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Ecole et société en Nouvelle-Calédonie depuis 1850

mercredi 14 juillet 2010 par Sylvie BRUY-HEBERT

 MISE AU POINT SCIENTIFIQUE

1° La scolarisation des indigènes.

Ce sont les missionnaires catholiques sur la Grande-Terre (Frères maristes, 1843, nord de la
Grande-Terre), protestants aux Iles Loyauté (London Missionary Society, 1840) qui s’attachèrent
les premiers à donner l’instruction aux populations indigènes dans des conditions matérielles
souvent précaires. Ils ont alphabétisé un grand nombre d’indigènes, appris aux femmes à coudre
la robe mission et à cuire le pain marmite. La conquête des âmes dans laquelle se sont lancés les
Maristes à partir de 1846, aidés quelques années plus tard par les soeurs de Saint-Joseph de
Cluny, puis les soeurs du Tiers-Ordre, implique une rupture totale avec la manière de vivre
d’avant l’arrivée des Blancs : ces premières années de colonisation sont celles de la création la
mission de Saint-Louis considérée comme une « Jeune République Chrétienne ». L’éradication
du « paganisme » passe dans le projet missionnaire par l’isolement et l’éducation d’éléments qui,
une fois formés, iront porter la bonne parole. Les enfants tiennent une place centrale dans ce
projet. Partout où elle est définitivement implantée, la mission catholique entretient une école : à
la fin des années 1850, ce sont 500 à 600 indigènes qui sont scolarisés entre les missions de
Pouébo, Balade, Saint-Louis, La Conception, l’île des Pins. Le phénomène est similaire chez les
protestants des îles où les missionnaires s’appuient sur les langues autochtones.

L’enseignement laïque ne débute qu’avec l’arrivée du premier gouverneur en titre de la
Nouvelle-Calédonie, Charles Guillain en 1862. Le gouverneur profondément anticlérical veut
soustraire les indigènes à l’influence « néfaste » des missions. Il est également temps d’adopter
une politique indigène qui puisse servir les intérêts de la colonisation. Le 10 octobre 1863, un
arrêté fixe les obligations réglementaires pour l’ouverture des écoles indigènes et crée à Port de
France (future Nouméa) une école d’apprentis interprètes destinée à former les auxiliaires dont
la colonie à besoin. Les écoles indigènes laïques sont assez réduites, à noter en 1875 l’ouverture
d’une école pour 50 élèves à Canala. C’est l’arrêté du 27 mai 1884 qui détermine les conditions
dans lesquelles seront créées les écoles indigènes et confie cet enseignement à des moniteurs
indigènes. Les écoles indigènes sont placées par décision du 9 août 1898 sous la direction du chef
de service des Affaires Indigènes. L’école des moniteurs de Chépénéé à Lifou (1899-1909)
est réorganisée et installée à Montravel en 1913. Pendant la colonisation Feuillet (1894-1903)
peu de crédits sont octroyés aux écoles indigènes qui ont tendance à régresser. En 1903, il
n’existe que 6 écoles laïques autochtones, dotées d’un unique instituteur et de 5 moniteurs
contre 25 écoles laïques réservées aux Européens et dirigées par 40 instituteurs.
Ce n’est qu’à partir du 27 septembre 1923, que les programmes des écoles indigènes sont
soumis au contrôle de l’Etat et que surtout l’enseignement du français devient obligatoire.
Jusqu’aux années 1950 et même jusqu’aux années 1980, les écoles confessionnelles restent
largement les écoles des kanak comme en témoignent ces quelques chiffres donnés par Mariotti
dans le livre du centenaire.

