HG/NC Le site académique d'histoire-géographie de Nouvelle-Calédonie

Une interface Nord/Sud : l’Océanie

samedi 17 juillet 2010 par Michel LEXTREYT

À l’instar de la Méditerranée, étudiée dans les programmes métropolitains, l’Océanie constitue un espace de clivage en même temps que de contacts entre les pays du
Nord et les pays du Sud. Dans ce cadre géographique, on étudie les écarts de développement, la mobilité des hommes (migrations, déplacements touristiques), les
échanges économiques, financiers et culturels, la variété des statuts politiques. En s’appuyant sur quelques exemples, on montre les effets de ces phénomènes sur les
sociétés et les territoires.

L’étude de l’Océanie permet de mettre en relation un espace îlien tropical en proie à divers problèmes de développement avec un « monde » développé décalé vers la
zone tempérée. Cet ensemble géographique est d’une très grande variété : continent australien et archipel néo-zélandais font face à une multitude d’îles et d’archipels
qui vont des grandes terres mélanésiennes aux poussières d’atolls polynésiens ou micronésiens, de l’espace anglo-saxon à l’espace francophone, des pays indépendants
aux pays plus ou moins autonomes, en passant par des écarts souvent énormes dans le poids démographique ou économique, dans le degré de dépendance économico-
financière ou dans le niveau de vie…

Note importante : l’étude de l’interface océanienne ne saurait se résumer à l’Océanie et donc à l’étude exclusive des relations entre l’Australie / Nouvelle-
Zélande d’une part et les îles et archipels de l’Océanie intertropicale d’autre part. L’Australie et la Nouvelle-Zélande regardent vers d’autres « Sud »,
asiatiques ceux-là. Les micro-États insulaires quant à eux entretiennent des relations parfois privilégiées avec d’autres « Nord » (États-Unis, Japon,
Europe…). Le parti a toutefois été pris ici de privilégier les relations intra-océaniennes, dans la mesure où l’accès à l’information et l’état des recherches sur
cet espace géographique sont assez fragmentaires. Le professeur saura élargir le champ autant que de besoin.

 I- MISE AU POINT SCIENTIFIQUE

 1- Présentation générale de l’interface océanien

1.1. – Quelques réflexions préalables

Cette question concerne l’Océanie en tant que l’une des cinq (ou six) parties du monde (éviter le vocable « continent ») [1].

Elle introduit les notions de Nord et de Sud, termes économiques et non géographiques, qui posent problème lorsqu’on les applique à l’Océanie puisque, dans
l’hémisphère sud, le nord économique se trouve au sud géographique.

Elle fait également appel à la notion d’interface, qui doit être clairement explicitée, et délimitée géographiquement. Une interface est une discontinuité entre deux
espaces géographiques différents. Son étude conduit à s’interroger sur la nature des relations qu’entretiennent ces deux espaces en matière de flux et d’échanges
humains, matériels et immatériels.

Par ailleurs, étudier l’Océanie en tant qu’interface Nord / Sud amène à s’interroger sur les limites géographiques de ce contact, puis à en étudier la nature. Mais doit-on
réduire l’interface Nord / Sud aux pays océaniens ? La question mérite d’être posée. En effet, les îles et États d’Océanie intertropicale entretiennent des relations avec
d’autres pays du Nord que l’Australie et la Nouvelle-Zélande. De même, l’Australie et la Nouvelle-Zélande entretiennent des relations avec d’autres pays du Sud que
les pays océaniens (en Asie par exemple). Les relations Nord / Sud ne sont donc pas seulement limitées à cette partie du monde et doivent être élargies
géographiquement, sous peine de ne pouvoir en cerner les véritables enjeux. Ainsi, les trois entités françaises du Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française,
Wallis-et-Futuna) entretiennent beaucoup plus de relations avec la métropole qu’avec leurs voisins du Pacifique, alors que Guam et la Micronésie regardent vers le
Japon et les États-Unis et non vers l’Australie et la Nouvelle-Zélande. De même, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont une vision beaucoup plus large de leurs relations
avec le Sud, plus intenses au niveau de l’Asie que du Pacifique proprement dit.

1.2. - L’espace océanien : une identité commune ?

La partie du monde que l’on appelle Océanie juxtapose donc un continent, l’Australie, et un ensemble d’îles et d’archipels qui, en dehors de la Nouvelle-Zélande, sont
tous situés dans la zone intertropicale.

Cet espace tout d’abord est plus maritime que continental. L’océan Pacifique, qui baigne ces terres, est en effet partout présent. Il couvre environ 80 millions de km2
dans lesquels se perdent 820 000 km2 de terres émergées (hors Australie), ce qui conduit à introduire l’idée d’isolement et par là-même des contraintes qui lui sont
liées : exiguïté des territoires et faiblesse numérique des populations, difficulté -et cherté- des communications entre les îles, éloignement des grands centres de
décision…

D’autre part, cet espace est situé aux antipodes de l’Europe et s’est donc trouvé longtemps marginalisé (d’où l’idée d’implanter des bagnes en Australie ou en Nouvelle-
Calédonie) par rapport aux grands foyers économiques de la planète. On notera également que, du fait de cette situation géographique excentrée, l’Océanie fut
également la dernière partie du monde à être colonisée par les hommes, puis la dernière à être redécouverte par les Européens, au moins dans sa composante insulaire.

Espace vide et délaissé par les Européens pendant longtemps, l’Océanie est incluse dans un ensemble Pacifique qui s’est éveillé au monde à la fin du XIXe siècle et
aurait même, à en croire les chiffres, supplanté l’Atlantique dans le volume des échanges commerciaux transocéaniques à la fin du XXe siècle. Mais on l’a bien
compris : ce réveil concerne avant tout le Pacifique Nord, quasiment vide en son centre mais bordé par des géants économiques qui multiplient les relations
commerciales entre eux : le Japon, les États-Unis, les « Quatre Tigres », les autres pays de l’ASEAN et maintenant la Chine. Il n’en est pas de même pour la partie sud
de la région, qui nous intéresse plus spécialement. Celle-ci est certes animée par le continent australien et l’archipel néo-zélandais, mais elle est constellée en son centre
de micro-États insulaires constituant un espace délaissé et marginal. Ces derniers ne pèsent d’aucun poids sur l’échiquier économique international. Ils sont le ventre
mou d’un système extrêmement actif sur ses marges. Ils échappent aux grands courants d’échanges et n’en génèrent pas véritablement eux-mêmes. Ils ne sont qu’une
poussière de terres perdues dans l’océan et connaissent tous, y compris les plus riches d’entre eux, des problèmes de développement qu’ils s’attachent à surmonter avec
des fortunes diverses.

