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Le gouvernement et l’administration de la Nouvelle-Calédonie depuis 1945

samedi 26 décembre 2015 par Henri LALIE

(référence : Histoire et Géographie La Nouvelle-Calédonie et l’Océanie, CDP NC, 2010, pages 76 à 90)

Comment la Nouvelle-Calédonie a-t-elle été administrée par la France depuis 1945 ? Quels sont les différents statuts politiques qui ont contribué à construire sa spécificité institutionnelle présente ?

 I) 1945-1958 : vers une plus grande autonomie

 1- Les conséquences locales de la Conférence de Brazzaville

Du 30 janvier au 8 février 1944, le GPRF organise à Brazzaville, capitale de l’AEF (Afrique Équatoriale Française), une réunion destinée à rétablir son autorité dans les colonies françaises d’Afrique. Le chef de la France Libre prononce à cette occasion un discours où il énonce sa vision de la vocation coloniale de la France et écarte toute idée d’indépendance pour les colonies : « En Afrique française comme dans tous les autres territoires où des hommes vivent sous notre drapeau, il n’y aurait aucun progrès qui soit un progrès, si les hommes, sur leur terre natale, n’en profitaient pas moralement et matériellement, s’ils ne pouvaient s’élever peu à peu jusqu’au niveau où ils seront capables de participer chez eux à la gestion de leurs propres affaires. C’est le devoir de la France de faire en sorte qu’il en soit ainsi ». Le gouverneur Félix Éboué, petit-fils d’esclave originaire de Guyane, qui s’est rallié dès 1940 au général de Gaulle, figure parmi les principaux inspirateurs du discours.
En Nouvelle-Calédonie, la situation statutaire se transforme dès lors à partir de 1945.

 2- UICALO et AICLF vers la fondation de l’UC

Deux associations d’essence religieuse, sont à l’origine de l’émergence de la question mélanésienne en politique : en 1945, l’UICALO (Union des indigènes calédoniens amis de la Liberté dans l’ordre) et en 1947, l’AICLF (Association des indigènes calédoniens et loyaltiens français). La création de ces associations est en fait une réaction des hiérarchies religieuses respectives face à la création d’un Parti Communiste Calédonien en 1945, sur la scène politique locale. En 1951, Maurice Lenormand est soutenu par ces associations pour les élections législatives. En 1953, les deux associations et les petits colons de l’intérieur, sous l’organisation de Maurice Lenormand, constituent des « listes d’Union calédonienne ». L’Union calédonienne devenue la principale force politique de la Nouvelle-Calédonie est fondée en tant que parti politique en 1956.

 3- Le TOM de 1946 à 1963

  • Le TOM de 1946
    La Constitution du 27 octobre 1946, transforme la Nouvelle-Calédonie de colonie à TOM (Territoire d’Outre-Mer). Un Gouverneur y représente l’État. Il est le Chef du territoire et est assisté d’un conseil privé. L’assemblée délibérante du territoire est le Conseil Général. Ce statut permet à travers le FIDES (Fonds d’Investissement pour le Développement Économique et Social) de préparer dès 1948, un 1er plan décennal d’équipement du Territoire en priorité pour l’intérieur et les îles. La présence américaine qui a constitué une ouverture économique indéniable, doit en effet être « relevée » ou reprise par la France.
  • La loi cadre Defferre : 1er statut d’autonomie interne avec un gouvernement local
    La loi-cadre Defferre du 23 juin 1956, initialement prévue pour l’Afrique, est cependant appliquée en Nouvelle-Calédonie par le décret 57-811. Le conseil Général devient Assemblée territoriale composée de 30 membres élus pour 5 ans à la représentation proportionnelle.
    Pour la première fois dans l’histoire de la Nouvelle-Calédonie, un gouvernement local est expérimenté. Il est constitué d’un conseil de gouvernement élu au scrutin de liste majoritaire par l’Assemblée territoriale et dont la présidence revient au Gouverneur (chef du territoire), mais dont le vice-président et 5 à 7 ministres sont élus. C’est la première expérimentation de l’autonomie interne. Tous les membres de ce conseil de gouvernement sont issus de l’UC, dont la devise est : « deux couleurs, un seul peuple ».
    Le premier conseil de gouvernement en 1957 est composé de :

    Le gouvernement Lenormand va mener des réformes majeures, dans différents domaines (aide sociale, sanitaire, agricole, législation du travail, scolaire…). Ce premier gouvernement local va tomber en 1958.

