HG/NC Le site académique d'histoire-géographie de Nouvelle-Calédonie

1946-1958 : égalité juridique, autonomie et réformes

samedi 17 juillet 2010

Synthèse

La Seconde Guerre mondiale a entraîné la Nouvelle-Calédonie dans de profondes mutations tant sociales qu’économiques. Ce conflit a également profondément modifié la perception des empires coloniaux par la métropole. Cette période s’ouvre donc sur deux changements juridiques majeurs aux conséquences politiques locales profondes. En effet, la Nouvelle-Calédonie, à partir de 1946, n’est plus une colonie mais un Territoire d’Outre-mer (T.O.M.) et les Kanak ne sont plus régis par le régime de l’indigénat. En quoi la période 1946-1958 est-elle charnière en Nouvelle-Calédonie ? Comment, durant cette période, les jalons des principes fondamentaux d’égalité civique, de pluralisme politique et d’autonomie institutionnelle caractérisant la Nouvelle-Calédonie aujourd’hui sont-ils posés ?
Pourquoi peut-on dire qu’au fil de ces années une nouvelle société calédonienne émerge ?

I- La fin de l’indigénat : vers l’égalité civique ?

Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, différents statuts juridiques cohabitent au sein de la population de la Nouvelle-Calédonie. L’égalité des droits n’est pas de mise. Depuis la fin du XIXe siècle, le régime de l’indigénat limite les libertés de la population mélanésienne tout en la privant de la citoyenneté française.
Mais à partir de 1945, l’abolition du régime de l’indigénat est programmée.
En effet, dès 1944 la déclaration finale de la conférence de Brazzaville appelle à la modernisation de l’Empire et à la réduction des inégalités en son sein. Localement, l’engagement de nombreux Kanak dans le bataillon du Pacifique mérite d’être pris en compte pour une amélioration de leur sort.
Pourtant, il a fallu toute l’année 1946 pour, peu à peu, démanteler le statut de l’indigénat en Nouvelle-Calédonie. Les résistances du Conseil Général à Nouméa furent nombreuses. Pour exemple, la loi du 11 avril 1946 dite loi Houphouët-Boigny qui abolit immédiatement le travail forcé sous toutes ses formes est seulement promulguée en Nouvelle-Calédonie en août 1946. A plusieurs reprises, Paris par l’intermédiaire du ministre doit rappeler au gouverneur l’obligation d’appliquer cette loi en Nouvelle-Calédonie !
Mais le problème du corps électoral fut encore plus ardu à résoudre. Dès le 22 août 1945, une ordonnance accorde le droit de vote aux indigènes non-citoyens, ministres du culte, militaires et anciens combattants des deux guerres mondiales, fonctionnaires et agents de l’administration, titulaires de diplômes officiels et chefs traditionnels. Cette ordonnance demeure la référence pour définir le corps électoral jusqu’en 1951 puisque la Nouvelle-Calédonie est exclue de la loi du 13 avril 1946 précisant pourtant que « tous les non-citoyens de quelque instruction sachant lire le français, travaillant ou ayant travaillé plus de 2 ans comme salariés peuvent voter ».
Ainsi, bien que la citoyenneté française soit accordée à toute la population calédonienne le 12 octobre 1946, le suffrage universel est instauré seulement en 1957.

II- De nouveaux statuts pour la Nouvelle-Calédonie mettent progressivement fin au régime colonial.

