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Le préambule de l’Accord de Nouméa

lundi 20 septembre 2010

Fiche 7 PP.97-98 histoire terminale explication d’un document historique (exercice type bac)

Avertissement. Une erreur est à relever sur le manuel de l’élève, la partie en bleu n’est pas le titre du document mais l’extrait du troisième point du préambule

Réponses aux questions

1) Présentez la nature et les signataires de ce document.

Le document est un texte extrait de l’Accord de Nouméa, c’est un document officiel. Il a été signé le 5 mai 1998 à Nouméa. Il prend place au terme de l’application des Accords de Matignon (signés en 1988 par l’État, le RPCR et le FLNKS et prévus pour une durée de 10 ans). Il est signé par des représentants de l’État français (le Premier Ministre Lionel Jospin, le secrétaire d’Etat à l’Outre-mer Jean-Jacques Queyranne), du RPCR (Jacques Lafleur, député, président de la Province Sud et du RPCR ; Pierre Frogier, député, Simon Loueckhote, sénateur, Harold Martin, Jean Lèques, Bernard Deladrière) et du FLNKS (Roch Wamytan, président du FLNKS, Paul Néaoutine, président du Palika et de la Province nord Charles Pidjot, représentant l’UC, Victor Tutugoro, représentant l’UPM.). Parmi ces signataires, Jacques Lafleur, Pierre Frogier, et Jean Lèques étaient aussi signataires des Accords de Matignon.

2) Expliquez le passage en gras. En quoi ce document est-il le prolongement des Accords de Matignon-Oudinot ? (s’aider du doc 2 P.88)

Le passage en gras fait référence à la période des « Évènements » qui ont fait basculer la Nouvelle - Calédonie dans « la violence » et « le mépris » de 1984 à 1988. Les accords de Matignon permettent de sortir de cette crise politique en créant une nouvelle organisation institutionnelle (trois assemblées de province, un congrès composé de la réunion de leurs membres), des compétences conservées par l’Etat (compétences régaliennes et droit du travail, enseignement du second degré et supérieur), les institutions locales étant en charge de tout le reste. A cela s‘ajoute une politique de rééquilibrage en faveur du Nord et des Loyautés, ainsi qu’un plan de formation de 400 cadres, en priorité Mélanésiens. Enfin, les accords prévoient un scrutin d’autodétermination sur le maintien de la Nouvelle - Calédonie dans la République ou son accession à l’indépendance, et qui doit être mis en œuvre au plus tard le 31 décembre 1998. Ces accords sont soumis à un référendum et approuvés le 6 novembre 1988 à 57,02% des suffrages (Nouméa et le grand Nouméa le rejettent à 63%). Ils permettent sans aucun doute d’ouvrir « des pages de paix, de solidarités et de prospérité » en rétablissant l’ordre public et la stabilité politique.
L’accord de Nouméa prolonge certains principes des accords de Matignon. Les efforts de rééquilibrage géographique et social sont poursuivis (par exemple, les « 400 cadres » deviennent les « cadres - avenir »). Comme en 1988, l’accord de Nouméa permet de repousser le scrutin d’autodétermination, reporté au plus tard à 2018, la période d’application de ce nouvel accord ayant été portée à 20 ans ; les 10 ans d’effet des Accords de Matignon paraissaient en effet un peu trop courts.

3) Quelles nouveautés politiques, institutionnelles et sociales apparaissent dans l’Accord de Nouméa ?

