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Approche géostratégique de la crise du Covid-19

lundi 13 avril 2020 par Jérôme GEOFFROY

L’activité proposée concerne les classes de terminale des séries générales. Les élèves sont invités à analyser un dossier documentaire en utilisant les clés de lecture d’un monde complexe abordées dans le thème introductif du programme de géographie.

Le dossier documentaire, composé de huit extraits d’articles de presse, est accompagné d’une proposition de questionnement. L’ensemble, un peu long, est cependant découpé en quatre parties permettant le travail en groupes, peu recommandé en cette période de confinement, ou bien un travail individuel étalé dans le temps.

  DOSSIER DOCUMENTAIRE

La crise provoquée par la pandémie de Covid-19 s’étend désormais à l’ensemble de la planète. C’est une crise globale non seulement parce qu’elle touche (presque) tous les pays mais encore parce qu’elle concerne chaque individu, plus ou moins privé de certaines libertés. C’est aussi une crise complexe car elle affecte les relations internationales et la croissance économique, elle nous interroge sur notre rapport à la Nature et elle nous amène à repenser notre façon de consommer et de produire.
Cette crise peut être analysée, à l’aide du dossier documentaire, en utilisant différentes grilles de lecture.

 Lecture géopolitique de la crise du Covid-19

Document 1 : Coronavirus : nos démocraties peuvent-elles tenir ?

« Une crise révèle les forces et les faiblesses d’un régime politique », écrit l’hebdomadaire sud-coréen Sisa In. […] La voie coréenne (dépistage massif de la population et confinement souple) ou la méthode, plus musclée, chinoise (confinement ultrastrict de dizaines de millions de citoyens pendant des semaines, contrôles par drones, utilisation poussée de la reconnaissance faciale) … Depuis le début de la pandémie, et alors que tous les pays se referment sur eux-mêmes, chacun semble chercher désespérément un modèle à suivre. La Chine, qui a d’abord fait figure de repoussoir (c’est de là qu’est partie l’épidémie), retrouve les faveurs de certains États grâce à sa « diplomatie des masques », comme l’a baptisée le South China Morning Post […]. Doit-on pour autant imiter la stratégie sanitaire de Pékin, qui proclame aujourd’hui avoir contenu l’épidémie […] ? Rien n’est moins sûr. Outre que de nombreux épidémiologistes s’inquiètent de la probabilité d’une seconde vague dans le pays […], il est difficile aujourd’hui de vérifier les informations en provenance de Chine.
[…] Dictature ou démocratie ? Face à la pandémie, ce n’est pas le régime qui compte, mais le degré de solidité d’une nation, explique de son côté le politologue russe Fiodor Loukianov. « C’est l’heure pour chaque État du test de résistance, et tous ne le réussiront pas », écrit-il dans Kommersant. […] Au Moyen-Orient comme en Asie, l’épidémie semble pour l’heure conforter les autocrates. Mais les régimes autoritaires comme les démocraties libérales seront jugés sur leurs capacités à protéger leurs citoyens. Le tableau peut paraître sombre, mais une chose semble avoir déjà changé. La réponse à cette crise sans précédent sera forcément globale. Rarement une cause aura autant mobilisé les gouvernements. Et ce que le monde n’a pas réussi à faire face à l’urgence climatique, il est peut-être en train de le faire avec le Covid-19. C’est déjà le cas en matière de coopération internationale scientifique, mais aussi logistique. Et bientôt, on l’espère, politique.

Claire Carrard, Courrier International, 01 avril 2020

Document 2 : Le Covid-19 relance l’affrontement sino-américain.

