le début de la colonisation, les Européens se sont emparés des plaines tandis que
les Kanak étaient repoussés dans les montagnes et les fonds de vallées. Le « boom » du nickel
rend la montagne attractive à la fin des années 60 : les tribus sont une nouvelle fois menacées
de délocalisation. La population autochtone refuse cette fois ce remaniement qui les exclut
encore de la société « moderne ». Sous la pression démographique, les Kanak commencent à
se sentir à l’étroit dans les périmètres de « réserves ». A partir de 1970, l’émergence de
revendications foncières et identitaires a conduit les pouvoirs publics à promouvoir une
politique foncière. Elle débute en 1978 avec le premier plan de réforme foncière du ministre
Paul Dijoud. L’action foncière est intervenue exclusivement sur la Grande-Terre où s’étaient
installés les nouveaux arrivants. Depuis la fin du XIXème siècle les îles Loyauté sont en effet
des « réserves intégrales ». Elles n’ont pas été ouvertes à la colonisation agricole européenne.

Un foncier en cours de restructuration

De 1978 à nos jours, la réforme foncière a fait intervenir quatre opérateurs fonciers : le
Territoire de 1978 à 1982, l’Office foncier de 1982 à 1986, l’ADRAF, établissement public
territorial de 1986 à 1988, devenu établissement public d’Etat en 1989. « Ainsi, la mise en
oeuvre de la réforme foncière en Nouvelle-Calédonie oscille durant les 20 dernières années
entre une prise en charge par les institutions locales et une prise en charge par l’Etat. Il faut
y voir la difficulté de proposer une politique sur un domaine particulier, objet de contentieux
nés de la colonisation. Il aura fallu, au nom d’un nécessaire consensus local sur le sujet,
tantôt actionner le levier local, tantôt faire appel à un arbitrage extérieur, celui de l’Etat ».
(Source : La réforme foncière en Nouvelle-Calédonie 1978-1998, ADRAF, Nouméa, septembre 2000).

L’Accord de Nouméa fixe un plan qui prévoit à terme une prise en charge locale.
Les objectifs de l’ADRAF sont :
 satisfaire les revendications des Kanak formulées depuis les années 70,
 répondre aux demandes d’installation et de sécurisation des Européens,
 gérer les contradictions nées des politiques foncières successives
 et engager un processus de développement économique sur les terres attribuées.
La réalisation de ces objectifs s’est appuyée sur un transfert des titres de propriétés.
Les opérateurs fonciers ont procédé à des opérations d’acquisition et d’attribution de terres
concernant autant le domaine public que le domaine privé. 150 000 ha de terres ont changé de
propriétaires au bénéfice de plus de 650 attributaires : clan, tribu, collectivités ou particuliers.
Le rééquilibrage foncier a été opéré en faveur des terres coutumières. Cependant les
superficies concernées et les qualités des sols sont très variables. L’ADRAF dispose d’outils
juridiques :
 les offres de ventes des particuliers
 les déclarations d’intention d’aliéner
 le droit de préemption, ,
 les transferts de terrains domaniaux (Etat, Territoire, Provinces, communes).

Document 3 : Répartition géographique des acquisitions réalisées dans le cadre de la
réforme foncière de 1978 à 1998

Les attributions foncières se répartissent selon différents modes :
 l’attribution de type individuel, payante pour les citoyens de statut civil commun,
ou gratuite pour les citoyens de statut civil particulier qui ont pu faire valoir leur
lien à la terre ;
 des attributions au titre des demandes coutumières sous la forme d’un GDPL
(groupement de droit particulier local), en agrandissement de réserves autochtones
ou en propriété clanique ;
 enfin, des attributions au profit des collectivités locales pour la réalisation
d’équipements publics.

Document 4 a : Attribution individuelle, Bouloupari, côte ouest.

Document 4 b : Répartition géographique des attributions individuelles de 1978 à 1998.

Document 5 a : Répartition géographique des attributions réalisées au titre du lien à la
terre de 1978 à 1998.