En 1946, dans le cadre de l’Union Française, la Nouvelle-Calédonie devient un Territoire d’Outre Mer (T.O.M.). Ce T.O.M. est représenté à Paris par le premier député calédonien, Roger Gervolino, élu en 1946 et par un conseiller de la République (futur sénateur) Henri Lafleur élu en 1947. La Nouvelle-Calédonie peut, dans l’absolu, bénéficier alors des avancées législatives nationales, éventuellement après adaptation, alors que le régime colonial se caractérisait par un écart permanent de législation entre la métropole et les colonies. Ainsi au fil des années, un équilibre est recherché entre l’application dans le T.O.M. des lois nationales au nom du principe d’égalité et l’autonomie des normes pour tenir compte des particularismes.
Localement, le pouvoir du gouverneur demeure dominant puisque ce dernier dispose toujours du pouvoir exécutif. L’Assemblée élue reste le Conseil Général et vote le budget et les impôts.
Donc la tradition centralisatrice de la gestion de l’Outre-mer perdure.
Le statut de 1957, dans le cadre de l’application de la loi-cadre Defferre de 1956, renferme cinq nouveautés fondamentales : le suffrage devient complètement universel ; la fonction publique est étoffée et séparée entre l’Etat et le Territoire ; le Conseil de gouvernement remplace le Gouverneur en ce qui concerne l’exécutif pour les questions locales ; les ministres locaux dirigent leurs secteurs ; l’Assemblée Territoriale dispose du pouvoir législatif. En 1957, la Nouvelle-Calédonie expérimente donc l’autonomie interne avec l’élection du premier conseil de gouvernement.

III- Quelles évolutions politiques et sociales (1946-1957) ?

En 1945, la création d’un Parti Communiste Calédonien devenant assez influent auprès des populations mélanésiennes entraîne une réaction des Eglises. La hiérarchie catholique fonde l’Union des Indigènes Calédoniens Amis de la Liberté dans l’Ordre (U.I.C.A.L.O.) sur la base d’un manifeste adopté en mai 1946 à l’évêché de Nouméa. L’U.I.C.A.L.O est présidée par Roch Pidjot.
En réaction, les autorités protestantes créent en 1947, l’Association des Indigènes Calédoniens et Loyaltiens Français (A.I.C.L.F.). Son premier président est Kowi Bouillant et Doui Matayo Wetta son premier secrétaire.
Ces associations kanak permettent l’émergence d’une première génération d’hommes politiques mélanésiens. Cependant, au fil des années, un homme d’origine métropolitaine devient leur porte-parole. En effet, en 1951, Maurice Lenormand, marié à une mélanésienne, Simone Wapata Soot, présente sa candidature contre le député sortant Roger Gervolino. Candidat sans étiquette, mais soutenu par l’U.I.C.A.L.O.et l’A.I.C.L.F, il remporte ces élections.
Il se pose dès lors comme l’émancipateur de la communauté mélanésienne et le promoteur d’une certaine idée des relations intercommunautaires et du développement économique. Il choisit de siéger parmi le groupe parlementaire des Indépendants d’Outre-mer.
Aux élections de 1953, les « listes d’Union Calédonienne » élaborées par Maurice Lenormand et composées de militants des deux associations associés à des petits colons remportent la victoire. Ce succès électoral permet l’entrée de 9 Mélanésiens au Conseil général.
En 1956, la réélection de Maurice Lenormand au poste de député est triomphale. Cette dynamique aboutit à la création, la même année du « Mouvement d’Union Calédonienne ».
Le 6 octobre 1957, ce parti désormais dénommé « Union Calédonienne » remporte les premières élections territoriales, avec 18 conseillers sur 35. Il obtient donc la présidence du conseil de gouvernement en la personne de M. Lenormand.
L’Union Calédonienne est devenue la première force politique du pays.
Ces mutations politiques fondamentales s’accompagnent également de mutations économiques et sociales profondes. Entre 1946 et 1958, émerge une « nouvelle société calédonienne ». Depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, le contexte économique favorable permet le lancement de grands travaux comme ceux du barrage de Yaté. De nouvelles infrastructures routières et portuaires apparaissent.
Une fois au pouvoir, l’Union Calédonienne accompagne ce développement, ce « rééquilibrage » et ce désenclavement par toute une série de réformes, en vertu du fameux slogan « deux couleurs, un seul peuple ». Des réformes majeures ont été menées dans de multiples domaines ; sanitaire, social, agricole et scolaire. Et un Code du Travail a été promulgué. L’ensemble de ces réformes visait à développer la Brousse et les îles d’une part et à améliorer les conditions de vie en milieu mélanésien d’autre part.
L’Etat a accompagné cette dynamique en créant le FIDES. Ce Fonds d’Investissement pour le Développement Economique et Social permet le financement d’un premier plan décennal d’équipement du Territoire qui débute en 1948. Ce plan s’adresse en priorité aux collectivités mélanésiennes.
Cependant, malgré toutes ces réformes durant les années 1950, les inégalités sociales perdurent en Nouvelle-Calédonie, notamment en matière d’inégalités salariales. Un monde ouvrier mélanésien se développe au fil des années mais avec des rémunérations inférieures à celles des ouvriers européens.
Cette situation entraîne la tenue d’une manifestation le 22 février 1956 qui rassemble 3000 personnes à Nouméa, réclamant la parité des salaires entre Européens et non-Européens.

