Cette contribution scientifique peut être utilisée pour les classes de première, séries L, ES, S et STG.
Son application pédagogique dépend des orientations données par les textes d’accompagnement de
chacun des niveaux concernés.
Sélection des documents
- 1. Affiche de juin 1940.
- 2. Les « cinq mousquetaires », le 14 juillet 1940.
- 3. Conclusion du rapport Bayardelle, octobre 1940, Bulletin de la Société des Études Historiques de la Nouvelle-Calédonie n° 20, 1974.
- 4. Biographies extraites de Calédoniens de Patrick O’Reilly, Société des Océanistes n°41, Paris, 1980.
- 5. Article de La France australe, le mercredi 11 septembre 1940.
- 6. Les Broussards défilent dans Nouméa, le 19 septembre 1940.
- 7. Les Broussards bloquent les points stratégiques de la ville de Nouméa, 19 septembre 1940, Les Nouvelles Calédoniennes (30 mai 2000).
- 8. Le drapeau tricolore hissé sur l’hôtel de ville de Nouméa.
- 9. L’arrivée du gouverneur Henri Sautot le 19 septembre 1940.
- 10. La journée du 19 septembre 1940 relatée dans la France Australe.
- 11. Les troupes du chef Naisseline
- 12. Une cérémonie coutumière de déclaration de guerre à l’Allemagne. « Une lettre du capitaine Dubois », Bulletin de la SEH-NC n° 111, p. 20.
Bibliographie générale
- KURTOVITCH Ismet, La vie politique en Nouvelle-Calédonie 1940-1953, Tome 1, Septentrion, 2000.
- REGNAULT Jean-Marc et KURTOVITCH Ismet, Les ralliements du Pacifique en 1940, Revue d’histoire moderne et contemporaine, octobre-décembre 2002.
- MUNHOLLAND Kim, Rock of contention, free French and Americans at war in New Caledonia, 1940-1945, Bergham Books, New York, 2005.
- ALIBERT Pierre et BROU Bernard, Histoire du gaullisme en Nouvelle-Calédonie, Édition de l’atelier, Nouméa, 1983.
- Le rapport Bayardelle sur le Ralliement de 1940, bulletin de la Société des Études Historiques de la Nouvelle-Calédonie n° 20, 1974.
- DALY Henri, La guerre du pacifique 1941-1945, Nouvelle-Calédonie porte-avion américain dans les mers du Sud, Société des Études Historiques de la Nouvelle-Calédonie n° 60, 2002.
- SAUTOT Henri, Grandeur et décadence du gaullisme dans le Pacifique, Melbourne, 1949.
- AMIOT Isabelle, La Nouvelle-Calédonie dans la Seconde Guerre mondiale, Annales d’histoire calédonienne Tome 3, sous la direction de Sylvette Boyer, L’Harmattan, à paraître.
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I- MISE AU POINT SCIENTIFIQUE
La Nouvelle-Calédonie est une colonie française depuis 1853. Ayant déjà participé à la Première Guerre
mondiale par l’envoi de soldats, elle est à nouveau sollicitée lorsqu’elle s’engage dans la résistance auprès
du général de Gaulle.
La Nouvelle-Calédonie, comme les autres colonies françaises du Pacifique, a souvent été oubliée dans
l’histoire du ralliement à la France Libre. Et pourtant elle a joué un rôle important, étant tout d’abord « une
digue protégeant l’Australie et la Nouvelle-Zélande de l’offensive japonaise et ensuite une base de
reconquête du Pacifique par les Américains » [1] . La Nouvelle-Calédonie tient également un rôle dans la
France Libre grâce au bataillon du Pacifique qui s’est illustré sur plusieurs champs de bataille. Des Néo-
Calédoniens s’engagent aussi dans les Forces Françaises Libres (FFL) et dans les Forces Navales de la
France Libre (FNFL). D’autres rejoignent des parachutistes des SAS britanniques. La milice civique de la
France Libre intervient dans la colonie même. Enfin, entre 1942 et 1946, la colonie française du Pacifique
devient une base alliée contre le Japon.
Quelles sont les motivations et qui sont les acteurs du ralliement de la Nouvelle-Calédonie à la France
Libre ?
1- Un contexte de défaite pour la France
a. La guerre éclair
Une vingtaine d’années après la fin du premier conflit mondial, l’Europe entre à nouveau en guerre, lorsque
l’armée allemande attaque la Pologne, en envahissant le corridor de Dantzig, le 1er septembre 1939. Deux
jours plus tard le Royaume-Uni et la France déclarent la guerre à l’Allemagne. L’armée française se
regroupe derrière la ligne Maginot dans un but défensif : c’est la « drôle de guerre » de septembre 1939 à
mai 1940. L’offensive allemande commence le 10 mai 1940 par l’ouest et l’effet de surprise est tel que
l’armée française est totalement désorganisée. Les troupes allemandes avancent inéluctablement et
atteignent Paris le 14 juin. Cette débâcle militaire s’accompagne d’un exode massif des populations
françaises paniquées par l’avancée allemande.
b. L’armistice du 22 juin 1940
Dans le gouvernement s’opposent alors deux camps : celui du maréchal Pétain qui est favorable à un
armistice avec l’Allemagne et celui du président du conseil Paul Reynaud et du général de Gaulle, sous-
secrétaire d’État à la guerre, qui veut poursuivre la guerre. La première option l’emporte et Philippe Pétain
devient président du conseil le 17 juin 1940. Il annonce son objectif qui est de signer l’armistice avec
l’Allemagne2. C’est chose faite à Rethondes le 22 juin. Le texte fixe des conditions très lourdes à la France
comme la division du pays en deux zones : au Nord, une zone contrôlée par les nazis et au Sud la zone libre
où est installé le gouvernement de Vichy dirigé par le maréchal Pétain. Ce dernier entre en collaboration
économique et politique avec les Allemands.
c. L’appel du général de Gaulle à la résistance le 18 juin 1940
Refusant la défaite de la France et la signature de l’armistice avec l’Allemagne [2], le général Charles de
Gaulle lance un appel à la résistance depuis Londres, le 18 juin 1940. Il invite tous les Français à continuer
la lutte contre l’Allemagne nazie en le rejoignant dans la capitale anglaise pour former la France Libre.
Charles de Gaulle insiste sur le rôle que doit tenir l’empire colonial français et appelle aussi les coloniaux à la résistance. Ce premier discours n’est que très peu entendu en France et dans les colonies. De plus de Gaulle ne définit pas clairement les formes de la résistance.
