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Exploiter et protéger une ressource « naturelle » : la forêt française depuis Colbert

lundi 20 septembre 2021 par Cécile LLANTIA

Proposition de mise en oeuvre de l’enseignement de spécialité en Terminale.

 I- Les dynamiques de la forêt en France métropolitaine et en Nouvelle-Calédonie

Document 1

« Au cours des 150 dernières années, la surface forestière française a doublé, la France est devenue le troisième pays européen le plus boisé, après la Finlande et la Suède. Les forêts ont conquis 6 millions d’hectares entre 1908 et 2009, soit en moyenne 60 000 hectares par an. Les forêts occupent actuellement 28% du territoire, presque 16 millions d’hectares, elles sont en croissance de 26 m2 chaque seconde, soit de 82 000 hectares et 85 à 110 millions de m3 chaque année. Entre 1985 et 1995, la forêt française a progressé au rythme annuel de 30 000 hectares, soit trois fois la surface de Paris. Cette croissance est le résultat de l’inversion, au XIXe siècle d’une longue tendance historique.
À l’époque romaine, à mesure du défrichement des réserves forestières permis par les progrès techniques, le territoire a été réaménagé en cercles concentriques autour des installations humaines. Au plus près de celles-ci les sylvae minutae, taillis fournissant, près des foyers, le bois pour le chauffage et la cuisson des aliments, puis les forêts de type futaie, formées de grands arbres (hêtres et chênes, pour le bois et les glands qui nourrissent les porcs et les bovins en semi-liberté) et enfin les forêts inexploitées qui représentaient des réserves naturelles.
Au Moyen-Âge, l’augmentation de la population a conduit au défrichement de nombreuses forêts pour cultiver les terres. On estime ainsi que la forêt française, qui représentait 30 millions d’hectares sous Charlemagne n’en comptait plus que 13 millions au XIVe siècle (...). En 1669, l’ordonnance de Colbert met en ordre les forêts royales et réglemente l’exploitation des bois. C’est le début d’une véritable politique forestière qui répond « aux nécessités de la guerre, à l’ornement de la paix, à l’accroissement du commerce. ». Les bases de l’éthique forestière, qui comprennent la conservation et la protection, étaient nées.
Depuis le milieu du XIXe siècle, une politique active de reboisement est mise en oeuvre en France. Au début du XXe siècle, il ne restait plus que 8 millions d’hectares de bois et forêts, contre 16 aujourd’hui. Cette politique de reboisement est appuyée par le Fonds forestier national, le plus bel exemple est celui de la région des Landes qui est aujourd’hui boisée aux trois quarts, un vaste triangle de pins maritimes s’y déploie sur près d’un million d’hectares entre Bayonne, la pointe de Grave, et le secteur de Nérac dans le Lot- et-Garonne. Avec la loi du 19 juin 1857, Napoléon III a fait mettre en oeuvre la plantation massive de pins pour pallier l’insalubrité de la région, alors marécageuse. L’ancien système agro-pastoral a été remplacé par le système sylvicole, entièrement tourné vers l’exploitation de la résine (gemmage et distillation). Aujourd’hui, la culture de la forêt des Landes s’adapte à l’évolution du marché. De nouveaux débouchés ont vu le jour comme les techniques du bois déroulé, la fabrication informatisée de panneaux à particules, la trituration des cimes de conifère pour produire des huiles essentielles. La Défense des forêts contre l’incendie (DFCI) veille à la protection de ce bien essentiel car en cas de feu de forêt, de tempête ou d’attaque d’insectes comme le scolyte, les arbres mettent en général plus de 40 ans pour retrouver leur état initial. »

(Extrait de F. Boyer, « Le retour des forêts françaises », Confins, 2019).

Document 2

Document 3. Les raisons de la création de la forêt des Landes (source : journal Sud-Ouest, 17/08/2017)