Conclusion : Les années 1946-1958 sont résolument des années charnières dans l’histoire contemporaine calédonienne car elles posent les jalons d’une vie institutionnelle et politique qui régit le Territoire dans les décennies suivantes. Le régime de l’indigénat n’est plus, les différentes communautés sont appelées à vivre ensemble en toute égalité. Ensuite, le train de réformes mené par l’Union Calédonienne tend à juguler des inégalités sociales et géographiques. La tâche était immense à accomplir, elle ne l’a pas été totalement mais pour la première fois dans son histoire, la Nouvelle-Calédonie par la voix d’une nouvelle élite politique locale, de manière autonome, a su recenser ses dysfonctionnements et tenter d’y remédier.

Commentaire

Document 1 : Les conséquences locales de la conférence de Brazzaville (Congo AEF)

  • Document 1 a : la conférence de Brazzaville en janvier 1944 débouche sur cette proclamation
    Pour la colonie française de Nouvelle-Calédonie où la population mélanésienne ne bénéficie pas de la nationalité française en vertu du régime de l’indigénat, ce texte est essentiel car il appelle à la création d’une élite indigène sur une base d’égalité avec les fonctionnaires européens. La restriction majeure de ce texte, à savoir, écarter « toute idée d’autonomie, toute possibilité d’évolution hors du bloc français de l’Empire » ne gène pas cette terre française du Pacifique car l’heure n’est pas encore aux revendications indépendantistes, comme c’est au contraire le cas dans d’autres régions de l’empire.
  • Document 1 B :le 15 juin 1945, le Conseil Général réuni en session extraordinaire adopte le voeu suivant.
    Pour l’heure, la préoccupation du Conseil Général est l’accès à la nationalité française pour les indigènes. En effet, l’engagement volontaire de Mélanésiens durant la première guerre mondiale et le ralliement d’un millier d’entre eux au bataillon du Pacifique à partir de 1940 indique, comme l’annonce le texte, « leur attachement à la Patrie ». De ce fait, le Conseil Général attend de la France qu’elle récompense ces anciens combattants, notamment en leur attribuant la nationalité française. « Que la Haute Administration (…) s’intéresse d’une façon plus reconnaissante à ces Français dont le titre ne peut être contesté ». Dans cette phrase, le président Bergès évoque à demi-mots le premier conflit mondial à l’issue duquel aucune évolution du régime de l’indigénat n’a eu lieu. Aux lendemains de la révolte kanak de 1917, le temps n’était pas à une amélioration du statut des indigènes, même en reconnaissance d’engagement dans les rangs de l’armée française.
    Ce texte illustre donc une réelle avancée dans les mentalités européennes de Nouvelle-Calédonie. Cependant, il faut noter que cet accès à la nationalité française pour les Kanak est revendiqué seulement pour les anciens combattants. Cela préfigure de la lenteur avec laquelle le titre de citoyen français sera attribué à l’ensemble des Mélanésiens.
  • Document 1C : lettre adressée en novembre 1945 par les tirailleurs autonomes du Bataillon du Pacifique, combattants volontaires des F.F.L. et par les marins autochtones des F.N.F.L.
    Ce document n’a pas fait l’objet d’une mention complète des sources sur le manuel. Il faut y ajouter que ce document à été légué à Monsieur Olivier Houdan, qui l’a lui-même communiqué lors d’un stage du PAF organisé par le Vice-rectorat en 2008.
    Ce document fait écho à la déclaration du Conseil Général. Ces tirailleurs et marins indigènes engagés volontaires dans le Bataillon du Pacifique réclament une « amélioration de leur condition sociale, économique, culturelle et politique » et ce pour l’ensemble du monde mélanésien. Ils emploient au passage des expressions assez fortes pour exprimer leur désir d’être reconnus comme des citoyens français à part entière, telles que « ils ont mérité d’être considérés comme de vrais fils de la France » ! Ils évoquent également le rachat des « fautes qu’ont pu commettre leurs ancêtres », certainement en référence aux révoltes de 1878 et 1917.
    Au final, ils revendiquent une amélioration de leurs conditions de vie, une rénovation de leur statut civil qui passerait par l’accès à la nationalité française tout en préservant leurs us et coutumes mélanésiens. En fait, certes en termes choisis, mais au final le régime de l’indigénat est entièrement dénoncé. La mission colonisatrice de la France est acceptée mais ces anciens combattants demandent reconnaissance à celle-ci, pour eux comme pour leur communauté ethnique.