2 -Les réactions en Nouvelle-Calédonie et les étapes du ralliement.
a. La consternation et le refus de la défaite
En juin 1940, la Nouvelle-Calédonie est une colonie française d’environ 53 250 habitants (dont environ
30 000 Mélanésiens). Son économie dépend très largement de la métropole « puisque 43% de ses
importations viennent de l’ensemble français qui lui achète la plus grande partie de ses produits
d’exportation - minerais, mattes, café, coprah, trocas, conserves de viande » [3].
La population néo-calédonienne est consternée en apprenant la capitulation française en juin 1940. Les
autorités refusent la situation. Le gouverneur de la Nouvelle-Calédonie, Georges-Marc Pélicier, s’entoure
des conseillers généraux de la colonie et se déclare « partisan de la continuation de la lutte aux côtés de
l’empire britannique » qui continue à combattre les puissances de l’Axe. Quelques jours plus tard, alors que
le Gouverneur devient hésitant, le conseil privé, organe consultatif composé de quatre civils et deux
fonctionnaires, et le conseil général, assemblée délibérative de quinze membres élus, maintiennent leur
position de combattre aux côtés des Anglais. Par la délibération du 24 juin 1940, le conseil général de la
Nouvelle-Calédonie décide à l’unanimité de continuer la guerre « avec l’appui de l’empire britannique ».
Aussitôt le conseil municipal de Nouméa et plusieurs commissions municipales de l’Intérieur rejoignent le
mouvement à l’exemple de celle de Koné dont le président adresse le télégramme suivant au gouverneur [4] :
Honneur vous informer qu’à la suite du communiqué annonçant la signature de
l’armistice entre la France et l’Allemagne les habitants de Koné, réunis à la mairie ont
tenu à vous faire savoir leur indéfectible attachement à la nation française et à vous dire
qu’ils ne se considèrent nullement comme déliés des obligations et engagements pris
envers nos alliés les Anglais.
Pendant plus de deux mois, des oppositions violentes se manifestent entre les Vichystes et les Gaullistes
dans la colonie. Ce sont deux mouvements d’abord distincts qui permettent le succès du
Ralliement lorsqu’ils se réunissent : le « Manifeste à la population » et les comités patriotiques (Comité de
Gaulle, Comité de la France Libre et Comité pour aider à la libération de la France) créés en août 1940 qui
rassemblent des centaines de signatures de gaullistes néo-calédoniens.
b. Le Manifeste à la population et les idées autonomistes
Le 25 juin 1940, Michel Vergès, notaire à Nouméa, et des amis rédigent le Manifeste à la population dans
lequel ils réclament une nouvelle organisation politique dans la colonie [5] après la délibération du 24 juin qui
outrepasse les pouvoirs du conseil général et du gouverneur :
La décision du 24 juin qui a été approuvée par la population n’en est pas moins une décision
révolutionnaire qui a dépassé les pouvoirs, tant des gouvernants que du conseil général.
Décision révolutionnaire, tant dans ses conséquences en engagements extérieurs, que dans
ses conséquences intérieures. La légalité s’est mise en vacance, ce qui a été confirmé, si un
doute avait pu exister, par une consultation de juristes, dans la séance du conseil général, tenue en notre présence. Et c’est cette absence de légalité qui nous conduit à demander
simplement une nouvelle légalité … Ce sera l’honneur de signataires du Manifeste de l’avoir
compris et d’avoir proposé la seule solution valable : la recherche de la réelle volonté de la
population calédonienne, par la création d’une assemblée, émanation de cette population et
soumise à son référendum.
Ce Manifeste propose la « recherche de la réelle volonté de la population calédonienne, par la création d’une
assemblée, émanation de cette population et soumise à son référendum ». [6] Les rédacteurs du Manifeste
veulent donc qu’une assemblée délibérative décide de la conduite de la guerre et que les pouvoirs en place
soient progressivement remplacés. L’assemblée délibérative qui se « composera d’une délégation de tous les
conseils et assemblées élues, d’une délégation des groupements corporatifs et professionnels, anciens
combattants fédérations, syndicats, etc... » aura pour rôle de « faire la guerre en y apportant la volonté sans
détour de la gagner...[soit :] a) représenter réellement la volonté de la population calédonienne ; b) fixer
nos décisions face aux problèmes extérieurs et nos rapports avec les différents gouvernements ou comité
français ; c) prendre seule ou partager, s’il y a lieu avec les autorités civiles et militaires, les responsabilités
résultant des présentes décisions » [7]. Dans ce projet audacieux est donc proposé un changement de statut. Le
gouverneur Pélicier entame alors des poursuites judiciaires contre Michel Vergès et fait interdire la
publication du texte. À partir de la fin du mois de juillet 1940, le Gouverneur décide de rester fidèle au
gouvernement de Pétain [8] et fait appliquer les lois de l’État français en Nouvelle-Calédonie en les publiant au
Journal Officiel de la Nouvelle-Calédonie et des Nouvelles-Hébrides. Cette dernière action qui provoque
l’indignation de la population néo-calédonienne conduit le conseil général à « désapprouver le gouverneur
et à décider de se mettre en rapport direct avec le général de Gaulle », le 2 août 1940.
Durant cette période de tensions politiques la situation économique de la colonie s’améliore puisque le
Japon et l’Australie se portent acquéreurs de la production minière et métallurgique du territoire ; les
tarifs douaniers avec l’étranger sont réaménagés pour permettre l’importation à meilleur compte des
marchandises que la métropole ne peut plus fournir ; les produits agricoles d’exportation (café, coprah,
guano, peaux et coton) sont, soit en cours de placement, soit financièrement soutenus sur fonds publics.