L’accord de Nouméa est surtout porteur innovations majeures. Ainsi, le préambule de l’accord porte un jugement sur la période coloniale, sur ses « ombres » et ses « lumières » : c’est la première novation politique, faite à la demande du FLNKS.
L’accord de Nouméa place clairement la Nouvelle-Calédonie dans une perspective d’autodétermination politique (la « pleine souveraineté »). Il s’agit donc d’un accord de décolonisation. Il faut comprendre dans ce sens les transferts de compétences de l’État aux institutions locales (l’Etat ne devant conserver au terme de la période d’application de l’Accord que les compétences régaliennes : défense, justice, affaires étrangères, ordre public). La Nouvelle-Calédonie devient un véritable laboratoire institutionnel et politique : elle est définie comme une collectivité française d’un type nouveau, à statut évolutif. Ce n’est plus un TOM. 
De nouvelles institutions apparaissent. Le gouvernement collégial dispose du pouvoir exécutif. Le congrès peut prendre des délibérations « à valeur législative », ce sont les lois de pays. Il partage par conséquent le pouvoir législatif avec l’assemblée nationale. Ces innovations juridiques permettent d’ailleurs aux rédacteurs du préambule d’évoquer « une souveraineté partagée » pour définir ce nouveau cadre institutionnel. En lien avec la reconnaissance de l’identité kanak, le « Sénat coutumier » est créé et reconnaît la coutume au sein des institutions.
Une « citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie » est mise en place, préalable indispensable à une future « nationalité » et premier exemple d’infra-citoyenneté au sein de la République Française pourtant une et indivisible. Elle a d’ailleurs nécessité une révision de la Constitution. Le corps électoral est « restreint » aux seuls citoyens calédoniens pour les élections provinciales et pour le scrutin d’autodétermination. Cette citoyenneté s’accompagne d’un volet social : « l’accès à l’emploi local » prioritaire. Des « symboles identitaires » doivent être choisis (hymne, drapeau) traduisant la progression vers une souveraineté accompagnée de symboles nationaux distincts de ceux de la Métropole
La notion de « destin commun » à toutes les composantes de la population calédonienne est ainsi concrètement mise en œuvre par ce texte fondateur.

4) Quels sont les fondements sur lesquels reposent la citoyenneté et la future nationalité de la Nouvelle- Calédonie ?

La citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie est acquise aux populations du territoire auxquelles est reconnue une « légitimité à y vivre et à contribuer à son développement ». Il s’agit, au final, de toutes les composantes de la société calédonienne, exception faite des personnes récemment arrivées sur le territoire (il faut 10 ans de résidence en 1998) auxquelles la citoyenneté est refusée, considérant qu’elles n’ont pas le recul nécessaire pour une participation aux scrutins dont l’avenir du territoire dépend. On règle là une revendication de près de 30 ans. En effet, les indépendantistes ont régulièrement demandé la réduction du corps électoral aux seuls kanak et habitants issus de la colonisation ,(« les victimes de l’histoire », ainsi dénommés dans les années 1980) afin de lutter contre l’octroi de la citoyenneté aux personnes issues des différentes vagues d’immigration, qui les rendaient minoritaires sur leur propre terre.
Le terme « communautés » apparaît à plusieurs reprises. Ainsi, la citoyenneté de la Nouvelle -Calédonie doit fonder une « communauté humaine affirmant son destin commun », le terme « nation » n’apparaît pas dans le texte : il s’agit ici de mettre en place une citoyenneté s’appuyant sur « la refondation d’un contrat social » et non d’abord sur une unité nationale profonde, difficile à envisager en 1998 au vu de l’histoire calédonienne.
Le préalable à l’élaboration de ce nouveau contrat social repose sur la valorisation de la culture kanak et la reconnaissance d’une légitimité historique des différentes communautés culturelles du pays à participer à définition d’une identité commune, qui doit s’exprimer au travers de signes identitaires.

5) Quels sont les résultats et les limites de l’accord de Nouméa ?

