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La République française et le fait colonial

dimanche 15 mars 2015 par Stéphane MINVIELLE

 II- Etendre la République aux colonies ?

DIAPO L’affirmation de la République coloniale est intrinsèquement liée à l’affirmation et à l’enracinement de la République en France métropolitaine puisqu’elle devient une
facette non négociable de l’universalisme français et de sa grandeur. Partant de ce constat, dans quelle mesure la République veut-elle et peut-elle partager avec les habitants de ses colonies les valeurs qui la fondent et qui la portent ?

 1- Les combats de la République contre l’esclavage

DIAPO La sortie progressive d’un modèle d’exploitation des colonies par la traite et l’esclavage est sans aucun doute à mettre au crédit de la République. Dans le discours colonial, l’acte accompli en libérant des milliers d’esclaves de la servitude
est utilisé pour prouver par le caractère forcément généreux de la République. Il montre que les peuples colonisés peuvent avoir confiance en la France, dont le but est bien de faire triompher partout la liberté. Ceci étant dit, la manière dont la République a géré le démantèlement progressif du système esclavagiste
nécessite d’apporter quelques nuances à cette interprétation des faits.
En 1789, le recours à l’esclavage reste massif, surtout aux Antilles mais aussi à la Réunion (île Bourbon). Pour les colons, il est la condition nécessaire à la mise en valeur des colonies, et la poursuite de la traite est indispensable du fait d’une forte
mortalité des esclaves et de leur faible reproduction. Les esclaves restent soumis au Code noir de 1685, qui les assimile à des biens meubles. Les maîtres sont tenus de leur donner une instruction chrétienne, de les nourrir, de les soigner et de les vêtir
convenablement. En cas de fuite, il est possible de mutiler un esclave, voire de le tuer. Un tel système engendre un climat de violence permanent : crainte de la révolte qui pousse les planteurs à user de la force, révoltes fréquentes contre l’injustice de la société esclavagiste. Les affranchis ou libres de couleur, souvent métis, sont quant à eux victimes de discriminations. Ils ne sont pas autorisés à porter des noms européens, ni à se rendre en France, mais ils sont soumis à l’impôt et au service dans la milice. Plusieurs professions leur sont interdites (emplois publics, grades dans l’armés, orfèvres, médecins et chirurgiens). Ils ne sont pas admis à la table des blancs.
Le XVIIIe siècle voit le développement d’une pensée critique à l’égard de l’esclavage, qui est présente chez Montesquieu ou Voltaire. En 1788, Jean-Pierre Brissot fonde la Société des Amis des Noirs qui réunit des personnalités de premier plan : Mirabeau, La Fayette, Condorcet, Lavoisier, abbé Grégoire. Elle est inspirée par la société anti-esclavagiste britannique créée un an plus tôt. Elle ne réclame pas directement la fin de l’esclavage, mais plutôt celle de la traite. L’idée est que l’abandon de l’une doit aboutir à l’extinction de l’autre. Elle revendique aussi l’égalité des droits pour les libres de couleur. Louis XVI et son ministre Necker ne sont pas insensibles à ce combat, mais deux obstacles principaux empêchent la situation d’évoluer : un faible intérêt de la métropole pour ses colonies et l’influence des milieux d’affaires et des colons attachés à la poursuite du commerce triangulaire qui s’avère très lucratif. Pour contrer cette influence, le Club de l’hôtel de Massiac, pour l’essentiel composé de colons blancs des Antilles, est fondé en août 1789, défend leurs intérêts et dispose de soutiens précieux à l’assemblée nationale proclamée en juin (Barnave, Lameth).