Enfin, le franc calédonien, c’est-à-dire les billets émis par la banque de l’Indochine, est détaché de la
monnaie métropolitaine désormais considérée comme une devise étrangère - ce détachement, c’est-à-dire le
maintien de la parité du franc calédonien avec les devises étrangères aux taux en vigueur le 1er juin 1940,
permet à la Nouvelle-Calédonie de ne pas subir les effets de la dévaluation de la devise française par
rapport au dollar et à la livre, monnaies avec lesquelles elle achète son ravitaillement -. Les modifications
des tarifs douaniers et le maintien de la valeur du franc calédonien à un cours plus favorable sont réalisés
sans l’aval du pouvoir central pourtant obligatoire. Ce dernier proteste vivement après coup. [9]
c. Le contexte allié et les ralliements des autres colonies
À la fin du mois d’août 1940, l’Australie dépêche en Nouvelle-Calédonie un envoyé spécial dont les
instructions sont les suivantes :
La dernière chose que le gouvernement du Commonwealth souhaite est une révolution locale ou le
renversement de l’administration française en Nouvelle-Calédonie par des extrémistes. Un tel événement pourrait avoir pour conséquence le recours à l’Australie pour assumer la responsabilité de l’ordre public, de
l’application de la loi et de la défense ou même la mise sous protectorat de la colonie. Un appel de cette
nature, accepté ou non, serait mal interprété par certaines personnes et aurait des répercussions plus
lointaines, notamment à propos de l’Indochine française. Dans tous les cas, nous sollicitons publiquement le
maintien du statu quo et ne faisons rien pour modifier la situation actuelle. La meilleur solution nous paraît
être d’avo ir une administration invoquant une allégeance formelle à Vichy mais montrant de la sympathie
pour les demandes de la populace pour continuer l’effort de guerre, c’est-à-dire coopérer avec les alliés aussi
loin que possible. Vous devez agir pour amener les dirigeants du mouvement local à accepter ce point de
vue, non seulement dans leur intérêt mais aussi dans le nôtre [10].
L’Australie, dans un premier temps, refuse de participer aux affaires internes de la colonie. Elle change
d’avis à la veille du Ralliement et offre au mouvement populaire calédonien un soutien logistique et
militaire.
Pendant ce temps, les Nouvelles-Hébrides se sont ralliées à de Gaulle qui a formé à Londres un contre-
pouvoir politique à Vichy, dès le 20 juillet [11] puis c’est le tour des colonies d’Afrique (le Tchad sous
l’impulsion de son gouverneur, Félix Éboué, le 26 août 1940, puis le Cameroun le 27, le Congo et
l’Oubangui le 28). Viennent ensuite, dans le Pacifique, les Établissements français de l’Océanie, le 2
septembre.
d. La journée historique du 19 septembre 1940
Le 28 août 1940, le gouverneur Pélicier est limogé par Vichy et remplacé par le lieutenant-colonel Denis,
commandant supérieur des troupes, qui poursuit la politique de son prédécesseur.
Les Néo-Calédoniens s’inquiètent beaucoup, depuis l’armistice, de la menace japonaise et de l’évolution de
la situation politique de l’Indochine française. Le 30 août 1940, sont signés les accords Vichy-Tokyo qui
maintiennent l’autorité de Vichy en Indochine en contrepartie d’une livraison à l’Empire du Soleil Levant de
toute la production métallurgique et minière de la Nouvelle-Calédonie et de la venue de travailleurs et de
matériel japonais pour l’exploitation des mines.
Au début du mois de septembre le mouvement populaire néo-calédonien ne cherche plus à acquérir
l’autonomie de la colonie mais à éviter d’entrer en collaboration avec le Japon. Les dirigeants du manifeste
décident donc de s’unir aux Comités patriotiques qui ont rallié de Gaulle quelques temps auparavant. Un
seul comité présidé par Michel Vergès est créé : le Comité de Gaulle. La colonie est dans une situation de
pré-coup d’État avec le gouverneur Denis représentant Vichy à Nouméa, le gouverneur Sautot nommé par
de Gaulle gouverneur de la Nouvelle-Calédonie mais pas encore présent dans la colonie, un mouvement
populaire unifié et des partisans armés. Le 11 septembre, Sautot annonce à de Gaulle que « le fruit est
mûr ». Il est ensuite nommé gouverneur de la Nouvelle-Calédonie avec les pleins pouvoirs civils et
militaires. Les opérations du Ralliement peuvent commencer [12].
Dans la nuit du 18 au 19 septembre 1940, des centaines de Broussards [13] descendent à Nouméa pour que la
colonie se rallie à la France Libre. Le gouverneur Denis informé de l’arrivée des Broussards décrète l’état de
siège et place des barrages militaires à la Rivière Salée ou encore au Cinquième kilomètre. Les Broussards doivent laisser leurs armes à l’entrée de Nouméa. Cette arrivée massive de Broussards sur Nouméa
encourage les citadins qui les rejoignent à l’aube du 19 septembre ainsi que le raconte Georges Baudoux [14] :
L’on arrive à la vallée du Tir, raconte l’un des Broussards. Les habitants sortent des maisons. Les
Nouméens courent sur les trottoirs, essayent de nous suivre. La foule crie, hurle. L’on entend ces
paroles : « Voilà les Broussards, regardez tous ces camions, regardez tout ce monde.. ».Puis c’est le
tournant de l’hôtel du Pacifique. Là plusieurs centaines de Nouméens nous attendent...C’est un
délire général. Que de monde, que de monde. Puis l’on repart, la foule s’accroche aux voitures qui
disparaissent sous les corps humains. Notre entrée en ville : chaque véhicule semblable à un
essaim d’abeilles. De toutes parts, des cris, des hurlements. Les employés des magasins désertent
leur comptoir. Tout le monde court, les rues grouillent d’individus et en peu de temps se trouvent
rassemblées plus de trois mille personnes.
La foule se dirige vers le palais du gouverneur qui sous la pression doit capituler. Il est arrêté, emprisonné et
le gouverneur Sautot descend triomphalement de son navire en provenance des Nouvelles-Hébrides. En fin
de journée, Henri Sautot qui s’est installé au bureau du gouverneur à la place du colonel Denis annonce à la
population le Ralliement de la Nouvelle-Calédonie à la France Libre. Le général de Gaulle envoie, le 20
septembre, le télégramme suivant à Henri Sautot pour remercier les Néo-Calédoniens de leur engagement :
Veuillez exprimer à la population calédonienne mes félicitations les plus chaleureuses pour la
fermeté et l’enthousiasme avec lesquels elle a manifesté son désir de redresser l’honneur et de
continuer la lutte jusqu’à la victoire côte à côte avec nos alliés britanniques. Le ralliement de la
Nouvelle- Calédonie, de Tahiti et des Nouvelles-Hébrides permet désormais à la France Libre
de tenir haut sa place dans le Pacifique. Je compte qu’un grand nombre de volontaires
viendront rejoindre les forces de la France Libre qui viennent justement d’être engagées contre
nos ennemis. Vive la France. Vive la Grande-Bretagne. Vive la Nouvelle-Calédonie.
3- L’organisation de la colonie après le Ralliement
• La réorganisation de l’armée
Les officiers et les cadres de l’administration métropolitains fidèles au régime de Vichy sont renvoyés de la
colonie, embarqués sur le navire Pierre Loti et débarqués en Indochine, une colonie restée fidèle à Pétain.
