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La Nouvelle Calédonie de la fin du XIXe au début du XXe siècle

samedi 17 juillet 2010 par Cynthia DEBIEN VANMAI

 Documents sélectionnés et commentés

Document 1 : la prise de possession de la Nouvelle-Calédonie.

Considérant qu’il est de principe que lorsqu’une puissance maritime se rend souveraine
d’une terre non encore occupée par une nation civilisée et possédée seulement par des tribus
sauvages, cette prise de possession annule tous les contrats antérieurs faits par des particuliers
avec les naturels de ce pays ; qu’en conséquence, les chefs et les indigènes de la Nouvelle-
Calédonie et de ses dépendances n’ont jamais eu ni ne peuvent avoir le droit de disposer en
tout ou partie du sol occupé par eux en commun, ou comme propriété particulière.(…)
2. Le Gouvernement se réserve exclusivement le droit d’acheter les terres occupées par les
indigènes, et la propriété, comme domaines domaniaux, de toutes les terres non occupées,
ainsi que les forêts, bois de construction, mine de toute espèce qu’elles referment. Lui seul
pourra en faire la concession aux colons qui viennent s’établir dans ces îles.(…)
4. Dans les concessions qui seront ainsi faites, on ne comprendra jamais aucun cap, ou
promontoire, baie ou île, ni aucune partie du territoire qui puisse être un jour nécessaire à la
défense du pays, ou choisie comme emplacement pour fonder une ville.

Fait à la Nouvelle-Calédonie au port de Nouméa, le 20 janvier 1855.
Gouverneur Du Bouzet.

Commentaire

Ce commentaire est une synthèse du travail de Joël Dauphiné, Les spoliations foncières,
1853-1913. L’Harmattan, 1989.
Le régime foncier autochtone repose sur la distinction classique et fondamentale entre biens
domaniaux à usage collectif, telles que les forêts et les terres incultes, qui appartiennent à la
tribu, et les biens individuels ou familiaux, qui sont la propriété des lignages ou des clans (un
clan se décline en plusieurs lignages). Les premiers fonctionnaires en charge de la question
tout comme les missionnaires ou encore les officiers de marine se rejoignent d’ailleurs tous
pour rendre compte dans leur rapport de l’attachement sacré des Kanak à la propriété privée.
La propriété familiale est une constante dans toute l’Océanie, en Polynésie comme en
Mélanésie.
Les premiers échanges d’ailleurs font l’objet d’acte de vente parfois écrits. L’amiral Febvrier-
Despointes procède de la sorte en 1853. Quant aux missionnaires, et avant eux les colons
anglo-saxons, ils négocient les terrains avec des objets, et demandent l’assentiment du chef
comme le fait James Paddon avec Kuindo à l’île Nou.
Le ministère met fin rapidement à ces pratiques craignant la spéculation et charge le
Gouverneur Du Bouzet de faire une déclaration le 20 janvier 1855. Par ce texte, destiné à
devenir la charte foncière de la Nouvelle-Calédonie, le gouvernement français se déclare
propriétaire de toutes les terres apparemment vacantes et se réserve le droit exclusif (ce qui
annule les actes passés) d’acheter les terres occupées par les indigènes pour d’éventuelles
concessions à faire aux colons européens. La propriété indigène est implicitement reconnue,
puisque les terres occupées par les autochtones leur seront au besoin achetées, mais les kanak
ne pourront plus disposer à leur gré de tout ou partie du sol qu’ils détiennent. L’État se
réserve, en outre, la propriété des terres en friche, de même que celle des îles et de la zone
littorale. L’horticulture indigène, utilisant la jachère en souffre bientôt.
Cette déclaration est ambiguë, elle consacre l’inaliénabilité des terres autochtones, mais
réserve aussi au gouvernement la possibilité d’acheter ces terres.
Les premières révoltes ne se font pas attendre, en mars 1855 à Balade, contre l’installation de
quelques colons, et surtout autour de Port-de-France après que le commandant Testard a accordé près de 2 000 hectares à la mission mariste autour du village de la Conception pour y
installer 120 indigènes amenés depuis Balade et Pouébo par le Père Rougeyron.

Document 2 : arrêté du Gouverneur relatif à la constitution de la propriété territoriale indigène, 22 janvier 1868.

Nous, gouverneur de la Nouvelle-Calédonie et dépendances,
Avons arrêté et arrêtons,

Article premier- § 1er – Il sera délimité pour chaque tribu de la Nouvelle-Calédonie et de ses
dépendances, sur le territoire dont elle a la jouissance traditionnelle d’après le droit politique
entre tribus, un territoire, d’un seul tenant ou en parcelles, proportionné à la qualité du sol et
au nombre composant la tribu.
§2- On procèdera, en même temps et autant que possible, à la répartition de ce terrain par
villages.