L’administration américaine n’a pas tardé à voir dans l’épidémie de coronavirus non pas l’occasion d’une trêve mais bien celle de ralentir Pékin dans sa course pour l’hégémonie mondiale. La logique d’affrontement permanent, initiée par les États-Unis en 2018 avec les hausses de taxes douanières, se poursuit aujourd’hui sur un nouveau front.
Donald Trump voit, en effet, dans la crise actuelle une validation de sa théorie selon laquelle la Chine, accusée d’avoir manqué de transparence dans sa gestion du coronavirus, ne serait pas une puissance digne de confiance. Mieux, aux yeux des stratèges américains, la propagation rapide de l’épidémie serait l’illustration de la vulnérabilité de la seconde puissance mondiale et des menaces qu’elle ferait courir au monde. Les États-Unis peinent pourtant à faire la démonstration d’un leadership efficace dans la lutte mondiale contre le Covid-19.
[…] Soucieuse de restaurer la confiance, la Chine tente au contraire de faire valoir que seule une démarche de coopération mondiale est à même d’endiguer la crise. Elle a ainsi proposé son aide à quatre instances internationales et versé 20 millions de dollars (17,9 millions d’euros) à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) afin d’aider les pays en développement à améliorer leur système de santé. […] Selon Barthélémy Courmont, la Chine « cherche à capitaliser sur la sortie supposée de la crise sanitaire pour asseoir son influence en renforçant son soft power (aides multiples aux pays qui font face à la crise du coronavirus), et en se positionnant au centre d’une mondialisation qui pourrait, plus que jamais, être chinoise ».

Lina Sankari, L’Humanité, 30 mars 2020

 Lecture géoéconomique de la crise du Covid-19

Document 3 : Coronavirus : plus de 90 000 morts dans le monde et une crise économique qui s’annonce terrible.

Plus de 4 milliards de personnes vivent confinées à des degrés divers depuis plusieurs semaines déjà pour tenter d’endiguer la maladie, ce qui a paralysé les économies de la plupart des pays de la planète. Si les organisations internationales, comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS), appellent à maintenir les mesures de confinement, les gouvernements, obligés de gérer une catastrophe sanitaire, redoutent déjà la catastrophe économique qui s’annonce.
[…] Les échanges commerciaux devraient accuser une baisse à « deux chiffres » dans « presque toutes les régions » de la planète, a prévenu l’Organisation mondiale du commerce (OMC), prédisant une contraction du commerce « probablement supérieure » à celle causée par la crise financière mondiale de 2008-2009. Il s’agira de «  la plus profonde récession économique de notre existence », a prévenu le patron de l’OMC.
[…] Les conséquences sociales seront aussi désastreuses. L’Organisation internationale du travail (OIT) a prévenu que 1,25 milliard de travailleurs risquent d’être directement affectés. […] Selon un rapport de l’ONG Oxfam, entre 6 et 8 % de la population mondiale pourrait basculer dans la pauvreté. Faute de systèmes de protection sociale, les pays les plus pauvres seraient davantage touchés ainsi que les populations défavorisées, dont les femmes.

Le Monde avec AFP, 09 avril 2020

Document 4 : Covid-19 : tirer les leçons en France et prévenir la crise en Afrique.

La propagation rapide de l’épidémie du Covid-19 à l’échelle mondiale, laisse craindre un risque majeur de catastrophe humanitaire. Alors que l’épidémie du Covid-19 fragilise les systèmes de santé des pays riches, les pays les plus pauvres ne pourront faire face à une épidémie de cette ampleur.
[…] La situation sanitaire dans de nombreux pays africains, notamment au Sahel était avant la crise déjà fortement préoccupante, avec une faiblesse des infrastructures de santé et un accès réduit aux soins et à des installations sanitaires sûres des populations. En Afrique, plus de la moitié de la population ne bénéficie pas d’une couverture des soins les plus essentiels, au Sahel il s’agit de plus de deux tiers de la population.

Le nombre de personnel soignants est largement insuffisant pour faire face à une épidémie aussi dévastatrice que le Covid-19 […]. Les pays africains ne sont d’ailleurs pas suffisamment équipés du matériel pour faire face au Covid-19. Un article dévoilait l’exemple du Sierra Leone, pays d’Afrique de l’Ouest, ne disposant que d’un seul respirateur dans tout le pays, équipement de soins intensifs au coeur de la réponse à la crise du Covid-19.

Oxfam France, oxfamfrance.org, 24 mars 2020

 Lecture géo-environnementale de la crise du Covid-19

Document 5 : La pandémie de Coronavirus, « une alerte sans précédent de la pression que nous exerçons sur la nature ».

