Culture et patrimoine en province Nord
I-3 : Les citoyens calédoniens et leurs territoires.
Culture et patrimoine en province Nord
Orientation générale :
La diversité culturelle de la Nouvelle-Calédonie est une richesse. Il est indispensable
d’oeuvrer pour donner toute plénitude à l’expression de cette diversité culturelle, en particulier
à celle du peuple kanak, peuple indigène du pays, pour qu’elle puisse s’épanouir
complètement aux côtés de celles des autres communautés.
L’action publique dans le domaine de la culture comporte deux axes :
- la réhabilitation de la culture du peuple kanak
- l’expression de la diversité culturelle du pays.
Notions-clés : peuple indigène /premier, Kanak, citoyen, citoyenneté, diversité, ethnies,
langue vernaculaire, patrimoine, culture.
MISE AU POINT SCIENTIFIQUE
En ce qui concerne la réhabilitation de la culture kanak, l’enjeu est de redonner la place qui
lui revient en tant que culture du peuple premier de la Nouvelle-Calédonie. La culture kanak a
été longtemps marginalisée du fait de la colonisation et de la mainmise de la religion sur la
population kanak. Les accords de Matignon (1988) ont fait émerger la reconnaissance du
peuple kanak, l’Accord de Nouméa (1999) accorde, quant à elle, une place privilégiée à la
mise en oeuvre et à l’application de cette reconnaissance.
La province Nord apporte son concours en engageant toutes les initiatives nécessaires pour :
- fixer une nouvelle toponymie (réhabilitation de la toponymie en langue vernaculaire)
- promouvoir et valoriser les langues kanak
- protéger et conserver les objets et documents culturels kanak.
Ces trois points font partie d’un vaste projet culturel et il est intéressant d’étudier leurs
aspects qui font appel à différents partenaires.
1) La réhabilitation de la toponymie.
L’Accord de Nouméa dans son chapitre 1.3.1 stipule que « les noms kanak des lieux seront
recensés et rétablis ». Ce chapitre fait partie de l’Accord particulier entre l’Etat et la Nouvelle-
Calédonie sur le développement culturel. Cet Accord particulier a reçu l’aval des signataires
(l’Etat, le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, les trois provinces).
Document 1 : Accord particulier entre Etat et Nouvelle- Calédonie.
La toponymie est une des manifestations de la réhabilitation culturelle car, au cours des cent
cinquante années de colonisation, les noms de lieux ont été, soit déformés, soit remplacés. La
toponymie est un lien essentiel des populations à la terre qui est l’élèment fondamental de la
culture Kanak car elle permet de retracer les généalogies et de déterminer l’implantation des
clans, tribus, districts et aires coutumières.
Ce travail sur la toponymie a été confié au Secrétariat Général qui a missionné Monsieur
Jean-François CARREZ-CORRAL afin de mettre en oeuvre les dispositions de l’Accord
culturel et particulier. C’est surtout un travail d’enquête sur le terrain en partenariat avec les
autorités coutumières (Conseils d’aires, Grands Chefs et tribus) afin de recenser les noms de
lieux et d’en retracer l’histoire. Ces enquêtes effectuées, les communes sont sollicitées afin de
préparer la signalétique et la province a pour mission de financer et de valider ce travail.
Ce travail a débuté en juillet 2002 et depuis, environ un millier de toponymes a été recensé
(noms des communes, tribus, creeks et rivières, lieux-dits) mais tous n’ont pas été validés car
il faut un accord entre les autorités coutumières, les communes et la province Nord.
Cette validation se fait par procès-verbal de palabre et une double signalétique est alors
décidée : le nom kanak et le « nom de la colonisation ». Cette signalétique est mémoriale et
touristique.
Lorsque la toponymie a été verbalisée par les autorités coutumières et les communes, la
province Nord entérine et officialise les toponymes réhabilités.
Document 2 : Procés-Verbal.
Document 3 : Signification des toponymes.
La fabrication des panneaux est confiée à des sculpteurs locaux
afin d’impliquer davantage les
populations dans cette réhabilitation. Il est intéressant de rappeler que le remplacement des
noms de lieux est surtout le fait de la religion catholique : en effet, les missions catholiques
ont toutes baptisé les lieux d’un nom chrétien alors que les missions protestantes ont conservé
la toponymie d’origine. Par exemple, à Pouébo, la seule tribu protestante a gardé son nom :
YAMBE, alors que le reste de la commune, donc les tribus catholiques ont toutes un nom de
saint(e)s : Sainte-Marie pour la tribu de PWAÏ, ou encore Saint-Adolphe pour celle
d’OUVANOU .
Touho est le premier village à avoir réhabilité la toponymie kanak. A ce jour, cinq communes
se sont dotées de la double signalétique : Voh, Koné, Hienghène, Houaïlou et Canala.
Pouembout, Pouebo, Poum, Poindimié et Ponérihouen devraient bientôt faire de même.
Cet Accord particulier a été conclu pour une durée de sept ans à compter du 1er janvier 2002,
Tous les ans, il est procédé à un bilan de la mise en oeuvre des actions décrites dans l’Accord
particulier. Une évaluation globale est prévue dans le courant de l’année 2004.