Tableau des effectifs des écoles indigènes de 1945 à 1949

Néanmoins, il faut insister sur la modestie des contenus offerts aux indigènes dans ces
écoles. C’est vrai, les missionnaires ont alphabétisé les kanak : dans sa thèse, Sylvette Boyer a
démontré que parmi les hommes de Nouvelle-Calédonie ayant participé à la Première Guerre
mondiale, les engagés volontaires du Bataillon Mixte du Pacifique en majorité kanak savent tous
lire et écrire. Pourtant l’enseignement ne dépasse guère l’alphabétisation car les élèves sont
obligés de travailler pour subvenir aux besoins des missions. A l’internat, ce sont généralement
les deux tiers de la journée qui sont passés aux champs, aux travaux de couture pour les filles, ou
de réfection des bâtiments pour les garçons. A cela s’ajoute le temps passé à la prière et aux
messes. A noter que les enfants étaient enlevés à leurs parents et mis en internat afin de mieux les
« civiliser ». Les souvenirs de ces périodes sont rudes et dans les témoignages, on parle souvent
de « l’école du travail ».

Avec la fin du régime de l’indigénat et avec l’obtention de la citoyenneté le 27 octobre
1946, les Mélanésiens peuvent enfin prétendre aux diplômes. A partir de 1947-48, les réalisations
en faveur de la promotion économique et sociale des Mélanésiens sont mises en oeuvre sous
l’impulsion de l’Etat et grâce à des transferts provenant de métropole (F.I.D.E.S). En 1946, on
compte 34 écoles publiques en tribu, elles sont 55 en 1952 et 61 sur uniquement la Grande-Terre
en 1953. Dans la même période, le nombre d’écoles missionnaires augmente de 50%. Le conseil
général supprime le régime de subventions ponctuelles aux écoles libres pour le remplacer par
une prise en charge directe des salaires des personnels enseignant par le budget du territoire. En
1952, le Territoire alloue un forfait d’externat annuel par enfant fréquentant les écoles publiques
des tribus aux fins de les pourvoir en matériel scolaire (cahiers, crayons et livres).

L’enseignement des indigènes reste malgré tout rudimentaire : trois Mélanésiens obtiennent le
certificat d’étude primaire en 1950, cinq en 1951. Dans l’ensemble, le niveau de fin d’étude dans
les écoles indigènes est équivalent à celui du cours moyen première année. De là, l’absence de
Mélanésiens, à quelques exceptions près, au collège jusqu’au milieu des années 50. Le premier
bachelier kanak (Boniface Ounou) a été recensé en 1962.
On remarquera qu’une mutation s’est opérée dans le courant des années 70, avec une
scolarisation de masse provoquée d’une part, par la modification de l’équilibre des grands
secteurs économiques avec l’émergence du tertiaire et, d’autre part, par l’élévation du niveau de
vie consécutive à l’insertion des Mélanésiens dans l’économie de marché. Les années 70 sont
aussi un tournant pour l’enseignement public qui va affirmer son nombre sur le privé, bien que
des lycées privés s’ouvrent : Blaise Pascal en 1971, Do Kamo en 1979. En 1970 54% des
enfants sont scolarisés dans le public et 46% dans le privé, en 1980 65% des élèves sont dans le
public pour 35% dans le privé. Le 1er janvier 1978, la loi Debré est appliquée en Nouvelle-
Calédonie mettant les enseignements privés sous contrat.

Lors des « événements » des années 80, s’ouvrent de nombreuses E.P.K (écoles populaires
Kanak). Celles-ci vont disparaître petit à petit, suite aux accords de Matignon. Une seule subsiste
à Canala, tenue par Adèle Jorédié.
Le système scolaire se démocratise suite aux accords de Matignon puis à l’Accord de
Nouméa. Les programmes d’histoire et de géographie sont adaptés pour le primaire, le collège,
les lycées professionnels et généraux. Par l’arrêté du 20 octobre 1992 quatre langues kanak sont
introduites dans les épreuves du baccalauréat : le Drehu, le Nengone, le Païci, l’Ajïe. L’Accord
de Nouméa stipule que « les langues kanak sont, avec le français, des langues d’enseignement et
de culture en Nouvelle-Calédonie ». Leur place dans l’enseignement et les médias doit donc être
accrue et faire l’objet d’une réflexion approfondie. En 1991, on dénombre 821 bacheliers kanak.
En fait, même si le nombre de bacheliers mélanésiens progresse, il reste très inférieur au taux de
réussite des autres ethnies. Ceux qui réussissent ne présentent que 4% de l’effectif total entré en
maternelle, selon Charles Washetine.

