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La Nouvelle Calédonie de la fin du XIXe au début du XXe siècle

samedi 17 juillet 2010 par Cynthia DEBIEN VANMAI

La Nouvelle-Calédonie à la fin du XIXe siècle et au début du XXe
siècle : un territoire dominé et dépendant
Synthèse présentée par Cynthia Debien- Vanmaï

 Introduction

La synthèse ici proposée est conçue comme un tableau de la Nouvelle-Calédonie au XIXe
siècle. Elle est plus particulièrement axée sur les formes politiques et administratives de la
domination coloniale et ses conséquences.
La réflexion prend comme point de départ le Préambule de l’accord de Nouméa, texte
éminemment politique, mais que les élèves étudient comme une lecture (officielle) de
l’histoire. L’enseignant trouvera dans la synthèse les éclaircissements brefs utiles à une
analyse critique du document.
Pour des prolongements scientifiques plus approfondis, on se reportera aux dossiers
thématiques présentés sur le site.

 La prise de possession, un acte unilatéral.

La Nouvelle-Calédonie est découverte par l’Anglais James Cook en septembre 1774. Après
une période d’exploration conduite par des navires anglais et français (Kent, Dumont
D’Urville) et une première forme d’exploitation économique de l’île par les navires
commerçants anglais (santaliers ou beachcombers), la France prend possession de la nouvelle
colonie le 24 septembre 1853. La première cérémonie a lieu à Balade, elle est présidée par
l’amiral Febvrier Despointes. D’autres actes de même nature ont été « signés » avec les chefs
dans plusieurs régions.
Mais rapidement les Kanak estiment avoir été trompés et spoliés par ces actes qu’ils n’avaient
pas vraiment compris. La France elle-même reconnaît près de 150 ans plus tard, dans le
préambule de l’Accord de Nouméa, le caractère unilatéral et univoque cette prise de
possession.
La prise de possession répond en 1853 à plusieurs mobiles : pour le gouvernement de
Napoléon III, il s’agit de renforcer la position de la France dans cette région du Pacifique face
à l’Angleterre déjà bien implantée. La France a aussi pour objectif de créer dans l’archipel un
lieu de déportation pour éloigner les criminels du sol métropolitain.

  Les instruments de la domination : l’administration directe et la politique de peuplement.

L’administration coloniale et l’installation d’une population européenne contribuent à asseoir
la domination française en Nouvelle-Calédonie.
Jusqu’en 1945 le mode de gestion de la colonie par les gouvernements français est
l’administration directe. À la tête de la colonie se trouve un gouverneur, représentant direct du
gouvernement. Il dispose de vastes pouvoirs (justice, police, législation foncière, économique
et fiscale). Il est aidé par un Conseil privé (ou Conseil général) qui n’a qu’un rôle consultatif
et vote le budget. Le personnel administratif est réduit et se contente d’administrer
principalement la région de Nouméa. Les Kanak sont considérés comme des sujets de la
France, ils n’ont aucun droit politique et ne participent à aucune décision même celles les
concernant directement.
Quant aux colons français, ils doivent se battre eux pour faire reconnaître leurs droits
politiques. Ils s’organisent et envoient de nombreuses pétitions en France afin de faire valoir le principe d’une élection au conseil privé et d’un conseil municipal élu à Nouméa. Ils
obtiennent satisfaction au début des années 1880.
Les représentants de la colonie votent à partir de cette date le budget de la colonie alimenté
par les impôts locaux. Le principe de l’administration coloniale française repose sur
l’autonomie financière de la colonie.
Malgré ces quelques acquis, la Nouvelle-Calédonie n’a pas vraiment d’existence politique au
XIXe siècle, elle n’a pas de représentant élu par exemple à l’Assemblée Nationale. Quelques
personnalités sont amenées à défendre les intérêts de la colonie, elles sont alors désignées par
le gouverneur et proposées par les grandes sociétés capitalistes installées dans l’île.

