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Le monument aux morts de la place Bir-Hakeim à Nouméa.

Ce lundi 28 juillet 2014, la classe de terminale L du Lycée du Grand Nouméa a rendez-vous avec Madame Sylvette BOYER, Docteur en histoire, sur l’esplanade du monument aux morts de La Grande Guerre pour un cours sur l’histoire/l’origine du monument dans le cadre du centenaire de la Guerre 1914-1918.
Les élèves de l’option LVA travaillent depuis l’année dernière sur le projet « Mémoires Calédoniennes et Mémoires Néo-Zélandaises de La Grande Guerre : Mémoires Croisées », projet labellisé par la Mission du Centenaire et qui se concrétise par un voyage à Hamilton du 14 au 23 septembre prochain.

 INTRODUCTION

Madame Sylvette Boyer rappelle les difficultés rencontrées pour son travail de recherches concernant sa thèse afin de récupérer des informations sur le parcours des Néo-Calédoniens appelés au front car peu de documents disponibles.
Un travail d’enquêtes auprès des familles, auprès des archives, être sur les lieux traversés par les appelés calédoniens et kanaks, s’imprégner de leur histoire et des souffrances endurées sur un sol étranger lui ont nécessité des années de recherches.

 ORIGINE DES MONUMENTS /STELES DE COMMEMORATION

Ces monuments sont élevés pour glorifier ceux qui ne sont pas revenus, morts « au Champ d’Honneur » (au combat) ou de maladies durant leur séjour sous les drapeaux.
Il est rappelé que le rapatriement des corps était, pour une grande partie, à la charge des familles !
Moins d’une vingtaine de nos soldats reposent dans leur terre natale….

 RAPPEL :

  • 1914 : la Nouvelle-Calédonie est une colonie française depuis environ soixante ans. Les indigènes sont soumis au régime de l’indigénat (sujets de La République) ; ils ne sont donc pas mobilisables.
  • 1905 : création de la conscription en Nouvelle Calédonie mais le service militaire n’est véritablement effectif qu’en 1911-1913. A cette époque, les appelés étaient des « Français » (nés en métropole) et des « créoles » (nés en Nouvelle-Calédonie de parents français). Les indigènes et les étrangers (ou autres ethnies) ne sont pas appelés. La catégorie « métis » n’existait pas dans les recensements.
  • 1914 : les citoyens français de Nouvelle-Calédonie sont mobilisés dès le 5 août. Le 1er départ pour la métropole a lieu le 25 avril 1915.
  • 1916 : création du « bataillon des tirailleurs des îles du Pacifique », composé de « Canaques » et de Tahitiens. Les Kanak sont pour la plupart enrôlés sous un prénom de baptème ou un surnom car l’état civil indigène n’existait pas : il a été créé en 1934 ! Donc difficile, aujourd’hui, de retrouver l’identité du clan ou de la famille de ces tirailleurs, la seule information à disposition était le nombre d’hommes issus de la tribu.
  • 1917 : les créoles calédoniens sont affectés au « bataillon mixte du Pacifique » jusqu’à la fin de la guerre : un véritable creuset des populations calédoniennes. Durant toute la guerre, moins de deux mille citoyens et indigènes partent combattre sur de nombreux fronts (Belgique, nord, est, orient..).

 LES CONSTRUCTIONS MEMORIELLES

Le 4 novembre 1919, décret qui autorise la commémoration aux morts le 1 ou le 2 novembre de chaque année. Mais en 1924, le Parlement français fixe la date du 11 novembre comme date de commémoration.
Cette commémoration est un moment de joie, synonyme de victoire.
Le monument est un édifice socio-culturel qui est un enjeu de mémoire : devoir de mémoire pour que personne ne soit oublié ; les soldats morts pour la France sont inscrits par ordre alphabétique, sans mention de leur grade.
En Nouvelle Calédonie, on trouve un monument aux morts ou une stèle dans tous les villages.
Ces constructions sont un symbole de reconnaissance, d’hommage, de justice, d’égalité, d’enjeu de mémoire, d’une cause (mourir pour une cause), de valeurs telles que la Liberté, la Paix, la Fraternité, la Justice, la Tolérance...
Importance des Associations des Anciens Combattants et des souscriptions pour le financement des stèles commémoratives.
Madame Sylvette BOYER rappelle la différence entre Histoire et Mémoire : L’Histoire est un récit d’évènements fondés sur des documents écrits consultables dans les archives.
La mémoire repose sur le souvenir (visuel, auditif...) des témoins puis de leurs descendants à qui le témoin a raconté son expérience. Vivante, elle devient une reconstruction subjective. Le Devoir de Mémoire est fondamental pour une société : cela fait partie de notre identité.