Document 5 b : Réserve autochtone de Moméa, Moindou, côte ouest.
Les impacts de la réforme foncière à grande échelle : l’exemple de la commune de
Bouloupari. Ce document peut constituer un point de départ pour l’étude de ce thème.

Document 6 : La réforme foncière sur la commune de Bouloupari – ADRAF -
L
’Accord de Nouméa (annexe 1) accorde une large place à la terre qui est citée
doublement, au titre de l’identité kanak, et au titre du développement économique et social,
notamment dans l’article1.4. Le préambule évoque « la mise en place de nouveaux
mécanismes juridiques et financiers pour répondre aux demandes exprimées au titre du lien à
la terre, tout en favorisant sa mise en valeur ». Le document d’orientation affirme le rôle de
la terre dans la formation de l’identité culturelle kanak, tout en confirmant le droit de
propriété privée. Il établit la coexistence de deux types de statuts fonciers, les terres de droit
commun et les terres coutumières, en affirmant la nécessité de la mise en place d’outils de
développement sur les terres coutumières.
Ce texte réaffirme également le rôle de l’ADRAF en tant qu’opérateur de la réforme
foncière.

La loi organique (annexe 2) définit pour l’exercice du droit de propriété en Nouvelle-
Calédonie, trois catégories de terres : la propriété privée, la propriété publique et les terres
coutumières (article 6). Les terres coutumières sont définies par l’article 18. Ces trois
catégories de terres constituent aujourd’hui le cadre juridique de la propriété foncière. Sur la
Grande Terre, la répartition foncière est la suivante : 64% de terres publiques (soit 1 035 644
ha), 19% de terre privées de droit commun (soit 315 524 ha), 17% de terres coutumières (soit
281 532 ha).
Une vingtaine d’années d’actions foncières a considérablement modifié l’espace
foncier néo-calédonien mais le rééquilibrage n’est pas homogène d’une commune à l’autre.

Document 7 : Evolution des parts respectives entre foncier mélanésien et non
mélanésien en 1978 et 1998.

Des modes de vie ruraux identitaires.

Le monde rural contemporain est né du processus de colonisation de terres déjà
occupées par un peuple autochtone.
La terre dans la société kanak revêt une valeur identitaire : elle est le fondement de
l’organisation sociale. Chaque homme est attaché à une terre à laquelle il fait référence pour
se définir. La colonisation a bouleversé ce rapport étroit entre l’homme et la terre,
particulièrement sur la Grande Terre. La mise en place de réserves et de tribus (arrêté du 22
janvier 1868) a créé de nouveaux espaces, souvent artificiels, en regroupant en un même lieu
des clans d’origines diverses. De nouvelles relations se tissent entre les clans, faisant naître
une organisation néo-coutumière, de telle sorte que la tribu prend une place importante dans
l’organisation sociale actuelle de la communauté kanak. La terre constitue la carte d’identité
de la communauté kanak mais elle aussi la terre nourricière. Elle sert autant à la production
vivrière comme à la production marchande. Mais l’agriculture kanak a surtout vocation d’être
une agriculture de subsistance. La terre peut être aussi un instrument de pression politique sur
les clans accueillis, non-propriétaires ou dépossédés.La revendication des terres spoliées par
l’administration a d’ailleurs rapidement pris une tournure politique. Enfin, la prise de
conscience de la valeur marchande de la terre conduit à une modification du rapport à la terre
et peut constituer une source de conflit, notamment lors des redistributions.

Lorsque l’administration coloniale entreprend d’implanter des populations en
Nouvelle-Calédonie au XIXème siècle, la société métropolitaine est encore à forte dominante
rurale. La colonisation rurale européenne est marquée par :
 l’introduction d’espèces nouvelles,
 le renouvellement des méthodes culturales,
 la diffusion du modèle de la plantation.

