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Évolution politique et économique de Wallis-et-Futuna de 1945 à nos jours

samedi 17 juillet 2010

Synthèse

I La survivance d’un statut archaïque ou la stratification des trois pouvoirs (1945-1959)

À la fin des années 50, le statut de protectorat de Wallis & Futuna peut paraître comme anachronique. À cette date, tous les protectorats français ont évolué soit vers l’indépendance (à l’image de la Tunisie et du Maroc en 1956), soit vers un statut intermédiaire préparant l’autonomie (création de la Communauté française en 1958). Rappelons que la Nouvelle-Calédonie, toute proche, est un TOM depuis 1946.
Comment s’organise donc ce protectorat un peu particulier ?
Chaque document identifie de façon chronologique (notion de stratification évoquée par le titre) l’un des trois pouvoirs majeurs qui structurent depuis le XIXe siècle l’organisation politique de Wallis et Futuna. On découvre donc les monarchies et leur relais, la chefferie (document 2), garantes de la tradition (document 3) ; le Clergé catholique à travers la mission mariste qui a évangélisé l’archipel au milieu du XIXe siècle (document 4) et l’administration française, de type colonial jusqu’en 1961 (document 5).
Or, le fonctionnement politique, économique et social de l’archipel repose sur l’équilibre précaire des relations entre ces trois acteurs. Aussi, l’évolution statutaire de Wallis & Futuna n’a été possible que sur les bases d’un compromis commun entre les trois pouvoirs.

II Le tournant du changement statutaire (1959-1961)

Comme cela a déjà été dit dans l’étude sur la Nouvelle-Calédonie de 1958 à 1975 (fiche 1), le retour aux affaires du général De Gaulle (1958) entraîne une remise à plat de la politique d’outre-mer de la France dans “ laquelle les territoires français du Pacifique présentent un enjeu géopolitique de premier ordre”.
Pour Wallis et Futuna, il s’agit de mettre fin à un statut anachronique et d’arrimer plus solidement l’archipel à la République française tout en conservant l’équilibre entre les trois pouvoirs, condition sine qua non à toute évolution statutaire et à sa pérennisation.
Aussi, le changement statutaire s’organise en trois étapes :
La préparation (document 6), l’État, par l’intermédiaire de son représentant (le Résident) appuyé par le Haut Commissaire de la République de Nouvelle-Calédonie, doit trouver un compromis avec le pouvoir coutumier et le clergé pour s’entendre sur le rôle de chacun dans le cadre du nouveau statut.
Le référendum du 27 décembre 1959 (document 6) dont le résultat quasi unanime montre le travail de préparation préalable.
Le vote du parlement (29 juillet 1961) entérinant le résultat du référendum en créant officiellement le nouveau TOM (document 7).

III Entre modernité et tradition : les nouveaux enjeux de l’identité wallisienne

En devenant un TOM, les Wallisiens et les Futuniens accèdent au rang de citoyens français de plein droit. Aussi participent-ils aux élections nationales (présidentielles et législatives). Mais la pratique politique dans une démocratie moderne est une véritable nouveauté pour cette société traditionnelle où seule une partie de la population, les Aliki (nobles), préside au devenir de tous dans le cadre coutumier.
Le débat idéologique et les enjeux politiques nationaux restent donc largement ignorés d’une large partie de la population. Surtout, le choix individuel, fondement de la démocratie libérale, n’a pas de sens dans cette société traditionnelle très hiérarchisée. Ces différents éléments expliquent en partie le tour quasi unanimiste que prennent les résultats électoraux à chaque consultation nationale (document 8).
Enfin, l’évolution statutaire n’a pas fait disparaître les rivalités politiques entre les grandes familles du territoire en compétition perpétuelle dans le cadre coutumier. Ces tensions politiques traditionnelles expriment aussi une volonté de modernité dans les rapports entre la chefferie et l’administration, entre le droit coutumier et le droit français (document 9).

IV Le défi du développement : se détacher de la tutelle néo-calédonienne

Cette dernière partie s’inscrit dans une réflexion sur l’avenir proche du Territoire.
Le défi principal est celui du développement économique, condition indispensable pour retenir les forces vives du pays (document 10). Moins de 10% de la population possède un revenu salarié régulier. L’État reste, de loin, le premier employeur du territoire car le secteur privé demeure à l’état embryonnaire.
Or, les conditions politiques, complexes et à l’équilibre fragile, ainsi que la question foncière n’incitent pas les investisseurs privés à s’implanter sur Wallis-et-Futuna. Aussi, pour beaucoup de jeunes, la solution reste l’émigration notamment vers la Nouvelle-Calédonie (document 11).