« Tout d’abord, il faut imaginer un désert. Ensablées sur le littoral, marécageuses à l’intérieur des terres, les Landes d’avant la forêt sont un territoire hostile et méconnu, où ne survivent que quelques bergers, au mode de vie rudimentaire.
À partir du XVIIIe siècle, des hommes d’affaires ambitieux tentent de s’enrichir, en développant cette terre vierge. Ils plantent du riz, des arachides, du tabac, tentent d’élever des bêtes (vers 1830, il y aura même des dromadaires !!). Mais toutes ces tentatives se soldent par des échecs. Le résultat de ces expérimentations, c’est la loi du 19 juin 1857, soutenue par l’empereur Napoléon III, qui oblige communes et propriétaires à assainir et ensemencer les Landes.
Or, la seule chose qui pousse correctement sur ces sols, c’est le pin maritime. Sur le littoral, cet arbre était déjà utilisé pour fixer les dunes. À l’intérieur des terres, il est la solution idéale pour drainer l’eau des marécages, responsables de la propagation du paludisme.
La plantation de cette pinède se fait au détriment de la société agropastorale landaise. Les bergers, déjà très pauvres, n’ont plus d’espace pour faire paître leurs bêtes. Ils se révoltent et mettent le feu à la forêt naissante. Mais l’histoire est en marche. Les bergers se transforment peu à peu en résiniers. De janvier à octobre, ils piquent les arbres. Durant l’hiver, ils entretiennent la forêt. Le métier est difficile et de nombreuses grèves ont lieu jusque dans les années 1930.
La pinède, plantée de manière aléatoire, est ravagée par un énorme incendie en août 1949, qui fait 82 morts. Plus de 50 % des arbres sont partis en fumée. Dès 1950, elle est replantée de manière plus rationnelle et prend sa forme actuelle.
Face à la concurrence de l’étranger et des produits dérivés du pétrole, la culture de la résine régresse jusqu’à disparaître complètement en 1990. Aujourd’hui, la forêt est uniquement exploitée pour son bois.
Si les tempêtes de 1999 et de 2009 lui ont fait subir de lourdes pertes, la pinède reste l’un des symboles des Landes. Elle est aussi un atout important pour le tourisme, l’une des principales ressources de la région. »

Document 4. L’évolution du couvert forestier en Nouvelle-Calédonie (FAO, 2010)

4a. La dynamique des espaces forestiers

« En Nouvelle-Calédonie, il existe deux dynamiques inverses, l’une de recolonisation forestière naturelle, et l’autre de régression sous l’impact de l’activité économique, la seconde plus facilement perceptible que la première. Cependant aucune information d’ensemble n’est disponible pour définir la tendance générale. D’avis d’expert, globalement les couverts forestier et arboré restent stables (DANG, communication personnelle). Les formations à niaoulis, savanes plus ou moins arborées de basses altitudes, ont continué à être défrichées dans certaines localités pour l’élevage extensif de bovins, et, dans une moindre mesure, pour l’urbanisation. (...) La superficie des forêts primaires est considérée constante car beaucoup d’entre elles sont des forêts d’altitudes. De plus, 90 % des forêts humides sont protégées par des règlements, leurs reliefs ou leur isolement (selon Papineau, 2002). Elles ne devraient donc pas être perturbées ni défrichées a priori. Toutefois, avec la fréquence des feux et l’intensification de l’activité minière dans le Sud de la Nouvelle-Calédonie, des forêts reliques humides du grand Sud ont été dégradées voire effacées, ou le seront prochainement. Bien que ces fragments forestiers ne s’étendent pas sur de grandes surfaces, ils présentent une très forte richesse et originalité floristique. Ainsi de faibles perturbations, en termes de surface, fragilisent fortement ces écosystèmes et peuvent entraîner des dégâts bien souvent irréversibles. »

4b. Tableau de l’évolution des superficies

Questions :
1- Décrivez l’évolution du couvert forestier en France métropolitaine depuis l’antiquité.
2- Expliquez pourquoi Colbert joue un rôle majeur dans cette évolution.
3- Décrivez les raisons et les conséquences de la création de la forêt des Landes.
4- Décrivez les dynamiques du couvert forestier en Nouvelle-Calédonie.
5- Identifiez les menaces qui pèsent actuellement sur les forêts en France métropolitaine et en Nouvelle-Calédonie.

 2- Les usages de la forêt

Document 1. La fonction des forêts en Nouvelle-Calédonie.

Document 2. Le rôle de la forêt en Nouvelle Aquitaine

Questions :
En vous appuyant sur l’ensemble des documents, listez les usages de la forêt en France métropolitaine et en Nouvelle-Calédonie : répondez sous la forme d’un schéma en mettant l’accent sur des verbes d’action décrivant les rapports de l’homme à l’environnement forestier puis rédigez un paragraphe.