La canne à sucre, le coton, le café n’ont pas connu les succès escomptés. Les cultures furent
vite abandonnées au profit de l’élevage, extensif ou semi-extensif, essentiellement bovin et
concentré sur la côte Ouest. L’élevage extensif est donc la plus ancienne et la plus répandue
des activités agricoles européennes. Le « broussard » est un propriétaire-exploitant du sol sur
lequel il vit. Il existe de fortes disparités entre petites et grandes exploitations. Il se dégage un
paysage de station typique de la côte ouest avec ses parcelles fermées de clôtures barbelées
tendues sur des poteaux de gaïac ou de niaouli, ses paddocks et ses piscines pour le bain du
bétail, le stockyard pour soigner et trier le bétail, un grand hangar pour abriter le matériel
agricole, une éolienne pour pomper l’eau, des chiens bleus, des écuries et le 4x4 aujourd’hui.
La brousse, porte d’entrée des premiers Européens, est le berceau d’un fort sentiment
communautaire.

Les espaces du vide

La notion de vide s’oppose par définition à la notion de plein. La logique n’est pas
celle de la concentration de population ou d’activité mais celle de la diffusion. Dans ces lieux
où l’espace n’est pas compté, la mesure de l’activité humaine est délicate. Les densités de
population et d’aménagements sont faibles, tout comme l’attractivité de l’espace.

++++

SUPPORT DOCUMENTAIRE

N.B. Le choix des documents proposé n’est nullement exclusif ni impératif, des
photographies peuvent être sélectionnées en complément. Le professeur utilise les documents
qui servent le mieux son projet de leçon.
Un commentaire accompagne le document : il s’agit parfois d’un approfondissement de
certains points abordés dans la partie scientifique ou de quelques conseils quant à l’utilisation
du document.
Le questionnement est laissé au libre arbitre de l’enseignant.

Document 1 :

Calendrier de la culture de l’igname
d’après M. Leenhardt

Le calendrier agricole de la culture de l’igname donné par Maurice Leenhardt montre
les relations établies entre les activités agricoles et les activités rituelles.
Ces périodes d’activités étaient comptées sur une corde à noeuds dont chaque noeud
représentait un moment d’activité. L’année ainsi définie doit son nom, nédö, au seul temps
bref, mais si chargé de sens religieux, de l’appel de la conque. L’appel de la conque, dö, a lieu
avant le repas des ignames nouvelles.
C’est d’après ce calendrier que l’on peut avancer une classification des ignames,
proposée par H. Naisseline :
 Les ignames de prémices, récoltées à la mi-février.
 Les ignames de premières récoltes, juin.
 Les ignames de deuxième récolte, juillet à décembre.
 Les ignames de troisième récolte, décembre à janvier.
Cette classification a le mérite d’être à la fois chronologique et qualitative. Elle fait
apparaître une classification des ignames à laquelle obéissent les normes sociales.

Document 2 :

Coupe transversale d’une vallée de la Côte est
C. Terrier-Douyère
(1993)

Après l’arrivée des Européens, les terroirs aménagés se rétrécissent et les habitudes de
culture changent. Des modes de production et d’occupation du sol différents dont il reste des
traces aujourd’hui, commencent à cohabiter, comme par exemple dans les vallées de la Côte
Est.

Document 3 :

Répartition géographique des acquisitions réalisées dans le cadre de la réforme foncière de 1978 à 1998
ADRAF

D’après la carte, on remarque que le volume d’acquisitions a été plus important en
Province Nord avec 66 % des propriétés privées achetées par l’Agence depuis 1989. C’est
dans cette province que les offres de vente ont été les plus nombreuses. Les communes ont été
inégalement concernées par les achats de propriétés. Plus de la moitié des acquisitions s’est
effectuée sur sept communes : Houaïlou, Koné, Poindimié et Voh au Nord, Bouloupari, Païta
et Thio au Sud. A l’inverse, l’Agence n’est quasiment pas intervenue sur sept communes :
Poum, Koumac et Pouébo en Province Nord, Moindou, Farino, Sarraméa et Yaté en Province
Sud.