Au final, l’Océanie met bien en opposition deux mondes présentant des profils de développement fort contrastés entre lesquels s’est noué un tissu de relations de type
Nord / Sud qu’il convient d’analyser.

1.3. - Le bloc développé (Australie – Nouvelle-Zélande) : deux pays anglo-saxons du bout du monde

Le bloc développé est donc constitué de deux pays, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, qui présentent bien des caractères communs tout en affichant ostensiblement
leurs différences (voir tableau joint en annexe).

Ces deux pays, qui sont membres de l’OCDE, font partie du cercle fermé des pays riches. Bien des éléments les rapprochent. On pense à leur population majoritaire, de
souche anglo-saxonne, fruit d’une colonisation dite « de peuplement » qui s’est effectuée pour l’essentiel dans la deuxième moitié du XIXe siècle. On pense également
aux problèmes qu’ils rencontrent aujourd’hui par rapport à l’intégration jusqu’ici mal négociée des populations originelles, maories ou aborigènes. On peut également
mettre en exergue leur système de gouvernement, de type démocratique mais conservant un lien au moins affectif avec l’ancien colonisateur par le biais de l’adhésion
au Commonwealth et surtout de la reconnaissance du souverain anglais comme chef de l’État. On signalera encore la volonté de ces deux pays de fédérer leurs
politiques économiques avec l’instauration d’un véritable marché commun autorisant entre eux la libre circulation des biens et des personnes.

Mais les points de ressemblance s’arrêtent vite. En effet, tout par ailleurs semble opposer ces deux pays. Opposition entre une île-continent composée d’un socle d’une
grande stabilité, aux paysages plutôt monotones et un archipel instable aux paysages variés. Opposition entre un climat à dominante désertique et un climat à dominante
océanique. Opposition entre une colonisation pénale rude qui s’est livrée à une tentative d’extermination de populations autochtones démunies et une colonisation de
fermiers qui a dû composer avec des populations autochtones pugnaces. Opposition entre une fédération d’États et de Territoires et un État centralisé. Opposition entre
un pays disposant de gigantesques ressources minières et un pays tourné avant tout vers les ressources liées à l’agriculture. Opposition enfin entre une puissance
économique de rang mondial et une puissance régionale moyenne …

L’Australie et la Nouvelle-Zélande ont une implication nécessaire et inévitable dans une partie du monde qu’ils considèrent comme leur chasse gardée, tout en s’étant
réparti tacitement leur zone d’influence, plutôt mélanésienne pour l’Australie et plutôt polynésienne pour la Nouvelle-Zélande. Mais ces deux pays n’ont pas forcément
les moyens (Nouvelle-Zélande) ou la volonté (Australie) de leurs ambitions. Au-delà du grand écart de développement qui les sépare de la plupart des pays insulaires de
l’Océanie intertropicale, ils se démarquent de par cet héritage de l’histoire qui en a fait des pays anglo-saxons qui doivent faire face à des Océaniens qui vivent et
pensent différemment, ce qui ne fait qu’accroître la fracture Nord / Sud, qui n’est pas seulement économique, mais aussi et peut-être surtout socioculturelle.

1.4. - Les îles et archipels de l’Océanie intertropicale : un ensemble insulaire multiforme en proie à de sérieux problèmes de développement

Les îles et archipels de l’Océanie intertropicale ont entre eux un des points communs qui leur permettent d’afficher leur « océanité » et de se démarquer du monde
extérieur. Ils ne présentent pas pour autant un ensemble homogène et les clivages qui les séparent sont nombreux. On peut s’essayer à dresser la liste de leurs principales
caractéristiques :