Sautot fait alors appel aux officiers de réserve néo-calédoniens pour assurer les postes militaires. Le 20
octobre 1940, de Gaulle rend officiel le drapeau tricolore avec le fanion bleu à la Croix de Lorraine rouge.
Le 25 octobre, est créé à Brazzaville le Conseil de Défense de l’Empire dont fait partie le gouverneur de la
Nouvelle-Calédonie et dépendances : Henri Sautot.
Arrive à Nouméa le 12 novembre 1940, en provenance de Papeete, Félix Broche nommé commandant
supérieur des troupes du Pacifique le 25 octobre 1940. « Il est chargé de la mise sur pied du bataillon du
Pacifique. Il recrute, organise, instruit arme et prépare au combat les engagés volontaires européens et
indigènes qui formeront le bataillon du Pacifique » [15]. Il organise également la défense de la colonie et tout
particulièrement de Nouméa.
• Le ralliement des chefferies
Les étapes du ralliement à la France Libre ne se font pas avec la participation directe des Mélanésiens qui
sont soumis au code de l’indigénat. Mais ceux-ci ne restent pas complètement passifs assistant aux diverses
manifestations qui se déroulent à Nouméa et bien sûr à la journée du 19 septembre 1940. Les chefs mélanésiens qui sont souvent des anciens combattants de la Première Guerre mondiale marquent leur
attachement à la France Libre et à la poursuite de la guerre contre l’Allemagne nazie. Au lendemain du
Ralliement, les chefferies de la Grande Terre et des îles sont appelées à rejoindre le mouvement de
résistance. C’est le grand chef Henri Naisseline qui y répond le premier, le 16 octobre 1940 en lançant à la
radio l’appel suivant :
D’un regard clair et avec fierté, les indigènes de la Nouvelle-Calédonie libre doivent accourir
aux côtés du général de Gaulle pour défendre l’honneur du drapeau tricolore qui représente
l’esprit de la liberté et de la justice.
Rapidement d’autres chefferies suivent et le recrutement des volontaires est un succès. Souvent une
cérémonie coutumière de déclaration de guerre à l’Allemagne est organisée, principalement aux îles
Loyauté. Dès la fin de l’année 1940, les volontaires mélanésiens gagnent Nouméa par voie terrestre ou
maritime. L’engagement des Mélanésiens renforce un espoir d’accéder à la citoyenneté française [16] (les
Mélanésiens soumis à l’indigénat sont des sujets de l’empire colonial français).
Conclusion
À l’annonce de l’armistice du 22 juin 1940, la population européenne de la Nouvelle-Calédonie voit
l’opportunité d’accéder à une vieille ambition : l’émancipation politique et économique de la colonie. Même
si les Calédoniens se prononcent pour la poursuite de la guerre contre la décision du maréchal Pétain, ils ne
décident pas immédiatement de rejoindre le général de Gaulle qui n’a pas encore décidé de la forme que
prendrait sa résistance. Les ralliements successifs des autres colonies françaises en août et début septembre
1940 et la signature des accords Vichy-Tokyo qui obligent la Nouvelle-Calédonie à livrer tout son nickel au
Japon, poussent les Néo-Calédoniens à laisser de côté, pour un temps, leur volonté d’émancipation et à se
rallier à la France Libre. L’administration et l’armée sont réorganisées, le conseil privé et le conseil général
sont supprimés et remplacées par une assemblée délibérative appelée conseil d’administration, composé de
18 membres « qui votera le budget et adoptera toutes les mesures que commande la défense de tous les
intérêts généraux de la colonie. Ce conseil groupera tous les divers éléments de l’activité économique de la
colonie à raison de 1 ou 2 membres par profession ». Cette décision est acceptée par le général de Gaulle.
Dès lors la Nouvelle-Calédonie s’organise et prépare le départ au front des engagés volontaires européens et
mélanésiens dans le bataillon du Pacifique.
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II - SUPPORT DOCUMENTAIRE

grands thèmes du discours du général de Gaulle : la dénonciation de l’armistice du 22 juin 1940 et le rôle du
maréchal Pétain, l’appel à la résistance « de tous les Français où qu’ils se trouvent », cette dernière
expression pouvant concerner plus directement les Néo-Calédoniens.

Néo-Calédoniens Louis Boissery, Charles Chatelain, Jean Gadoffre, Roger Gervolino et Marcel Kollen que
l’on va rapidement appeler les « cinq mousquetaires » qui décident de faire un dépôt de gerbe au monument
aux morts de Nouméa. Des drapeaux français et anglais sont alors promenés dans les rues de Nouméa.
Marcel Kollen déclare alors : Nous voulons montrer notre désir de poursuivre la lutte aux côtés de la
Grande-Bretagne. Vive le général de Gaulle, chef suprême des armées françaises libres. Vive la Nouvelle-
Calédonie. Vive l’Angleterre.
Document 3 : conclusion du rapport Bayardelle, octobre 1940, Bulletin de la Société des Études Historiques
de la Nouvelle-Calédonie n° 20, 1974.
CONCLUSION
Le 19 septembre 1940, la Nouvelle-Calédonie a tourné une page de son histoire en liant son destin au sort
de la lutte menée par la Grande-Bretagne contre l’Allemagne et l’Italie. Sa population, dans un élan quasi
unanime a rejeté le contrôle du Gouvernement métropolitain de Vichy pour se placer sous l’autorité du
Général de Gaulle et s’associer à la lutte continuée par l’Empire britannique.
Trois mois d’agitation ont précédé ce ralliement.
Trois mois au cours desquels Nouméa a connu des heures graves vécues dans une atmosphère qui par
moment pouvait faire craindre, sinon l’émeute, du moins de sérieux désordres.
Est-ce à dire que le mouvement ne ralliait pas la majorité de l’opinion publique et que son succès n’ait
dépendu que de la pression étrangère exercée, comme on a voulu le prétendre, à l’aide de moyens
financiers.
Rien ne paraît plus inexact.
La chronologie des faits exposés montre qu’en réalité, l’annonce de la débâcle française a amorcé deux
mouvements qui se sont développés sur des plans distincts et n’ont fusionné qu’après le départ du
Gouverneur Pélicier.
En effet, alors que, dès le 21 juin et dans les jours qui vont suivre, l’Administration, le Conseil Général, les
organismes représentatifs et l’opinion publique unanime prenaient nettement position pour la continuation
de la lutte aux côtés des Britanniques, la nouvelle de l’effondrement de l’autorité métropolitaine déterminait
un mouvement revendicatif d’autonomie administrative, financière et économique qui trouvait, dans des
aspirations déjà anciennes, l’expression d’un mécontentement né du sentiment de la servitude économique
de la Colonie et de la tutelle administrative trop étroite exercée par la Métropole.