Document 2 : vers une émancipation civique et politique des Mélanésiens ?

Ce document confirme ce que laissait augurer la déclaration du Conseil Général en juin 1945. Au cours de l’année 1946, le régime de l’indigénat est peu à peu supprimé en Nouvelle-Calédonie en vertu des évolutions générales au sein de l’empire. En revanche, la définition du corps électoral dont les Kanak étaient exclus jusqu’alors pose problème. Il faut noter qu’avant cette lettre, en mars 1946, un cahier des revendications indigènes signé Népounya Némia, secrétaire du grand chef Naisseline à Maré a déjà été transmis à Paris et en mai 1946, une pétition couverte par 118 signatures d’indigènes de Lifou, tous anciens combattants des deux guerres mondiales est rédigée, réclamant là encore la citoyenneté française, pleine et entière, pour les Mélanésiens. De surcroît, de plus en plus de jeunes travailleurs, fonctionnaires, soldats récemment démobilisés tous mélanésiens sont sensibles à la propagande du parti communiste en faveur de l’égalité et des droits de l’homme.

Document 4 : l’évolution du corps électoral mélanésien et européen en Nouvelle-Calédonie (1946-1957)

En regard de cette nouvelle loi et dans la perspective des prochaines élections pour le renouvellement du Conseil Général prévues pour le 30 juin, la procédure d’inscription des nouveaux électeurs est aussitôt engagée. Mais l’électorat européen s’inquiète. Le gouverneur de l’époque, Tallec, rapporte au ministre que « la réaction des blancs se développe maintenant avec une ampleur inquiétante. Des incidents sont à craindre ». Il demande donc à son supérieur de « différer la fixation des élections au Conseil Général (car il est) impossible d’envisager des élections avec le corps électoral du 13 avril 1946 ». Au final, comme le 5 mai 1946 le projet de Constitution est rejeté par l’ensemble des électeurs, notamment à 74 % en Nouvelle-Calédonie, le corps électoral n’est pas modifié, cependant Paris exige au moins la mise à jour des listes électorales. Cette mise à jour entraîne l’inscription de seulement 267 électeurs non-citoyens supplémentaires. Les électeurs européens demeurent donc 9 fois plus nombreux que les électeurs mélanésiens alors que la population européenne est minoritaire en Nouvelle-Calédonie en 1946.
Mais le débat autour de l’évolution inéluctable du corps électoral calédonien est seulement reporté. D’ailleurs, cette question est au centre des débats de la campagne législative qui oppose Pierre Mariotti à Roger Gervolino en 1946. Ce dernier est confortablement réélu le 2 juin 1946. Fort de cette réélection, il ne rencontre aucune difficulté pour faire valoir à Paris son opposition à la loi électorale du 13 avril.
Ainsi, le 4 octobre 1946, l’Assemblée Nationale adopte la nouvelle loi électorale et en exclut la Nouvelle-Calédonie. Les Mélanésiens ont donc la qualité de citoyens français au même titre qu’un citoyen métropolitain mais sans les droits politiques qui s’y rattachent. Ce statu-quo, largement favorable aux Européens, est maintenu jusqu’en 1951.
En effet, le 23 mai 1951, une loi élargit le collège électoral indigène dans les territoires relevant du ministère de la France d’outre-mer. Cette loi s’applique cette fois également en Nouvelle-Calédonie. Ainsi, les listes électorales comptent dorénavant 8939 électeurs mélanésiens, soit 60 % des Kanak en âge de voter et parmi eux 3444 femmes. La marge de manoeuvre de l’électorat européen s’est largement réduite.
Ainsi, les élections de 1953 permettent l’entrée pour la première fois de Mélanésiens au Conseil Général.
Cependant, les dernières restrictions au suffrage universel en Nouvelle-Calédonie ne sont levées qu’en 1957. A partir de cette date, l’ensemble du monde mélanésien obtient le droit de vote. A la lecture de la répartition ethnique des électeurs en 1957, on mesure mieux l’enjeu de cette question pour les Européens depuis 1945 : leur majorité se limite maintenant seulement à quelques électeurs.