  • une très forte insularité. Celle-ci se traduit par une très faible superficie de terres émergées (en-dehors du « géant » de PNG [2]) perdues dans l’immensité
    océanique. Il en découle l’éloignement des centres de décision, les contraintes liées à la dispersion des îles ou la difficulté et la cherté des communications… Cette insularité est plus forte au niveau des îles volcaniques et des atolls du centre et de l’est, véritables poussières d’îles perdues dans le grand océan, qu’à l’ouest où l’on
    rencontre les grandes terres mélanésiennes, morceaux de socles détachés du continent asiatique.
  • un climat tropical humide, moins clément qu’il n’y paraît, avec de longues périodes de sécheresse qui frappent beaucoup d’atolls, des trombes d’eau qui
    s’abattent sur les côtes au vent des îles hautes et enfin des cyclones qui sillonnent régulièrement la région, surtout dans sa partie centrale et occidentale.
  • une division en trois ensembles ethnoculturels : la Mélanésie (les « îles noires »), la Micronésie (les « petites îles ») et la Polynésie (les « îles nombreuses »). Ces
    trois mondes issus d’une même souche austronésienne ont encore conservé des pratiques coutumières très fortes qui ont pour effet de privilégier le groupe sur l’individu.
    Les conséquences en sont souvent fâcheuses, dans la mesure où le poids de la tradition vient bloquer les initiatives pouvant conduire à des processus de développement.
    Le frein social demeure donc considérable, mais inégal toutefois suivant les pays.
  • des pays découverts et colonisés tardivement. L’espace océanien a représenté au XIXe° siècle, dans la foulée des aventures africaines ou asiatiques un enjeu
    de pouvoirs pour les puissances européennes et pour les États-Unis. La colonisation s’est toutefois effectuée ici avec moins d’enthousiasme (trop loin, trop exigu), plus
    tardivement et moins durement. Il n’en demeure pas moins que l’héritage colonial est encore très présent. On en prendra pour preuve la division de la zone en un
    ensemble anglo-saxon et un ensemble français fort différents et parfois opposés, sur un fond culturel primitif pourtant identique (Tahiti et les îles Cook ; Wallis et
    Futuna et les Samoa-Tonga, Nouvelle-Calédonie et les Salomon ou le Vanuatu...). On doit également insister sur l’héritage religieux qui se traduit par l’omniprésence
    d’un christianisme à la fois œcuménique (toutes ses tendances y sont représentées et cohabitent sans problème) et syncrétique (absorption de certaines croyances
    ancestrales avec lesquelles il faut bien composer). Tout comme la coutume, la religion peut être un facteur bloquant pour le développement, mais d’un autre côté elle
    assure la stabilité des sociétés en place qui ne rechignent pas à être encadrées par le prêtre ou le pasteur.
  • des pays qui vivent une véritable crise identitaire au travers des problèmes de décolonisation et d’indépendance. Entre 1962 (Samoa Occidental, actuel
    Samoa) et 1980 (Nouvelles-Hébrides, actuel Vanuatu), neuf États océaniens ont accédé à l’indépendance. Dans les années 1990, ils ont été rejoints par plusieurs pays
    sous tutelle étasunienne, comme Palau. Parmi les autres, on rencontre tous les types de statuts, allant de l’indépendance-association (îles Cook…) à diverses situations
    de dépendance (Samoa américaines, Guam, Tokelau, Pitcairn…) en passant par une très large autonomie (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française…). Mais le
    problème non résolu est d’arriver à allier indépendance économique et indépendance politique…
  • des pays qui connaissent des problèmes de développement.. En effet, les îles et archipels de l’Océanie intertropicale présentent tous, à diverses échelles et y
    compris les plus riches d’entre eux (mais leur richesse est souvent artificielle), certains des caractères propres aux pays du Tiers Monde : démographie non toujours
    maîtrisée, structures sociales traditionnelles encore fortes, fondées sur l’enseignement des Églises et sur le respect des chefs et des Anciens, mais déstabilisées suite à
    l’introduction brutale de certaines formes de développement, sous-qualification de la main d’œuvre, secteur tertiaire non productif prédominant (bureaucratie), activités
    peu diversifiées, insuffisantes et vulnérables, forte dépendance politique et économique, assistanat qui se traduit par l’appel à toutes formes d’aides extérieures, quel que
    soit par ailleurs le niveau de développement, extrêmement variable d’un pays à un autre.
  • des pays fragiles sur le plan politique. Le fonctionnement démocratique des institutions est souvent mis en danger par les problèmes d’insécurité (PNG,
    Salomon), les problèmes ethniques (Fidji), le poids des traditions qui maintient l’emprise des chefferies (en particulier sur Tonga et Samoa), le rôle parfois bloquant des
    Églises, l’immaturité enfin de la classe politique et sa faible assise qui favorisent l’émergence de leaders plus ou moins charismatiques qui peuvent succomber à la
    tentation du pouvoir personnel (Vanuatu entre autres). Ces problèmes touchent en priorité les pays indépendants dégagés d’une métropole garante et protectrice de la
    légalité institutionnelle. Cela ne veut pas dire pour autant que les autres entités, dans le cadre de leur autonomie de plus en plus affirmée, ne soient à l’abri de pratiques
    déviantes (îles Cook, entités françaises du Pacifique).
  • un ensemble régional enfin qui est tiraillé entre sa volonté de regroupement et les influences extérieures qui contribuent à son éclatement. Par le regroupement
    au sein d’organismes comme la Communauté du Pacifique ou le Forum (voir dossier), les pays de la région cultivent l’appartenance à une même communauté d’intérêts
    et espèrent être plus forts vis-à-vis de l’extérieur. Il n’en demeure pas moins qu’ils se trouvent écartelés entre de multiples influences externes, ce qui a amené B.
    Antheaume et J. Bonemaison [3] à découper la région en quatre réseaux fonctionnant de façon autonome et ayant chacun pour caractéristique d’entretenir des liens
    privilégiés avec une puissance du Nor. Ces réseaux sont considérés selon les auteurs comme des « ensembles géographico-politico-culturels » qui "contribuent à forger
    l’identité des populations qui les composent". Il s’agit des réseaux :
    • australo-mélanésien
    • zélando-polynésien
    • franco-océanien (sic)
    • américano-micronésien".

 2- Comment fonctionne l’interface Nord / Sud océanien ?

La nature de l’interface Nord / Sud en Océanie est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît, du fait des héritages de l’histoire coloniale qui font que la simple relation de
proximité géographique est largement dépassée par l’entretien et le développement de liens beaucoup plus larges dans lesquels les anciens colonisateurs que sont le
Royaume-Uni, les États-Unis ou la France pèsent de tout leur poids. L’ouverture par ailleurs des marchés asiatiques proches ne doit pas être sous-estimée non plus, en
particulier en ce qui concerne l’espace micronésien.

Les relations qui se tissent dans l’interface océanien sont de divers ordres : démographique (les migrations de population), économique et financier (aides et transferts,
échanges commerciaux, tourisme), politique ou socioculturel. On y retrouve des flux migratoires déséquilibrés, un système d’échanges inégaux, des pratiques d’aides et
de transferts largement développées mais aliénantes, un fonctionnement de type centre-périphérie à plusieurs niveaux d’échelle, une opposition entre des pôles actifs et
des périphéries délaissées…

2.1. - Les flux migratoires

Entre l’Australie / Nouvelle-Zélande et les archipels de l’Océanie intertropicale, on relève des mouvements de populations importants typiques du système de relations
Nord / Sud.

Ces flux revêtent aujourd’hui une importance majeure. Ils se font dans les deux sens, mais les échanges sont inégaux : plus d’Océaniens insulaires quittent la région que
d’étrangers n’y entrent. Ces derniers sont le plus souvent des fonctionnaires ou des assistants techniques, au séjour temporaire, entretenant entre eux sur la région un
flux d’échanges équilibré. Par contre, on note une forte émigration des insulaires océaniens vers les pôles périphériques. Ce sont les Samoans, Tongiens, Rarotongiens,
Niueans ou Tuvaluans vers la Nouvelle-Zélande (il y a plus de Rarotongiens en Nouvelle-Zélande qu’aux îles Cook), les Nauruans, les habitants de la PNG ou les
Salomoniens vers l’Australie ou bien les Samoans et les Micronésiens vers les États-Unis. Ces migrations sont rendues d’autant plus aisées que beaucoup de ces pays bénéficient de la liberté d’accès dans le pays « tuteur ». On notera par contre que relativement peu de Calédoniens, de Polynésiens français ou de Wallisiens-Futuniens
migrent (de façon définitive tout du moins) vers la France métropolitaine, contrairement aux Antillais par exemple.