En ce qui concerne les opérations de transferts des terrains des collectivités, la
situation est inverse puisque 65 % des surfaces transférées se situent en Province Sud.
Toutefois, ce type de transaction porte sur une superficie bien moins importante. Le coût de la
réforme foncière est aussi plus élevé en Province Sud, surtout à proximité de Nouméa. Ainsi,
13 % des surfaces acquises par l’ADRAF entre 1989 et 1998 sur la zone du Grand Nouméa
représentent 30 % des dépenses d’achat de terres.
Les extrémités de la Grande Terre ont été moins concernées par la politique
d’acquisition mise en oeuvre depuis 1978. Sur cinq communes : Hienghène, Kaala-Gomen,
Koné, Pouembout et La Foa, les surfaces acquises ont dépassé 10 000 ha. Pour en mesurer
pleinement l’impact sur le paysage communal, ces données absolues sont à rapprocher de la
superficie de chaque commune. Elles représentent 35% pour Koné, 25% pour la Foa, 20%
pour Pouembout, 16% pour Kaala-Gomen. Pour ces communes, l’impact n’est donc pas
négligeable.

Document 4a :

Attribution individuelle, Bouloupari, Côte ouest
ADRAF

Document 4b :

Répartition géographique des attributions individuelles de 1978 à 1998
ADRAF

Cette forme d’attribution, basée sur des critères exclusivement économiques, cherchait
à équilibrer une politique foncière conçue pour répondre aux revendications kanak.
L’accès à la propriété privée individuelle a été essentiellement mis en oeuvre de 1989 à
1993. Cette période couvre 93 % des surfaces attribuées. Ces attributions se sont réalisées
selon deux modes : la vente (89 %) ou la cession (11 %). Les attributions payantes ont été
largement accompagnées d’un éventail d’outils d’accompagnement financiers et de mesures
d’aides destinées à faciliter l’accès au foncier et le développement économique. Les
bénéficiaires de ces attributions ont été en majorité des attributaires non mélanésiens (60 %),
notamment en Province Sud et sur la Côte Ouest, afin de satisfaire les demandes d’installation
des Européens. La superficie totale attribuée s’élève à 17 659 ha pour 195 attributions. La
surface des propriétés attribuées s’étend cependant de moins de 3 ha à plus de 300 ha. Par la
suite, l’évolution des orientations générales amène l’ADRAF à procéder à des attributions aux
GDPL.

Différentes motivations ont été recensées lors de l’attribution des propriétés :
installation en agriculture (115 cas dont les 3/4 en Province Sud), habitat et agriculture
vivrière (63 cas), revendication coutumière (10 cas) et réinstallation en agriculture (2 cas
s’agissant d’agriculteurs qui ont abandonné leur exploitation sur la Côte est lors des
« événements » et ont été réinstallés sur la Côte ouest).
La répartition géographique des attributions individuelles est inégale puisque 80 % des
surfaces attribuées sont situées sur cinq communes de la Côte Ouest : Koné, Kaala-Gomen,
Poya, Bourail et La Foa, dont près de la moitié sur la commune de La Foa.

Document 5a :

Répartition géographique des attributions réalisées au titre du lien à la terre, de 1978 à 1998
ADRAF

Document 5b :

Réserve autochtone de Moméa, Moindou, côte ouest
ADRAF

Document 6 :

La réforme foncière sur la commune de Bouloupari
ADRAF

La commune de Bouloupari s’étend sur une superficie de 86 560 ha et comprend 1591
habitants au recensement de 1996.
Les opérations de réforme foncière sur 20 ans ont permis d’agrandir la réserve
autochtone de 421 ha, passant ainsi de 1846 à 2267 ha, d’attribuer 2 949 ha au GDPL et 776
ha aux particuliers. Ainsi, en 1998, 52 % de l’espace foncier appartient aux collectivités, 42 %
sont des terres de droit commun, 3 % des réserves autochtones et 3 % en GDPL.
L’impact de la réforme sur la revendication foncière permet de dire que la majeure
partie des familles est touchée ou va l’être à la faveur des attributions à venir. L’action
foncière a été menée sur fond d’existence d’une cartographie clanique de la zone. Elle sert de
référence mais soulève en même temps quelques problèmes.