DIAPO Sous leur influence, un décret de mars 1790 prévoit de ne modifier le statut des esclaves que sur demande des assemblées coloniales. Il est voté par 1105 députés sur 1111 votants. Robespierre est l’un des rares à s’élever contre cette décision au nom de l’universalité des droits de l’homme et du citoyen. Alors que les hommes libres de couleur se voient conférer le droit de vote le 15 mai 1790, la mesure est abrogée au mois de septembre. Les remous révolutionnaires métropolitains ont des conséquences dans les colonies. La principale crainte des colons est la diffusion des nouveaux principes reconnus par l’assemblée nationale dans l’empire colonial. Pour l’éviter, à Saint-Domingue, plusieurs colons tentent de constituer un pouvoir autonome (assemblée de Saint-Marc). Libres de couleur et esclaves tentent de leur côté de profiter du désordre. A Saint-Domingue, le mulâtre Vincent Ogé mène un soulèvement durement réprimé en 1791, puis une révolte
d’esclaves ravage la province du Cap la même année. En 1792, l’influence grandissante des idées jacobines permet un travail législatif favorable aux populations qui ne bénéficient pas des acquis révolutionnaires. Une loi d’avril accorde finalement le droit de vote aux libres de couleur. Après le renversement de la royauté, les envoyés de la république trouvent une situation confuse dans les colonies. En effet, la chute de Louis XVI mécontente les esclaves qui le voyaient comme un protecteur contre les abus des colons. De plus, la guerre contre l’Angleterre puis l’Espagne fragilise la situation des colonies françaises : Martinique et Guadeloupe sont rapidement occupées, comme les comptoirs de l’Inde. Les commissaires Félicité
Santhonax et Victor Hugues envoyés aux Antilles ont donc fort à faire pour imposer un ordre républicain. Elue en 1792, la Convention abolit la prime versée aux vaisseaux négriers en juillet 1793, cette mesure étant surtout destinée à contrarier les riches armateurs souvent proches des Girondins éliminés un mois plus tôt. Le 29 août 1793, Santhonax abolit de son propre chef l’esclavage dans la province nord de Saint-Domingue pour s’appuyer sur les esclaves afin d’imposer son autorité et résister aux ennemis de la République. Son adjoint Polvérel fait de même au sud et à l’ouest. Mise devant le fait accompli, la Convention entérine ces décisions en 1794 en
abolissant l’esclavage aux Antilles. En revanche, l’abolition ne concerne pas les possessions de l’Océan indien où les colons soutiennent la République. Le but premier de l’abolition de l’esclavage n’est donc pas de reconnaître des droits humains
imprescriptibles. Il s’agit davantage d’une manoeuvre politique afin de préserver, là où cela est nécessaire, l’autorité de la jeune République sur ses colonies face à ses ennemis de l’intérieur (colons) et de l’extérieur (Espagnols, Anglais).

DIAPO La grande confusion qui règne alors aux Antilles est la principale cause de la réussite des actions entreprises par Toussaint Bréda dit Louverture, né esclave à Saint-Domingue dans les années 1740. Après avoir travaillé sur l’habitation Bréda,
il est affranchi vers 1770 et exploite ensuite une petite exploitation dans laquelle il fait travailler des esclaves. Il participe à la révolte des esclaves de 1791 menée par les chefs Jean-François et Biassou. Il rejoint l’armée espagnole en 1793 et prend le surnom de Louverture. L’année suivante, il rallie le camp républicain en signant
une alliance avec le général français Laveaux, dès avant que la nouvelle de l’abolition de l’esclavage atteigne Saint-Domingue. Fort de ses succès militaires contre les Espagnols, il est nommé en 1797 commandant en chef de l’armée de Saint-Domingue, puis général. Il profite de sa position pour étendre son influence sur l’île.
En 1800, il contrôle complètement la partie occidentale française de l’île, et conquiert la partie orientale cédée par les Espagnols en 1795. En 1801, Napoléon le nomme capitaine-général de Saint-Domingue. Il règne donc en maître sur l’île et instaure un ordre strict très inspiré par l’Ancien Régime. Il rédige une constitution dont le but est d’affirmer l’autonomie de Saint-Domingue, dans laquelle il s’attribue la fonction de gouverneur à vie. Cet acte est selon lui légitime puisque le consulat a rétabli la dissociation entre les lois de la métropole et celle des colonies. Cet acte lui aliène la
confiance de Bonaparte, qui envoie un corps expéditionnaire pour stopper Louverture. En quelques mois, ce dernier est battu, assigné à résidence, puis déporté en France en 1802. Il meurt l’année suivante dans le Jura.

