HG/NC Le site académique d'histoire-géographie de Nouvelle-Calédonie

Le peuplement de la Terre

vendredi 19 décembre 2014 par Sophie DON

Une proposition du groupe de réflexion et de production du lycée 2014.

AIDE À LA MISE EN ŒUVRE DES PROGRAMMES
Nouvelle-Calédonie

HISTOIRE SECONDE [1]
LES EUROPÉENS DANS L’HISTOIRE DU MONDE

THÈME INTRODUCTIF :
LE PEUPLEMENT DE LA TERRE [2] (7 h)

Question obligatoire :
La place des populations de l’Europe et de l’Océanie dans le peuplement de la terre.

 PROBLÉMATIQUES

Ce thème introductif [3] se situe sur un temps très long, de l’Antiquité au XIXe siècle, et dans un cadre géographique très vaste, puisqu’il dépasse la simple évocation de l’Europe, pour s’intéresser aux migrations des Européens vers les autres continents. Le programme adapté complexifie le cadre géographique de l’étude. Il ne faut en effet pas attendre le XIXe siècle et le départ de millions d’Européens pour élargir le cadre spatial. L’analyse de la permanence et des évolutions du foyer de peuplement européen depuis l’Antiquité doit être associée à la mise en place du peuplement du Pacifique insulaire, aux multiples peuples et cultures. L’enseignant fait face à plusieurs difficultés pour mener à bien cette étude :

• Réunir dans une même séquence, et donc dans une même problématique, deux espaces dissemblables. La différence se mesure d’abord au niveau des contraintes géographiques : un espace terrestre européen et un espace Pacifique essentiellement maritime et insulaire beaucoup plus vaste qui nécessita « la maîtrise par l’homme de l’élément liquide » [4] et donc une adaptation à des défis inconnus. Le nombre d’individus concernés est également remarquable. Les estimations proposées à l’époque du Christ, par le croisement des multiples données archéologiques s’accordent, avec prudence, sur des ordres de grandeur autour de 1 million d’habitants pour l’Océanie face à une quarantaine de millions pour l’Europe, espace russe compris.
• Insérer la mise en place du peuplement du Pacifique insulaire. Les orientations de programme nationales insistent sur « la nécessité de replacer les populations de l’Europe dans les grandes évolutions démographiques et la répartition du peuplement de la Terre ». Après la mise en valeur de la permanence du foyer européen par rapport aux espaces chinois et indien, il est possible alors d’insister sur les spécificités du peuplement océanien. L’étude du peuplement océanien mettra en avant certaines caractéristiques :

Un premier peuplement océanien par différents groupes :

  • Une première vague de populations entre 50 000 et 30 000 ans avant J.-C. en « Océanie proche » (Australie, Nouvelle-Guinée et Nord de la Mélanésie insulaire). Ces groupes de chasseurs-cueilleurs sont à l’origine des populations papoues et aborigènes.
  • Une autre vague de peuplement dit « austronésien », originaire de Chine et d’Asie du Sud-Est, est attestée au IIe millénaire avant J.-C. au Nord de la Mélanésie.

Des individus organisés culturellement et socialement :

  • La rencontre entre les « Austronésiens » et les populations antérieures entraîne la naissance d’une culture spécifique néolithique dite « Lapita », du nom du premier site néo-calédonien où un témoignage de cet ensemble culturel a été trouvé à travers des poteries décorées de motifs géométriques.
  • Le complexe culturel Lapita montre la présence de villages construits principalement en bord de mer avec une économie organisée sur l’exploitation des ressources marines, l’horticulture, l’élevage d’animaux et les échanges entre villages.

Cette étude sera aussi l’occasion de montrer que la notion de « foyer de peuplement » liée à l’Europe, si l’on s’en tient à la définir comme un espace densément peuplé et mis en valeur de façon continue par l’homme, ne peut pas être directement reprise pour le cas océanien.
C’est ainsi l’occasion pour les élèves de comprendre qu’il existe plusieurs processus de peuplement d’un territoire par des communautés humaines dans des espaces et des périodes très différentes. Par ailleurs, dans une perspective de comparaison entre l’Europe et l’Océanie, le peuplement du Pacifique insulaire marque une phase beaucoup plus récente de l’expansion humaine sur terre en tant que « dernier grand mouvement de colonisation d’un espace inhabité par l’homme » [5] .