Commentaire

Document1 : le territoire de Wallis-et-Futuna

Cette carte permet de présenter les îles qui composent le Territoire.
D’un point de vue géologique, on remarque la nette opposition topographique entre les îles résultant d’une différence notable dans leur stade d’évolution. Wallis est une île basse dont le point culminant (le mont Lulu) atteint juste les 150 mètres alors que Futuna atteint ou dépasse les 500 mètres en de nombreux points. Wallis est en cours “d’atollisation” avec la présence d’un lagon fermé important et comptant de nombreux motu (îlots) sur sa barrière de corail alors que Futuna se contente d’un récif frangeant.
D’un point de vue politique, cette carte met bien en évidence que le Territoire est composé de trois royaumes distincts. L’autorité coutumière suprême détenue par chaque roi s’exerce donc dans la limite territoriale de son royaume.
Si Wallis jouit d’une unité politique (bien qu’il puisse y avoir de fortes rivalités entre les districts), Futuna est divisé en deux royaumes dont l’histoire est émaillée par de nombreux conflits. Ainsi, seul le Royaume d’Alo exerce la souveraineté sur Alofi.
Cette île, recouverte par endroit de lambeaux de forêt primaire, ne possède pas d’habitat permanent. Sa mise en valeur se limite à quelques cultures vivrières et à la culture du tabac, mais ces activités sont exclusivement réservées aux habitants d’Alo. Alofi sert aussi de lieu de villégiature pour le week-end et les vacances. Le poids de la religion catholique est également bien visible à travers le nombre important d’édifices religieux pour un si petit territoire.
Enfin, d’un point de vue administratif, Wallis concentre tous les services majeurs de l’administration supérieure avec la résidence du préfet, l’hôpital, les services du vice rectorat, le lycée du Territoire et la représentation territoriale avec l’Assemblée. Il n’y a donc pas partage des compétences avec Futuna.

Document 2 : l’organisation coutumière

Ce schéma tente une présentation la plus claire possible de l’organisation coutumière à Wallis.
Le système de la chefferie n’est pas une survivance folklorique d’un passé “pré européen” finalement pas si lointain. Les sociétés wallisienne et futunienne s’organisent toujours autour de leurs grandes chefferies dépositaires de l’agaifenua (aga’i : façon de penser ; fenua : le pays, donc la façon dont les gens du pays conçoivent les choses, en d’autres termes les us et coutumes).
Gardiens de la tradition, les trois monarques, mandataires de leur chefferie respective, assurent aussi la protection symbolique des territoires insulaires ; mais bien que les rois possèdent de réels pouvoirs, il s’agit avant tout d’un titre honorifique. Ainsi, à Wallis, le roi ne peut rien décider sans l’aval des six ministres qui forment son gouvernement. Par contre, les ministres ne sont pas tenus d’obtenir son approbation à l’égard d’une décision sur laquelle ils sont tous d’accord. De même, le lavelua ne peut nommer ou destituer un ministre sans l’accord des autres ministres qui, eux, à l’unanimité ont la faculté de le destituer.
Au final, l’organisation de la chefferie est très hiérarchisée selon un système pyramidal en fonction de la taille de la juridiction où s’exerce le pouvoir du chef. Mais à tous les échelons, le personnel de la chefferie est issu des familles Aliki (nobles). Comme l’hérédité aristocratique se transmet tant par les femmes que par les hommes, le nombre de familles princières et de postulants potentiels est très élevé. Ainsi, à toutes les époques, les convoitises sont nombreuses et font le quotidien de la vie politique coutumière.