L’appartenance aux différents
grands clans cartographiés n’est pas toujours évidente à établir et ramène au problème de
validation coutumière des regroupements claniques et de l’appartenance des terres. Le nombre
de regroupements de clans concernés par le pays Boulouparis est faible. C’est surtout
l’appartenance à ces regroupements qui peut poser problème. L’affiliation avec des familles
déportées vers le nord, le sud de la Grande-Terre et l’île des Pins soulève d’autres questions
sans solution. Enfin, il demeure des problèmes fonciers inter-ethniques dans les secteurs de
Karaka, Dothio, Ouenghi, le littoral et Ouaménie. Les revendications sur les îlots et sur la
zone de Bouraké suscitent une inquiétude grandissante. Les clans souhaitent disposer de
zones de vie et de pêche sur le littoral.
La réforme foncière comprend aussi un impact social.

La surface disponible par résident s’est agrandie (9,7 ha en moyenne) mais les réserves
sont situées en contrefort et dans les vallées de la chaîne centrale aux terrains pentus et
souvent de qualité médiocre. La tribu de Kouergoa est la plus enclavée, les contraintes du
relief sont peu propices au développement. Son avenir n’est pas très favorable puisque les
terres voisines attribuées concernent d’autres tribus de Thio et Boulouparis. La satisfaction de
la demande présentée par cette tribu passe par des accords coutumiers préalables avec les
propriétaires terriens. Les tribus de Nassirah et de Ouitchambo ont une histoire commune et
sont mieux loties. Les attributions, dont ont bénéficié les clans qui la composent, ont agrandi
leur espace foncier en l’ouvrant sur les grandes plaines. La tribu de Ouinané va connaître la
même évolution mais cela ne suffira pas, comme l’indique le ratio.

Plusieurs phénomènes indiquent que cette progression de l’espace rural kanak
marquera une pause dans les prochaines années. Les grands clans ont été touchés par les
attributions, même ceux qui ont été déplacés. La plupart des terres attribuées sont louées. Le
salariat agricole sur les propriétés européennes limite provisoirement les besoins en terres.
Les tribus fonctionnent comme des lieux de résidence.
Enfin, la réforme foncière a un impact sur le développement. La commune de
Boulouparis a une activité à dominante agricole et le secteur marchand est prédominant. Les
attributions individuelles ont permis l’installation de nouveaux agriculteurs, la plupart pluriactifs.
Dans le cadre des attributions aux GDPL, les baux concernent essentielle les
exploitations où se pratique l’élevage bovin. La ré-appropriation foncière présente une
démarche collective classique mais en revanche elle révèle une prédisposition à des initiatives
individuelles pour la mise en valeur des terres, héritées semble-t-il d’un long contact avec le
milieu européen. C’est la caractéristique essentielle de l’évolution foncière sur la Côte Ouest.

Document 7 :

Evolution des parts respectives entre foncier mélanésien et foncier non mélanésien entre 1978 et 1998
ADRAF

Les demandes coutumières ont clairement été prises en compte dans le traitement de la
question foncière. Toutes formes confondues, les attributions effectuées au titre du lien à la
terre représentent plus de 100 000 ha, soit 80 % des attributions totales depuis 1978. Cette
répartition diffère entre les deux Provinces. Les attributions de type individuel représentent en
effet 38 % des surfaces attribuées en Province Sud, tandis qu’elles ne représentent que 12 %
en Province Nord.
Ces cartes représentent la part du foncier coutumier par rapport aux terrains non
domaniaux. Ainsi, une valeur supérieure à 50 % signifie que le foncier coutumier est plus
étendu que les terres de droit commun.
Le rééquilibrage n’est pas homogène d’une commune à l’autre.