Document 5 : tableau des institutions publiques en Nouvelle-Calédonie de 1946 à 1957

En 1946, dans le cadre de l’Union Française, la Nouvelle-Calédonie devient un Territoire d’Outre Mer (T.O.M.). Le Gouverneur demeure le représentant de l’Etat, et à ce titre il est le chef de l’exécutif. Ce statut semble donc ne rien modifier dans ce domaine. Pourtant, Alain Christnacht fait remarquer qu’à partir de 1946, le T.O.M. peut bénéficier des avancées législatives nationales, éventuellement après adaptation, alors que le régime colonial avait instauré un écart permanent de législation entre la France et ses colonies. « Un équilibre qui évoluera selon les périodes sera recherché entre l’autonomie des normes pour tenir compte des particularismes et l’application dans le T.O.M. des lois nationales au nom du principe d’égalité » in A.CHRISTNACHT, La Nouvelle-Calédonie, Paris, La Documentation Française, p.38.

Ensuite, localement, comme dans le reste de l’Union Française, une assemblée délibérante élue au suffrage universel, le Conseil Général, vote notamment le budget et les impôts. Cependant, en vertu de son exclusion de la loi électorale d’octobre 1946, la Nouvelle-Calédonie fut le seul T.O.M. dans lequel le nouveau Conseil Général ne comportait aucun autochtone jusqu’en 1953.
Avec l’application de la loi-cadre Defferre en 1957 en Nouvelle-Calédonie, il est de coutume de dire que ce T.O.M. accède à une plus large autonomie. En effet, un exécutif local se met en place avec la création d’un Conseil de Gouvernement élu au suffrage universel indirect. Le gouverneur en demeure certes le chef mais un Vice-Président est élu localement et 5 à7 ministres sont nommés. Leurs portefeuilles montrent que les pouvoirs régaliens sont toujours entre les mains de l’Etat français.
Cela dit, chaque ministère a en charge des services essentiels tels que l’agriculture, les mines ou la fonction publique. Ce dernier a été créé car la fonction publique est maintenant séparée entre l’Etat et le Territoire et réclame donc une gestion locale.
La même évolution vers l’autonomie est visible au travers de la création d’une Assemblée Territoriale, en remplacement du Conseil Général. Toujours élue au suffrage universel mais sur la base d‘un corps électoral plus large qu’en 1946, cette Assemblée détient le pouvoir législatif.
Pour finir, à noter également les prémices de l’histoire municipale en Nouvelle-Calédonie. Longtemps, seule Nouméa figurait comme municipalité. A partir de 1961, d’autres municipalités sont créées. Leurs assises géographiques sont identiques à celles des communes actuelles. Cependant, ces collectivités sont de droit local spécifique à la Nouvelle-Calédonie puisque créées par le gouverneur. Les 31 communes de Nouvelle-Calédonie qui remplacent les municipalités et deviennent des collectivités territoriales de la République sont nées de la loi du 31 janvier 1969.

Document 6 : La Nouvelle-Calédonie expérimente l’autonomie interne : Le premier conseil de gouvernement en 1957.