Article 2- §1- Les terrains ainsi délimités seront la propriété incommutable des tribus.
§2- Ils ne seront susceptibles d’aucune propriété privée : en conséquence nul n’en disposera à
titre quelconque en faveur de qui que ce soit. […]
§3- Ils seront insaisissables pour dettes contractées par les indigènes de la tribu. […]
§4- Ils ne pourront faire l’objet d’aucun contrat de location. […]
§5- Toutefois, le chef de la tribu pourra, par ordre et sous surveillance de l’autorité, répartir
les terres entre les individus ou les familles de la tribu, ainsi que le commanderait l’intérêt du
bon ordre et d’une sage administration.

Article 7- Le domaine se réserve sur les terrains susmentionnés :
1) La propriété des mines, cours d’eau de toutes sortes et sources. Néanmoins, si les mines
étaient concédées à un particulier, celui-ci paierait à la tribu une indemnité fixée par l’acte de
concession, indemnité qui ne peut être confondue avec celle fixée dont il est question à
l’article suivant ;
2) Le droit perpétuel d’exproprier, sans indemnité pour les propriétaires, les terrains
nécessaires à tous travaux d’utilité publique ou locale, comme à toute occupation provisoire
jugée nécessaire ;
3) Le droit perpétuel de prendre, sans indemnité pour les propriétaires, les matériaux
nécessaires à l’exécution des travaux spécifiés au n°2 du présent article.

Article 11-Les titres de propriété, les permis d’occuper la zone littorale maritime, les plans et
les procès-verbaux de bornage, seront établis sans frais par l’administration […].

Signé : Charles Guillain.

Commentaire :

L’arrêté du 22 janvier 1868 est un des documents les plus importants pour comprendre les
modalités de la colonisation en Nouvelle-Calédonie et plus largement les spécificités de la
colonisation française. En effet dans les colonies anglaises du Pacifique, les autorités ne
procèdent pas de la même manière.
Dans un premier temps, il vise à régler une question sur laquelle les malentendus et les
interprétations gênent l’avancement de l’entreprise coloniale. Depuis la déclaration de
l’Amiral Du Bouzet le 20 janvier 1855, les administrateurs ne sont pas clairement fixés sur le
statut des terres indigènes : certains soutiennent que la propriété indigène y est implicitement
reconnue tandis que d’autres pensent que toutes les terres de la colonie sont propriétés de
l’État et que les Kanak n’en sont qu’usufruitiers.
L’arrêté du 22 janvier 1868 reconnaît explicitement la propriété indigène, et crée ainsi les
réserves associées aux tribus (entités créées légalement un an auparavant, par le règlement du
24 décembre 1867). L’article 11 prévoit d’ailleurs de délivrer des titres de propriété.
Des historiens y voient une volonté de protéger les terres kanak qui, sans ce dispositif
auraient été probablement bradées dans des échanges inégaux comme cela se pratiquait dans les colonies anglaises. D’autres historiens, spécialistes de la question foncière, Joël Dauphiné
en l’occurrence, y voient un moyen de servir les intérêts de la colonisation. Il permet de fixer
les populations kanak sur leurs terres. Il appuie aussi son argumentation sur le fait que
l’administration française ne reconnaisse aux Kanak que la propriété collective et leur refuse
explicitement la propriété privée (article 1er §2). Cela aurait permis de faciliter la politique de
cantonnement et de conserver à l’État la maîtrise du patrimoine foncier : les tribus n’ayant pas
le droit d’aliéner leurs terres au profit des colons et l’administration se conservant un droit
perpétuel d’expropriation (article 7).
Les propos tenus par le gouverneur Guillain en conseil privé (séance du 28 janvier 1869) sont
éloquents : « C’est un fait exact que toutes les terres appartiennent à l’État par droit de
conquête. Le gouvernement a fait une générosité aux indigènes et leur a laissé une partie des
terrains qu’ils occupaient lors de la prise de possession ; mais cela ne diminue en rien notre
droit qui est celui du plus fort, droit qui nous a été reconnu par les puissances étrangères et
dont nous n’avons à rendre compte à personne. Quand nous aurons établi les cantonnements
de chaque tribu, les terrains restants demeureront la propriété de l’État » (cité dans Joël
Dauphiné, Les spoliations foncières, L’harmattan, 1989, p 41.)
Le premier cantonnement concerne Tchambouenne, à quelques kilomètres au sud de Pouébo.
Le 3 septembre 1869, la tribu est officiellement constituée, distincte de celle de Pouébo : 323
personnes, deux cents hectares, soit moins de deux hectares par personne et un chef relevant
de l’autorité coloniale. Neuf villages kanak sont supprimés, plusieurs centaines d’hectares de
bonnes terres récupérés, disponibles pour la colonisation, très vite d’ailleurs attribués en
concession à des colons. Dans la nouvelle tribu les indigènes de Pouébo et des Paimboas sont
regroupés, contre leur gré, la tribu est hétérogène.
Les opérations de cantonnement s’étendront par la suite à toute la Grande Terre, une
commission est créée à cet effet dans les années 1870. Alors que l’administration se fixe une
moyenne de 6 hectares par personne, ce chiffre est rarement respecté, les réserves présentent
selon les régions des superficies bien différentes qui peuvent aller de 3 hectares à Touho à 33
hectares à Paimboas.