Document 3 : la cérémonie du Kava

Fondement de la civilisation de l’Océanie insulaire, le Kava désigne à la fois la plante et la boisson qu’on en tire. La plante se présente comme un petit arbuste dont la racine foisonnante sert à faire le breuvage qui, après avoir été longtemps sacré, est resté, symboliquement, une boisson sociale à Wallis et Futuna plus longtemps que dans les autres îles d’Océanie.
Mgr Bataillon (chef moral suprême des îles converties) a su mesurer l’importance de cette coutume et en a maintenu l’usage. Cette capacité particulière qu’a toujours eue l’Église catholique en terre d’évangélisation à intégrer des éléments du paganisme local dans sa liturgie, explique en grande partie la survivance de cette cérémonie alors que dans d’autres îles, d’influence protestante, le Kava a été banni.
Ainsi, cette cérémonie du Kava dont Mgr Bataillon avait compris l’importance pour maintenir l’ordre social, a pu rester presque inchangée jusqu’à nos jours. Moment solennel, son déroulement s’effectue dans un grand silence. Le roi et les chefs en sont les acteurs impassibles et muets auxquels la foule assemblée rend un hommage silencieux. Seuls, le maître de cérémonie et l’officiant ont un rôle actif. La préparation achevée, arrive le moment crucial et délicat de la distribution car le maître de cérémonie désigne à tour de rôle et selon un ordre hiérarchique précis, les chefs dont la coupe est offerte par l’intermédiaire d’une jeune fille traditionnellement.
Avec l’arrivée des missionnaires puis des représentants de l’État français, le cercle du Kava (roi et notables) s’est élargi. Ainsi, lorsque le ministre de l’outre-mer se rend à Wallis ou à Futuna, on lui fait un “kava royal” car il représente le Président de la République qui est le Aliki Sau (“roi”) des Français.

Document 4 : cour de récréation de l’école de Ninive (district de Hahake, Wallis)

Cette photographie illustre parfaitement le poids du pouvoir religieux sur le territoire. Toutes les écoles primaires de Wallis-et-Futuna relèvent de l’enseignement confessionnel. Il n’existe donc aucune possibilité d’inscrire son enfant dans une école publique et laïque.
Cette situation unique dans un espace politique sous souveraineté de la République française est le résultat du compromis passé par l’État avec le clergé local sur la question de l’enseignement avec des dérogations aux lois scolaires afin de conserver un enseignement unique dirigé par la mission mais contrôlé (à l’époque) par le vice rectorat de Nouvelle-Calédonie et financé par l’État. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre l’allusion de Mgr Poncet à propos de la préparation du référendum sur le changement statutaire (document 6) : “...L’un et l’autre (les représentants de l’État en la personne du Résident et son Délégué pour Futuna) durent agir avec assez d’habileté pour faire aboutir le plan du haut-commissaire Péchoux en persuadant les trois rois autochtones (...) ainsi que le respect de la religion catholique...”.
Les principes de laïcité devaient donc rester aux portes du nouveau Territoire.

Document 5 : le protectorat de 1886

Comme le souligne le préambule de l’acte, la signature du protectorat officialise plus de 40 ans de présence française à travers l’établissement de la congrégation mariste. Il montre combien l’Église catholique s’est solidement implantée sur ces îles en s’associant à la chefferie traditionnelle au point de former un nouveau pouvoir. Cette légitimité repose sur la capacité d’acculturation dont ont su faire preuve les premiers missionnaires comme Mgr Bataillon qui apprit très vite la langue et a su comprendre les fondements de cette société océanienne pour les fondre dans la nouvelle religion (exemple de la cérémonie du Kava vue dans le document 3).
L’État s’appuie donc sur le clergé pour s’établir car il fait le trait d’union avec le pouvoir traditionnel en fournissant les interprètes et en conseillant les deux “partis”. Sa présence s’organise autour du Résident (Lesita), traditionnellement choisi dans le corps des médecins militaires. Celui-ci dépend directement du gouverneur (Kovana) de Nouvelle-Calédonie.
L’acte montre bien que la France est accueillie par la reine qui reste le personnage principal de ces quelques lignes. C’est elle qui “désire” (à plusieurs reprises) et qui “détermine”. Si le protectorat apparaît comme un outil de la colonisation en tant qu’étape préparant la mise en place d’une administration directe, il n’en est rien à Wallis. La reine Amelia déclare vouloir toute son indépendance et conserver toute son autorité sur les naturels tout en se mettant sous la protection de la France. Ainsi, le système de protectorat se présente comme un traité de sécurité contre les ambitions coloniales d’autres pays.