L’étude du foyer européen de l’Antiquité au XIXe siècle doit mettre en avant son évolution (périodes de croissance et de repli dont il convient d’analyser les causes, interrogation sur la transition démographique à partir de la deuxième moitié du XVIIIe siècle). Le peuplement océanien peut aussi inviter à une interrogation sur son évolution à travers son extension spatiale sur plusieurs siècles ; de « l’Océanie proche » il y a 50 000 ans à « l’Océanie lointaine » (Mélanésie, Polynésie occidentale) aux IIe et Ier millénaires avant J.-C. ; jusqu’au peuplement polynésien de la Nouvelle-Zélande entre les XIIe et XIIIe siècles. Les déplacements des premiers individus à l’origine des populations papoues et aborigènes, facilités par un niveau plus bas de la mer, se font à pied et à l’aide de radeaux. Les Austronésiens quant à eux peuplent le Pacifique Ouest en naviguant sur des pirogues à balancier. Ces techniques de navigation permettent l’extension de la culture Lapita sur 3000 kilomètres de l’archipel de Bismarck aux îles Samoa.
L’évolution du peuplement océanien peut également être abordée du point de vue de la variation quantitative du peuplement. Évoquer les impacts démographiques de l’arrivée des Européens sur les populations mélanésienne et polynésienne à partir de la fin du XVIIIe siècle peut être l’occasion de montrer que la notion de crise démographique, souvent abordée dans l’espace européen par les épidémies comme la peste de 1348, est aussi une caractéristique de l’histoire du peuplement océanien. Aborder ce sujet peut aussi faciliter la transition vers la dernière partie de la question.
Le XIXe siècle voit, en effet, l’essor considérable des migrations européennes sur les autres continents dans un contexte de développement des transports et de mutations économiques et sociales. Les flux vers l’Océanie permettent de montrer le caractère mondial de l’expansion européenne. Comme l’Afrique, qui est l’objet de convoitises manifestées notamment en 1884-1885 lors de la conférence de Berlin, l’espace océanien est lui aussi l’objet de l’attention de puissances européennes. Dès 1788, la Grande-Bretagne engage la colonisation de l’Australie en envoyant une flotte de 11 navires (la Première Flotte ou First Fleet) chargée d’armes, d’outils et de 751 convicts [6] condamnés aux travaux forcés pour fonder une colonie pénitentiaire qui s’établit sur le site de la future Sydney. En 1840, le traité de Waitangi, où une partie des chefs maoris cède la Nouvelle-Zélande à la couronne britannique, marque le début d’une course entre puissances européennes pour la prise de possession des îles du Pacifique et donc ouvre la voie à une arrivée plus massive de migrants européens. Longtemps missionnaires, forçats ou esprits aventureux comme les santaliers, chasseurs de baleines, pêcheurs d’holothuries et beachcombers [7] ; le profil des migrants européens, pas toujours destinés à une installation définitive par ailleurs, se diversifie. Une immigration libre se développe difficilement, encouragée par les autorités qui vantent dans des campagnes publicitaires la fertilité du sol ou les riches minerais du sous-sol. Ainsi, en 1848, la Compagnie de Nouvelle-Zélande offre une partie du prix du trajet sur son navire, l’Ajax, aux « mécaniciens agricoles, fermiers et domestiques, de bonne moralité » acceptant d’émigrer depuis Londres » [8] . En 1894, en Nouvelle-Calédonie, le gouverneur Feillet annonce la fermeture du bagne et introduit une centaine de familles de cultivateurs français principalement dans les vallées de la côte Est. Cette immigration européenne est par ailleurs au départ très masculine. En Australie, parmi les premiers convicts on compte 1 femme pour 6 hommes, tandis qu’en Nouvelle-Calédonie, la loi ne prévoyait pas la transportation des femmes même si 500 prisonnières célibataires acceptèrent d’aller y purger leur peine afin d’épouser des condamnés.
Ainsi, le partage géopolitique du Pacifique, achevé à la fin du XIXe siècle, s’est concrétisé par une réalité migratoire multiforme sur certains territoires. L’Océanie est néanmoins un théâtre modeste de l’immigration européenne à l’échelle mondiale qui peut être étudié à travers les pays neufs que constituent l’Australie, la Nouvelle-Zélande et plus marginalement la Nouvelle-Calédonie. L’étude, au choix, montrera la mise en relation de populations originaires d’espaces de peuplement différents, l’Europe et le Pacifique, et permettra de finaliser la cohérence d’ensemble de la question où ces deux espaces auront été abordés par le croisement de quelques notions clés (peuplement, foyer de peuplement, évolution démographique, crise démographique, migrations).

Les questionnements suivants pourraient être ainsi retenus :

  • Comment se manifeste l’impact des populations européennes sur le monde de l’Antiquité au XIXe siècle ?
  • Dans le même temps, quelles sont les caractéristiques de l’espace de peuplement du Pacifique insulaire ?
  • Comment le XIXe siècle voit-il la mise en relation de populations originaires de ces deux zones de peuplement ?