La question du corps électoral restreint figé ou glissant est source de dissensions entre les signataires et devient un enjeu dans le débat politique et les campagnes électorales des années 2000. Cette question est désormais réglée juridiquement.
La défense de l’emploi local donne également lieu à des interprétations diverses et reste source de nombreux conflits sociaux ; elle finit par être inscrite en 2009 dans la législation locale à l’issue d’un consensus politique entre les forces politiques indépendantistes et non – indépendantistes, permettant ainsi le vote d’une loi sur l’emploi local au Congrès en Juillet 2010.
Le choix des symboles identitaires reste également délicat, trois d’entre eux ont été adoptés pas le Congrès le 18 août 2010 (l’hymne : « Soyons unis, devenons frères », la devise : « Terre de parole - Terre de partage », et le graphisme des billets de banque) les deux derniers (le drapeau et le nom de pays) sont encore, à ce jour, source de débats. En effet, les indépendantistes souhaitent opter pour le nom de pays « Kanaky » et le drapeau indépendantiste, tandis qu’au sein de l’Entente républicaine (regroupant les forces politiques non – indépendantistes), des dissensions apparaissent entre les membres du RUMP, favorables à la coexistence des deux drapeaux Français et indépendantiste, et ceux de Calédonie Ensemble, misant sur la réalisation d’un nouveau drapeau calédonien unique (voir l’extrait de l’article « Nom et drapeau : encore du pain sur la planche » , Les Nouvelles Calédoniennes, du 19 août 2010).
La date du scrutin d’autodétermination est discutée : une partie des Non-indépendantistes, aux côtés de P. Frogier, a d’abord proposé en 2009 de le réaliser en 2014 (l’échéance la plus courte prévue par l ‘accord) pour « purger » la question de l’indépendance ; les indépendantistes souhaitent le mettre en œuvre plus tard, exception faite du Parti Travailliste : ces points de vues illustrent vraisemblablement la principale limite de cet accord, qui prévoit un accès différé de la Nouvelle-Calédonie à une pleine souveraineté à laquelle les non- indépendantistes restent hostiles : l’accord de Nouméa, qui est lui-même une solution consensuelle de sortie des accords de Matignon – Oudinot, laisse entière la question de l’indépendance ou non du territoire calédonien. La réflexion autour des modalités de sortie de l’accord est entamée à la fin des années 2000. Dès lors, les futures élections provinciales de 2014 deviennent un enjeu majeur pour l’ensemble des forces politiques calédoniennes.
Enfin, il faut souligner le fait que les institutions fonctionnent correctement, le défi de la collégialité étant bien relevé depuis 2004.

Documents complémentaires

Extraits des Nouvelles Calédoniennes pouvant permettre de compléter la réflexion sur le sujet

La solution selon Frogier

« Pierre Frogier ne parle plus de « purger l’indépendance » en 2014. Mais plus que jamais d’organiser un référendum, pour proposer une solution alternative de très large autonomie, dont le cadre institutionnel reste à fixer.
Et si la Nouvelle-Calédonie décidait, en 2014, de s’octroyer un statut de très large autonomie en choisissant « librement » de laisser à la République l’exercice des compétences régaliennes. C’est en substance la proposition formulée samedi par Pierre Frogier dans son discours de clôture du bureau politique du Rassemblement. Une proposition « qui mènerait le pays aux confins de l’autonomie ».(…)
Il s’agit en gros de reformuler le questionnement du référendum de sortie de l’accord de Nouméa. Accord qu’il juge incomplet, insuffisamment abouti. Parce que le (ou les) référendum (s) prévu(s) donne(nt) le choix entre l’indépendance et… On ne sait pas.
« Si la réponse est positive, c’est la pleine souveraineté, on baisse dès le lendemain le drapeau bleu blanc rouge […].
Si la réponse est négative ? Eh bien, on ne sait pas ce qu’on fait. Rien n’est prévu sauf de se mettre autour d’une table pour discuter […]. Il nous faut donc aborder le problème autrement. »
« Autrement », c’est-à-dire préparer dès maintenant une solution institutionnelle novatrice, et alternative à l’indépendance. Une solution qui doit pouvoir contenter ou tout au moins consoler les indépendantistes.
Tout cela est-il très nouveau ? Pas entièrement. Lors de la campagne des législatives 2007, Pierre Maresca et Pierre Bretegnier, deux éminences du Rassemblement, s’étaient entourés de juristes pour explorer et évoquer une solution fédéraliste. La Calédonie deviendrait un État fédéré à la France. Philippe Gomès parlait lui de « petite nation dans la grande ». Dans le camp indépendantiste, nombreux sont ceux qui acceptent déjà l’idée d’État associé. Ou qui font primer la notion de décolonisation sur celle d’indépendance à tout prix. Bref, on cogite un peu partout sur différents concepts pas si éloignés les uns des autres.
Ce qui est nouveau en revanche, c’est la volonté d’introduire une proposition institutionnelle de large autonomie dans le questionnement du référendum en lieu et place du « non ». En cela, Pierre Frogier reste fidèle à sa propre logique. Quand d’autres parlent d’éviter le référendum, de trouver une nouvelle solution consensuelle, un pacte trentenaire, le leader du Rassemblement veut toujours solder la question de l’indépendance par un référendum dès 2014. Mais il le fait à présent en proposant une alternative qui irait au bout de la logique autonomiste, dans un cadre institutionnel qui reste à inventer, mais qui serait inscrit dans la constitution française.
Pierre Frogier avait-il le sentiment de prendre un risque en traçant cette voie devant une assemblée dont certains membres n’ont pas tout à fait digéré le pacte républicain négocié principalement par lui et Philippe Gomès au lendemain des provinciales ? En tout cas il a été applaudi debout.
En martelant que l’accord de Nouméa était à ses yeux incomplet. En souhaitant que la Calédonie assume un maximum de compétences de gestion, mais en affirmant que « nous n’avons ni la capacité, ni le désir, ni la volonté d’exercer les compétences régaliennes […] parce que c’est le lien qui nous unit à la France et que nous ne voulons surtout pas le rompre », il semble avoir rassuré son aile droite. »