Document 6 : la fin du protectorat avec le référundum de 1959

La référence à De Gaulle en début de document rappelle que le retour aux affaires du Général un an et demi auparavant entraîne une remise à plat de la politique d’Outre-mer de la France.
L’évolution statutaire de ces îles ne peut se faire sans l’adhésion du pouvoir coutumier d’où l’allusion à “l’habileté” (politique) déployée par les représentants de l’État. Il s’agit pour eux de démontrer que le nouveau statut n’entraîne pas un affaiblissement du pouvoir monarchique mais, qu’au contraire, les populations ont tout à y gagner (obtention de la nationalité française, construction d’écoles, d’hôpitaux, développement des infrastructures). Le partage des îles en trois royaumes ajoute à la difficulté de la négociation car l’État n’a pas un interlocuteur, mais trois souverains à convaincre.
L’État doit aussi obtenir le soutien de l’Église locale en lui apportant des garanties. Le changement statutaire ne doit pas remettre en cause son monopole sur l’enseignement primaire. Plus globalement, la laïcité républicaine doit rester aux portes du nouveau territoire.
Le résultat prend un tour unanimiste avec 94% de oui avec néanmoins plus de réserve de la part de Futuna. La large victoire du oui est à mettre au crédit de la cohésion des trois pouvoirs sur cette question après les garanties apportées par l’État.
L’unanimité exceptionnelle de Wallis est le produit d’une double lecture du référendum qui a aussi servi de plébiscite au nouveau roi Tomasi Kulimoetoke face à l’opposition du clan Brial. De plus, la culture politique étant encore peu développée sur ces îles, la campagne pour le changement statutaire se résume avant tout pour la population à suivre l’avis positif ou négatif d’un chef. D’ailleurs Benjamin Brial (fils de la reine déchue) a fait campagne pour le non à Futuna où son poids économique explique qu’une partie des Futuniens l’ait suivi. À cela s’ajoute des problèmes de chefferie divisée sur la question du nouveau statut. Ainsi, les Futuniens, du fait de leur isolement encore plus marqué, n’ayant aucune idée des conséquences du changement statutaire, ne votent pas non par résistance à la France mais contre une famille.
Par contre, les expatriés sont très favorables à cette évolution statutaire qui leur octroie la nationalité française et donc facilite leur intégration notamment en Nouvelle-Calédonie.

Document 7 : organigramme des institutions issues de la loi n°61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis-et-Futuna le statut de territoire d’Outre-Mer

Le résultat positif du référendum permet la ratification du vote faisant de Wallis et Futuna un Territoire d’Outre-Mer par le Parlement en juillet 1961.
Dans son article 1, la loi statutaire nomme le nouveau territoire en indiquant que son nouveau statut lui permet d’avoir des représentants au Parlement (un député et un sénateur). À cela, s’ajoute une représentation locale à travers l’Assemblée territoriale composée de vingt conseillers (douze pour Wallis et huit pour Futuna) élus au suffrage universel direct.
Ainsi, les Wallisiens et les Futuniens deviennent des Français à part entière (article 2). La présence des chefs coutumiers au Conseil territorial rappelle les compromis passés par l’État avant l’organisation du référendum notamment avec les monarchies qui devaient être confortées dans leurs prérogatives coutumières.

Document 8 : résultats synthétiques de Wallis-et-Futuna à quelques élections nationales

Avant 1981, la vie politique du territoire s’articule autour de l’antagonisme entre un RPR historique mais vieillissant et la jeune garde antibrialiste composée des premiers Wallisiens et Futuniens diplômés de l’université. Dans ce territoire où la religion catholique occupe une place centrale, le socialisme est souvent confondu avec le concept de laïcité lui-même assimilé à l’antichambre de l’athéisme et donc susceptible d’attenter aux valeurs spirituelles et coutumières locales. C’est ainsi qu’il faut comprendre le score extraordinairement bas de François Mitterrand au premier tour des élections présidentielles de 1981. L’absence d’ancrage profond du socialisme est patent lorsque l’on étudie le parrainage des candidats pour les élections présidentielles de 1988 par les 20 membres de l’Assemblée territoriale : 12 signatures pour J. Chirac et 8 pour Raymond Barre.
L’équilibre des forces évolue peu lors des élections législatives qui suivent l’élection de François Mitterrand, du fait que les Wallisiens et les Futuniens suivent de très loin la politique nationale et que l’absence de débat droite-gauche avant ces élections interdit la possibilité d’une “vague” rose impulsée par la victoire du 10 mai 1981. Aussi, le RPR Benjamin Brial obtient 47,08% dès le premier tour. Les trois candidats éliminés appellent à voter pour le candidat UDF au tour suivant par antibrialisme n’empêchant pas pour autant sa réélection.
Un équilibre droite-gauche ne pouvant qu’intervenir lentement sur le Territoire en raison du poids des coutumiers et des cadres de l’Église, généralement de tendance conservatrice, jamais les élus ne mettent en avant sur le plan local leur appartenance à la mouvance socialiste. C’est ainsi qu’en1986, Benjamin Brial, soutenu par la chefferie, est réélu sans difficulté.
En juin 1988, le candidat du PS, le commerçant Joseph Maisueche, ne réunit que 246 voix. C’est à cette occasion que la section locale du PS est créée. Son échec est dû aux équilibres sociétaux déjà
évoqués ainsi qu’au fait que ce métropolitain ne possède pas le réseau familial indispensable dans un système électoral insulaire basé sur le clientélisme. Ainsi, les étiquettes politiques des uns et des autres ont peu d’influence sur le vote des électeurs, qui s’établit en fonction des liens familiaux ou de différentes formes de clientélisme ;