Le gouvernement français tente aussi de créer sur l’île une colonie de peuplement en incitant
les ressortissants français à venir s’installer en Nouvelle-Calédonie. Or, le peuplement
européen de la Nouvelle-Calédonie est lent malgré les politiques volontaristes de certains
gouverneurs – Guillain, Pallu de La Barrière, et surtout Feillet. Toutes les politiques de
peuplement sont basées sur l’implantation rurale. On compte en 1877, 5735 colons libres
surtout fixés à Nouméa, alors qu’en Australie certains États sont déjà très peuplés comme les
Nouvelles-Galles-du-Sud (plus de 1 223 370 personnes), le Victoria (environ 1 174 022
colons). Quant à la Nouvelle-Zélande, l’archipel compte 668 542 personnes [1].

La colonisation pénale tente, entre 1864 et 1897, de répondre à sa manière au problème du
peuplement européen de la Nouvelle-Calédonie. Les bagnards, essentiellement les transportés
c’est-à-dire les criminels de droit commun condamnés à la peine des travaux forcés, ont la
possibilité, si leur conduite est satisfaisante, de recevoir avant même la fin de leur peine une
concession de terre dans un des centres agricoles de Bourail, La Foa ou Pouembout. Ainsi,
certains transportés s’y établissent et fondent des familles, devenant la principale source de
peuplement européen jusqu’en 1914.
Cette politique de peuplement prend fin avec le dernier convoi de transportés, en 1897.

Les colons ont donc servi la politique coloniale de la France, qui, grâce à l’installation des
familles jusque dans les vallées les plus reculées de l’île, assoit sa présence sur le territoire.
Certaines familles ont pu affronter les contraintes liées à l’isolement et accumuler un
patrimoine foncier, d’autres n’ont eu tout juste que les moyens de survivre, d’autres encore
ont finalement renoncé à l’exploitation agricole après avoir affronté d’importantes difficultés
et se sont fixées à Nouméa ou sont retournées en France, désabusées. L’Accord de Nouméa
reconnaît, à côté de la légitimité des Kanak, le rôle et la place tenue par ces hommes et ces
femmes, dans le développement de la Nouvelle-Calédonie.

 Les conséquences de la domination coloniale : le problème foncier et le sort réservé à la population indigène (Kanak)

 La main mise sur les terres

Après la prise de possession par la France, le statut de la terre est considérablement
bouleversé. L’État se déclare propriétaire des terres et laisse aux Kanak un droit de
jouissance. Le domaine foncier kanak est délimité à l’intérieur des réserves créées à partir de
1868, leurs limites sont régulièrement redéfinies par des cantonnements successifs afin de
répondre aux besoins de la colonisation. Ainsi les réserves passent de 320 000 hectares à
124 000 hectares entre 1898 et 1902.

  Les révoltes kanak.

Les spoliations foncières sont toujours à l’origine des révoltes. Elles éclatent dès les années
1850 dans la région de Nouméa. La plus célèbre demeure la révolte du grand chef Ataï en
1878, déclenchée dans la région de La Foa mais qui s’est étendue à une grande partie ouest de
l’île.
Celle de 1917 connaît également une grande extension dans le nord-ouest de l’île, elle a
mobilisé la collaboration de plusieurs chefs.
Les révoltes sont toujours accompagnées et suivies d’une répression sévère de la part de
l’armée française. Elles déstabilisent aussi la colonie pendant quelques années par les
destructions qu’elles entraînent. Elles contribuent à freiner le peuplement européen, les
Français candidats à l’immigration, déjà hésitants face à la distance entre la métropole et cette
terre du Pacifique, le sont d’avantage encore par l’insécurité qui règne alors. Les révoltes
déterminent aussi la politique indigène dans un sens plus coercitif aboutissant au statut de
l’indigénat.

  Le statut de l’indigénat.

C’est le statut auquel est assigné tout kanak en guise « d’assimilation ». Il existe aussi dans
d’autres colonies françaises ou anglaises. Le code de l’indigénat est en vigueur en Nouvelle-
Calédonie de 1887 à 1947. Il s’agit dans l’esprit des législateurs de l’époque de protéger les
Kanak et de leur ouvrir les portes vers la civilisation occidentale. Dans les faits, la loi s’est
transformée pour faire de ce statut un régime au service de la colonisation : les Kanak
demeurent pendant toute cette période des sujets de la France, ils doivent payer l’impôt de
capitation, le gouverneur nomme les chefs et définit leurs pouvoirs, la pratique de la
sorcellerie est interdite, il leur est aussi interdit de porter des armes ou de circuler nus.