Document 3 : la vie des colons sur leur concession, le témoignage de Ludovic Papin,
colon à Hienghène au début du XXe siècle.

La concession :
« Les lots que l’on m’a octroyés sont situés sur la rivière Ouéavah, affluent de la Tipindjé.
J’aurai environ sept à huit hectares de vallée en terre d’alluvions de première qualité, mais je
ne m’empresserai pas de travailler, car les rivières inondent souvent avec beaucoup de
courant, et dans ce cas il vaut mieux mettre des cocotiers ou d’autres arbres de longue durée.
D’autre part, dans la région nous sommes infestés dans les plaines par une plante à larges
feuilles, qu’on appelle le faux safran. C’est difficile de s’en débarrasser. La concession
contient pas mal de caféiers tout plantés et une centaine de cocotiers. Je ne sais combien j’ai
de pieds de café, mais je pense dès la première année à me faire quelques recettes. (…) »
« On ne peut avoir le titre définitif de la concession qu’au bout de cinq ans, si on a planté des
arbres de longue durée (caoutchouc, caféiers, cocotiers, etc.) ou si avant cette date on a mis la
moitié de sa propriété en rapport. Rien n’est prêt, tout reste à faire : et sa maison, et son puits,
et son four et ses bâtiments (en paille toujours) pour les volailles et quelques cochons.
Je ne regrette pas de n’avoir pas emmené de femme avec moi car, si jeune en ménage, elle y
eut certainement perdu la tête. (…) »
« Nos maisons bâties aux frais du gouvernement se composent de deux pièces de quatre
mètres sur quatre avec véranda de deux mètres de large sur le devant. (…)
« Ma case est finie (…) ; ce n’est pas brillant, mais on a ce qu’il faut quand on n’est pas
difficile. (…) »
« La case fait toujours eau comme un panier. (…) La porte laisse un peu à désirer, c’est tout
simplement deux branches d’arbres droits reliées par des roseaux. (…)
« Je suis ici depuis plus de 3 ans (la lettre date du 28 juin 1903. L’état de mes plantations me
permet dès à présent de devenir propriétaire de mon lot. On me doit gratis 25 hectares, alors
que le lot est de 37 hectares. Lorsque je demanderai mon titre de propriété, il me faudra
débourser environ 300f pour les 12 hectares en plus. »

Les difficultés à surmonter : isolement, inondations, cyclones et guerre.
« La plaie ici, c’est des moyens de transport insuffisants. Je suis à trois lieues de la mer et ne
peux utiliser mon bateau que quelques heures à la marée. Tant qu’à la route, ce n’est qu’un
sentier et un bien mauvais sentier, le plus mauvais en France vaut mieux que lui.
« Tous les quinze jours passe le bateau dit « Tour de côte ». Celui qui dessert la côte Est, sur
laquelle je suis, est le Saint-Antoine, vapeur qui doit bien jauger 1500 tonneaux. On prévient
les colons et alors tous descendent les rivières dans leur embarcation, apportant du coprah, du
café, ou bien encore quelques régimes de bananes pour essayer de les vendre. C’est le seul
évènement pour lequel le colon se dérange. (…) Il n’y a ni estacade, ni quai. »
« Il ne faut pas croire que la poste va ici comme en France. Nous ne voyons le facteur qu’une
fois par semaine (…). Jeudi dernier le facteur est arrivé sans boîte, et naturellement sans
lettre ; il a dit ne rien avoir. La vérité est qu’il a tout perdu. »
« En ce moment nous pétitionnons, et je ne sais si nous y arriverons, pour avoir un médecin à
Hyenghène. Le plus proche est au moins à 15 lieues d’ici. Il y avait jusqu’en 1902 ou 1903 un
poste militaire à Hyenghène, il fut supprimé et naturellement le médecin aussi. »