DIAPO La retour à l’ordre colonial, et aussi du système esclavagiste, est opéré par Napoléon Bonaparte. En effet, la constitution de 1799 supprime la représentation des colonies aux assemblées, qui repassent sous le contrôle étroit de l’exécutif comme sous l’Ancien Régime. Napoléon décide du maintien de l’esclavage là où il n’a pas été aboli (Martinique, Mascareignes), ce qui relance l’intérêt pour la traite. L’esclavage est rétabli en 1802 en Guadeloupe de façon violente, avec plusieurs milliers de morts, et aussi en Guyane. Les principes du Code Noir sont remis en place, les libres de couleur privés du droit de vote, réservé aux seuls blancs. Les mariages mixtes sont interdits. Toutefois, la reprise de la guerre contre l’Angleterre remet en cause la reprise en mains de Saint-Domingue où l’ancien lieutenant de Toussaint Louverture, Jean-Jacques Dessalines, proclame l’indépendance d’Haïti le 1er janvier 1804, et se fait couronner empereur. Dans les années 1820, Charles X finit par reconnaître l’indépendance d’Haïti contre le paiement d’indemnités en faveur des anciens colons. Toutefois, le rétablissement de l’esclavage dans les colonies
françaises des Antilles ne met pas fin au combat pour l’abolition. Celle de la traite devient une grande cause humanitaire soutenue par la Grande-Bretagne à partir de 1807. En 1814, Louis XVIII accepte le principe de son abolition dans un délai de 5 ans. La traite devient dès lors une infraction, puis un crime, mais elle n’est officiellement supprimée qu’en 1827 en France. Toutefois, le « commerce honteux » continue clandestinement jusqu’aux années 1830. L’esclavage, quant à lui, perdure malgré l’assouplissement du code noir, rebaptisé Code pénal des esclaves en 1829. En 1833, les châtiments de mutilation et de marquage au fer rouge sont supprimés au moment où l’Angleterre vote l’abandon graduel de l’esclavage dans ses colonies. En 1834, le duc Victor de Broglie préside une Société française pour l’abolition de l’esclavage fondée sur le modèle de son homologue britannique. Son action est soutenue par des personnalités comme Alexis de Tocqueville. La monarchie de juillet
concède des droits nouveaux aux libres de couleur : enregistrement à l’état civil, droit d’accès au territoire métropolitain, accès à certaines professions interdites… Sur le modèle britannique, Broglie milite pour une abolition graduelle afin de préparer les
esclaves à la liberté et les colons à la fin de l’économie esclavagiste. A partir de 1842, la voie de l’abolition immédiate est soutenue par Victor Schoelcher, avec indemnisation des propriétaires.

DIAPO DIAPO La IIe République est proclamée le 25 février 1848. Dès le 4 mars, un décret stipule que « nulle terre française ne peut plus porter d’esclaves » et, le lendemain, Schoelcher est nommé sous-secrétaire d’Etat à la marine et président de la commission d’abolition de l’esclavage. A la constituante, il est élu représentant de la Martinique et de la Guadeloupe. Le décret du 27 avril abolit l’esclavage considéré
comme « attentat contre la dignité humaine ». Un délai de deux mois est prévu pour appliquer ces nouvelles dispositions mais, dans les colonies, les gouverneurs préfèrent les entériner sans délai pour éviter des révoltes. La Constitution de novembre 1848 reconnaît quant à elle que « l’esclavage ne peut exister sur aucune
terre française ». Une indemnité de 126 millions est votée en janvier 1849 pour les anciens propriétaires d’esclaves. Les anciens esclaves reçoivent un patronyme. Si l’élan de liberté qui touche alors les anciennes colonies esclavagistes est indéniable,
l’abolition de l’esclavage répond aussi à des considérations moins nobles, comme l’idée, diffusée par les économistes libéraux, selon laquelle le travail libre est plus productif que le travail servile.
L’abolition de 1848 s’accompagne de l’octroi de droits politiques aux anciens esclaves, ce qui est loin d’être accepté par tous. Cette année-là, Adèle Riby, propriétaire blanche à la Guadeloupe, proteste contre le droit de vote accordé au noirs alors qu’elle-même en reste exclue. L’abolition bouleverse les anciennes sociétés esclavagistes. Les affranchis refusent de travailler dans les plantations et développent des petites exploitations. Après la mainmise du parti de l’ordre en métropole après juin 1848, les anciennes colonies esclavagistes sont reprises en main. On institue
un livret de travail et le vagabondage est réprimé. Les plantations de cultures vivrières sont limitées. On fait venir des travailleurs libres engagés des Indes, de Chine, d’Afrique, de Madagascar, avec un salaire égal au quart de celui d’un travailleur libre.
Schoelcher parle de « second esclavage ».