Ces migrations peuvent évoluer dans le temps, en fonction de la politique migratoire ou de la situation économique des pays d’accueil. C’est ainsi que durant la crise
qu’elle a subie au début des années 1990, la Nouvelle-Zélande s’est refermée sur elle-même et s’est un temps effacée derrière les États-Unis (Hawaii et la Californie
surtout). La situation interne des pays du Pacifique peut également provoquer des mouvements d’une amplitude non négligeable. Ainsi, les deux coups d’État du
colonel Rabuka, aux îles Fidji (1987) et la période d’incertitude qui a suivi ont engendré une émigration indienne assez forte vers les États-Unis ou l’Australie.
Quoiqu’il en soit, d’une manière générale, plus d’hommes quittent la région qu’il n’y arrivent. Ce phénomène se traduit dans les chiffres (estimations de 2002) par des
soldes migratoires généralement négatifs, dont les plus forts se rencontrent à Niue (-4,3 %), à Tokelau (-2,5), aux Cook (-2,2 %), aux Marshall (-2,0 %), au Samoa (-1,8
%) ou à Tonga (-1,5). Parfois, comme à Niue, les pertes de population par phénomène migratoire ne sont pas compensées par l’accroissement naturel (Niue : +2,1 % et -
4,3 % = -2,2 %).

Ces flux migratoires ne sont pas sans incidence sur les sociétés en place, qu’elles tendent à déstabiliser et donc à fragiliser. On peut leur reprocher de provoquer le
vieillissement de la population du pays de départ, la fuite des cerveaux, l’enfermement dans un système sclérosant qui inhibe les initiatives locales et renforce le pouvoir
des Anciens, l’inscription inévitable dans une logique d’assistanat. Mais on comprend aussi que ces déplacements permettent aux jeunes adultes, les premiers concernés,
de fuir le chômage structurel de leur île pour aller tenter leur chance ailleurs et donc de leur offrir des perspectives d’avenir qui font défaut sur place. Ils offrent aussi au
pays de départ une source de revenus non négligeable par les transferts de salaires qu’ils génèrent (voir ci-après).

2.2. - Les aides financières et les transferts. Le système MIRAB.

Avant tout, les pays de l’Océanie intertropicale s’inscrivent, quels qu’ils soient et à des degrés divers, dans un système d’aide financière, à laquelle contribuent à leur
mesure l’Australie et la Nouvelle-Zélande, qui ne sont pas les premiers bailleurs de fonds en ce domaine. Ce système d’aides est assez bien résumé dans ce que deux
chercheurs anglo-saxons, Bertram et Watters, ont appelé le système MIRAB : MI comme migrations (émigration des jeunes actifs vers les pays riches), R comme
remittances (mandats envoyés par les travailleurs émigrés à leurs familles), A comme aid (aide internationale multilatérale et bilatérale), B comme bureaucracy (poids
important de l’administration dans les emplois, financés par l’aide internationale)… Certains ont également proposé le sigle MIRAGE, qui s’obtient en remplaçant
Bureucracy par Government expenditure, sans doute plus explicite.

On peut distinguer plusieurs formes d’aides et de transferts :

- le binôme Migrations / Remittances, qui est élevé à l’état d’institution par un certain nombre de petites entités de Polynésie centrale dont c’est la principale
source de revenus (voir dossier).

- les aides bilatérales, qui sont les plus fréquentes et les plus conséquentes. Elles sont fournies par les métropoles (France, États-Unis) ou les anciennes
métropoles (Royaume-Uni, Nouvelle-Zélande, Australie) sous forme de contrats de plans. Elles se caractérisent par des transferts financiers qui peuvent être très
importants (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Guam, par exemple) ou par l’envoi de personnels qualifiés (techniciens, fonctionnaires) rémunérés par la
puissance protectrice. On notera que dans ce volet ce ne sont pas, et de très loin, les puissances océaniennes qui investissent le plus. Australie et Nouvelle-Zélande se
caractérisent même par une assez grande frilosité. Quant aux États-Unis ou à la France, le volume de leur contribution est (ou a été) à la mesure de leur volonté de se
maintenir dans la région, entre autre pour des raisons stratégiques (essais nucléaires, bases de lancement de missiles, stations de surveillance, richesses naturelles, etc.).
Cette présence a un prix, élevé. Les pays insulaires passent aussi des accords ponctuels avec certains pays asiatiques, comme la Chine par exemple (c’est la Chine qui a
financé en grande partie les installations sportives construites à Suva pour accueillir les Jeux du Pacifique de 2003.)

- les aides multilatérales, qui sont un complément aux aides bilatérales. Moins importantes, elles portent sur des projets et répondent souvent à des demandes
précises. On retrouve ici les contributions de la France, du Royaume-Uni, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande dans le financement des actions de la Communauté
du Pacifique ou du Forum, ou bien l’Union européenne qui soutient les programmes de développement dans le cadre du FED.

2.3. – Les politiques économiques et les échanges commerciaux

Les données du problème

Les pays insulaires de l’Océanie intertropicale subissent de plein fouet les échanges inégaux qui caractérisent les relations Nord / Sud. Ils présentent en effet un
faisceau de handicaps qui les prédisposent à être privés d’une partie de leurs richesses au profit des multinationales des pays développés.

En effet, leur faible poids économique les empêche de mettre en place par eux-mêmes des structures d’exploitation ou de commercialisation de leurs richesses
et leurs productions modestes font qu’ils ne peuvent peser sur les marchés. Ils se trouvent tributaires d’un extérieur qui leur impose ses propres règles du jeu. Ainsi, la
plupart des grandes opérations hôtelières ou industrielles sont le fait d’investissements étrangers, ce qui pose le problème de la maîtrise des politiques économiques
locales. On a vu par exemple s’installer à Fidji de grands complexes hôteliers (japonais) dont la construction et le fonctionnement ont échappé pour l’essentiel au pays
d’accueil et qui vivent en autarcie quasi-complète, important même la plupart des denrées alimentaires qu’ils utilisent dans leurs restaurants. Le résultat est que les pays
océaniens comme la plupart des pays du tiers-monde voient leur territoire exploité, voire pillé (ressources minières) sans en retirer pour autant des bénéfices
substantiels. L’origine de ces capitaux est surtout étasunienne en Micronésie et surtout australienne en Mélanésie. Les investisseurs sont plus variés dans l’espace
polynésien.

