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Les espaces maritimes : approche géostratégique

lundi 23 septembre 2013 par Patrice ZANONI

Cette proposition de séance est le compte-rendu d’un travail collectif réalisé durant le stage Enseigner la Défense de juillet 2013.

 Introduction

Cette partie se situe dans le thème 2 du programme de géographie des classes de terminale ES et L : elle peut être traitée en 2 à 3 heures. (B.O spécial n° 8, 13 octobre 2011) + fiche Eduscol (extraits)

Thème 2 - Les dynamiques de la mondialisation (18-20 heures)

Démarches possibles pour mettre en oeuvre la question

Le programme invite à aborder la question à partir d’une étude de cas portant sur « une ville mondiale » suivie de deux entrées générales : « Pôles et espaces majeurs de la mondialisation ; territoires et sociétés en marge de la mondialisation », et « Les espaces maritimes approche géostratégique ».
Une composition peut croiser la première entrée générale et l’étude de cas ; une autre composition peut porter sur les enjeux géostratégiques des espaces maritimes.
L’étude de cas et les deux entrées générales se prêtent à l’étude critique de document(s).
Trois réalisations cartographiques sont possibles à l’examen : un schéma de la ville mondiale étudiée, un croquis de l’inégale intégration des territoires dans la mondialisation, un croquis des aspects géostratégiques des espaces maritimes
= Réalisation d’un croquis des principales routes maritimes, des points de passage obligés et des zones de tension.

Pièges à éviter : dresser un tableau de la situation géostratégique des espaces maritimes sans tenir compte de la problématique de la question (les territoires dans la mondialisation).

Problématiques possibles :

En quoi la mondialisation influe-t-elle sur la géostratégie des espaces maritimes ? Pourquoi leur contrôle est-il essentiel ? En quoi la géostratégie des espaces maritimes est-elle révélatrice de la hiérarchie des puissances dans la mondialisation ?

Les espaces maritimes : approche géostratégique

Cette étude doit être résolument abordée sous l’angle de la mondialisation. L’analyse doit montrer que la mondialisation a accru l’importance géostratégique des mers et océans puisque le transport maritime est vital pour l’économie mondiale (approvisionnement en énergie, en denrées agricoles, en matières premières ; échanges de produits manufacturés…) et parce qu’elle renforce ainsi la littoralisation et le rôle des façades maritimes. Les flux empruntent des routes et des points de passage obligés (caps, canaux et détroits) souvent sensibles (piraterie, terrorisme). C’est aussi par voie maritime qu’a lieu une part importante des trafics illicites et de l’immigration clandestine.
Ce sont donc les États les plus impliqués dans la mondialisation qui s’efforcent de contrôler et de sécuriser les routes maritimes, particulièrement les points nodaux ; on montrera que la géostratégie des espaces maritimes est aussi le reflet de la hiérarchie des puissances et de son évolution, d’autant que c’est aussi essentiellement par mer qu’ont lieu les interventions militaires et les interventions humanitaires.
On assiste ainsi à une appropriation des espaces maritimes comme une projection de la puissance continentale : les zones d’exploitation exclusive permettent de mieux contrôler les flux et d’exploiter
économiquement les ressources des océans (halieutiques, biologiques, minérales et énergétiques). Cela provoque des tensions entre les convoitises nationales et les intérêts de la communauté internationale, entre recherche de profit et durabilité. Le cas du passage de l’Arctique et de l’évolution des politiques de puissance maritime en Asie et dans le Sud-Est asiatique sont particulièrement révélateurs de ces tensions.

En Terminale S

En Terminale S, encore applicable à la rentrée prochaine pour les élèves de l’enseignement optionnel, cette partie se situe dans la question 2. (B.O spécial n° 8, 13 octobre 2011) Question 2 - Enjeux et recompositions géopolitiques du monde - Les chemins de la puissance : les États-Unis et le monde depuis les « 14 points » du Président Wilson (1918). - Une étude au choix parmi les deux suivantes : . les espaces maritimes aujourd’hui : approche géostratégique, . le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis la fin de la Première Guerre mondiale. Il s’agit dans le cas des classes de Terminale S d’une étude qui peut représenter une douzaine d’heures sur l’année, et qui dans l’objectif de la préparation à une épreuve orale, peut être aussi le support à des exposés d’élèves.

Adaptations de programme

Dans les adaptations de programme pour la Nouvelle-Calédonie, (B.O spécial n° 4 du 12 juillet 2012) il est précisé que l’on doit insister sur l’espace Pacifique, et que chaque fois que cela est possible et justifié par les programmes, on prendra appui sur des exemples géographiques locaux ou pris dans l’environnement régional.