 3- Protéger et gérer la forêt : acteurs et débats

Document 1. La mise en réserve d’une forêt en Nouvelle-Calédonie
(source : « L’invention des forêts sèches comme hot spot de la biodiversité et ses conséquences » (source : E. Faugères, « Mettre en mots, en nombres et en politique la nature néo-calédonienne », JSO, 126-127, 2008)

« Avant 1981, ces forêts (les forêts sèches) étaient socialement et politiquement invisibles. Elles n’avaient d’ailleurs même pas de nom. Elles n’étaient pas distinguées d’autres types de formations forestières. C’étaient des forêts. C’est l’attribution d’un nom à cet objet naturel qui va commencer à le distinguer des autres formations forestières et ainsi le faire exister socialement en lui donnant une singularité, une unicité et une identité. C’est en 1981 que les forêts sèches sont pour la première fois distinguées et appelées alors du terme de « forêts sclérophylles » (...)
Ces forêts sont situées en bord de mer et incluses dans de grandes propriétés d’élevage extensif. En raison de cette localisation dans des milieux anthropisés, les botanistes pensaient que ces forêts n’étaient pas intéressantes. Ils considéraient que ces milieux ne pouvaient plus receler d’espèces végétales dignes d’intérêt et que, s’il y en avait eu, les précédents botanistes les avaient nécessairement découvertes (....).
Or, au cours d’une exploration dans une forêt sèche située sur la réserve spéciale de chasse du haut-commissaire sur l’îlot Leprédour, ils découvrirent en 1988, trois pieds seulement d’une espèce unique au monde (...). Ils eurent alors l’intime conviction, d’une part, que cette espèce était en voie d’extinction et, d’autre part, qu’elle était un indice de la richesse floristique potentielle de ces forêts sèches qu’ils avaient jusqu’alors négligées. (...)
(...) une découverte effectuée en 1994 par les botanistes de l’ORSTOM dans une forêt sèche de la province Sud de Nouvelle-Calédonie va déboucher sur le premier accord de conservation entre la province Sud et le propriétaire privé de cette forêt, Claude Metzdorf. En effectuant des relevés dans cette forêt, les botanistes de l’ORSTOM découvrent une Euphorbiacaea d’un genre inconnu en Nouvelle-Calédonie, Trigonostemon. (...) Ils purent ainsi rapidement s’apercevoir que l’espèce trouvée dans la forêt de Claude Metzdorf était inconnue et qu’elle était une espèce endémique. Outre la découverte de cette nouvelle espèce, ils découvrirent, dans cette même forêt, de nombreuses espèces végétales à distribution limitée et rassemblées dans un mouchoir de poche. Ils en déduisirent que cette forêt était une relique d’une ancienne forêt sèche importante. Étant donné que cette relique était située au coeur de l’exploitation d’élevage de Claude Metzdorf, Jean-Marie Veillon voulut immédiatement protéger cette forêt du bétail et des cerfs et il parvint aisément à convaincre Claude Metzdorf, qu’il connaissait bien, et la province Sud, de l’urgence de clôturer ces huit hectares de forêts. »

Document 2. Le cycle de gestion d’une forêt (extrait vidéo)

Document 3. Extrait de l’arrêté de classement de la réserve biologique intégrale de la Sylve d’Argenson en forêt de Chizé dans les Deux Sèvres (26/09/2006)

« Article 2 : L’objectif de la réserve biologique intégrale de la Sylve d’Argenson est la libre expression des processus d’évolution naturelle des écosystèmes, à des fins d’accroissement et de préservation de la diversité biologique, ainsi que d’amélioration des connaissances scientifiques.
Article 3 : Toute exploitation forestière et toute intervention humaine susceptibles de modifier la composition ou la structure des habitats naturels sont proscrites, à l’exception :

  • des interventions nécessaires à l’entretien et à la sécurisation des axes maintenus ouverts à la circulation par l’ONF, ainsi que du layon du passage d’une canalisation d’eau ;
  • de l’élimination d’essences exotiques ainsi que d’anciens enclos sylvicoles ;
  • de l’entretien des layons de reprise pour les chevreuils.
    Article 4 : Afin d’atteindre les objectifs de la réserve biologique intégrale et pour la sécurité du public, toutes les activités humaines y sont interdites en permanence, à l’exception de ... (suit ici des exceptions pour l’entretien de la forêt). »

Questions :
1- Expliquez pourquoi et comment la forêt sèche est identifiée en tant qu’espace emblématique à protéger en Nouvelle-Calédonie.
2- Listez les objectifs de la mise en réserve intégrale de la Sylve d’Argenson.
3- En vous appuyant sur les exemples développés dans ce corpus documentaire, justifiez cette affirmation : la protection des forêts entraîne une modification des usages et du rôle de ces espaces pour la société.


titre documents joints

Exploiter et protéger une ressource « naturelle » : la forêt française depuis Colbert

20 septembre 2021
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