  2- Les colonies au coeur du projet républicain

DIAPO La République, en travaillant ainsi à la libération des esclaves, montre qu’elle souhaite que certaines des valeurs qui la fondent trouvent leur prolongement dans l’espace colonial. D’ailleurs, en 1882, le député de la Guadeloupe Gaston Gerville-Réache écrit : « nous voulons la République en France, nous la voulons de même aux colonies ». Aux Antilles, la revendication d’une assimilation complète apparaît donc de façon très précoce. Elle montre que les affranchis ont intégré l’idée d’une supériorité de la civilisation française et que leur poids numérique leur permet de participer activement au pouvoir politique alors que, à La Réunion, la vie politique reste
dominée par les « blancs créoles » et les « grands blancs ». Le revendication d’une assimilation complète recouvre plusieurs attentes : fin du statut juridique colonial, demande de départementalisation dès 1874 à la Martinique, possibilité de lois
sociales protectrices, accès à l’instruction… A la même époque, il existe aussi des demandes pour participer à la conscription selon les mêmes règles qu’en métropole, ce qui est acquis en 1895 à La Réunion et en 1912-1913 dans les autres vieilles colonies. Au moment de la définition de la grande politique coloniale de la IIIe
République, l’héritage que représentent la première puis la seconde abolitions est mobilisé pour soutenir l’idée que la diffusion de la liberté est le premier des objectifs de la colonisation.

DIAPO A ce titre, la France se lance dans la seconde moitié du XIXe siècle dans un combat contre la persistance de la traite africaine et de l’esclavage sur le continent africain. Elle libère partout ceux qui restent privés de la liberté la plus élémentaire, et elle utilise aussi l’argument destiné à présenter la colonisation comme une libération des peuples opprimés par des gouvernements tyranniques et illégitimes. Ce faisant, la République tente de trouver une réponse au paradoxe inhérent à toute situation
coloniale : comment concilier un processus de conquête et de domination avec l’idéal de liberté ? Comme l’explique Joseph Gallieni, gouverneur de Madagascar, aux « indigènes » malgaches : « La France est désormais la seule souveraine sur Madagascar (…). La France vous apportera sa civilisation et s’efforcera d’introduire parmi vous les principes qui la régissent elle même, c’est-à-dire la justice, la paix, l’égalité pour tous ».
DIAPO Dans le même élan, la République pose la question du rapport entre les populations des colonies et la Nation. En France métropolitaine, la République est identifiée à la nation et la nation est l’expression de la France, surtout à partir de 1870, quand la République cherche à adosser l’empire à la constitution et à
l’exaltation d’un roman national dont elle serait l’aboutissement et le triomphe. A ce titre, la République contribue à une dilatation de l’espace national dans l’espace colonial, ce qui lui permet d’affirmer un nationalisme républicain destiné à concurrencer les nationalismes de droite et d’extrême-droite qui se développent à la suite de la crise boulangiste. La nation est donc adossée à la colonie, et la colonie fait partie intégrante de la nation. En réalité, la République poursuit la politique entamée sous le Second empire puisque, en 1862, un arrêt de la cour d’appel d’Alger reconnaît la nationalité française aux musulmans. En revanche, un senatus-consulte de 1865 les exclut de la citoyenneté. Ils ne sont dès lors ni citoyens, ni étrangers, et il existe des procédures de naturalisation subordonnées à l’abandon du statut personnel.

DIAPO Sur les cartes murales de l’école républicaine de la fin du XIXe siècle, la représentation en rose de la métropole et des colonies participe de cette mystique de la nation et de la plus grande nation. A ce titre, les colonies sont un terrain fertile dans
lequel la nation peut expérimenter et contribuer à sa propre régénération. DIAPO Associer les colonies à la nation, c’est alors en faire des lieux sur lesquels elle peut exporter les éléments marginaux de la société, certes pour les punir et les bannir de la communauté nationale métropolitaine, mais aussi pour leur donner la possibilité de se réhabiliter et de contribuer à l’oeuvre coloniale de la France. Quant aux peuples colonisés, ils sont considérés comme des nationaux français, c’est-à-dire intégrée dans la communauté nationale, mais selon des modalités particulières.