 II) 1963-1979 : le retour de la centralisation

 1- La réduction de l’autonomie du TOM de 1963

  • La loi Jacquinot de décembre 1963
    La loi du 21 décembre 1963 dite loi Jacquinot, réduit les pouvoirs du Conseil de gouvernement à sa fonction collégiale consultative. Le Gouverneur décide après avis du Conseil. Les cabinets, les ministères et le poste de vice-président sont supprimés. Le cumul avec un mandat de parlementaire est rendu impossible, cela vise particulièrement Lenormand.
  • Les trois lois Billotte de janvier 1969
    En janvier 1969, l’Assemblée Nationale vote les trois lois Billotte, malgré l’opposition de l’Assemblée territoriale. Les permis miniers sont désormais accordés par Paris, les communes créées doivent être financées par un prélèvement sur le budget territorial. Les compétences fiscales et aides au développement sont retirées au territoire.

  2- Le boom du nickel et ses conséquences

La période 1967-1971, est une période faste pour l’industrie minière du nickel en Nouvelle-Calédonie et son économie. Elle entraîne une phase de croissance économique qui s’accompagne d’une immigration, ce qui va transformer l’évolution politique de la Nouvelle-Calédonie et contribuer à une certaine radicalisation politique.

 3- L’émergence du nationalisme kanak

En 1975, le 25 juin, à la tribu de la Conception, est créé le Comité pour l’Indépendance Kanak, à la suite de la déception d’une délégation d’élus kanak de retour d’une mission à Paris qui ont considéré qu’ils n’avaient pas été écoutés par le gouvernement français. La déclaration de la Conception est le fait de groupuscules de jeunes (groupe 1878, Ciciqadri, Atsai, Wayagi, Jeunesse Ouvrière Chrétienne) et d’élus kanak de l’Union multiraciale et de l’Union calédonienne, à titre individuel.

 III) 1980-1988 : la valse des statuts et les « événements »

 1- Bipolarisation politique

À partir de 1975, la revendication indépendantiste s’affirme. Elle donne naissance au FI (Front Indépendantiste) en 1979 et au FLNKS (Front de Libération National Kanak et Socialiste) en 1984. C’est autour de la cause indépendantiste que se traduit la bipolarisation politique : les « pour » et les « contre ». Des partis politiques se constituent, dans ce cadre :

  • Les « pour » : PALIKA 1976, LKS 1981, l’UC devient indépendantiste en 1977 à son congrès de Bourail ;
  • Les « contre » : RPC en 1977 qui devient RPCR en 1978, FNSC en 1979, Front calédonien en 1982, Front national en 1984.

 2- Les réactions de l’État

  • Le statut Stirn (1976-1984)
    Le statut Stirn, en 1976, rend au conseil de gouvernement de sept membres un pouvoir délibératif. Ce conseil de gouvernement reste présidé par le Haut-Commissaire, chef de territoire, mais ces sept membres ne sont pas ministres, ils sont chargés de contrôler et d’animer des secteurs administratifs. Le statut Dijoud qui lui succède en 1979 ne change pas fondamentalement l’organisation statutaire, sauf l’élection du conseil de gouvernement qui se fait désormais au scrutin de liste majoritaire. Surtout, le ministre Dijoud initie la réforme foncière pour répondre aux occupations de terres.
  • Le statut Lemoine (1984-1985) après la Table ronde de Nainvilles-les-Roches (1983)
    Le secrétaire d’État Georges Lemoine, tente en 1983 de regrouper à Nainvilles-Les-Roches, les principaux acteurs des deux camps de la vie politique du territoire : les indépendantistes, les anti-indépendantistes, la FNSC, le sénateur de la Nouvelle-Calédonie, le président du gouvernement local, … La notion « de victimes de l’histoire » apparaît. Le document final ne sera pas signé par Jacques Lafleur. Le statut Lemoine de 1984 institue 6 pays coutumiers avec des assemblées de pays, un gouvernement du territoire de 6 à 9 membres élus au scrutin de liste majoritaire par l’Assemblée territoriale. L’exécutif du territoire échappe au Haut-Commissaire pour passer au président du gouvernement assisté d’un vice-président. Le FLNKS lance le mot d’ordre de « boycott actif » des élections.
  • Le statut Fabius-Pisani (1985)
    Le gouvernement du territoire disparaît. L’exécutif revient au Haut-Commissaire assisté d’un conseil exécutif comprenant le président du Congrès du territoire (nouvelle appellation de l’Assemblée territoriale) et les 4 présidents des régions nouvellement créées. Les indépendantistes reviennent dans les institutions plus ou moins, et Pisani lance « l’indépendance-association » avec la France. En France, en 1986, c’est la première cohabitation, les élections législatives ramènent la droite au gouvernement, et le statut Pisani va être remplacé par le statut Pons.
  • Le statut Pons 1 (1986), gouvernement Chirac de cohabitation
    En juillet 1986, le statut Pons 1, vide le contenu du plan Fabius/Pisani qui avait ramené les indépendantistes dans les institutions et donné des compétences aux régions. Pons militarise le Territoire à outrance. Les indépendantistes font inscrire la Nouvelle-Calédonie dans la liste des pays à décoloniser à l’ONU. Organisation d’un référendum sur l’indépendance, boycotté par les indépendantistes en 1987.