Document 9 : les “évènements de 2005”, un exemple révélateur du fragile équilibre entre droit coutumier et droit moderne.

Ce document relate les évènements de 2005 à travers des articles tirés des Nouvelles Calédoniennes. Rappelons qu’il n’existe pas de presse écrite sur le territoire.
L’article revient sur le fait-divers et son développement qui ont conduit à la crise politique la plus grave depuis le changement statutaire. Le drame à l’origine de cette crise implique un des petits-fils du Lavelua (roi) expliquant la tournure politique prise par cette affaire. Celui-ci, reconnu coupable d’homicide involontaire, pense pouvoir échapper à la justice française du fait de son statut social provoquant ainsi la rupture de l’équilibre précaire mais nécessaire entre les différents pouvoirs en oeuvre sur le territoire.
Y a-t-il prérogative du pouvoir coutumier sur le pouvoir de l’État et, par extension, du droit coutumier sur le droit républicain ?
Le droit coutumier permet un arrangement entre la famille de la victime et celle du coupable. Le membre le plus important de la famille incriminée se rend dans la famille outragée pour apporter ses excuses et proposer des dons en réparation. En cas de refus, c’est le chef du village qui se substitue au premier négociateur et ainsi de suite jusqu’au roi.
C’est seulement lorsque le droit coutumier a épuisé toutes les possibilités que le code civil intervient. Celui-ci apparaît donc comme un droit subsidiaire. Or, si cette articulation a fonctionné jusque-là, cette affaire révèle la limite de ce fonctionnement hybride. L’ouverture à la modernité a fait naître l’idée que le droit coutumier n’est pas assez sévère et donc insuffisant pour les affaires les plus graves. Il est vrai que cette justice coutumière mise en place par l’Église (“lois Bataillon” de 1870) a été établie pour mettre fin aux vendettas dans un milieu insulaire rural relativement violent. Son objectif a été de sortir de la loi du Talion en indemnisant la victime ou sa famille.
Mais surtout, l’implication de la famille royale ajoute une dimension politique. L’opposition au vieux roi Tomasi Kulimoetoke y voit l’occasion d’affirmer sa différence en proclamant l’égalité de tous les sujets du roi devant la justice française. Ce groupe de coutumiers est donc désigné sous le vocable de Réformateurs par opposition aux Traditionalistes, partisans du Lavelua et de la primauté de son pouvoir.
Cette crise, parsemée d’épisodes violents, oppose donc deux groupes de coutumiers au milieu desquels l’État apparaît dans la position délicate d’arbitre et d’acteur. Si les Traditionalistes semblent avoir gagné la partie, la mort du vieux roi deux ans plus tard et la longue vacance du pouvoir royal jusqu’en 2008 montrent le fossé que cette crise a creusé. De plus, le district de Hihifo, majoritairement Réformateur, ne reconnaît pas le nouveau roi.

Documents 10 et 11 : évolution démographique de Wallis et Futuna et flux migratoire vers la Nouvelle-Calédonie.