Servitude injustifiable qui ne tenait compte ni de la géographie ni des intérêts légitimes d’une population
blanche consciente de son sacrifice à l’économie impériale.
Sujétion excessive à l’Administration centrale de la Rue Oudinot, dont les initiatives souvent dépourvues
d’opportunité annihilaient les efforts d’organisation des gouverneurs.
Il était fatal que toutes ces maladresses et toutes ces déceptions devaient amener avec la certitude de
l’impuissance métropolitaine une réaction qui trouva son expression dans le manifeste rédigé dès le 24 juin
par MM. Vergès, Prinet et Moulédous et présenté le 22 juillet au Conseil Général appuyé de plus de mille
signatures.
Cette revendication d’autonomie aurait dû être prise en considération. Elle aurait pu être canalisée et
dirigée vers une réalisation susceptible d’apaiser les esprits en sauvegardant les principes et les
institutions existantes. Sa méconnaissance fut à l’origine du grave malentendu qui déborda le Conseil
Général pris entre la poussée exercée par les éléments remuants de la population et le Chef de la Colonie
se refusant à toute collaboration sérieuse avec l’Assemblée qui exacerba les rancunes personnelles
amassées par les maladresses du gouverneur Pélicier et aboutit enfin au départ de ce dernier, chassé de
la Colonie à la suite d’une sévère délibération du Conseil Général.
Cependant le manifeste revendicatif ne trouvait pas d’écho profond dans la population et si l’on excepte le
groupe de manifestants habituels du chef-lieu, il semble qu’à la fin du mois d’août, le mouvement ne devait
pas trouver à Nouméa et encore moins dans les centres de l’Intérieur les appuis nécessaires à un
aboutissement.
D’ailleurs, dans sa séance du 19 août, le Conseil Général s’en était remis à une commission du soin de
mettre au point la réorganisation présentée en termes vagues par le manifeste.
Ce renvoi à une commission fixait le sort de la question.
C’est alors que prend corps un deuxième mouvement, celui-ci en faveur du rattachement de la colonie à la
France Libre.
Si, à Nouméa, les engagements pris par le Gouverneur Pélicier et par le Conseil Général de demeurer
fidèle à l’alliance anglaise ne paraissait pas avoir plus de valeur qu’une manifestation sans suite probante,
dans les centres de l’Intérieur, par contre cet engagement avait été pris au sérieux et le silence des
populations n’était en réalité, que l’attente du ralliement promis par le Chef de la colonie.
La désignation du Colonel Denis en qualité de Gouverneur est accueillie comme une provocation. Dans la
brousse « on ne comprend plus ». « L’Administration et le Conseil Général se sont formellement engagés à
continuer la lutte alors qu’officiellement on demeure attaché au Gouvernement métropolitain ». Tel est le leitmotiv général que tout fonctionnaire ou conseiller général en déplacement dans la colonie
s’entend reprocher parfois avec violence.
La visite de Sir Harry Luke, l’annonce du ralliement des colonies du Cameroun, de l’Afrique Équatoriale, les
difficultés croissantes du commerce consécutives à l’interdiction de la touchée du Nouméa par les lignes
de navigation soumises au contrôle britannique, les événements de l’Indochine qui font revivre le spectre
de la mainmise japonaise, enfin le sentiment unanime de la faiblesse et de l’impuissance de Gouverneur
Denis, brusquement placé en face de questions dont il ignorait même jusqu’à l’existence, emportent dans
la conviction de tous que le pays ne peut plus attendre de salut que dans se soumission pure et simple à
l’autorité du général de Gaulle.
Avec une rapidité inouïe, les mots d’ordre circulent, les Comités se forment, le référendum un moment
envisagé est devenu inutile.
Les dirigeants du précédent mouvement revendicatif donnent tout leur concours au « Mouvement de
Gaulle ».
Dès la mi-septembre, le ralliement de la colonie est devenu une certitude et sa réalisation n’est plus
conditionnée que par la résistance qu’opposera le Gouverneur appuyé par les forces dont il dispose.
On a vu la valeur de cette résistance et l’usage fait par le Gouverneur Denis des forces dont il avait reçu et
accepté la mission de se servir pour défendre et maintenir la souveraineté du Gouvernement métropolitain
sur la colonie.
Le 19 septembre 1940 a consacré la rupture des relations de la Nouvelle-Calédonie avec la France
métropolitaine. Rupture voulue certes, douloureusement ressentie, mais acceptée avec la conviction d’un
devoir patriotique et la certitude de retrouver un jour après la victoire britannique qui ne fait ici de doute
pour personne, la Patrie française.
Prétendre, comme l’a fait dans son ordre du jour du 25 août, monsieur le Commandant de Quièvrecourt,
que le but réel du ralliement « est l’annexion pure, simple et définitive de la Calédonie par l’Australie » est
une monstrueuse contre-vérité et une injure gratuite qui ne sera pas oubliée de sitôt.
En réalité, la Nouvelle-Calédonie ne pouvait échapper à son sort. Toutes les considérations politiques,
sentimentales ou autres ne peuvent prévaloir contre la conception géographique qui s’impose comme un
fait brutal.
Entourée de pays étrangers, privée de communications maritimes avec la France et l’Indochine, la colonie
ne peut prétendre à la vie sans l’assentiment britannique.
Mais la Nouvelle-Calédonie demeure française par toutes les fibres de ses habitants, blancs et indigènes et
si, dans un jour de malheur une puissance étrangère quelle qu’elle soit, prétendait à une annexion même
déguisée, sur cette terre lointaine, la plus faite à l’image de la France, il n’y aurait plus qu’une seule volonté
de résistance et la même unanimité se trouverait pour défendre les couleurs nationales.
Les Calédoniens veulent rester Français et nul ne peut contester ou mettre en doute la sincérité de leur foi
patriotique.
Quoiqu’il advienne, il faudra leur tenir compte de cette sincérité et de cet attachement à la Patrie française.
Nouméa, octobre 1940.