Se pose également le problème de la faiblesse et du manque de diversification des productions, l’économie de certains pays ne reposant que sur une ressource, à
laquelle s’ajoutent quelques recettes touristiques… L’équilibre financier s’en trouve d’autant plus fragilisé, une baisse des cours ne pouvant être compensée par d’autres
entrées de devises. Si Nauru et le phosphate sont le cas extrême, on peut aussi évoquer les pêcheries des Samoa américaines ou le nickel calédonien, bien que pour ce
dernier cas l’aide de la métropole réduise le danger. Par ailleurs, les exportations se limitent à des produits de base alors que l’on doit importer la quasi-totalité des biens
de consommation. Dans l’ensemble, les balances commerciales sont très largement déficitaires et ne peuvent être compensées que par le tourisme et surtout les aides
évoquées plus haut.

Par ailleurs, on est confronté au problème de la main-d’œuvre qualifiée, très insuffisante dans ces petites entités où l’essentiel de la population vit encore de
manière traditionnelle et où les taux de réussite scolaire sont faibles. Il en résulte que les cadres sont pour une bonne part des étrangers ou des Métropolitains et que les
décisions ne se prennent que rarement sur place.

Le constat de carence ainsi dressé a amené les pays insulaires du Pacifique à rechercher des solutions qui leur permettent de limiter leur dépendance
économique.

Ressources propres et « niches » économiques

La plupart des pays insulaires océaniens sont encore dominés par des structures économiques très traditionnelles reposant sur des formes variées d’agriculture
vivrière ou de pêche et donc de vie en autarcie. À la marge, on essaie de développer un secteur spéculatif qui souvent sert d’appoint aux ressources des familles ou des
villages pour peu que l’on sache mettre en place parallèlement un circuit de commercialisation fiable… Le premier des produits commercialisés sur l’ensemble de la
région est le coprah, mais on a également tenté des expériences de développement de la culture du cacao, du café, du palmier à huile (Mélanésie), des pastèques (Tonga)
ou de la vanille et plus récemment du nono (Tahiti)… Une seule expérience de plantation à grande échelle a véritablement réussi, c’est la canne à sucre à Fidji, mais elle
connaît aujourd’hui de sérieuses difficultés. La Nouvelle-Calédonie a par ailleurs développé un élevage compétitif mais dont la portée demeure locale.

En dehors de l’agriculture et de l’élevage, un autre secteur traditionnel a pu connaître un essor spectaculaire dans certains pays : la pêche. Les Samoa
américaines en vivent largement. D’autres pays, comme la Polynésie française, essaient de développer ce secteur. Les forêts également (aux Salomon en particulier)
peuvent représenter une perspective d’avenir, mais là aussi les moyens manquent.

Les ressources minières sont un axe fort de l’économie de certains pays, essentiellement mélanésiens : PNG (or, cuivre, voire hydrocarbures…), Fidji (or) et
surtout Nouvelle-Calédonie (nickel). Les ressources en phosphates (Makatea, Banaba / Ocean, Nauru) sont à présent épuisées. On constate toutefois que les énormes
investissements nécessités par l’extraction minière ont fait que cette activité a souvent échappé, et échappe encore aux initiatives et aux capitaux locaux. Ceci dit,
malgré le pillage, réel, de ces ressources par des sociétés étrangères, les pays concernés en retirent de substantiels bénéfices qu’ils ne savent malheureusement pas
toujours faire fructifier (on pense à la PNG par exemple).

Au-delà, il faut parler de « niches » économiques. La faible taille des pays océaniens tropicaux les oblige à rechercher des secteurs spécifiques ou plus ou moins
délaissés où la concurrence ne sera pas trop rude. La Polynésie française a ainsi développé la perliculture qui bénéficie d’un label international (la perle noire de Tahiti),
ce qui ne l’empêche pas de se trouver aujourd’hui en sérieuse difficulté face au développement de la concurrence étrangère (en particulier des îles Cook qui ont
également investi ce créneau). D’autres pays se sont lancés dans les pavillons de complaisance, la philatélie (Pitcairn), l’exploitation de sites Internet (Tuvalu) ou même
dans la production de passeports dont il a été dénoncé récemment l’illégalité…

Le tourisme, voie de l’avenir ?

La plupart des pays océaniens jouent la carte du tourisme. L’Australie et Hawaii, avec cinq millions de touristes par an, ou la Nouvelle-Zélande, avec plus de
deux millions, sont devenus de gros marchés touristiques internationaux, qui plus est en forte expansion à une époque où cette activité a tendance à stagner. Mais les
pays insulaires ne sont pas en reste. Ce secteur économique est devenu prépondérant à Guam où la capitale, Agana, est noyée sous les infrastructures hôtelières de front
de mer et sous le flot des touristes asiatiques. On retrouve une forte activité touristique également aux îles Mariannes, à Fidji ou en Polynésie française. Ailleurs, le
tourisme fournit toujours un apport qui peut être conséquent et combler en partie le déficit de la balance commerciale. Partout cependant cette activité est aux mains de
capitaux étrangers et les retombées ne sont pas aussi importantes qu’elles le devraient. L’essentiel des touristes provient de la zone Pacifique : Asiatiques (Japon, Corée
du Sud) un peu partout, mais surtout en Micronésie (plus proche), Étasuniens en Micronésie et en Polynésie, Australiens en Mélanésie… On retrouve également des
touristes européens en Mélanésie et en Polynésie (voir dossier).

Après la production, la commercialisation…

Tout d’abord, les micro-États de la zone ont tenté de se regrouper pour mieux faire face aux enjeux du monde d’aujourd’hui et aux contraintes du marché
international. Si le premier de ces regroupements d’États (la C.P.S. devenue Communauté du Pacifique), initié par les puissances coloniales avant la décolonisation du
Pacifique, n’avait pas une vocation économique, il n’en a pas été de même des suivants. C’est ainsi que le Forum, créé en 1971 autour d’une volonté politique, a rapidement mis en place des agences ou des organismes ayant pour vocation le développement économique concerté de la région (Agence des pêches, Forum Line..).
On notera également des organismes tels que le PROE, le PIDP, la SOPAC, le SPTO et quelques autres (voir dossier).