 3- Les affrontements

  • Statut Pons 2 de 1988 et élections présidentielle et régionale, Chirac premier ministre et Mitterrand président sortant, candidats : mot d’ordre de boycott indépendantiste : la grotte de Watëtö à Ouvéa. Le nouveau statut Pons institue un Conseil exécutif de 10 membres (4 présidents de région et 5 membres élus par le Congrès et un président élu lui aussi par le Congrès). Le découpage des régions est changé. Création du CES (comité économique et social) et assemblée coutumière et chambre territoriale des comptes (qui n’est pas une institution de la Nouvelle-Calédonie).

 IV) Retour de la paix : le temps des « Accords », 1988 à nos jours

 1- Réélection de Mitterrand

  • Juillet 1988 : période d’administration directe
    Le résultat des élections en France a pour effet immédiat de stopper le statut Pons. C’est le Haut-Commissaire représentant l’État localement qui gère les affaires de la Nouvelle-Calédonie. Le Conseil exécutif devient consultatif pour un an.
  • Michel Rocard premier ministre

 2- Les Accords de Matignon-Oudinot (1988-1998) : statut Rocard et provincialisation

  • La dimension politique : la poignée de main de Matignon (le 26 juin 1988)
    Le premier ministre Rocard initie une « mission du dialogue » dès fin du mois de mai 1988. Il propose dans le secret aux leaders des deux camps Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur de se retrouver à Matignon pour discuter de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. La négociation entre les délégations commence le 20 juin. L’essentiel est réglé dans la nuit du 25 au 26 juin, et révélé par la poignée de main du 26 juin 1988 entre Tjibaou et Lafleur. Ceux-ci doivent expliquer à leurs bases respectives, les choix ainsi faits. C’est un processus de dix ans, au bout duquel, un référendum sera mis en oeuvre.
  • Les aspects techniques des Accords Oudinot (juillet/août 1988)
    Du 17 au 20 août suivant, les délégations se retrouvent rue Oudinot au siège du ministère des Dom/Tom, pour affiner les aspects économiques, sociaux et culturels des Accords. La mise en place de ces Accords qui ont prévu les élections provinciales (3 provinces) en 1989, sera endeuillée par la disparition tragique de Tjibaou et Yéiwéné. Néanmoins, la Nouvelle-Calédonie entre dans une période particulière de son histoire.

 3- L’Accord de Nouméa et la large autonomie (1998-2018)

  • Le préambule : acte fort (5 mai 1998)
    L’Accord de Nouméa comporte un document d’orientation et un préambule. Ce document n’est pas qu’une simple introduction. Il a fait l’objet de longs débats, où chaque mot a été pesé. Il donne sens à l’accord, en explicitant les origines historiques de la situation qui y conduit et en exposant ses principes fondamentaux. Les quatre premières parties du préambule rappellent l’histoire de la colonisation (« ombres et lumières de la période coloniale ») en Nouvelle-Calédonie, non dans un esprit de repentance mais pour dire la réalité, souvent non dite, et ainsi mettre les Calédoniens dans une nouvelle disposition face à l’Histoire. La cinquième partie du préambule indique quels sont les principes de la « solution négociée, de nature consensuelle », que les signataires ont décidé d’arrêter ensemble. Le préambule dit pourquoi l’Accord de Nouméa était nécessaire. Il a été écrit à trois mains : l’État, le FLNKS et le RPCR, c’est peut-être la garantie du maintien de son esprit et de sa bonne application. Deux maîtres mots : transferts des compétences et irréversibilité.
  • La loi organique du 19 mars 1999
    La traduction juridique de l’Accord de Nouméa est dans la loi organique du 19 mars 1999. C’est-à-dire qu’elle développe les conditions de sa mise en oeuvre. La loi organique de 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, comprend 234 articles, divisés en dix titres.

    En 2014 ont lieu les élections provinciales qui marquent la quatrième mandature de l’Accord de Nouméa, avant la fin du processus tel qu’indiqué dans la loi organique.

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