André Bayardelle est le secrétaire général de la colonie jusqu’en janvier 1941. Il écrit dans une note
liminaire à son rapport : « dans le désarroi moral qui suivit l’annonce de la défaite, la Nouvelle-Calédonie a
vécu des moments incertains qui ont profondément troublé la quiétude habituelle de la Colonie en
bouleversant sa vie politique. La relation qui va suivre ne se propose pas de rapporter dans le complet
détail des événements dont le dénouement s’est inscrit par le ralliement de la Colonie à l’autorité du Chef
des Français Libres. Simple exposé des circonstances et des actions établi à l’aide de notes personnelles,
prises au jour le jour, et des comptes-rendus de la presse locale, cette chronologie, volontairement
dépouillée de tout commentaire personnel, n’a d’autre but que de fixer pour l’avenir les faits saillants d’une
page d’histoire calédonienne en marquant les responsabilités encourues par tous les protagonistes de
l’action ».
Document 4 : biographies extraites de Calédoniens de Patrick O’Reilly, Société des Océanistes n°41, Paris,
1980.
- Michel VERGÈS
(1898-1964)
Notaire. Michel-Jean-Ernest Vergès est né à Nouméa le 22 décembre 1898. Études de droit à Paris où il
prend sa licence. Fait la guerre de 1914-1918 comme engagé volontaire et y mérite la médaille militaire et
la croix de guerre avec deux citations. Notaire à Nouméa. Patriote ardent, il jouera un rôle important lors du
ralliement de la Calédonie à la France Libre. Le 20 septembre 1940, il préside le comité de Gaulle qui se
rend maître de la situation et permet au gouverneur Sautot de prendre le Gouvernement. Décédé à
Dumbéa le 4 octobre 1964.
- Henri SAUTOT
(1885-1963)
Gouverneur des colonies. Henri Camille Sautot né le 5 mai 1885 à Bourbonne-les-Bains (Haute Marne).
Études à l’université de Nancy. Commis des affaires indigènes en 1909. Administrateur des colonies le 1er
juillet 1922. Gouverneur par intérim des îles St Pierre et Miquelon en 1929. Commissaire-résident de la
France, aux Nouvelles-Hébrides, le 19 mars 1933. Gouverneur par intérim des ÉFO, le 16 avril 1935.
Assure dès le 20 juillet 1940, à Port-Vila, le ralliement des Nouvelles-Hébrides à la France libre. Nommé
par le général de Gaulle, le 13 septembre 1940, gouverneur de la Nouvelle-Calédonie avec mission de
« rallier » l’Archipel au Gouvernement de la France Libre, à Londres. Appuyé par le croiseur australien
Adélaïde et soutenu une fois débarqué à Nouméa par le Comité de Gaulle, la grande majorité de la
population urbaine et 700 broussards descendus de l’intérieur, exécute sa mission le 19 septembre 1940
en destituant le colonel Denis. Calme les esprits ; réorganise l’administration ; supprime provisoirement le
Conseil général élu et le remplace par un Conseil d’administration nommé […]. Renvoyé de Nouvelle-
Calédonie en 1942 par l’amiral Thierry d’Argenlieu, haut-commissaire de la France dans le Pacifique, il
gouverne l’Oubangui-Chari jusqu’en 1946. Revenu en Nouvelle-Calédonie en novembre 1946, il est élu
membre du Conseil municipal puis maire de Nouméa en mai 1947. […] Il est décédé le 25 mars 1963.
Michel Vergès comme Henri Sautot sont deux personnalités incontournables du Ralliement de la
Nouvelle-Calédonie à la France Libre. Le premier agit directement dans la colonie en tentant de convaincre
la population de la nécessité d’une autonomie pour la colonie avant de prendre la tête du Comité de Gaulle
et le second est l’envoyé spécial du général de Gaulle pour le ralliement des colonies françaises du Pacifique
Document 5 : article de La France australe, le mercredi 11 septembre 1940.
À partir du mois d’août 1940, des comités patriotiques se réclamant du général de Gaulle sont créés pour
préparer le ralliement comme le Comité néo-calédonien pour aider à la libération de la France. Ces
associations œuvrent pour que les Néo-Calédoniens adhérent aux idées de la France Libre. Elles vont
fusionner avec le Manifeste à la population à la veille du Ralliement.

Nouméa, 1983.

Descendus à Nouméa dans la nuit du 18 au 19 septembre 1940, les Broussards en nombre tentent
d’entrer dans Nouméa en armes. Dans un premier temps, ils sont contraints de se désarmer à l’entrée de
la ville. Dans un second temps, ils forcent les barrages militaires mis en place par le lieutenant-colonel
Denis et pénètrent en armes dans la ville. Lors du passage des Broussards dans le chef-lieu, les habitants
les encouragent dans leur démarche et se joignent à eux. Les carrefours principaux de la ville sont
bloqués pour contrôler les actions du gouverneur Denis et l’obliger à capituler.

Le 19 septembre 1940, une foule composée des Broussards et d’habitants de Nouméa hisse au fronton
de la l’hôtel de ville du chef-lieu un drapeau tricolore frappé d’une croix de Lorraine représentant la
France Libre. Les Néo-Calédoniens montrent déjà leur volonté de se rallier à la France Libre, avant
même l’arrivée d’Henri Sautot.

Calédoniennes du 30 mai 2000
Lorsque le gouverneur Sautot arrive à Nouméa, après avoir quitté les Nouvelles-Hébrides sur un navire
australien l’Adélaïde, le matin du 19 septembre 1940, il est accueilli triomphalement par la population.
Une foule en liesse et patriote conduit Sautot au palais du gouverneur. Sautot annonce alors
officiellement le ralliement de la Nouvelle-Calédonie à la France Libre.
Document 10 : la journée du 19 septembre 1940 relatée dans la France Australe.
La presse locale, dont La France australe, s’empresse de relater, le jour même, le déroulement du 19
septembre 1940. Toutes les péripéties de la journée sont présentées et également les acteurs du
ralliement de la Nouvelle-Calédonie à la France Libre.

Le grand chef Henri Naisseline est le premier à répondre à l’appel de la France Libre et à la demande de
recrutement de volontaires mélanésiens par le gouverneur Sautot. Il se rallie au général de Gaulle le 11
octobre 1940, fait hisser un drapeau de la France Libre à la chefferie de Netché et ouvre des listes
d’engagement de volontaires. Le 16 octobre 1940, il lance à la radio un appel aux autres chefferies pour
qu’elles se rallient également au général de Gaulle et à la France Libre.
Document 12 : Une cérémonie coutumière de déclaration de guerre à l’Allemagne. Une lettre du capitaine Dubois , Bulletin de la SEH-NC, N° 111, p. 20.