Les Nouvelles Calédoniennes, « la solution selon Frogier », 26 octobre 2009.

Philippe Gomès précise sa vision du calendrier.

« Philippe Gomès veut mettre les points sur les « i ». Il est favorable à l’ouverture rapide de discussions sur la sortie de l’accord de Nouméa, mais c’est aux élus d’après 2014 qu’il appartiendra de les finaliser.

Pour appuyer son argumentaire, Philippe Gomès rappelle que, dans son programme en vue des provinciales de 2009, Calédonie ensemble affirmait que le moment était venu « d’imaginer une nouvelle solution consensuelle pour éviter un référendum inutile (...) et que les discussions dans ce sens devaient commencer dès l’ouverture de la prochaine mandature » (NDLR : dès le deuxième semestre 2009).
« Si nous voulons, à marche forcée, formaliser une solution institutionnelle avant 2014, cela conduira inévitablement à une surenchère politique à l’approche de l’échéance majeure des provinciales de 2014. Par ailleurs, ce sont bien les formations politiques issues du verdict des urnes de 2014 qui auront la responsabilité de consacrer cette solution politique, et la légitimité pour le faire. » »

Les Nouvelles Calédoniennes, « Philippe Gomès précise sa vision du calendrier », 22 février 2010.

Charles Washetine, tête de la liste Palika : « Jeter des passerelles entre les collectivités ».

« Calée sur son projet d’indépendance kanak révolutionnaire socialiste, la liste Palika menée par Charles Washetine souhaite impulser une dynamique d’investissement dans les Iles le 6 décembre prochain. Elle appelle à la mobilité des personnes afin de créer la citoyenneté. (…)
Comment voyez-vous la sortie de l’accord de Nouméa ?
L’accord de Nouméa est très clair. En 2014, contrairement à ce que disent certains, ce n’est pas le référendum, ce sont les élections provinciales. Et durant cette mandature-là, les populations seront interrogées sur la sortie du processus. Nous respectons le calendrier et les modalités prescrites dans la loi.
« Notre projet reste l’indépendance kanak révolutionnaire socialiste. L’accord de Nouméa est un moyen pour atteindre cet objectif. Il faut s’approprier la feuille de route, se recentrer autour de la stratégie voulue afin d’accéder à l’indépendance. » »

Les Nouvelles Calédoniennes, 30 novembre 2009

L’accord, rien que l’accord

« Même si l’Union calédonienne entend écouter les positions de l’État à Paris, son opinion sur la sortie de l’accord de Nouméa ne peut pas être négociée. Selon le mouvement indépendantiste, les « éléments fondamentaux » du texte doivent être mis en œuvre.
Invités par Marie-Luce Penchard, le Palika-Uni et l’Union calédonienne s’entretiendront en ce début de semaine, à Paris, avec la ministre chargée de l’Outre-Mer. Au cœur des échanges, la sortie de l’accord de Nouméa. Un sujet parmi d’autres évoqués samedi par l’UC lors d’un comité directeur extraordinaire préparatoire à la rencontre. « L’accord de Nouméa, rien que l’accord de Nouméa », annonce Gilbert Tyuienon, membre du bureau. Une solution du genre pacte cinquantenaire est écartée. « On va jusqu’au bout, pas question de négociation. Les choses sont claires. » La mise en place d’une consultation devra porter sur les termes de l’accord. C’est-à-dire le passage de la citoyenneté à la nationalité, et le transfert des compétences régaliennes. »

Les Nouvelles Calédoniennes, 19 avril 2010.