 Une mise au point

1 La législation maritime

  • La définition des frontières et la délimitation en milieu maritime ont des enjeux considérables du point de vue du partage des ressources (halieutiques, énergétiques, minières) et la gestion des droits de passage. Le droit maritime international est d’origine coutumière et conventionnelle. La Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (CNUDM), signée à Montego Bay (Jamaïque) en 1982, définit le zonage de souveraineté.
  • On distingue d’abord la mer territoriale sont la largeur maximale est fixée à 12 milles nautiques. L’État riverain y jouit des droits souverains égaux à ceux dont il dispose sur son territoire terrestre et sur ses eaux intérieures ; il en règlemente toutes les utilisations et en exploite toutes les ressources.
  • Vient ensuite la zone contiguë. C’est un « espace tampon » sur lequel l’État côtier n’exerce pas sa pleine souveraineté mais a le pouvoir d’y appliquer des droits : droits de douane et de police, droits de poursuite et d’arrestation dans le cadre de la lutte contre les stupéfiants, contre le trafic d’immigrants illégaux et la fraude fiscale et douanière.
  • Enfin, on délimite la Zone économique exclusive (ZEE) : zone dont l’État riverain peut exploiter toute les ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, des eaux sur jacentes aux fonds marins, des fonds marins et de leur sous-sol (art. 76 de la CNUDM) à des fins économiques, telles que la production d’énergie à partir de l’eau, des courants et des vents. Il a « juridiction en ce qui concerne la mise en place et l’utilisation d’îles artificielles, d’installations et d’ouvrages, la recherche scientifique marine, la protection et la préservation du milieu marin ». Lorsque les lignes de bases des deux États sont distantes de moins de 400 milles, la limite séparant leurs ZEE doit être fixée d’un commun accord et faire l’objet d’une convention ou d’un traité bilatéral.
  • On parle de « plateau continental étendu » lorsque la marge continentale s’étend au-delà de 200 milles et que les États côtiers souhaitent alors l’extension de leurs droits. Au-delà des zones précédentes s’étendent les espaces maritimes internationaux (eaux internationales et fonds des mers et océans correspondant). La haute mer commence au-delà de la limite extérieure de la ZEE et représente 64 % de la surface des océans. Le principe de la liberté y prévaut : liberté de navigation, de survol, de la pêche, de la recherche scientifique, de poser des câbles et des pipe-lines, de construire des îles artificielles. L’ordre juridique qui s’y applique est fondé sur la nationalité des navires qui circulent : c’est celui des autorités de l’État dont le navire bat le pavillon. Les conventions internationales se sont multipliées pour réglementer la pêche en haute mer, pour la protection d’espèces spécifiques (baleine, thon) ou même, en 1995, à propos des stocks chevauchants (les ressources halieutiques qui sont à cheval sur la ZEE et sur la haute mer).