À Lifou, pour le district de Loëssi (chefferie Boula), la déclaration de la guerre à l’Allemagne fut faite
concrètement par le régent Boula Tait tenant par la main le jeune Henri Boula, grand chef de sang, en
présence du Résident, le médecin-capitaine Rioux et du porte parole du Général de Gaulle. La
cérémonie fut conforme à la coutume et elle eut lieu sur l’esplanade de la chefferie devant tous les
membres de la société autochtone rassemblée, chacun selon son rang de dignité et d’autorité : petit
chefs (chef de village), chefs de clans (des gens de la terre et des gens de la mer) hommes debout et
femmes à croupetons. Une longue sagaie, enfumée dans la case ancestrale, était plantée avec, en
tête, des tresses de paille terminées par des nœuds. Autant que de petites chefferies, avec une tresse
plus longue pour la grande chefferie. Après ouverture de la cérémonie par le représentant du grand
chef, les orateurs de tradition prirent la parole au nom de chaque petit chef, celui-ci marquant son
adhésion en arrachant le nœud correspondant à son village. Le dernier à faire parler son représentant
et à arracher le nœud correspondant fut le grand chef qui marqua ainsi sa décision, parlant au nom de
tous ses sujets de Loëssi, de se considérer en guerre avec les ennemis de la Mère-Patrie. Un bougna
marquant la solidarité sociale eut ensuite lieu, après dépôt des offrandes par toutes les familles.
Reprenant ensuite son bâton de pèlerin, le porte parole du général de Gaulle recueillit les adhésions
des districts de Gaïcha (chefferie Zéoula) et de Wet (chefferie Sihaze) car chacun entendait conserver
son autonomie.
Le lieutenant-colonel Broche arrivé à Nouméa le 12 novembre 1940 est chargé de recruter des
volontaires européens et mélanésiens pour former le bataillon du Pacifique. L’appel à la Résistance est
diffusé dans les chefferies de la Nouvelle-Calédonie, des îles comme de la Grande Terre. Broche
sillonne les tribus pour trouver des volontaires. Des chefferies s’engagent aux côtés de la France Libre et
organisent une cérémonie coutumière de déclaration de guerre à l’Allemagne.
++++
III- EXPLOITATION PÉDAGOGIQUE
1- Rappel des textes d’accompagnement des programmes.
1.1- Classe de première des séries L / ES
III – Guerres, démocraties et totalitarismes (1914-1945) (25h).
Introduction – Cartes politiques de l’Europe en 1850 et en 1914 : États, régimes politiques et
revendications des nationalismes.
1- La Première Guerre mondiale et les bouleversements de l’Europe.
2- Les démocraties libérales durant les années 1930 : l’exemple de la France.
3- Les totalitarismes.
4- La Seconde Guerre mondiale.
On opère une étude succincte des grandes phases de la Seconde Guerre mondiale.
On étudie la place de l’empire colonial français dans la guerre et on insiste sur la problématique du
ralliement et sur les transformations de la vie intérieure en Nouvelle-Calédonie.
1.2- Classe de première de la série S
III – Les totalitarismes et la guerre (12h).
1- Les totalitarismes.
2- La Seconde Guerre mondiale.
On étudie la place de l’empire colonial français dans la guerre. On insiste sur la problématique du
ralliement et sur les transformations de la vie intérieure en Nouvelle-Calédonie, du fait de la présence
américaine.
1.3- Classe de première de la série STG
I - La construction de la République (10-12h).
A - Moments et actes fondateurs (1880-1946).
B - La question coloniale. Au choix :
– le débat sur la question coloniale en France sous la IIIe République : enjeux et perspectives
– l’année 1940 en Nouvelle-Calédonie
– le fait colonial en Nouvelle-Calédonie
[en remplacement des trois sujets d’étude des programmes nationaux]
Le sujet d’étude « L’année 1940 en Nouvelle-Calédonie » est centré sur la problématique du Ralliement.
2- Indications de mise en oeuvre
Dans les séries générales, on envisage cette question dans le thème général de la Seconde Guerre
mondiale et du rôle de l’empire colonial dans la guerre. Dans les séries technologiques, l’accent est porté
sur l’année 1940 et le ralliement de la colonie à la France Libre.
Quelle que soit la série, la problématique générale doit conduire à montrer quelles sont les motivations
néo-calédoniennes et les acteurs du Ralliement.
2.1- Dans les séries générales
On peut prendre l’exemple du ralliement de la Nouvelle-Calédonie à la France Libre pour expliquer le
rôle de l’empire colonial dans la guerre. La leçon devra se prolonger avec les transformations pour la
population et la présence des forces alliées en Nouvelle-Calédonie.
On peut imaginer le plan suivant (parmi d’autres).
Introduction : rappel du contexte de défaite de la France. Opposition entre les idées pétainistes et les
idées gaullistes.
I- La réaction populaire à l’armistice (refus de l’armistice, création des comités de Gaulle,
ralliement du 19 septembre 1940).
II- L’engagement des Néo-calédoniens dans la résistance (bataillon du Pacifique, Milice civique de
la France Libre, Néo-Calédoniens SAS, FNFL).
III- La vie quotidienne dans la colonie (arrivée des forces alliées dans l’archipel, développement du
commerce, modernisation de l’agriculture et du réseau routier, …).
Conclusion : une colonie ralliée très tôt au général de Gaulle. Une transformation durant la guerre.
Dates repères :
24 juin 1940 : le conseil général décide de continuer la guerre aux côté des Britanniques.
25 juin 1940 : Manifeste à la population.
19 septembre 1940 : arrivée du gouverneur Sautot et ralliement de la Nouvelle-Calédonie à la France
Libre.
5 mai 1941 : départ des engagés volontaires néo-calédoniens du bataillon du Pacifique.
Notions : Armistice. Ralliement. Résistance. France Libre. Vichyste. Gaulliste.
Problématique possible
Pourquoi et comment la Nouvelle-Calédonie s’engage-t-elle dans la Seconde Guerre mondiale aux côtés
du général de Gaulle ?
2.2- Dans les séries technologiques
On axe l’étude sur l’année 1940 et le ralliement de la Nouvelle-Calédonie à la France Libre.
La séquence peut être articulée de la manière suivante :
Introduction : rappel du contexte de défaite de la France. Opposition entre les idées pétainistes et les
idées gaullistes.
I- La réaction populaire à l’armistice (refus de l’armistice, création des comités de Gaulle).
II- La journée du 19 septembre 1940.
III- L’organisation de la colonie après le Ralliement.
Conclusion : une colonie ralliée très tôt au général de Gaulle avec une volonté autonomiste.