Nom et drapeau : encore du pain sur la planche

Ce vote réveille une soustraction : il reste deux autres signes identitaires sur la table. Et pas des moindres, le nom du pays et le drapeau. Ce « sujet sensible » fera l’objet d’« un autre projet de loi qui vous sera transmis pour examen ultérieurement » a indiqué hier, prudemment, le rapporteur Uni Jean-Pierre Djaïwé aux élus du Congrès. Avant de préciser : le comité des signataires, tenu à Paris le 24 juin dernier, a recommandé l’engagement de travaux sur ces questions, conformément au point 1.5 de l’accord de Nouméa. Et là, les interprétations divergent. De l’Uni au Parti travailliste, les indépendantistes ont leurs propositions : « Kanaky », et l’étendard bleu, rouge et vert orné d’un cercle jaune et d’une flèche faîtière. Côté loyalistes, la discussion est envenimée, comme la séance de ce mercredi a pu le démontrer. L’Entente républicaine, déjà bien malmenée pour d’autres motifs, se fissure sous les coups nés des échanges sur ce chapitre des signes identitaires.
Le RUMP Pierre Frogier l’a hier répété : « ma conviction, c’est qu’il est prématuré de rechercher un drapeau du pays selon les directives du point 1.5 de l’accord de Nouméa ». Plus encore, « ma conviction, c’est qu’il faudra du temps mais que la Nouvelle-Calédonie finira par s’approprier ces deux drapeaux qui représentent sa part mélanésienne et océanienne indissociable de son identité européenne et française ». En clair, la coexistence des deux emblèmes, officialisée à Nouméa sous le regard du Premier ministre, est inscrite dans les airs pour un bon moment.
Le « partenaire » dans le pacte stabilité, Calédonie ensemble, ne l’entend pas du tout ainsi, et a porté le mois dernier au Congrès un voeu sur l’ouverture de discussions concernant la recherche du nom et du drapeau du pays. Vœu qui, pour l’instant, est resté sans écho dans l’hémicycle. « Il faut ouvrir les discussions » répète Philippe Gomès, leader du parti. « Il faut engager le chemin, même s’il est abrupt, ou escarpé. Il n’est jamais inutile de discuter ». L’agacement est croissant. Des logiques s’affrontent. Reste à évaluer l’impact des étincelles.

Les Nouvelles Calédoniennes, 19 août 2010.

Texte intégral du préambule

Texte intégral du préambule de l’Accord de Nouméa signé le 5 mai 1998

1- Lorsque la France prend possession de la Grande Terre, que James Cook avait dénommée « Nouvelle - Calédonie », le 24 septembre 1853, elle s’approprie un territoire selon les conditions du droit international alors reconnu par les nations d’Europe et d’Amérique, elle n’établit pas des relations de droit avec la population autochtone. Les traités passés, au cours de l’année 1854 et les années suivantes, avec les autorités coutumières, ne constituent pas des accords équilibrés mais, de fait, des actes unilatéraux.
Or, ce territoire n’était pas vide.
La Grande Terre et les Iles étaient habités par des hommes et des femmes qui ont été dénommés kanaks. Ils avaient développé une civilisation propre, avec ses traditions, ses langues, la coutume qui organisait le champ social et politique. Leur culture et leur imaginaire s’exprimaient dans diverses formes de création.
L’identité kanak était fondée sur un lien particulier à la terre. Chaque individu, chaque clan se définissait par un rapport spécifique avec une vallée, une colline, la mer, une embouchure de rivière, et gardait la mémoire de l’accueil d’autres familles. Les noms que la tradition donnait à chaque élément du paysage, les tabous marquant certains d’entre eux, les chemins coutumiers structuraient l’espace et les échanges.