 AIDE À LA MISE EN ŒUVRE ET SUPPORT D’ÉTUDE

La mise en place du peuplement du Pacifique insulaire et son évolution.
La base documentaire exploitable par le professeur (cartes, documents iconographiques, réflexions issues de la recherche) est souvent éparpillée dans plusieurs ouvrages dont quelques références, non exhaustives, sont détaillées ci-après.
Nous attirons particulièrement l’attention sur l’Atlas de la Nouvelle-Calédonie et son équivalent numérique (sorti fin 2014) qui permettra aisément de mobiliser les planches de la version papier. L’Atlas de l’Océanie propose quant à lui quelques pages très synthétiques, utiles pour une première approche, accompagnées notamment d’une carte nautique utilisée par les populations des îles Marshall, d’une carte de la Polynésie française à partir de la limite de visibilité et d’un graphique d’évolution de la population aborigène depuis la fin du XVIIIe siècle. L’ouvrage de J.-C. GALIPAUD et A. NOURY paru en 2011 propose d’importantes illustrations en couleur, facilement reproductibles dans la limite légale, avec notamment une rare photographie d’une grande pirogue à balancier utilisée encore au XIXe siècle par les habitants des îles Reef aux îles Salomon. Le fascicule Histoire et Géographie, documents classe de Seconde, édité par le CDP-NC en 2005 met en avant deux documents utiles : une courbe d’évolution de la population de la Grande Terre entre 1840 et 1950 et un texte du père Rougeyron évoquant le choc épidémiologique en 1846 à Balade.
Par ailleurs le site académique d’Histoire-Géographie de Nouvelle-Calédonie met en avant des travaux autour de :

L’émigration des Européens en Océanie et particulièrement en Australie et en Nouvelle-Zélande.

  • Un travail sur l’immigration britannique en Australie est proposé en complément de la fiche.
  • L’ouvrage collectif Histoire-Géographie, La Nouvelle-Calédonie et l’Océanie, Première et Terminale (L, ES, S), édité par le CDP-NC en 2010 présente un graphique d’évolution du nombre d’Européens par rapport aux Maoris en Nouvelle-Zélande de 1840 à 1940.
  • L’Atlas de l’Océanie (2011) consacre une double page aux premiers échanges entre Européens et Océaniens à travers l’action spécifique des missionnaires, baleiniers et santaliers. Le fascicule Histoire-Géographie, document classe de Seconde, précédemment cité, propose des textes sur la présence des missionnaires Ta’unga et Rougeyron en Nouvelle-Calédonie.
  • Le manuel Histoire Cycle 3 Nouvelle-Calédonie édité par le CDP de Nouvelle-Calédonie en 2007 évoque au chapitre 12 le choc culturel lors de la rencontre entre le « Papalagui » (l’homme blanc) et les populations du Pacifique à travers le témoignage d’un Samoan.
  • Le site disciplinaire académique met en avant une étude sur l’émigration européenne en Nouvelle-Calédonie .
  • Le site Itereva des Historiens Géographes de Polynésie française propose une fiche de travail élève avec un accompagnement pédagogique sur l’immigration européenne en Australie au XIXe siècle.

 PIÈGES À ÉVITER

  • Faire l’archéologie du peuplement océanien.
  • Étudier longuement le complexe culturel Lapita.
  • Se concentrer sur la Mélanésie et oublier de présenter le processus global du peuplement de l’Océanie.
  • Traiter l’Océanie en oubliant que le fil directeur du programme de Seconde demeure « Les Européens dans l’histoire du monde » et que le titre de la question obligatoire est « La place des populations de l’Europe et de l’Océanie dans le peuplement de la terre ».
  • S’attarder trop longuement sur la notion de crise démographique lors du contact entre Européens et Océaniens qui peut aussi être développée dans le chapitre sur « L’élargissement du monde XVe-XIXe siècles ».
  • Traiter la colonisation de l’Océanie à la place de l’immigration européenne en Océanie (Australie, Nouvelle-Zélande ou Nouvelle-Calédonie).