Dates repères :
24 juin 1940 : le conseil général décide de continuer la guerre aux côté des Britanniques.
25 juin 1940 : Manifeste à la population.
19 septembre 1940 : arrivée du gouverneur Sautot et ralliement de la Nouvelle-Calédonie à la France
Libre.
Notions : Armistice. Ralliement. Résistance
Problématique possible
Quelles sont les motivations et qui sont les acteurs du ralliement de la Nouvelle-Calédonie à la France
Libre ?
Isabelle Amiot, lycée du Grand Nouméa, août 2008
Documents joints
L’année 1940 en Nouvelle Calédonie
Cette contribution scientifique peut être utilisée pour les classes de première, séries L, ES, S et STG. Son application pédagogique dépend des orientations données par les textes d'accompagnement de chacun des niveaux concernés.
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[1] Jean-Marc Regnault et Ismet Kurtovitch, Les ralliements du Pacifiqu e en 1940. Entre légende gaulliste, enjeux stratégiques
mondiaux et rivalités Londres/Vichy, Revue d’histoire moderne et contemporaines, octobre-décembre 2002.
[2] Discours radiodiffusé du maréchal Pétain, le 17 juin 1940.
[3] Ismet Kurtovitch, La vie politique en Nouvelle-Calédonie : 1940 – 1953, tome 1, Septentrion, 2000.
[4] Télégramme adressé par Auguste Henriot, président de la Commission municipale de Koné, le 25 juin 1940, in Ismet Kurtovitch,
La vie politique en Nouvelle-Calédonie : 1940 – 1953, tome 1, Septentrion, 2000.
[5] « Pendant tout le mois de juillet [1940], les initiateurs de ce mouvement multiplient les réunions de propagande en petit comité,
s’organisent à Nouméa puis dans quelques villages d e brousse et transformen t le Manifeste en pétition. L’accueil est favorable
puisqu’en sept semaines mille cinq cents signatures d’électeurs sont recueillies (soit environ le quart de tous les électeurs
inscrits) ». in Ismet Kurtovitch, La vie politique en Nouvelle-Calédonie : 1940 – 1953, tome 1, Septentrion, 2000.
[6] Déclaration radiodiffusée de Michel Vergès le 18 août 1940, reproduite dans le Bulletin du Commerce du 24 août.
[7] in Ismet Kurtovitch, La vie po litique en Nouvelle-Calédonie : 1940 – 1953, tome 1, Septentrion, 2000.
[8] La politique du gouvern eur Pélicier est aussi celle d’une minorité de Calédoniens dont les vues sont régulièrement publiées dans
la presse. « Notre sort, écrit l’un d’eux, se stabilisera jusqu’à la signature d e la paix dans la légalité, c’est-à-dire dans
l’obéissance entière au gouvernement français. Je dis : entière, car c’est une belle illusion de croire qu’on peut obéir à moitié.
Espérons cependant que certaines tolérances tant de la part du gouvernement français que du gouvernement britannique,
faciliteront notre vie économique. La première devra fermer les yeux, autant que le lui permettra Hitler, sur les produits que nous
livrons à l’Australie et l’autre sur les quelques vivres qu’elle nous délivre en échange ». Tribune Libre intitu lée « Vue objective de
la situation en Nouvelle-Caléd on ie dans la guerre actuelle », La France Australe, 14 septembre 1940, sign ée Agricola. in Ismet
Kurtovitch, La vie politique en Nouvelle-Calédonie : 1940 – 1953, tome 1, Septentrio n, 20 00.
[9] Ismet Kurtovitch, La vie politique en Nouvelle-Calédonie : 1940 – 1953, tome 1, Septentrion, 2000.
[10] Cité par Ismet Kurtovitch, La vie politique en No uvelle-Calédonie : 1940 – 1953, tome 1, Septentrion, 2000.
[11] C’est sous l’impulsion de Henri Sautot (1885-1963), alors commissaire-résident aux Nouvelles-Hébrides que les colons se
réunissent, le 20 juillet 1940, et décident de rallier de Gaulle. Les Nouvelles-Hébrides étant un condominium, la présence
britannique a également joué un rôle dans ce ralliement.
[12] Ismet Kurtovitch, La vie politique en Nou velle-Calédonie : 1940 – 1953, tome 1, Septentrion, 2000.
[13] Les Broussard s ont été convain cus de la n écessité de se rallier à de Gaulle par les Comités de Gaulle et également par le
manifeste du 16 septemb re 1940 : « Calédoniens, nous avons demandé avec insistance, à plusieurs reprises, un référendum de la
population tout entière dont les sentiments patriotiques sont bien connus. Nous avons reçu comme réponse un refus formel du
Gouverneur. L’heure est venue de montrer ce que nous voulons et ce que nous sommes capables de faire pour prendre les
destinées du pays entre nos mains. Chaque jour qui passe nous rapproche d’une solution qui serait contraire à la volonté des
Calédoniens. Le temps presse. Préparez-vous immédiatement à vous réunir, le plus grand nombre possible, le jeudi 19 septembre
à 6 heures du matin à Nouméa. Vous saurez faire tous les sacrifices nécessaires pour défendre vos droits et vos libertés par votre
volonté et votre courage, en lesquels nous avons confiance. Cette date sera un jour historique dans les annales du pays. Vous
recevrez notre visite le plus tôt possible. L’heure est grave. Haut les cœurs ! Vive la France ! Vive la Nouvelle-Calédonie !
Vergès – Prinet – Moulédous – Rabot. »
[14] Georges Baudoux, Mon action sur le ralliement de la Nouvelle-Calédonie entre le 18 juin et le 19 septembre 1940, Bulletin de
la Société des Études Historiques de la Nouvelle-Calédonie n° 24, 1975.
[15] Patrick O’Reilly, Calédoniens, Répertoire bio-bibliographique de la Nouvelle-Calédonie, Société des Océanistes, Paris, 1980.
[16] « J’ai lancé un appel à tous les indigènes de la Nouvelle-Calédonie. Notre couleur et notre langue ne sont pas françaises mais
notre cœur l’est. Ces indigènes tous Français de cœur restent profondément attachés à la Mère Patrie … Je vous demande de
donner l’assurance qu’en reconnaissance de notre geste et le sacrifice de la vie de ceux qui, là-bas, vont sûrement tomber, qu’il
nous soit donné la faculté d’accéder au titre de citoyen français ». Lettre d u grand ch ef Henri Naisseline au général de Gaulle, le
31 octobre 1940.
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