  Conclusion

Le régime colonial est particulièrement sévère en Nouvelle-Calédonie, aussi bien vis-à-vis des
Kanak que des auxiliaires de la colonisation : forçats, travailleurs sous contrat (Indochinois,
Indonésiens, Néo-Hébridais), petits colons… Il installe les bases d’une société profondément
inégalitaire.
Pendant toute cette période, la colonie reste dans une situation d’enclave coloniale, elle est
coupée de son espace naturel de proximité, le Pacifique Sud, et se tourne de manière exclusive
vers la métropole.
L’économie de l’île se limite à une économie de comptoir, surtout concentrée à Nouméa. Le
commerce se fait essentiellement avec la métropole : la Nouvelle-Calédonie y importe des
produits manufacturés et alimentaires, elle y exporte des matières premières (nickel, chrome,
peaux de bovin…).
L’agriculture se développe difficilement aussi bien chez les Européens que dans les tribus.

La colonisation permet aussi de faire cesser les guerres entre les tribus kanak tout en
favorisant, sans le vouloir, leur rapprochement dans la lutte contre l’occupant. Si la Nouvelle-
Calédonie se coupe de son environnement Pacifique, elle s’ouvre pendant cette période à
l’Europe et à ses apports culturels et scientifiques.
Les colons ont lancé sur leurs exploitations agricoles les bases du développement rural aussi
modeste soit-il, tandis que l’ouverture des premières exploitations minières, grâce à la main
d’œuvre pénale, néo-hébridaise ou asiatique, jette les bases du développement industriel.
Les missionnaires cherchent à instaurer d’autres relations avec la population autochtone, et
s’occupent dans les tribus isolées de scolariser une partie d’entre eux, tout en participant
activement à leur acculturation.

La colonisation en Nouvelle-Calédonie présente donc à plusieurs titres des singularités. Elle
est tardive, et se prolonge dans certains aspects jusqu’au XXe siècle. Elle a opéré des
mutations sociales, économiques et culturelles profondes, et donné naissance à une société
originale, parmi les plus diversifiées. Des individus, des groupes, des clans, des
communautés, profondément enracinés, qui ont décidé de regarder leur passé avec courage, de
ne pas privilégier la rupture mais d’inventer de nouveaux liens (matérialisés par des accords
politiques, ceux de Matignon en 1988 et celui de Nouméa en 1998) pour construire au
quotidien un destin commun.

  Bibliographie utilisée

  • Nouvelle-Calédonie, vers l’émancipation. Alban Bensa, Découverte Gallimard, 1990.
  • Nouvelles Calédonies d’avant 1914. J-D Pinelli et G. Gourmel, 1992, imprimerie M.B.I.
  • La belle au bois dormant. Pierre Gascher, publication de la société d’études historiques de la Nouvelle-Calédonie, N°8, Nouméa 1975.
  • Le peuplement du Pacifique et de la Nouvelle-Calédonie au XIXe siècle. Actes du colloque Universitaire international, sous la direction de Paul De Deckker, L’Harmattan, 1994.
  • L’héritage, essai sur le problème foncier mélanésien en Nouvelle-Calédonie. Alain Saussol. Publication de la Société des Océanistes, n°40, Musée de l’Homme, Paris, 1979.
  • Les spoliations foncières en Nouvelle-Calédonie 1853-1913. Joël Dauphiné. L’Harmattan, Paris, 1989.
  • L’archipel des forçats, histoire du bagne en Nouvelle-Calédonie 1853-193). Louis-José Barbançon, Septentrion, presses universitaires, 2003.

[1Chiffres donnés par Pierre Gascher, La belle au bois dormant, regards sur
l’administration coloniale en Nouvelle-Calédonie de 1874 à 1894, Publications de la société
d’études historiques de la Nouvelle-Calédonie, Nouméa, 1975 PP 78-79.


titre documents joints

La Nouvelle Calédonie de la fin du XIXe au début du XXe siècle

19 août 2010
info document : PDF
53.9 kio

La synthèse ici proposée est conçue comme un tableau de la Nouvelle-Calédonie au XIXe
siècle. Elle est plus particulièrement axée sur les formes politiques et administratives de la
domination coloniale et ses conséquences.


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