Pour compléter la source de la photo, ajouter le nom de l’auteur, Michel Gérard, rédacteur en chef du journal la France Australe. Le texte qui l’accompagne est tiré lui-même des commentaires apportés par M. Olivier Houdan dans une communication (stage PAF de 2008)
Cette photographie est un document patrimonial calédonien au moins à deux titres.
D’une part, elle illustre les débuts de l’autonomie interne du T.O.M. en montrant conjointement à la tête de l’exécutif, le représentant de l’Etat en la personne du gouverneur Grimald et le Vice Président élu local en la personne de Maurice Lenormand.
D’autre part, elle illustre les conséquences de la mise en place du suffrage universel complet puisque 2 ministres mélanésiens figurent dans ce Conseil de gouvernement, Rock Pidjot et Doui Matayo Wetta, pères fondateurs des premières associations kanak.
Pour souligner l’importance de ce moment dans l’histoire calédonienne, lors de la présentation solennelle du Conseil devant l’Assemblée Territoriale, le 29 octobre 1957, Maurice Lenormand s’exprimait en ces termes : « c’est toute la terre calédonienne, dans ses élus comme dans ses chefs traditionnels, qui se trouve aujourd’hui rassemblée pour que nous vivions ensemble les premières heures de notre nouvelle vie territoriale » in Jean LE BORGNE, Nouvelle-Calédonie 1945-1968, la confiance trahie, Paris, L’Harmattan, p. 125.

Document 7 : Emergence de la question mélanésienne en politique

  • Document 7A : les premières associations kanak :
    Ces premières associations kanak sont encadrées par les Eglises chrétiennes, catholiques et protestantes de Nouvelle-Calédonie. Elles réagissent également à l’influence devenue non négligeable du Parti communiste dans les tribus. Le parti communiste calédonien (P.C.C.) a vu le jour le 15 janvier 1946. Ses premiers tracts sont distribués à l’adresse de la population mélanésienne lors du mois d’avril 1946. On peut y lire : « vous aurez tous droit à la vie heureuse, vous aurez tous droit aux mêmes avantages que les hommes blancs, qui (…) font une différence entre les volontaires blancs et les noirs » SANC 107 W 1650.
    Ce texte annonce donc la riposte des Églises car cette poussée communiste inquiète aussi bien les autorités civiles et policières que les autorités religieuses. Les actions du P.C.C. sont montrées du doigt et la fidélité à la France est réaffirmée. On revendique « la liberté dans l’ordre ». Ce manifeste a servi de base à l’édification de l’U.I.C.A.L.O.
    Ces premières associations kanak, U.I.C.A.L.O. et A.I.C.L.F., entraînent le rapide déclin du P.C.C. et conquièrent progressivement le quasi monopole sur la représentation politique mélanésienne. Une nouvelle force politique est en gestation.
  • Document 7B : le programme électoral de Maurice LENORMAND en 1951
    Ajouter à la source : d’après une communication de M. Olivier Houdan, stage Paf, 2008
    En 1951, ce métropolitain maîtrisant très bien la culture mélanésienne présente sa candidature contre le député sortant Gervolino. Il est soutenu par les deux associations kanak ainsi que par nombre de petits colons en brousse. En effet, son programme qu’il présente sans cesse comme apolitique (il se définit comme « le candidat indépendant ») s’oriente autour de deux pôles : le monde mélanésien auquel s’ajoutent la brousse et les îles. Pour le premier, il réclame une reconnaissance de cette culture notamment par l’établissement d’un droit coutumier ainsi que l’égalité politique et sociale. Pour le second, il plaide pour un développement économique et des infrastructures publiques, un véritable soutien social de ces populations de l’intérieur.
    A la surprise générale, il devient le deuxième député de l’histoire de la Nouvelle-Calédonie, rapidement surnommé « le député des Kanak ».
  • Document 7C : le blason du « Mouvement d’Union Calédonienne »
    Ajouter à la source : document communiqué par M. Olivier houdan, lors d’un stage PAF en 2008.
    Ce blason se veut avant tout celui d’un parti calédonien. Le cagou stylisé occupe en effet l’essentiel de l’espace. Ensuite, au centre, la croix latine rappelle la filiation avec les deux associations chrétiennes, U.I.C.A.L.O. et A.I.C.L.F. à l’origine de ce mouvement.