Au-delà de ces regroupements internes, les pays insulaires tropicaux océaniens ont passé des accords économiques et commerciaux avec les pays du « Nord ».
On retiendra ici les deux plus marquants :

  • les accords SPARTECA (South Pacific Regional Trade and Economic Co-operation Agreement) avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Ces deux pays,
    qui ont ouvert entre eux une zone de libre échange des biens et des personnes, ont également signé en 1981 des accords commerciaux permettant aux pays
    insulaires membres du Forum d’exporter chez eux leurs productions libres de droits d’entrée ;
  • les facilités d’échanges avec l’Union européenne dans le cadre des conventions de Lomé, puis de Cotonou.
    Par ailleurs, on n’oubliera pas les accords commerciaux bilatéraux qui sont légion, surtout dans le contexte de pays n’ayant pas encore accédé à l’indépendance.

Des échanges qui demeurent très inégaux

Quelles que soient les mesures entreprises, force est de constater que les balances commerciales des pays insulaires océaniens sont largement déficitaires avec
les pays développés, en particulier avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Ce déficit est en partie compensé par les devises générées par l’activité touristique, puis par
les aides. Le taux de dépendance est donc généralement très fort.

2.4. - La culture , le sport, les loisirs et les enjeux socioculturels

La culture, le sport et les loisirs prennent une part non négligeable dans les échanges à l’intérieur du monde océanien. Ils contribuent fortement à rassembler
autour d’objectifs communs des pays qui par ailleurs ont du mal à se rencontrer à cause de leur éparpillement et de leur isolement. La Nouvelle-Zélande et l’Australie, à
des degrés divers et suivant les circonstances s’impliquent par des aides à la fois financières et techniques, dans ces manifestations dont le cœur demeure le monde
océanien tropical insulaire. On peut en citer quelques-unes :
- le Festival des Arts océaniens (voir dossier)
- les Jeux du Pacifique Sud (voir dossier)
- l’Université du Pacifique-Sud (voir dossier)
- la CEPAC (Conférence des Évêques du Pacifique), dont le siège est à Suva et qui coordonne l’action de l’Église catholique sur l’ensemble du Pacifique
insulaire (hors PNG)

On s’aperçoit donc au travers de ces exemples, que l’on pourrait multiplier, que la volonté de vivre et de travailler ensemble est bien réelle. Mais au-delà de ces
louables initiatives de rapprochement des pays du « Sud » entre eux et avec les deux puissances développées de la région, demeure le problème de deux mondes aux
caractères très marqués qui va bien au-delà des clivages économiques ou des écarts de niveau de vie. En fait, le premier fossé qui sépare ces deux ensembles humains
est culturel, au sens fort du terme. D’un côté les Australiens et les Néo-Zélandais de souche anglo-saxonne sont les héritiers et défenseurs des valeurs occidentales. De
l’autre, les Mélanésiens, Micronésiens ou Polynésiens sont porteurs de valeurs océaniennes qui leur sont propres et qui se marient difficilement avec le monde moderne.
Du contact entre ces deux ensembles sont nés bien des déséquilibres et bien des incompréhensions.

Au sein même de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, les clivages sont encore considérables entre deux sociétés qui ne se comprennent pas toujours. Cela a
commencé par les relations difficiles avec les Maoris ou les Aborigènes, cela se poursuit avec les problèmes d’intégration posés par l’immigration actuelle des Océaniens. On a pu parler, à juste titre, d’un tiers monde à domicile. Ce tiers-monde lutte pourtant pour conserver ses valeurs (langue, coutume), mais son choix
demeure encore et surtout entre l’intégration, synonyme de perte de repères, et le maintien des traditions dans le refus des valeurs occidentales, synonyme de
marginalisation.

Dans les petits pays insulaires, le choix est tout aussi douloureux. Les Salomon, la PNG, le Vanuatu, Samoa souhaitent se protéger des excès du monde moderne
et vivre dans le respect des valeurs traditionnelles qui mettent en avant les structures claniques, le respect des Anciens, la coutume sous toutes ses formes, autant de
facteurs sécurisants, mais bloquants. Ces États se trouvent en marge du développement qu’ils n’approchent que par le biais d’échanges inégaux dont ils ne tirent qu’un
maigre profit. On touche là aux entités parmi les plus pauvres de la planète. À l’autre bout du spectre se trouvent des pays comme Guam ou la Polynésie française, qui
sont largement entrés dans le monde moderne. Ils en ont recueilli les bénéfices, non négligeables au niveau de la santé, de l’éducation ou du niveau de vie, qui n’ont rien
à envier aux puissances occidentales développées. Ils en ont aussi payé le prix : déstabilisation de la société, perte de valeurs ou de repères. Entre les deux, la Nouvelle-
Calédonie présente un exemple saisissant en juxtaposant une communauté de souche européenne vivant à l’occidentale et une société mélanésienne souhaitant
conserver ses valeurs traditionnelles, même si les choses évoluent en ce domaine depuis peu. Ailleurs, la modernité s’immisce à des degrés divers dans les structures
traditionnelles, mais elle introduit en même temps des paramètres déstabilisants comme la critique des Anciens ou l’adoption de pratiques occidentales entrent en conflit
avec l’enseignement des Églises.

2.5. - Les enjeux politiques

L’espace océanien présente tous les types de statuts, depuis les États indépendants jusqu’aux divers statuts d’autonomie.

L’Australie et la Nouvelle-Zélande ont toujours milité pour que l’Océanie s’émancipe des anciennes puissances coloniales, ne serait-ce que pour mieux, elles-mêmes,
contrôler une région qu’elles considèrent comme leur chasse gardée. Elles ont longtemps agité deux épouvantails : les problèmes ethniques en Nouvelle-Calédonie et les
essais nucléaires en Polynésie française. Deux arguments suffisants pour faire pression à l’échelle internationale (devant l’ONU en particulier) contre la politique –et la
présence- française dans le Pacifique. Le paroxysme de cet affrontement a sans doute été la très malheureuse affaire du Rainbow Warrior. Toutefois, le problème
fidjien, les sérieuses difficultés internes que connaissent ces deux pays avec leurs propres minorités, l’évolution plutôt favorable de la situation intérieure de l’outre-mer
français du Pacifique, ont largement désamorcé les critiques qui se font plus ténues aujourd’hui. Celles-ci ne se sont d’ailleurs pas limitées à la France. Dans son combat
contre le nucléaire, la Nouvelle-Zélande a dénoncé le traité d’alliance militaire qu’elle avait signé avec les l’Australie et les États-Unis (ANZUS), en interdisant l’accès
de ses ports aux sous-marin américains à propulsion nucléaire. La lutte anti-nucléaire qui a servi de ciment à une partie du monde océanien contre les puissances
extérieures a conduit à la signature du traité de Rarotonga (dénucléarisation du Pacifique-Sud).