Ces deux documents statistiques sur la démographie du territoire se complètent. Leur analyse conjuguée met en évidence deux phénomènes majeurs :

  • le net ralentissement de la croissance de la population du territoire qui semble avoir achevé sa transition démographique puisque l’essentiel de cette croissance repose sur l’accroissement naturel car l’archipel reste un espace d’émigration,
  • le rôle de l’émigration qui a permis d’amortir les effets de l’explosion démographique de l’après-guerre.
    Les résultats du dernier recensement marque une rupture puisque, pour la première fois depuis 1944, on constate une diminution de la population du territoire. Cette diminution inédite est le produit de la réduction de la natalité évoquée plus haut et le maintien du courant migratoire, notamment en Nouvelle-Calédonie.
    Cinquante ans d’émigration continue, avec des pointes importantes comme au début des années 70 liées au “boom du nickel” (expliquant ainsi le ralentissement de la croissance démographique du territoire entre les recensements de 1969 et 1976), ont fait des populations wallisiennes et futuniennes de Nouvelle-Calédonie le
    troisième groupe ethnoculturel du pays avec 18 000 habitants soit 9% de la population totale.
    Cette diaspora est essentielle à l’économie du territoire grâce aux transferts monétaires qu’elle génère. Malheureusement, l’IEOM n’a pas élaboré de balance des paiements, mais tous les spécialistes
    s’accordent pour dire qu’elle est largement excédentaire. D’ailleurs, ces flux ne se limitent pas aux seuls rapatriements des
    salaires. Ils correspondent aussi à des collectes de fonds pour des travaux entrepris dans l’archipel (constructions de fale fono, chapelles, églises...) dans le cadre de “l’impôt coutumier”. À titre d’exemple, le 1er mai 2000, à l’occasion de l’inauguration du nouveau fale fono (maison commune) et de la fête de Saint Joseph (patron du district du Mu’a), la communauté expatriée de Nouvelle-Calédonie a participé à hauteur de 4,5 millions de FCFP pour la construction de l’édifice.
    Le dernier recensement fait naître des inquiétudes. L’économie du territoire n’est toujours pas en mesure de retenir les forces vives du pays alors que la transition démographique semble achevée. Le prochain recensement permettra de constater si la tendance se confirme.

Bibliographie

  • ANGLEVIEL F., La coutume et l’État à Wallis-et-Futuna ou la perpétuation d’un mariage de raison, in Les figures de l’État dans le Pacifique, De DECKKER P. (L’Harmattan – 2006).
  • ANGLEVIEL F., LEXTREYT M., FROMENT M.M. et ALII, Wallis et Futuna, Hommes et espaces (Nouméa – 1994).
  • LELEIVAI H.P., Communication politique et trajectoires identitaires à Wallis-et-Futuna, in La France et les Outre-Mer, l’enjeu multiculturel (CNRS Édition n° 32-33 – 2002).
  • LOTTI A., Le passage du statut de Protectorat à celui de Territoire d’Outre-mer à Wallis et Futuna : 1958-1962 (mémoire de DEA, Bordeaux III – 2004).
  • PINELLI J.D. et GOURMEL G., Ouvrage collectif, Au pays des trois royaumes (Collection Pacifique – 1991).
  • Mgr PONCET A., Histoire de l’île Wallis, Tome II (Société des Océanistes n° 23– Paris – 1972).
  • REGNAULT J.M. (sous la direction de), François Mitterrand et les Territoires français du Pacifique : 1981-1988 (Les Indes savantes – 2003).
  • ROUX J.C, Wallis et Futuna, chroniques d’une micro insularité (CRET, collection îles et archipels n° 21, Bordeaux – 1995).
  • TÀVAKA Lanu’imoana, Mémoires de voyages, (Association pour la recherche historique Tàvaka, Nouméa – 2009)

Rapports

  • BUFFIÉRE B., Recensement général de la population de Wallis et Futuna en 2003 (Insee société n° 47, Paris – 2005).
  • BRIGHT P. et MAILAGI J.P, Atlas de la population de Wallis et Futuna (Secrétariat général de la commission du Pacifique (CPS), Auckland – 2007).
  • BROUSTET D., Profil démographique de Wallis et Futuna, basé sur le recensement de 2003 (Secrétariat général de la commission du Pacifique, Nouméa – 2007).
  • Rapports annuels : Wallis et Futuna en 2006,en 2007 (Institut d’Émission d’Outre-Mer, Nouméa – 2007/2008).


titre documents joints

Fiche 5 : PP.91-94 histoire terminale

7 août 2010
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