Trois catégories de
communes peuvent être distinguées :
 Les communes de la Côte Est.
De Ouégoua à Thio, les terres coutumières dominent largement la propriété privée de droit
commun. La prédominance des terres coutumières dans ces communes n’est pas due à un
volume plus important d’achat de terres. Deux facteurs ont convergé : les « événements »
politiques et l’absence de dynamique du marché foncier. Le foncier kanak est en progression
constante du fait que l’ADRAF est toujours sollicitée pour acheter des terres, à l’occasion
notamment du règlement de successions.
 Les communes de la Côte Ouest et du Sud.
De Poum à Bouloupari et à Yaté, le foncier privé est dominant, voire en équilibre avec le
foncier kanak, mise à part Koné et Pouembout.
L’extension du foncier kanak s’est faite de façon souvent homogène, à partir des réserves,
dans le haut des vallées ou en bord de mer. Si elle est plus équilibrée en Province Nord, en
revanche la répartition en Province Sud entre les catégories coutumières et privées est de 0.3
ha de terre coutumière pour 1 ha de terre privée européenne. Une politique foncière adaptée
est ici requise pour la cohabitation des différentes communautés.
 Les communes du Grand Nouméa.
Le foncier privé domine très largement. La grande périphérie de Nouméa a connu des
bouleversements importants ces dernières années : extension de la zone urbaine, création de
lotissements, apparitions de squatteurs. Les tribus de la périphérie se sentent menacées
d’encerclement par la ville mais l’ADRAF, n’a pu répondre aux besoins d’extension exprimés
par les Kanak dans cette zone.

La situation de ces trois espaces aux évolutions différentes pose la problématique de la
cohabitation des différentes catégories de foncier. En effet, comment mettre en oeuvre une
politique foncière et un développement rural équilibré dans le cadre de formes contradictoires
d’occupation de l’espace ? Pour éviter le maintien de zones sous-développées kanak, de
nouveaux outils devront être définis pour gérer au mieux le développement à deux vitesses
des territoires fonciers.
Durant années 80, l’achat de terres a surtout concerné les propriétés de Calédoniens
d’origine européenne dans une période conflictuelle. Au cours des années 90, il s’est surtout
agi de réattribuer ces terres aux Kanak. Dans tous les cas, la politique mise en oeuvre a permis
à un grand nombre de clans et de tribus de disposer de nouvelles terres pour installer de
nouveaux habitants et développer l’agriculture et l’élevage, participant ainsi au mouvement
général de développement économique.

RESSOURCES DOCUMENTAIRES

Bibliographie :

 ADRAF, La réforme foncière en Nouvelle-Calédonie, 1978-1998, éditions Grain de Sable,
Nouméa, 2000.
 ADRAF, Rapport d’activité 2002, éditions Grain de Sable, Nouméa, 2003.
 Actes du séminaire, Foncier et développement en Nouvelle-Calédonie, Nouméa, CCT, les
10,11 & 12 octobre 2001.
 IEOM, La Nouvelle-Calédonie en 2002, Rapport annuel, Paris, 2003.
 Collectif, L’outre-mer français dans le Pacifique, éditions Ile de Lumière, Nouméa, 2003.
Collectif, Etre Caldoche aujourd’hui, éditions Ile de Lumière, Nouméa, 1994.
 JP. Doumenge, E. Métais, A. Saussol, La Nouvelle-Calédonie, occupation de l’espace et
peuplement, collection « Iles et Archipels » n° 5, Les cahiers d’Outre-Mer, Bordeaux, 1986.
 L. Arréghini et P. Waniez, La Nouvelle-Calédonie au tournant des années 1990, un état des
lieux, Reclus, La Documentation Française, ORSTOM, Paris, 1993.
 Chroniques du pays kanak, tome 4, les mutations, éditions Planète Mémo, Nouméa, 1999.
 JM. Estournès, L’élevage, Découvertes calédoniennes, éditions Planète Mémo, Nouméa,
2001.
 Encyclopédie de la Nouvelle-Calédonie, tome 2, Géographie humaine, économique et
régionale, 1985.
 Atlas de Nouvelle-Calédonie, éditions du Cagou, Nouméa, (2ème édition) 1992.

Personnes – ressources :

 Intervenant de l’ADRAF, antenne de Nouméa : 25.86.00 ; mais aussi antennes de Koné,
Poindimié et La Foa.

Lieux - ressources :

 ADRAF, Agence de Développement Rural et d’Aménagement Foncier.
 ITSEE, Institut Territorial des Statistiques Economiques
 AICA, Association Interprovinciale de gestion des Centres Agricoles.
 ADECAL, Agence de Développement de la Nouvelle-Calédonie.
 IAC, Institut Agronomique Calédonien
 Services provinciaux, Direction du Développement Rural de la Province Sud.

Documents joints

Dans la même rubrique