Par ailleurs, les pays indépendants de la région se regroupent au sein de ce que l’on appelle le Forum des Iles du Pacifique, dominé par l’Australie et la Nouvelle-
Zélande. Le Forum est avant tout une tribune politique qui milite pour l’accès à l’indépendance de tous les pays de la région et qui dénonce la présence de puissances
non océaniennes dans le Pacifique.

 3- Des espaces océaniens qui vivent l’interface différemment

L’interface vécue depuis l’Australie et la Nouvelle-Zélande

L’Australie et la Nouvelle-Zélande ne trouvent pas ailleurs en Océanie de partenaires à leur mesure. De fait, elles privilégient les relations Nord / Nord entre elles deux
tout d’abord, puis avec l’Union européenne, le Japon ou les États-Unis. Quant à leurs relations avec les pays du Sud, elles se font avant tout avec certains pays
asiatiques qui sont devenus des partenaires privilégiés ((Indonésie, Philippines, Chine…).

Les relations avec le Sud océanien ne sont pas marginales pour autant. Elles sont d’ordre :
o humain : migrations des insulaires océaniens, surtout en Nouvelle-Zélande
o économiques : implantation de capitaux sur la Mélanésie surtout (Australie)
o humanitaire : l’essentiel des programmes d’aide au tiers monde (AusAID et NZAID) est orienté vers l’Océanie insulaire, même si cette aide est sans
commune mesure avec celle accordée par la France à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française, par exemple.

On notera toutefois que l’Australie et la Nouvelle-Zélande vivent différemment ces relations Nord / Sud.

  • pour les Australiens, ces relations sont plus imposées que subies et s’identifient bien au modèle. Elle sont avant tout économiques. De nombreuses firmes
    australiennes se sont implantées en PNG ou à Fidji par exemple, dans le monde mélanésien, et l’on peut sûrement parler de pratiques néo-coloniales dans
    lesquelles l’Australie sait ménager ses intérêts ;
  • pour les Néo-Zélandais, ces relations apparaissent plus comme subies qu’imposées. La Nouvelle-Zélande traîne comme un boulet son statut de grande sœur
    polynésienne. Si cela lui permet de marquer sa différence et d’affirmer un certain rayonnement dans le Pacifique central, cela l’oblige aussi à servir de terre
    d’accueil à une communauté océanienne de plus en plus importante qui se transforme trop souvent en un tiers monde à domicile. Les immigrés océaniens
    sont légion en Nouvelle-Zélande. Mal intégrés, ils posent des problèmes sociaux importants. Ils contribuent également à une certaine fuite de capitaux par le
    système de « remittances », c’est-à-dire d’envoi d’une partie des salaires vers le pays d’origine.

L’interface vécue depuis le monde mélanésien anglophone

Monde plutôt fermé et cloisonné, le monde mélanésien anglophone, à l’exception de Fidji, est en proie à d’énormes problèmes de développement. Les sociétés sont
demeurées très traditionnelles et avant tout rurales. Quant aux villes (Port Moresby en particulier), elles sont insalubres et dangereuses. Le niveau de vie est très faible et
la situation politique est difficile : guerre entre la PNG et les Salomon, indépendance mal gérée au Vanuatu, coups d’État à Fidji… Quant à l’économie, ou ce qu’il en
reste, elle végète ou bien est entre les mains de puissances extérieures, l’Australie en particulier, dont c’est la zone d’influence directe et qui se comporte en puissance
néo-coloniale. C’est aussi l’Australie qui accueille les quelques Mélanésiens qui ont décidé de tenter leur chance hors de leur pays. Seules dans ce marasme les îles Fidji
semblent présenter quelques perspectives d’avenir malgré les récentes difficultés liées à l’exploitation sucrière et la concurrence des textiles asiatiques.

L’interface vécue depuis le monde polynésien anglophone

Le monde polynésien anglophone est un monde de petites îles sans ressources propres autre que la pêche, dont ont su tirer profit les Samoa américaines, et le coprah. Il
souffre d’énormes problèmes de communications avec l’extérieur, ce qui limite considérablement le développement du tourisme. Encore freiné par les traditions qui
bloquent tout développement dans ces îles, il laisse partir ses jeunes vers l’extérieur (la Nouvelle-Zélande surtout), ce qui lui permet de survivre grâce aux mandats
rapatriés au pays. Cette politique migratoire élevée à l’état d’institution (voir dossier) nourrit artificiellement les finances locales et place ces pays dans une situation de
forte dépendance vis-à-vis de l’extérieur.

L’interface vécu depuis le monde micronésien

La Micronésie est résolument tournée vers le Japon et les États-Unis. Elle sort ainsi de l’interface strictement océanien. Le niveau de vie convenable de Guam, voire des
Mariannes du Nord est dû tout autant à la rente stratégique qu’aux activités touristiques et apparaît comme le résultat d’une économie extravertie qui échappe aux
intérêts locaux. Le néo-colonialisme économique bat son plein dans ces îles. Dans les autres archipels micronésiens, qui échappent à cette main-mise extérieure (États
Fédérés de Micronésie, îles Marshall, Kiribati…), la situation est bien différente mais moins réjouissante. Dans ces pays délaissés par le Nord, l’état de marginalisation
est extrême et le niveau de vie très bas, sans qu’il y ait de véritables perspectives d’avenir.

L’interface vécu depuis les entités françaises du Pacifique

Les entités françaises du Pacifique sont tournées vers la France, dont elles reçoivent l’essentiel de leur aide, ce qui leur permet de pointer parmi les pays les plus riches
de la région. Dans l’espace océanien, elles se retrouvent isolées de par l’héritage de la colonisation (elles sont françaises dans un monde anglo-saxon) et du fait de leur
statut politique (elles sont autonomes et non indépendantes). De fait, elles entretiennent peu de liens commerciaux avec leurs voisins et ne participent pas à tous les
grands projets océaniens (ceux initiés par le Forum par exemple). Par contre, leur haut niveau de vie et leurs attaches avec la France (donc avec l’Union européenne)
peuvent les amener à servir de vecteurs des pays du Nord vers le Sud océanien en difficulté (aides à la suite de catastrophes naturelles par exemple, comme aux Tonga
récemment).