2- La colonisation de la Nouvelle – Calédonie s’est inscrite dans un vaste mouvement historique où les pays d’Europe ont imposé leur domination au reste du monde.
Des hommes et des femmes sont venus en grand nombre, au dix - neuvième et vingtième siècles, convaincus d’apporter le progrès, animés par leur foi religieuse, venus contre leur gré ou cherchant une seconde chance en Nouvelle – Calédonie. Ils se sont installés et ont fait souche. Ils ont apporté avec eux leurs idéaux, leurs connaissances, leurs espoirs, leurs ambitions, leurs illusions et leurs contradictions.
Parmi eux certains, notamment les hommes de culture, des prêtres ou des pasteurs, des médecins et des ingénieurs, des administrateurs, des militaires, des responsables politiques ont prote sur le peuple d’origine un regard différent, marqué par une plus grande compréhension ou une réelle compassion.
Les nouvelles populations sur le territoire ont participé, dans des conditions difficiles, en apportant des connaissances scientifiques et techniques, à la mise en valeur minière ou agricole et, avec l’aide de l’Etat, à l’aménagement de la Nouvelle – Calédonie. Leur détermination et leur inventivité ont permis une mise en valeur et jeté les bases du développement.
La relation de la Nouvelle – Calédonie avec la métropole lointaine est demeurée longtemps marquée par la dépendance coloniale, un lien univoque, un refus de reconnaître les spécificités, dont les populations nouvelles ont aussi souffert dans leurs aspirations.

3- Le moment est venu de reconnaître les ombres de la période coloniale, même si elle ne fut pas dépourvue de lumière.
Le choc de la colonisation a constitué un traumatisme durable pour la population d’origine. Des clans ont été privés de leur nom en même temps que de leur terre. Une importante colonisation foncière a entrainé des déplacements considérables de population, dans lequel des clans kanak ont vu leurs moyens de subsistance réduits et leurs lieux de mémoire perdus. Cette dépossession conduira à une perte des moyens identitaires.
L’organisation sociale kanak, même si elle a été reconnue dans ses principes, s’en est trouvée bouleversée. Les mouvements de population l’ont déstructurée, la méconnaissance, ou des stratégies de pouvoir, ont conduit trop souvent à nier les autorités légitimes et à mettre en place des autorités dépourvues de légitimité selon la coutume, ce qui a accentué le traumatisme identitaire.

A cette négation des éléments fondamentaux de l’identité kanak se sont ajoutés des limitations aux libertés publiques et une absence de droits politiques alors même que les kanak avaient payé un lourd tribut à la défense de la France, notamment lors de la première guerre mondiale.
Les kanak ont été repoussés aux marges géographiques, économiques et politiques de leur propre pays, ce qui ne pouvait, chez un peuple fier et non dépourvu de traditions guerrières, que provoquer des révoltes, lesquelles ont suscité des répressions violentes, aggravant les ressentiments et les incompréhensions.
La colonisation a porté atteinte à la dignité du peuple kanak qu’elle a privé de son identité. Des hommes et des femmes ont perdu dans cette confrontation leur vie ou leur raison de vivre. De grandes souffrances en sont résultées. Il convient de faire mémoire de ces moments difficiles, de reconnaître les fautes, de restituer au peuple kanak son identité confisquée, ce qui équivaut pour lui à une reconnaissance de sa souveraineté, préalable à la fondation d’une nouvelle souveraineté, partagée dans un destin commun.