« 3 mai 1902. (…) nous avons eu six fortes crues cette année. À chacune d’elles, je reste
pendant deux ou trois jours sans pouvoir aller d’un de mes lots à l’autre. »
« 15 avril 1904. Le 13 mars nous avons essuyé un cyclone, du moins une très violente
tempête. (…) Beaucoup de vieux caféiers qui avaient résisté déjà à bien des crues, ont été
privés d’air et ont pourri ; de nombreux autres ont été couchés par le vent. C’est un vrai désastre. (…) J’ai eu mes trois cases démolies. (…). Du fait de mes cases démolies et des
effets et matériels perdus par la pluie, je puis compter sur 250 à 300 f de perte. Quant aux
plantations je ne puis estimer les dommages, mais ils monteront certainement à plus d’un
millier de francs. (En comparaison les meilleures récoltes ne lui ont rapporté que 400 f). »
« Les maladies épidémiques pleuvent sur la Calédonie en ce moment .A Nouméa c’est la
fièvre typhoïde. Non loin d’ici, dans le nord, c’est la peste. (…) les Canaques lépreux sont
nombreux aujourd’hui. »
« 13 mars 1901. Nous sommes en guerre en ce moment. Un chef voisin, ambitieux comme
pas un et voulant avoir le pas sur tous les autres chefs du pays, s’est révolté. (…) Je suis
complètement désorganisé et ne puis rien faire ou à peu prés. La plupart des Canaques sont
partis et le travail que j’avais entrepris reste en suspens. »

Un attachement rapide au pays
« Nous sommes dans un pays où l’on endure autrement mieux la misère que dans la vieille
Europe. (…) Malgré les déboires que j’ai eus ici, du fait des maladies des caféiers et des
cyclones, je préfère mes occupations ici que le métier de cirier que je pratiquais en France. »
« Tu me demandes si je conserve quelque espoir de revoir la France. Il est possible que je la
revoie un jour, si je puis me payer le voyage sans que ça me gêne. (…) »
« Quant à chercher à retourner définitivement en France, ou pour des questions d’argent, ou si
je venais à ne pas réussir ici ou pour toute autre cause, il n’y faut pas compter. Dans tous les
pays, il faut faire son chemin et le faire seul. S’il m’arrivait de culbuter, tant pis pour moi,
mais ça ne me ferait pas pour autant retourner en France. »

La société coloniale en Brousse : un microcosme marqué par les inégalités.
« Elle (la vallée de la Tipindje) ne peut se peupler comme elle le devrait parce que trois
anciens colons détiennent toute la partie entre nous et la mer. Les cultivateurs manquent parmi
les colons. »
« Je vais te répertorier les colons par profession : deux ouvriers en soieries, un architecte, un
huissier, un artiste dramatique, un plâtrier, un pharmacien, un mécanicien, un épicier, un
cultivateur et un cirier. Tu vois que l’élément campagnard est peu représenté alors que ce
devrait être lui le plus nombreux. »
« C’est triste à dire, plus ça va plus les colons s’éparpillent ; je ne crois pas que nous restions
plus de quatre dans le centre. La plupart ont mal mené leur barque. »
« Monsieur Robillard est un gros colon établi dans nos parages depuis longtemps déjà. C’est
un ancien communard. Il possède entre 4000 et 5000 hectares. C’est le plus gros propriétaire
de la région. Il exploite un store et on dit qu’il a plus gagné d’argent avec ce store qu’avec ses
terres. Beaucoup de propriétés appartenaient à des pauvres qu’il a bourrés de marchandises
vendues à prix fort. (…) Il leur envoyait la note et quelques temps après leur propriété passait
dans les mains de Robillard. (…) ».

Source : Bernard Papin, Vie et mort de Ludovic Papin chez les Canaques, L’Harmattan,
1997.