La pandémie de coronavirus constitue une alerte « sans précédent » de l’urgence de protéger la nature, plaide le directeur du Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
«  L’épidémie mondiale du Covid-19 trouve son origine dans les pressions que nous exerçons sur la biodiversité », indique Sébastien Moncorps dans une tribune dans le Journal du dimanche (JDD). Apparu dans un marché de Wuhan en Chine « mettant en contact des animaux sauvages, des animaux domestiques et la population humaine », le virus « est vraisemblablement issu d’une recombinaison virale impliquant plusieurs hôtes sauvages, parmi lesquels des chauves-souris et des pangolins ». Ce nouveau coronavirus «  illustre les dangers de la surexploitation des espèces sauvages, considérée comme la 2e grande cause de disparition de la biodiversité dans le monde, à la fois pour la survie des espèces elles-mêmes et pour les humains », met en garde Sébastien Moncorps.
« C’est une nouvelle alerte, ici sans précédent, sur le lien entre crise de la biodiversité et crise sanitaire, après d’autres épidémies (Ebola, Sras, grippe aviaire) issues du monde animal. La dégradation des milieux naturels et le trafic illégal favorisent les contacts avec les espèces sauvages, et donc la transmission de pathogènes aux humains, et déstabilisent le fonctionnement des écosystèmes ».

Sud-Ouest.fr avec AFP, 05 avril 2020

Document 6 : Le Covid-19, une bonne nouvelle pour les espèces sauvages.

[…] Ces images de marchés aux animaux vivants, présents notamment dans les régions rurales chinoises, ont été remises en lumière avec l’apparition du SARS-CoV-2, les premiers cas d’infection ayant été signalés autour du marché aux animaux de Huanan, à Wuhan, dans la province du Hubei en décembre 2019, la chauve-souris et le pangolin en particulier étant soupçonnés d’avoir servi d’hôtes intermédiaires au virus.

Mais depuis bientôt trois semaines, ils ont fermé leurs portes. Ce sera peut-être l’un des rares « bénéfices » de cette pandémie : alors que le commerce d’animaux sauvages proliférait en Chine, les autorités ont annoncé des mesures pour l’endiguer. Dans une série de décisions visant notamment à « éliminer les mauvaises habitudes de consommation excessive de faune sauvage », le Congrès national du peuple a interdit, le 24 février, la chasse, le commerce, le transport et la consommation d’animaux sauvages terrestres à des fins alimentaires.
[…] Ces mesures ont été saluées par les organisations de protection des animaux à l’instar de la Wildlife Conservation Society (SWC), située à New York, qui juge cette décision « cruciale et positive ». « Une répression plus stricte du commerce international et illégal d’espèces sauvages, telle qu’annoncée par la Chine, ne peut être que positive, estime aussi Ivonne Higuero, secrétaire générale de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites). Ce trafic a des conséquences dévastatrices en termes d’extinction d’espèces et de pertes d’habitats ».

P. Mouterde, S. Leplâtre, Le Monde, 17 mars 2020

 Lecture géoculturelle de la crise du Covid-19

Document 7 : Éviter les prochaines crises en changeant de modèle alimentaire.

Le coronavirus à l’origine de l’actuelle pandémie provient indiscutablement de la consommation d’animaux. […] Or, parce que notre consommation de produits animaux a été depuis des dizaines d’années une cause majeure du réchauffement climatique, de l’effondrement de la biodiversité terrestre et marine, de nouvelles épidémies et surtout du massacre de centaines de milliards d’animaux chaque année, nous avons du mal à nous avouer que cette pratique n’était nullement nécessaire, ni à notre santé ni à notre culture. Devant les innovations alimentaires, laits végétaux et autres steaks végétaux, qui nous permettraient de conserver nos habitudes culinaires et gustatives, nous faisons la fine bouche et imaginons toutes sortes de raisons de poursuivre sur notre lancée sans rien changer.
Cette crise nous offre aussi l’opportunité d’un changement d’attitude envers les animaux des autres espèces. Il y a plus de 20 ans déjà, au moment de l’épidémie de vache folle, Claude Lévi-Strauss appelait à remettre en cause la consommation de viande : « Un jour viendra où l’idée que, pour se nourrir, les hommes du passé élevaient et massacraient des êtres vivants, et exposaient complaisamment leur chair en lambeaux dans des vitrines, inspirera sans doute la même répulsion qu’aux voyageurs du XVIe ou du XVIIe siècle les repas cannibales. »
Nous avons vu comment, en quelques jours, une volonté publique forte est capable de changer du tout au tout notre mode de vie. Malgré les « impératifs » économiques à court terme, malgré nos habitudes et au prix de notre confort. Faire le choix collectif d’une alimentation ne contenant plus de produits d’origine animale serait un changement bien moins contraignant que celui que nous subissons actuellement. La meilleure précaution, pour éviter la répétition de crises sanitaires et économiques comme celle que nous traversons, serait donc d’initier à l’échelle de la société une transition vers une alimentation végétale et de rediriger nos ressources agricoles vers l’alimentation des humains plutôt que du bétail.