DIAPO La République met aussi les colonies au coeur du projet républicain en assurant à certaines d’entre elles l’accès à la représentation nationale, symbole du nouveau principe de souveraineté populaire. Cette question est posée dès 1789
puisque 14 députés des colonies sont désignés pour siéger à l’assemblée nationale constituante, dont 6 pour la partie occidentale de Saint-Domingue. Ils revendiquent une très large autonomie, le maintien des privilèges des blancs et de l’esclavage. Le principe d’une représentation des colonies à l’assemblée est maintenue sous la Convention, avec 18 députés au total qui sont admis à siéger.
Guyane : 1 député
Ile de France (Maurice) : 2 députés
Martinique : 3 députés
Guadeloupe : 4 députés
Réunion : 2 députés
Saint-Domingue : 6 députés
La Convention va même encore plus loin puisqu’elle le seul régime à concevoir une unité totale entre la métropole et ses colonies régies par les mêmes lois, ce qui contraste avec le régime d’exception coloniale habituellement pratiqué jusque là. La constitution de l’an III maintient cette politique puisque les colonies sont considérées comme partie intégrante de la république. Il y a donc toujours des représentants des colonies aux assemblées (10 aux Anciens et 16 aux Cinq-Cents), mais la poursuite de la guerre ne permet pas de faire aboutir un projet de départementalisation. La période de l’Empire puis de la monarchie constitutionnelle rompt avec la pratique affirmée dans les années 1790, mais elle est reprise en 1848. L’ensemble des populations doit recevoir des droits civiques, sans aucune distinction. Le suffrage universel masculin s’applique partout, et les colonies doivent élire 17 représentants (1 pour le Sénégal, 5 pour l’Algérie) à la constituante (puis seulement 13 à l’assemblée
nationale). Les conseils généraux et municipaux sont de leur côté étendus dans les colonies. Les républicains sont majoritairement pour le maintien et l’extension des colonies, et les socialistes utopistes y voient des terrains d’expérimentation. Après la
parenthèse du Second Empire, la IIIe République revient à la représentation des colonies à l’assemblée, avec le même nombre de députés qu’en 1849. Avec les lois constitutionnelles de 1875, chaque département d’Algérie reçoit 2 députés et un
sénateur, et Martinique, Guadeloupe, Réunion et Indes un député et un sénateur chacune. En 1879, la Guyane obtient un député, de même que le Sénégal, puis la Cochinchine en 1881. La chambre des députés compte alors 17 représentants d’outre mer (sur 526 à 581) et le sénat 7 (sur 300). Une telle pratique n’existe pas alors dans l’empire britannique, et elle n’est pas non plus généralisée à l’ensemble des possessions coloniales françaises. Ce sont majoritairement les vieilles colonies qui en bénéficient. En outre, toujours dans les vieilles colonies, les citoyens bénéficient d’assemblées élues, conseils généraux et municipaux. Les 36
conseillers généraux de Martinique élisent un conseil supérieur qui discute des intérêts de la colonie avec le gouverneur. L’Inde, la Guyane, la Nouvelle-Calédonie reçoivent des conseils analogues en 1878-1879. Les dispositions de la loi de 1884 sur les pouvoirs des conseils municipaux et l’élection du maire sont appliquées
outre-mer.

DIAPO DIAPO Le dernier élément montrant que les colonies sont considérées comme des acteurs à part entière du projet républicain est le fait que la République y diffuse ses symboles et la célébration de son triomphe. Dès l’époque de la première
abolition, on assiste, aux Antilles, à une importante diffusion des symboles révolutionnaires et républicains (cocardes, drapeaux…) arborés par les anciens esclaves comme le symbole de leur libération. Par ailleurs, en 1799, Boisrond propose l’organisation de fêtes civiques dans les colonies : fête de la reconnaissance le 15 germinal et fête de la liberté le 16 pluviôse. A partir de 1848, toujours aux Antilles, la « fête de la liberté » se transforme en célébration de la République et en revendication pour une assimilation encore plus forte à la métropole. Sous la IIIe
République, après la désignation du 14 juillet comme fête nationale le 14 juillet, les colonies sont gagnées par ce goût pour la célébration républicaine. En Guyane, les réjouissances durent 3 à 5 jours et, en Polynésie française, on associe défilés militaires et bals populaires avec des courses de pirogues pour attirer les populations locales. On observe aussi la mise en place d’un espace public républicain dans les colonies, symbolisé par la multiplication des statues qui célèbrent notamment les soldats de la conquête. Aux Antilles et en Guyane, on ne compte plus le nombre de statues de Schoelcher.

