Naturels
C'est un nom commun signifiant "habitants originaires du pays" ; aujourd'hui on lui préfère son synonyme : "indigènes". Il signifie aussi "proche de la Nature", donc "sauvage". Mais dans son récit, Quiros utilise surtout le terme "Indiens" pour désigner les habitants des Mers du Sud. On appelle ainsi, à l'époque, les habitants des Indes occidentales et orientales ainsi que ceux des îles du Pacifique.
Naturels dans une pirogue, gravure de Théodore de Bry, Americae Tertia Pars, 1592
Approfondissement
Les Espagnols ont du mal à communiquer avec les indigènes. Ils ne comprennent pas leurs réactions et finissent souvent par s'imposer par la force. A Santo, après la prise de possession, les soldats de Quiros ont volé de la nourriture dans un village abandonné précipitamment par ses habitants et enlevé trois jeunes garçons afin de les ramener en Espagne. Quiros s'en sert pour obtenir des vivres :
On fit comprendre aux Indiens qu'on n'avait tiré des coups de mousquet que parce qu'ils avaient lancé des flèches. Ils répondirent que ce n'était pas eux qui l'avaient fait, mais un autre clan, et qu'il fallait leur rendre les trois garçons. On leur dit d'apporter des poules, des porcs et des fruits et qu'on les leur rendrait aussitôt. [...] Le lendemain on entendit la sonnerie de leurs trompes de coquillage. Les chaloupes partirent aussitôt avec, à leur bord, un bouc et une chèvre qu'on voulait laisser aux Indiens pour qu'ils fassent souche. [...] Ayant pris les deux porcs trouvés sur le rivage, les nôtres remirent le bouc et la chèvre aux Indiens qui les examinèrent avec attention et en échangeant force commentaires à mi-voix. Les parents réclamèrent leurs enfants et, comme on ne les leur rendit pas, ils dirent qu'ils amèneraient d'autres porcs et demandèrent aux nôtres de revenir à terre dès qu'ils les appelleraient. Dans l'après-midi ils firent le même signal : les chaloupes descendirent à terre où ils ne virent que le bouc et la chèvre qu'on avait attachés et auprès desquels se tenaient deux Indiens qui leur dirent de venir les chercher car ils n'en voulaient pas. Sentant que la situation était délicate, on regarda soigneusement à travers les bois, où on aperçut de nombreux Indiens avec leurs arcs et leurs flèches. [...] on tira des coups de mousquet : dès qu'ils les entendirent, les Indiens s'enfuirent en toute hâte et en poussant de grands cris. Les nôtres récupérèrent alors la chèvre et le bouc et revinrent aux navires. Ensuite, l'aîné des garçons, que l'on appellera plus tard Pablo, dit au capitaine [Quiros parle de lui à la troisième personne] à plusieurs reprises sur un ton émouvant : "Teatali",. Il devait sans doute lui demander de le laisser partir, mais le capitaine lui répondit : " Tais-toi, mon enfant, tu ne sais pas de quoi tu parles ; ce qui t'attend vaut bien plus que la vie avec parents et amis païens".
Cité dans : Pedro Fernandez de Quiros, Histoire de la découverte des régions australes, Trad. A. Baert, L’Harmattan, 2001.