2° La scolarisation des européens.

Le gouverneur Guillain ouvre la première école en 1860. En 1909, l’enseignement devient un
service distinct. Ces écoles sont souvent tenues par des femmes de fonctionnaires métropolitains
militaires ou autres (c.f. Jean Mariotti, à bord de l’incertaine), mais le faible taux de formateurs
oblige les autorités à faire appel aux religieux. Les Européens sont scolarisés en général dans
l’enseignement laïque, mais également présents dans l’enseignement confessionnel : en 1920,
800 européens scolarisés dans le privé pour 1 800 dans le public (45%) ; en 1950, 1 200
Européens sont recensés dans le privé pour 3 200 dans le public (37,5%).

En 1880, le conseil municipal de Nouméa décide de mettre en place l’école communale
gratuite et laïque. La direction de cette école est confiée à Frédéric Surleau par le maire Jean-
Baptiste Dézarnauld. La première rentrée des classes a lieu en février 1883 et intéresse 198
élèves répartis sur quatre classes. Quelques temps après, Suzanne Russier ouvre la première école
publique laïque destinée aux filles dans un bâtiment situé à l’emplacement de l’actuelle mairie.

Les enfants des colons libres fréquentent majoritairement les écoles publiques de Païta, le
collège La Pérouse ou l’école des soeurs de Cluny ; tandis que les enfants des libérés sont
envoyés dans des fermes écoles souvent tenues par des frères ou des soeurs afin de leur assurer
une « bonne éducation ». Les enfants doivent y suivre un enseignement complet : ils y entrent à
l’âge de 6 ans et doivent y rester jusqu’à 16 ans. Le programme d’une journée comprend : 4
heures de classe, 1 heure d’étude, 3 heures de travaux agricoles ou artisanaux, le reste du temps
est consacré à la prière. On peut citer pour exemple l’internat de la Néméara à Bourail tenu par
des Frères maristes qui est ouvert en 1878 ou bien celui de Fonwahri à La Foa tenue par les
soeurs de Saint Joseph de Cluny qui est ouvert en 1894 et prépare les fils et filles de
concessionnaires à leur futur métier d’agriculteurs. Ces institutions dépendent entièrement de
l’Administration pénitentiaire.

A souligner, là encore, l’importance des internats dans la scolarité des Calédoniens. Ceci est
le fait de l’éloignement géographique des colons ou des concessionnaires, mais aussi le fait de
vouloir donner une bonne éducation et de soustraire les enfants à leur milieu. A souligner,
l’importance de Bourail comme centre de formation (frères canadiens du Sacré Coeur, frères
maristes, internat privé pour les filles, écoles publiques…).
En 1959, est ouverte la première école normale à Nouméa, aujourd’hui Institut de Formation
des maîtres.
On notera une inégalité d’instruction selon l’origine géographique ou sociale des habitants.

L’école ne devient réellement obligatoire pour tous qu’en 1957, auparavant elle n’était pas
obligatoire si on habitait à plus de 2,5 km d’une école. Ceci explique que parmi les mobilisés
de la Première Guerre mondiale, on ait pu observé un grand nombre d’analphabètes chez les
broussards.

3° L’enseignement secondaire.