Commentaire :

Ces extraits sont tirés des lettres que Ludovic Papin avaient écrites et envoyées à son frère
Henri. Ludovic est décédé en 1917, tué par des Kanak lors de la grande insurrection cette
même année. Mon travail a consisté à réorganiser complètement les écrits de Ludovic puisque
que le texte ici présenté suit une logique thématique. Vous n’y retrouvez pas, les dates des
lettres qui sont néanmoins précisées dans l’ouvrage.
Les conditions de vie modestes sont partagées par la majorité des broussards, rares sont ceux
qui font fortune.
Il faut encore noter l’enclavement de ces centres de colonisation. Il entrave certes, le
développement économique mais contribue aussi à forger rapidement une identité forte à ces premiers colons, qui, une fois la période d’adaptation réussie, s’enracinent solidement à leur
terroir, et construisent une culture propre, une forme de créolité, loin de la France
métropolitaine qu’on ne revoit plus sur plusieurs générations parfois.
Ce sont eux pourtant qui assurent dans les contrées les plus éloignées, la présence française,
combien même les postes militaires ont fini par être abandonnés. Ils en payent le prix lourd,
tout comme Ludovic, ils sont les premiers à affronter la colère des Kanak lors des
insurrections.
Depuis 1895, Feillet a relancé dans la région de Hienghène, la colonisation libre, non sans
peine, car les Kanak de la région s’y opposent fermement, il a dû exiler leur chef Bouarate à
l’île des Pins et refouler les membres de sa tribu à l’intérieur des terres après une expédition
militaire violente.
Ludovic Papin bénéficie dans la vallée d’Ouéavah des dispositions de la politique de Feillet
de relance de la colonisation libre agricole sur la base de petite plantation de café. À l’époque
(1901-1902) l’expérience est sur sa fin et se solde déjà par un échec. De nombreuses familles
ont dû quitter leur terre ruinées et découragées. Alors que Feillet affirme avoir fait venir 500
familles, 311 sont réellement venues, 157 seraient encore sur leur lot en 1912. Pour les Kanak,
la politique de Feillet est désastreuse tant elle a désorganisé et affaibli leur patrimoine foncier.

Document 4 : les causes de l’insurrection kanak de 1878.

« (…) En venant ici nous avons écarté l’idée d’imiter les Anglais en Tasmanie et en Australie
et même ce que nous faisions autrefois ; mus par un sentiment généreux, en prenant
possession du sol, nous avons voulu réserver des droits aux canaques, pour vivre en bonne
harmonie avec eux. Mais la colonisation a pris son essor, on a oublié les promesses premières,
et l’on n’a pas songé qu’il en résulterait forcément une lutte avec celui dont on prenait le
territoire sans l’avoir conquis. Le canaque vaincu comprend qu’on lui enlève la terre, il
considère cela comme le prix de la défaite ; mais nous n’avions pas fait la conquête ;
cependant il avait cédé, reculé, puis consenti à prendre des terres qui n’étaient pas très
bonnes ; mais enfin acculé par les blancs qui avançaient toujours, il a médité de secouer le
joug quand il a vu que bientôt il ne pourrait plus vivre. (…)
On aurait dû, puisqu’on foulait aux pieds les engagements, songer à cette loi qui régit les
nations et qui elle-même cause les guerres européennes : l’intérêt des peuples, leur condition
d’existence. L’Administration aurait dû prévoir l’envahissement des blancs, mais elle était
plus envahissante que les autres et engageait ses agents dans cette voie. Malheureusement elle
trouvait un Lécart qui poussait les choses au-delà de toute limite et provoquait jusqu’à son
summun la haine des canaques contre nous.
Nous pouvions éviter ce qui est arrivé, c’est-à-dire que l’administration aurait dû comprendre
et forcer les colons à être plus prudents, et prendre elle-même des mesures de précaution vis-
à-vis des indigènes pour arriver à un modus vivendi acceptable de part et d’autre. Il n’en a
rien été. (…) »

Source : extraits du rapport du général de brigade A. de Trentinian, « sur les causes de
l’insurrection canaque en 1878 », Nouméa, 4 février 1879.

Commentaire :

Les opérations de délimitation des terres tribales (cantonnement) commencées en 1876 dans
la région de la Foa où il s’agit de libérer des terrains pour la colonisation pénale provoquent
d’abord la résistance des kanak, notamment du chef Ataï.
L’insurrection commence par l’assassinat du libéré Cheyne et de sa famille à Ouaménie par
les habitants de Dogny. Elle se poursuit par l’attaque du village de La Foa le 25 juin 1878.
Elle s’étend jusqu’à Boulouparis au sud, Moindou, Poya, Bourail et sur la côte est. Elle se
termine le 3 juin 1879 par un bilan lourd, certaines sources donnent 1000 colons et kanak qui
payent de leur vie. 1500 kanak sont déportés vers Tahiti, les Belep ou l’île des Pins.



titre documents joints

La Nouvelle Calédonie de la fin du XIXe au début du XXe siècle

19 août 2010
info document : PDF
53.9 ko

La synthèse ici proposée est conçue comme un tableau de la Nouvelle-Calédonie au XIXe
siècle. Elle est plus particulièrement axée sur les formes politiques et administratives de la
domination coloniale et ses conséquences.


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