2) La promotion et la valorisation des langues kanak.
Celles-ci comportent trois axes :
- l’enseignement des langues kanak
- la prise en compte des langues kanak dans les concours administratifs ou dans le concours
d’entrée dans les organismes de formation territoriaux (Institut de formation des Maîtres de
Nouvelle-Calédonie, Institut Universitaire de Formation des Maîtres de Nouvelle-Calédonie,
Centre de Formation aux Professions de Santé…). - la prise en compte des langues kanak dans la formation artistique et les médias.
Il faut souligner l’ouverture récente de la filière Langues et Cultures Régionales à l’Université
de Nouvelle-Calédonie avec la mise en place du Deug et de la Licence. Quatre des langues
kanak ayant le plus grand nombre de locuteurs sont actuellement enseignées : le Drehu, le
Nengoné (langues des Iles Loyautés pour Lifou et Maré) et le Paîci et l’Ajie (pour les régions
de Koné-Poindimié et Houaïlou). Un des débouchés de la Licence LCR est l’enseignement
principalement primaire afin de prendre en considération la langue des élèves.
A long terme, la province souhaite que toutes les langues kanak du Nord soient enseignées
dans les écoles.
3) La protection et la conservation des objets et documents culturels kanak.
Il s’agit de mettre en place des dispositifs permettant le retour des objets et documents
culturels kanak au pays :
- par le biais de conventions de mise à disposition avec les musées nationaux et/ ou
internationaux. - en mettant en avant le droit de préemption de la Nouvelle-Calédonie ou de l’Etat sur les
marchés internationaux de l’art.
Dans le souci de la conservation du patrimoine culturel, le Bureau du patrimoine culturel
kanak a été créé en liaison avec les Conseils d’aire afin de constituer un inventaire du
patrimoine avec pour missions de :
- former des enquêteurs tribaux (par région et par thème). Chaque année, la Commission de la
Culture choisit un thème (la vannerie, l’igname…) qui doit être approfondi par les enquêteurs.
Ces recherches seront regroupées dans un ouvrage de vulgarisation, accessible au public. - élaborer des films documentaires en fonction des oppportunités, par exemple, l’investiture
du Grand Chef GOA, ou bien la fabrication du manteau de pluie.
Ces films documentaires sont une ressource pour les enseignants et le public. - récolter des archives écrites et les stocker.
- recueillir et enregistrer les derniers témoignages : récits, légendes ou même techniques
traditionnelles. La sauvegarde d’une langue kanak en perte de locuteurs s’inscrit dans cette
démarche.
La formation des enquêteurs tribaux est essentielle dans ce travail d’inventaire car il s’agit
pour les populations d’aller à la quête de leur propre patrimoine. Ces actions ont pour
objectifs de générer une dynamique associative, de rendre la population actrice de la
sauvegarde du patrimoine. Elles doivent permettre à plus long terme de former des
correspondants culturels. On peut noter l’exemple de Ouayaguette située dans la commune de
Hienghène, qui, grâce à ce travail de recherche patrimoniale, a pu reconstituer sa structure
coutumière.
La diversité culturelle du pays s’exprime au travers de multiples manifestations.
On peut citer le cas des « Journées patrimoine », qui ont pour vocation de faire
découvrir ou redécouvrir au public les sites remarquables de quelque nature que ce soit
(industriel, religieux ou autre). Ainsi, le vieux village de Tiébaghi (commune de Koumac) où
l’Association pour la Sauvegarde du Patrimoine Minier et Historique du Nord Calédonien
(ASPMHNC) propose des visites du village. L’ASPMHNC organise une fois l’an une
manifestation sous le signe de l’histoire commune à laquelle participent les anciens ouvriers
de la mine et la population. L’objectif de cette festivité n’a pas seulement une vocation
patrimoniale mais elle sert aussi à mettre en valeur le brassage culturel réalisé suite à l’activité
minière. L’arrivée de populations d’origine Tonkinoise, Chinoise, Coréene et Indonésienne
venues travailler à la mine explique le métissage biologique et culturel de la région.
Les fêtes communales sont aussi l’occasion de se souvenir de l’investissement des
pionniers dans divers secteurs d’activités. Par exemple, les festivités liées à un produit
agricole comme le café ou le letchi qui rappellent le travail des familles calédoniennes. Ces
produits introduits sont devenus pour la plupart des débouchés économiques pour les régions
concernées.
La musique accorde aussi une place aux autres ethnies notamment lors du festival
« Cebu Nyebi » à Koné où les diverses communautés principalement océaniennes ( groupes
de danses wallisiennes, tahitiennes, indonésiennes mais aussi des groupes de musiques
australiens, fidjiens et vanuatans) ont l’occasion d’être représentées.
Le défi pour les populations d’arrivants présentes en province Nord est de s’affirmer
culturellement aux côtés du peuple Kanak dans l’esprit de l’accord de Nouméa. Cela pose
alors la question de la citoyenneté calédonienne : faut-il la concevoir comme une citoyenneté
unique ou une citoyenneté multiple ?
titre documents joints
Culture et patrimoine en province Nord
Accompagnement du programme adapté de géographie en première bac pro.