Elles vivent de manière inégale l’écart qui existe entre un niveau de vie et des structures économiques à l’occidentale qui les rapprochent des pays du Nord et des
mentalités « océaniennes » qui s’accommodent difficilement des bouleversements actuels.

 4- Annexe documentaire : quelques tableaux pour mieux comprendre (voir pages suivantes).

AUSTRALIE – NOUVELLE - ZÉLANDE : TABLEAU COMPARATIF

AUSTRALIE – NOUVELLE – ZÉLANDE / OCÉANIE INTERTROPICALE : TABLEAU COMPARATIF

1) Des points communs ?

Quasiment aucun point commun entre ces deux ensembles, si ce n’est que :

  • ils sont situés dans une périphérie, aux antipodes de l’Europe ;
  • ils ont tous été colonisés par les Européens ou les Américains.

2) Deux mondes très différents

UN OU PLUSIEURS MONDES EN OCÉANIE INTERTROPICALE ?

Milieu naturel

  • Opposition entre :
    • les grandes terres mélanésiennes
    • les terres exiguës, dispersées, de Polynésie et de Micronésie
  • Climat tropical plus ou moins marqué. Zone occidentale plus touchée par les cyclones
  • Situation très différente par rapport aux handicaps liés à l’insularité (le monde mélanésien est bien mieux loti que les mondes
    micronésien et polynésien)

Démographie et population

  • trois mondes ethno-culturels : Mélanésie, Polynésie, Micronésie
  • deux mondes linguistiques et culturels issus de la colonisation : aire francophone et aire anglophone
  • opposition entre des comportements démographiques de type tiers-monde d’un côté (on est en phase B de la transition
    démographique) et de type développé de l’autre (on est sorti de la transition démographique)
  • comportements différents par rapport aux migrations : les Mélanésiens migrent peu alors que les Micronésiens et surtout les
    Polynésiens centraux migrent beaucoup

Situation politique

  • une découverte et une colonisation tardives. Les puissances coloniales ne se sont pas bousculées en Océanie, mais elles ont
    fini par y faire leur marché. L’Océanie a été dépecée comme l’Afrique par exemple et a fait l’objet des mêmes tractations. Il en
    est résulté les découpages politiques actuels qui ne correspondent pas à l’histoire océanienne (WF par rapport à Tonga et
    Samoa, les deux Samoa, la PF et les îles Cook, etc.
    Opposition entre :
  • des pays indépendants, de fraîche date
  • des pays dépendants, mais largement autonomes (à l’exception de WF et de Pitcairn)

Richesses naturelles

  • richesses minières dans le monde mélanésien et sur quelques atolls (phosphate)
  • richesse en bois d’œuvre en Mélanésie seulement
  • espaces favorables aux plantations et à l’élevage en Mélanésie seulement

Situation économique et problèmes de
développement

Très gros écarts de développement entre les différentes entités de la zone. On distingue :

  • des PMA, qui ne disposent d’aucune richesse et vivent très pauvrement
  • des PED qui survivent par des transferts et des aides qui viennent épauler une vie économique fragile
  • des entités qui présentent les caractères économiques des pays développés, grâce à une mono-activité dominante
    (Guam, Nauru, voire les Mariannes du Nord) ou aux transferts et aides très importants venant épauler des activités
    plus ou moins florissantes (NC et PF), mais qui connaissent une fracture sociale caractéristique des PED.

La société : de la tradition à la déstabilisation

- partout, les sociétés océaniennes sont profondément ancrées dans la tradition, elle-même marquée par l’évangélisation. Il s’en
suit des blocages importants au niveau des mentalités et des pratiques quotidiennes. Ces blocages (coutume, tapu,
intégrisme…) freinent le processus de développement et marginalisent les pays les plus concernés

  • parallèlement, de plus en plus de pays océaniens entrent dans le monde moderne, mais ils s’en trouvent déstabilisés, voire
    déstructurés. L’abandon des valeurs traditionnelles n’est pas toujours relayé par l’adoption de nouvelles valeurs. Ces pays
    connaissent de profondes crises identitaires

Regroupements régionaux

Plusieurs types de regroupements régionaux existent. Ils ont généralement été initiés par les anciennes puissances coloniales :

  • la C.P.S. (devenue Communauté du Pacifique) qui regroupe tous les pays de la région, ainsi que l’Australie, la NZ,
    le Royaume-Uni, la France…
  • le Forum, qui regroupe seulement les pays indépendants de la région
  • autres regroupements possibles : Fer de Lance mélanésien (politique), SPARTECA (économique), etc…
    Relations avec l’extérieur Les pays sont écartelés entre différentes influences extérieures qui sont toujours plus fortes que les influences de proximité. On
    a parlé de quatre mondes :
    • le monde australo-mélanésien
    • le monde zélando-polynésien
    • le monde franco-océanien
    • le monde américano- micronésien
      En fait, il existe des relations bilatérales très fortes entre entités océaniennes et ex-pays colonisateurs ou leurs séides (Australie,
      NZ). À ces relations, il faut ajouter le poids de certaines puissances économiques du Pacifique comme le Japon ou les États-
      Unis. Enfin, l’aide de l’Union européenne n’est pas négligeable.

ATOUTS ET HANDICAPS AU DÉVELOPPEMENT EN OCÉANIE INTERTROPICALE

Principaux caractères du relief des îles et États de l’Océanie intertropicale

[1Une fois pour toutes il convient de réaffirmer que l’Océanie, par définition, n’est pas un continent mais une partie du monde. Par contre, si continent il y a, on peut légitimement parler du continent
australien. Celui-ci a pour particularité d’être le moins vaste de tous les continents et de relever tout entier d’une même entité politique.

[2PNG : Papouasie Nouvelle-Guinée

[3ANTHEAUME B. - BONNEMAISON J. - Atlas des îles et Etats du Pacifique-Sud - GIP Reclus - Publisud - 1988 - 126 p.


titre documents joints

Documents complémentaires

21 août 2010
info document : PDF
51.3 ko

Le dossier documentaire

21 août 2010
info document : PDF
368.2 ko

Une interface Nord/Sud : l’Océanie

21 août 2010
info document : PDF
94 ko

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