2 Les principales routes maritimes

  • Les routes maritimes consistent en des couloirs de quelques kilomètres de largeur. Elles tentent d’éviter les discontinuités du transport terrestre. Elles se dessinent en fonction des points de passage obligatoires (qui sont également des espaces stratégiques), des contraintes physiques (côtes, vents, courants marins, profondeurs, récifs, glaces) et des frontières politiques. Une large portion de la circulation maritime a lieu le long des côtes. Les principales routes maritimes relient les principales façades et les grands ports, permettant ainsi l’essentiel des échanges mondiaux. Ces routes maritimes sont jalonnées de points de passages stratégiques – les détroits et les canaux – qui suscitent des tensions et sont parfois le théâtre d’actes de piraterie moderne.
  • Ces routes maritimes, et surtout ces points de passage stratégiques, doivent s’adapter au gabarit des navires porte-conteneurs. À l’heure actuelle, l’essentiel du tonnage acheminé par voie maritime concerne le transport de produits pétroliers et de matériel conditionné en conteneurs, et il faut compter entre 25 et 27 jours pour parcourir Le Havre-Tokyo (en tenant compte des temps d’attente à l’entrée du canal de Suez ou de Panama).
  • Les principales routes maritimes traversent l’Atlantique et le Pacifique et empruntent le canal de Suez, celui de Panama ainsi que les détroits (Gibraltar, Ormuz, Malacca). Il existe cependant deux voies maritimes, les voies circumpolaires, la voie du Nord-ouest et celle du Nord-est.
    Le récent réchauffement climatique (qui fait dégeler la banquise) permet d’exploiter ces voies maritimes, beaucoup plus courtes que les voies traditionnelles. Actuellement, 20 à 30 jours de navigation sont possibles, mais les prévisions tablent sur une navigabilité de 2 à 3 pois par an dans quelques décennies. Les Russes, ayant (tout comme les Canadiens) délimité leur territoire autour de leurs îles arctiques par une « ligne de base », espèrent tirer profit de droits de passage et de services offerts (soutient par des brises glaces, par exemple) à une navigation internationale. La découverte de gisements gaziers en mer de Barents accroît l’intérêt économique de ces décisions politiques.
  • Chacune de ces routes maritimes présentent des avantages et des inconvénients. Les routes traditionnelles (par Suez et Panama) sont les plus longues (21 000 et 23 500 Km) mais praticables toute l’année. Cependant la traversée des canaux impose un certain tirant d’eau et surtout la nécessité d’acquitter des droits de passage élevés et une attente longue. Les nouvelles routes, par le passage du Nord-ouest ou celui du Nord-est sont beaucoup plus courtes (16 000 et 14 000 km) mais elles ne sont praticables qu’une partie de l’année avec des conditions météorologiques souvent difficiles. Elles nécessitent aussi l’usage de navires à coques renforcées mais aussi, souvent, d’un appui logistique pendant le passage. Le Canada et la Russie prélèvent aussi des droits de passage. Mais ces routes ne traversent pas de zones politiquement instables (comme le Golfe persique) et ne connaissent pas la piraterie, véritable fléau moderne du commerce maritime.
  • Les pirates d’aujourd’hui sévissent essentiellement dans les régions d’Asie du Sud et d’Asie du Sud-Est (en particulier dans les mers du Chine méridionale), le long des côtes Est du l’Amérique du Sud, du golfe d’Aden, de la mer Rouge, mais aussi le long de celles de la Somalie, dans le golfe de Guinée et dans la mer des Caraïbes. Selon le bureau maritime international plus de 4000 actes de piraterie ont été enregistrés avec une augmentation exponentielle de ces pratiques, depuis le début du XXIe siècle. Les actes de piraterie répétés et spectaculaires commis au large des côtes de la Somalie ont amené le Conseil de sécurité à se réunir quatre fois au cours du second semestre de 2008 ; ces réunions convoquées à l’initiative des grandes puissances, avaient pour but de combattre la menace qui pèse sur le trafic commercial dans une des voies maritimes les plus importantes du monde. La multiplication des actes de piraterie a provoqué en 2008 une hausse de 12 à 15 % des primes d’assurance.

3 Les ressources des océans

  • Les tensions sur les marchés de matières premières énergétiques ont suscité un essor spectaculaire de prospection et d’exploitation des hydrocarbures marins (pétrole et gaz) ; plus récemment, depuis 2000, une situation analogue s’observe pour les énergies renouvelables. Parallèlement, l’exploitation des grands fonds a ouvert de nouvelles perspectives en matière de disponibilités minérales mais l’intérêt pour ces ressources a fluctué dans le temps en lien direct avec la croissance des besoins et les estimations des réserves.
  • Cependant, contrairement à la terre, la mer est un espace public ce qui impose aux gestionnaires des contraintes très spécifiques puisque l’espace marin doit rester accessible à tous ; de même, les ressources marines sont des ressources publiques, qu’il s’agisse de ressources renouvelables (énergie éolienne, marémotrice, houlomotrice, micro-algues pour produire des algo-carburants, eau de mer), ou non renouvelables (hydrocarbures off shore, minerais métalliques, …). Mais comme ces ressources sont inégalement réparties, elles constituent des enjeux importants qui exacerbent les rivalités.

 Bibliographie

Ouvrages généraux

  • Gauchon P. (coord.), Manuel de géopolitique et de géoéconomie. PUF. Paris, 2008.
  • Royer P., Géopolitique des mers et des océans, PUF, Paris, 2012

Atlas

  • Durand M.-F. (et alii), Atlas de la mondialisation. Comprendre l’espace mondial contemporain. Les Presses de Sciences Po. Paris, 2010 (5e éd.), p. 99.
  • L’Atlas environnement du Monde Diplomatique. H.S. 2008 « Pêche en haute mer, violence faite aux abysses », p. 57.

Revues

  • Ronsin C., « Aquaculture : une alternative à la surexploitation des océans » p. 56. Carto, n° 5, Mai - Juin 2011.
  • Vigarié A., « Les Etats et la mer : une bien longue histoire », p. 6-16. Questions Internationales, « Mers et Océans », n°14, juillet-août 2005
  • Diplomatie, hors-série 02, Géopolitique et géostratégie des mers et océans, 2007
  • Diplomatie, Les grands dossiers n°10, Géopolitique des mers et des océans, août-septembre 2012

Sitographie


titre documents joints

Les espaces maritimes : approche géostratégique

23 septembre 2013
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Une mise au point sur une question du thème 2 du programme de géographie de la classe de terminale


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