 3- L’assimilation, un idéal républicain pour les colonies

DIAPO Si la République accepter d’accueillir les colonies en son sein, et se répand en elles, elle ne reconnaît pas aux « indigènes » les mêmes droits et les mêmes devoirs qu’aux citoyens métropolitains ou aux colons et coloniaux. Pour autant, elle ne peut pas non plus se contenter de marginaliser la très grande majorité des populations colonisées sans leur fournir un horizon d’attente capable de les intégrer plus fortement, à terme, dans la communauté nationale dont il font partie. C’est pourquoi la République invente le concept d’assimi lat ion, qui a ent raîné chez le colonisé le développement d’un sentiment de frustration qui a joué un rôle
considérable dans la contestation puis la désagrégation des sociétés coloniales. Un tel concept n’existe pas dans l’Empire britannique puisque les Britanniques considèrent qu’ils appartiennent à une race supérieure et que les populations
colonisées sont incapables de s’élever à leur niveau.

DIAPO La doctrine assimilationniste est tout aussi violente que la conquête coloniale puisqu’elle ne peut aboutir qu’à une acculturation complète des populations colonisées qui ne peuvent être assimilées que si elles renoncent à leurs spécificités pour embrasser la République, et au-delà la civilisation française. En effet, pour être assimilé et pouvoir donc être accueilli dans la communauté des citoyens, il faut que le
colonisé renonce à son statut personnel et manifeste son adhésion inconditionnelle à la République et à son projet colonial. Il s’agit d’ailleurs de l’une des missions assignées à l’école coloniale.
DIAPO Toutefois, force est de constater que la posture généreuse et ouverte de l’assimilation n’a pas permis, sauf exception, une intégration massive de colonisés dans la communauté des citoyens. Dans les vieilles colonies, l’accès à la citoyenneté ne pose pas de problème majeur. Elle s’acquiert par filiation. Des députés mulâtres sont élus dès les années 1880-1890 aux Antilles, et le premier député noir est le Martiniquais Hégésippe Légitimus élu de 1898 à 1902 et de 1906 à 1914 à la Chambre. Ailleurs, les musulmans des 4 communes du Sénégal et les
Hindous et musulmans des comptoirs indiens peuvent accéder à la citoyenneté et voter sans renoncer au statut personnel, mais avec des listes électorales séparées (Européens, « renonçants », « nonrenonçants »). En 1899, les listes des renonçants et nonrenonçants sont fusionnées. Ces dispositions touchent environ 300 000 personnes dans l’Inde française en 1900. En Algérie, l’assimilation des 35000 Juifs est préparée en 1870 par le Second Empire, mais le projet n’aboutit pas à cause de
la guerre. Il est repris par le ministre de la justice du gouvernement provisoire, Adolphe Crémeux, président de l’Alliance israélite universelle. Le décret du 24 octobre 1870 mentionne que « les Israélites indigènes des départements d’Algérie sont déclarés citoyens français ». Dans ce cas, l’accès à la citoyenneté entraîne l’abandon automatique du statut personnel pour le Code civil, ce qui explique que tous n’accueillent pas favorablement cette décision. Celle-ci inquiète également les
musulmans, qui craignent de se voir appliquer le même régime. Un autre problème est l’arrivée massive d’Espagnols et d’Italiens en Algérie, qui menacent le caractère français de la colonie. En 1889, la loi française de naturalisation est étendue à l’Algérie. Les enfants d’immigrants nés en Algérie de parents nés en Algérie sont
Français dès la naissance. Pour les parents nés à l’étranger, la naturalisation a lieu à l’âge de 21 ans, sauf s’ils en décident autrement. D’environ 50% d’Européens non français en Algérie dans les années 1880, on passe à 34% en 1900. La même
politique d’assimilation rapide est conduite en Tunisie pour conférer la citoyenneté aux descendants des premiers colons italiens.

DIAPO En revanche, pour les indigènes, l’accès à la citoyenneté est presque impossible et leur assimilation toujours repoussée. En Algérie, après la chute du Second Empire, la IIIe République tente bien de simplifier les procédures de
naturalisation et même d’évoquer une naturalisation en masse, mais ceci provoque de vives réactions des colons. Les autorités locales traînent d’ailleurs des pieds afin de compliquer la tâche aux musulmans candidats à la naturalisation française et cette méthode porte ses fruits : entre 1865 et 1915, seulement 2396 musulmans d’Algérie sont naturalisés français sur une population musulmane estimée à environ 4,5 à 5,5 millions d’habitants.


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