 LE MONUMENT AUX MORTS PLACE BIR HAKEIM A NOUMEA : MONUMENT AUX MORTS DE LA NOUVELLE-CALEDONIE ET DES NOUVELLES- HEBRIDES

Inauguré le 2 novembre 1924, il est érigé au carrefour de la Police, à l’intersection de rue de Sébastopol et du boulevard Cassini ; il fut ensuite déplacé pour être aujourd’hui devant l’ancienne caserne en haut de la place Bir Hakeim au centre de la ville.
Il est géographiquement au carrefour des influences religieuses (on voit La Cathédrale), politiques (on aperçoit le Haussariat), militaires (devant la caserne) et occultes (la FOL, emplacement de la Loge de la franc-maçonnerie à l’époque).
Ces édifices surplombent le monument.
Le monument est surélevé, visible de loin, à l’extrémité d’une esplanade sans clôture, libre d’accès à toute personne, ouvert, orienté vers l’ouest en direction de l’Occident, du port d’où partaient les navires à destination de « la Mère Patrie ».
Il appartient à la municipalité de Nouméa : a été financé par l’Etat, les Associations, les Particuliers sous forme de souscription, les communautés étrangères vivant dans la colonie et aux Nouvelles-Hébrides, condominium franco-britannique à cette période.
Le monument principal est composé de 3 socles de façon à ce que les inscriptions portées soient à hauteur des yeux. Debout se tient un soldat avec un énorme fusil. La statue est en bronze, le soldat en position de défense ( il défend son territoire), jambes écartées, le visage jeune, grave, sévère et déterminé. Il s’agit du Poilu avec l’uniforme de l’infanterie coloniale (la plupart des mobilisés rejoignait ce corps militaire).

Sous le soldat et tout autour du monument, on trouve gravée dans la pierre : une frise néo-classique avec lauriers, symboles de la valeur des soldats et de leur victoire.
4 bas-reliefs gravés sur des plaques en bronze reposant dans des niches symbolisent des moments importants de l’Histoire et de la vie calédonienne durant la guerre. Ces plaques sont d’une grande précision et donnent vie au monument.

  • Façade ouest, face avant du monument : Sous le soldat, les noms de famille et prénom usuel des disparus sont inscrits par ordre alphabétique. Le grade militaire n’est pas mentionné. Puis sous les noms, l’hommage aux soldats inscrit dans la pierre : une gerbe sculptée composée d’épis de blés (symbole du monde rural), de roses (symbole de la douleur et de l’amour), de myosotis (symbole du souvenir, fleurs commémoratives dans les cimetières) et de bleuets (symbole des poilus au combat). Inscription portée sur cette façade avant : « Aux Calédoniens et aux Hébridais morts pour la France »
  • Façade sud : Gravure sur bronze : le navire emporte les soldats qui répondent à l’appel de la patrie. Sur le quai, tous les représentants de la société civile saluent le départ des mobilisés pour le front.
  • Façade nord : Scène de guerre des tranchées : l’horreur de la guerre : plus dans l’action que dans la douleur. On y voit des soldats en action avec fusil et grenade. Le blessé au fond de la tranchée participe de la souffrance des hommes en première ligne.
  • Façade est : Une jeune femme représente La Nation. Elle tient dans sa main droite des roses (symbolisant la peine), dans sa main gauche une palme de laurier (pour la victoire). On voit également une croix surmontée d’un casque de poilu, à titre posthume. Sur cette façade, on peut lire l’inscription « Indigènes morts pour la France », de chacun des districts que comptait alors la Nouvelle-Calédonie.

    Ces découpages administratifs symbolisent les tribus : on honore la tribu et son grand-chef plus que les individus. Les listes du monument principal sont longtemps restées celles des citoyens français. Il a fallu attendre l’année 2000 pour voir rajoutées sur les côtés droit et gauche du monument, des plaques adjacentes portant le nom inscrit par les tirailleurs le jour de leur engagement. Désormais, ce monument fédère toute la population calédonienne au travers du grand nombre de morts et de l’horreur de la guerre vécue par toute une génération éloignée de nous par un siècle d’histoire où les guerres ont été nombreuses. L’inscription « A nos morts 14-18 » renforce le sentiment d’unité et met en exergue la difficulté de vivre la paix.

 CONCLUSION

Plus d’un demi millier de soldats de Nouvelle-Calédonie (383 tirailleurs kanaks et 193 mobilisés) sont morts pour la France pendant La Grande Guerre.
Les Kanak ont été ceux des indigènes des colonies françaises qui ont le plus donné leur sang au nom de la Liberté du monde.
Madame Sylvette BOYER précise aussi l’importance de la correspondance entre les soldats et leurs familles à l’époque : beaucoup de ces courriers n’étaient pas censurés car transmis directement par La Maison Ballande via leurs bateaux de commerce. Ces écrits, conservés par les familles ou déposés aux archives sont un réservoir de documents authentiques qui contribuent à la mémoire collective de notre pays.

L’exposé de Madame Sylvette Boyer a duré près de deux heures, deux heures passionnantes qui ont permis aux élèves et à leurs enseignants de s’enrichir de connaissances, d’anecdotes, de partager, d’échanger et de mesurer tout l’intérêt du devoir de mémoire essentiel à une nation.

UN GRAND MERCI A MADAME BOYER POUR SA DISPONIBILITE,
SA GENTILLESSE ET POUR CE MOMENT PRECIEUX PASSE ENSEMBLE !!


titre documents joints

Le monument aux morts de la place Bir-Hakeim

7 août 2014
info document : PDF
1.4 Mo

Compte-rendu d’une conférence de Madame Sylvette Boyer lors d’une sortie scolaire.


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