 POUR ALLER PLUS LOIN

• Ouvrages issus de la recherche :
Atlas de la Nouvelle-Calédonie, IRD Editions, Marseille, 2012.
ARGOUNES F., MOHAMED-GAILLARD S, VANCHER L., Atlas de l’Océanie, Continent d’îles, laboratoire du futur, Editions Autrement, Paris, 2011.
BARBANCON L.-J., L’Archipel des forçats. Histoire du bagne de Nouvelle-Calédonie, 1863-1931, Presses universitaires du Septentrion, Villeneuve d’Ascq, 2003.
BARBE Dominique, Histoire du Pacifique des origines à nos jours, Perrin, Paris, 2008.
BERNARD M., L’Histoire de l’Australie de 1770 à nos jours, L’Harmattan, Paris, 2000.
BERNARD M., L’Âge d’or australien. La ruée vers l’or et ses conséquences (1851), L’Harmattan, Paris, 1997.
BERNARD G., TOUTELLAN P.-Y., De la conquête à l’exode. Histoire des Océaniens et de leurs migrations dans le Pacifique, Editions Au vent des Iles, 2 tomes, Tahiti, 1999.
CONTE E., Tereraa, Voyages et peuplement des îles du Pacifique, Editions Polymages-Scoop, collection « Survol », Papeete, 1995.
GALIPAUD J.-C., NOURY A., Les Lapita. Nomades du Pacifique, Editions de l’IRD, Marseille 2011.
LEXTREYT M., Nouvelle-Zélande, Aotearoa, le pays au long nuage blanc, Editions Au vent des Îles, Pirae, 2006.
MERLE I., Expériences coloniales. La Nouvelle-Calédonie, 1853-1920, Belin, Paris, 1995.
NEYRET Jean, Pirogues océaniennes, Edition des Amis du musée de la marine, Paris, 1976.
NOURY A., Le Lapita : à l’origine des sociétés d’Océanie, Lulu Editions, Paris, 2013.
PIQUET M., Australie plurielle : gestion de la diversité ethnique en Australie de 1788 à nos jours, L’harmattan, Paris, 2004.
SAND Ch., Lapita calédonien. Archéologie d’un premier peuplement insulaire océanien, Publications de la Société des Océanistes, Travaux et documents océanistes 2, Paris, 2010.
SAND Ch., BOLE J., OUETCHO A., BARET D., Parcours archéologiques. Deux décennies de recherches du département Archéologie de Nouvelle-Calédonie (1991-2007), Les Cahiers de l’Archéologie en Nouvelle-Calédonie 17, Nouméa, 2008.
SHINEBERG D., Ils étaient venus chercher du santal, Société des Etudes historiques de la Nouvelle-Calédonie, Nouméa, 1973.

• Manuels scolaires :
Histoire et Géographie, Documents classe de Seconde, coordonné par Yves JACQUIER, CDP de Nouvelle-Calédonie, 2005.
Histoire, Cycle 3 Nouvelle-Calédonie, ouvrage collectif, CDP de Nouvelle-Calédonie, 2007.
Histoire et géographie, La Nouvelle-Calédonie et l’Océanie, Première et Terminale (L, ES, S), ouvrage collectif, CDP de Nouvelle-Calédonie, 2010.

• Sites :

  • Les pirogues du Grand Océan, réflexion du Vice-amiral Desclèves de l’Académie de marine.
    http://www.tupaia-conseil.com/index...
  • Polynésiens et océanautes : le peuplement de l’Océanie, par Michel ORLIAC chercheur au CNRS.
    http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/pol...
  • Sur la Nouvelle-Zélande dans toutes ses dimensions l’encyclopédie en ligne Te Ara apporte de très nombreuses informations et ressources documentaires avec notamment les articles de l’historien Jock Pillips sur l’Histoire de l’immigration dans l’item « New Zealand Peoples – Origins and arrivals », http://teara.govt.nz/

[1Programmes officiels de l’enseignement d’histoire-géographie-éducation-civique, juridique et sociale, en lycée, adaptés à la Nouvelle-Calédonie, validés par la DGESCO et l’Inspection générale, parus au B.O. spécial n°4 du 12 juillet 2012.

[2Le peuplement de la terre implique d’aborder les populations de l’Europe et de l’Océanie dans le peuplement de la terre.

[3Il est conseillé de traiter ce thème introductif en 7 heures (3 à 4 heures pour l’analyse du peuplement européen et océanien, 2 à 3 heures pour l’essor des migrations européennes au XIXe siècle).

[4GALIPAUD J.-C., NOURY A., Les Lapita. Nomades du Pacifique, Editions de l’IRD, Marseille 2011, p. 7.

[5GALIPAUD J.-C., NOURY A., 2011

[6Convicts : prisonniers britanniques condamnés à purger leur peine comme forçats en Australie.

[7Beachcombers : « écumeurs de plage ». Selon l’Atlas de l’Océanie (2011), anciens naufragés, déserteurs ou évadés du bagne australien qui s’établissent dans les îles et jouent un rôle d’intermédiaire entre Européens et Océaniens.

[8Jock Phillipps, « History of immigration – British immigration and the New Zealand Company », Te Ara - the encyclopedia of New Zealand, 21 – Aug – 13. URL : http://www.TeAra.govt.nz/en/history...


titre documents joints

Le peuplement de la Terre

19 décembre 2014
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Proposition du groupe de recherche et de réflexion d’histoire-géographie-éducation civique – lycée


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