Un collectif de scientifiques français, Libération, 30 mars 2020

Document 8 : Le coronavirus est en train de faire vaciller le mythe déjà chancelant de la mondialisation heureuse.

[La mondialisation libérale] fait un bon suspect. En encourageant la circulation des hommes, des biens et des idées, elle a préparé le terrain à la propagation massive du virus. D’ailleurs, elle est partie de Chine, berceau et premier bénéficiaire de la mondialisation de ce début de siècle. Ce n’est pourtant pas nouveau non plus. Déjà au XIVe siècle, la peste avait pris le chemin de la Route de la soie dans les bagages des marchands génois. Bien avant notre civilisation capitaliste et globalisée.

En revanche, comme la peste du Moyen Age avait activé la chute de l’empire romain d’Orient, les grandes épidémies, comme les guerres, accélèrent le déclin des ordres anciens les plus fragiles. Le coronavirus est en train de faire vaciller le mythe déjà chancelant de la mondialisation heureuse.
L’acrimonie progressive des États-Unis contre la Chine, avec son cortège de rétorsions, de taxes douanières et d’interdits, avait déjà commencé à affaiblir l’empire chinois, coupable de vouloir supplanter l’Amérique et détruire sa prospérité. À cela s’ajoutent les peurs technologiques et environnementales dans les pays développés. L’heure du repli nationaliste a sonné.

P. Escande, Le Monde, 24 mars 2020

  QUESTIONS

Lecture géopolitique :

1. Pourquoi les régimes autoritaires semblent-ils avantagés par rapport aux démocraties pour contenir la pandémie ? (doc. 1 et 2)
2. Pourquoi est-il cependant difficile pour les démocraties d’imiter les régimes autoritaires ? (doc. 1)
3. Comment la Chine cherche-t-elle à renforcer son soft power ? Dans quel but ? (doc. 1 et 2)
4. Comment les États-Unis réagissent-ils à la montée en puissance de la Chine ? (doc. 2)
5. Face à une crise mondiale, la réponse peut-elle être simplement à l’échelle nationale ? (doc. 1 et 2)

Lecture géoéconomique :

6. Pourquoi la pandémie peut-elle provoquer une crise économique majeure ? (doc. 3)
7. Pourquoi cette crise économique peut-elle entraîner une crise sociale ? (doc. 3)
8. En quoi les inégalités de développement favorisent-elles le déclenchement d’une crise humanitaire ? (doc. 4)

Lecture géo-environnementale :

9. Quelles organisations oeuvrant pour la protection de l’environnement sont citées dans les doc. 5 et 6 ? Lesquelles sont des ONG ?
10. Quel lien y a-t-il, selon elles, entre la crise du Covid-19 et les atteintes à l’environnement ? (doc. 5 et 6)
11. En quoi la décision prise par le Congrès national du peuple contribue-t-elle à renforcer le soft power de la Chine ? (doc. 6)

Lecture géoculturelle :

12. Pour quelles raisons cette crise devrait-elle nous amener à modifier notre alimentation selon le doc. 7 ?
13. En quoi cette crise sanitaire nous encouragerait-elle à nous détourner de la mondialisation actuelle selon le doc. 8 ?

Synthèse (rédigez quatre courts paragraphes en vous aidant des réponses précédentes) :

14. Quels bouleversements géopolitiques, géoéconomiques, géo-environnementaux et géoculturels la crise du Covid-19 révèle-t-elle, d’après l’ensemble documentaire ?


titre documents joints

Approche géostratégique de la crise du covid-19

13 avril 2020
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Proposition d’activité de géographie en classe terminale de la voie générale.


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