Document 8 : le gouvernement d’Union Calédonienne mène de nouvelles réformes majeures

Avec le poste de député, 18 conseillers sur 35 à l’Assemblée Territoriale et la vice-présidence du Conseil de gouvernement, en 1957, l’Union Calédonienne est la première force politique en Nouvelle-Calédonie.
Forte de cette large marge de manoeuvre, elle mène des réformes majeures. Le programme du député est repris par le Conseil du Gouvernement. Ces réformes contribuent d’une part à l’obtention par l’ensemble de la population calédonienne de droits sociaux tels que les allocations familiales, les consultations pré et postnatales gratuites, les bourses scolaires ou même les congés payés. Une véritable législation du travail se met en place. D’autre part, elles vont dans le sens d’une meilleure adaptation de la gestion du Territoire à la réalité calédonienne. C’est particulièrement le cas dans le domaine agricole avec par exemple la création de la caisse d’assurances contre les calamités agricoles garantissant contre les méfaits des cyclones et des inondations ou bien l’élaboration d’un plan de 5 ans pour le défrichage et la mise en culture ou en pâturages de 10 500 hectares.

Document 9 : L’action de l’Etat par l’intermédiaire du FIDES et ses limites

  • Document 9a : les premières réalisations du FIDES, « partout des chantiers sont ouverts »
    Par le biais du F.I.D.E.S., l’Etat accompagne la naissance d’une nouvelle société calédonienne.
    Partout des chantiers sont ouverts, en priorité en faveur des collectivités mélanésiennes. Les progrès en matière d’aménagement en milieu tribal sont essentiels : aménagements routiers et portuaires, travaux d’adduction d’eau, équipements téléphoniques, constructions scolaires et sanitaires…. Les tribus sortent de leur isolement.
    Parallèlement le Territoire est désenclavé par la mise en service de lignes régulières maritimes et aériennes à destination de la métropole puis internationales. Toute l’économie du T.O.M. se développe.
  • Document 9b : 22 février 1956, 3000 personnes manifestent à Nouméa pour la parité des salaires entre Européens et non-Européens.
    L’U.I.C.A.L.O. et l’A.I.C.L.F. dénoncent ces inégalités sociales. La revendication « à travail égal, salaire égal » est formulée dès la fin des années 1940. En 1950, Rock Pidjot pour l’U.I.C.A.L.O. qu’il préside demande, « de faire appliquer aux indigènes calédoniens le bénéfice des lois sociales de la Métropole comme cela se fait pour les Européens et assimilés de Calédonie ».
    En revanche, les organisations syndicales comme l’U.G.T.C. (Union Générale des Travailleurs Calédoniens) assurent assez peu la défense des intérêts des salariés mélanésiens du secteur privé, à l’exception des grèves de 1953 et de 1956 à l’usine métallurgique de Doniambo. Cette photographie témoigne du conflit de 1956. Parmi les manifestants, nombreux sont les Mélanésiens de Brousse mobilisés par les problèmes d’inégalités salariales, mais on peut reconnaître toute la diversité ethnique du territoire unie dans une même perspective. C’est une première et c’est sur le terrain social qu’elle prend naissance.

Bibliographie

  • Ismet KURTOVITCH, La vie politique en Nouvelle-Calédonie (1940-1953), Lille, Septentrion, Presses universitaires.
  • Alain CHRISTNACHT, La Nouvelle-Calédonie, Paris, La Documentation Française, 2004.
  • Jean LE BORGNE, Nouvelle-Calédonie 1945-1968, la confiance trahie, Paris, L’Harmattan, 2007
  • Vos papiers, s’il vous plaît !, Les différents statuts de la population calédonienne de 1853 à 1946, Musée de la ville de Nouméa, Nouméa, 2007.


titre documents joints

Fiche 1 histoire terminale PP. 76-79

7 août 2010
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1946-1958 : égalité juridique, autonomie et réformes


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