4) La décolonisation est le moyen de refonder un lien social durable entre les communautés qui vivent aujourd’hui en Nouvelle – Calédonie, en permettant au peuple kanak d’établir avec la Franc des relations nouvelles correspondant aux réalités de notre temps.
Les communautés qui vivent sur le territoire ont acquis par leur participation à l’édification de la Nouvelle – Calédonie une légitimité à y vivre et à contribuer à son développement. Elles sont indispensables à son équilibre social et au fonctionnement de son économie et de ses institutions sociales. Si l’accession des kanak aux responsabilités demeure insuffisante et doit être accrue par des mesures volontaristes, il n’en reste pas moins que la participation des autres communautés à la vie du territoire lui est essentielle.
Il est aujourd’hui nécessaire de poser les bases d’une citoyenneté de la Nouvelle - Calédonie, permettant au peuple d’origine de constituer avec les hommes et les femmes qui y vivent une communauté humaine affirmant son destin commun.
La taille de la Nouvelle – Calédonie et ses équilibres économiques et sociaux ne permettent pas d’ouvrir largement le marché du travail et justifient des mesures de protection de l’emploi local. Les accords de Matignon signés en juin 1988 ont manifesté la volonté des habitants de Nouvelle – Calédonie de tourner la page de la violence et du mépris pour écrire ensemble des pages de paix, de solidarités et de prospérité.
Dix ans plus tard, il convient d’ouvrir une nouvelle étape, marquée par la pleine reconnaissance de l’identité Kanak, préalable à la refondation d’un contrat social entre toutes les communautés qui vivent en Nouvelle - Calédonie, et par un partage de souveraineté avec la France, sur la voie de la pleine souveraineté.
Le passé a été le temps de la colonisation. Le présent est le temps du partage, par le rééquilibrage.
L’avenir doit être le temps de l’identité, dans un destin commun.
La France est prête à accompagner la Nouvelle – Calédonie dans cette voie.

5) Les signataires des accords de Matignon ont donc décidé d’arrêter ensemble une solution négociée, de nature consensuelle, pour laquelle ils appelleront l’ensemble des habitants de Nouvelle – Calédonie à se prononcer.
Cette solution définit pour vingt années l’organisation politique de la Nouvelle – Calédonie et les modalités de son émancipation.
Sa mise en œuvre suppose une loi constitutionnelle que le gouvernement s’engage à préparer en vue de son adoption par le parlement.
La pleine reconnaissance de l’identité kanak conduit à préciser le statut coutumier et ses liens avec le statut civil des personnes de droit commun, à prévoir la place des structures coutumières dans les institutions, notamment par l’établissement d’un Sénat coutumier, à protéger et à valoriser le patrimoine kanak, à mettre en place de nouveaux mécanismes juridiques et financiers pour répondre aux demandes exprimées au titre du lien avec la terre, tout en valorisant sa mise en valeur, et à adopter des symboles identitaires exprimant la place essentielle de l’identité kanak du pays dans la communauté de destin acceptée.
Les institutions de la Nouvelle – Calédonie traduiront cette nouvelle étape vers la souveraineté : certaines des délibérations du Congrès du territoire auront valeur législative et un Exécutif élu les préparera et les mettra en œuvre.
Au cours de cette période, des signes seront donnés de la reconnaissance progressive d’une citoyenneté de la Nouvelle – Calédonie, celle – ci devant traduire la communauté de destin choisie et pouvant se transformer, après la fin de la période, en nationalité, s’il en était décidé ainsi.
Le corps électoral pour les élections aux assemblées locales propres à la Nouvelle – Calédonie sera restreint aux personnes établies depuis une certaine durée. Afin de tenir compte de l’étroitesse du marché du travail, des dispositions seront définies pour favoriser l’accès à l’emploi local des personnes durablement établies en Nouvelle – Calédonie.
Le partage des compétences entre l’Etat et la Nouvelle – Calédonie signifiera la souveraineté partagée. Il sera progressif. Des compétences seront transférées dès la mise en œuvre de la nouvelle organisation. D’autres le seront dans un calendrier défini, modulable par le congrès, selon le principe d’auto – organisation. Les compétences transférées ne pourront revenir à l’Etat, ce qui traduira le principe d’irréversibilité de cette organisation.
La Nouvelle – Calédonie bénéficiera pendant toute la durée de mise en œuvre de la nouvelle organisation de l’aide de l’Etat, en termes d’assistance technique et de formation et des financements nécessaires, pour l’exercice des compétences transférées et pour le développement économique et social.
Les engagements seront inscrits dans des programmes pluriannuels. La Nouvelle – Calédonie prend part au capital et au fonctionnement des principaux outils du développement dans lequel l’Etat est partie prenante.
Au terme d’une période de vingt années le transfert à la nouvelle – Calédonie des compétences régaliennes, l’accès à un statut international de pleine responsabilité et l‘organisation de la citoyenneté en nationalité seront proposé au vote des populations intéressées. Leur approbation équivaudrait à la pleine souveraineté de la Nouvelle – Calédonie.


titre documents joints

Le préambule de l’Accord de Nouméa

20 septembre 2010
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