C’est encore le gouverneur Guillain qui pose les bases de l’enseignement secondaire. Louis
Flize et Michel Noëllat furent les organisateurs de l’enseignement du cycle secondaire. Louis
Flize devait pendant près de 30 ans susciter les réformes indispensables pour doter la colonie
d’un enseignement secondaire adapté à ses besoins particuliers.
En 1886, le collège de Nouméa prend le nom de collège colonial. Il compte 54 élèves et 9
professeurs. En 1888, il change encore de nom pour devenir le collège La Pérouse, avec Louis
Flize pour principal de 1889 à 1920. Le 31 juillet 1910, un décret instaure le Brevet de Capacité
Coloniale donnant l’équivalence du baccalauréat. En 1912, le baccalauréat est organisé pour la
première fois en Nouvelle-Calédonie.
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En 1919, sont accordées des bourses aux élèves du secondaire (Européens). Les bourses sont
accordées aux Mélanésiens en avril 1951 grâce au gouverneur Cournarie.
Il faut attendre l’autonomie, acquise en 1957 et l’application de la loi cadre dite Defferre, pour
que le secondaire prenne son envol sous la responsabilité d’un ministre local : Jean Leborgne.
Entre 1953 et 1958, les effectifs du secondaire augmentent de 50% et ceux du technique de 75%.
En 1961, le collège La Pérouse et le collège Technique deviennent des lycées et un foyer des
étudiants est ouvert à Paris. En 1963, une réforme du statut territorial supprime les ministères
locaux. C’est à un Vice-Recteur nommé l’année suivante que fut confiée la responsabilité de
l’enseignement. Le 25 novembre 1965, l’Etat prend en charge les enseignements secondaires,
techniques et professionnels. De 1970 à 2002, les effectifs du secondaire public sont passés de
2 977 élèves à 19 678 élèves et ceux du privé de 2 114 à 10 101. Nombre de collèges
commencent à fleurir dans les années 70 (par exemple, en 1973 le collège de l’Anse Vata
devenu ensuite Collège Mariotti). Suite aux accords de Matignon, on a vu s’ouvrir un grand
nombre de lycées en brousse par mesure de rééquilibrage : Poindimié, Pouembout, Wé, Touho.

Pour suivre la montée démographique, un nombre important de collèges publics sont construits
sur le Grand Nouméa : les collèges de Kaméré, Normandie, Plum, Portes de fer, Païta, le GOD
de Katiramona …
A noter, l’ouverture de l’Université française du Pacifique en 1987, qui devient L’Université de
la Nouvelle-Calédonie en 1999. Le centre universitaire se répartit entre Magenta et Nouville et il
est passé de 129 étudiants en 1988 à 1700 étudiants en l’an 2001.

4° L’enseignement professionnel.

Par l’arrêté du 24 août 1863, Le gouverneur Guillain organise la première école
professionnelle de Nouvelle-Calédonie. Celle-ci , créée en juillet 1862, est située à Nouméa, elle
est ouverte à tous les jeunes indigènes de la colonie. Mais elle sera fermée dès 1866 faute de
crédits. Les enfants seront alors placés chez des colons (artisans ou petits agriculteurs) afin de
continuer à apprendre un métier mais ils sont astreints à des leçons de lecture et d’écriture par la
décision du 15 juillet 1866. Le gouverneur Guillain met aussi en place les fermes écoles pour les
enfants de concessionnaire.

Puis l’enseignement professionnel est délaissé, bien que les récits montrent une grande
pratique agricole et artisanale dans toutes les écoles de brousse, notamment dans les écoles
privées où les élèves doivent subvenir aux besoins quotidiens. Des heures sont consacrées au
travail des champs, à la cuisine et à la couture. En 1912, une section bois et une section fer sont
ouvertes dans une dépendance du collège Lapérouse.

En 1951, sont ouvertes les premières écoles professionnelles à Port Laguerre, Do Neva,
Havila, Païta, Azareu et Nouville. La voie professionnelle ne fera ensuite que s’étoffer :
ouverture du lycée professionnel Pétro Attiti en 1974, création en 1980 des A.L.P. Les
formations professionnelles sont maintenant un enjeu majeur dans le domaine économique et
social. Actuellement les nombreux établissements professionnels publics ou privés témoignent de
l’importance de l’enseignement professionnel. On peut dénombrer cinq lycées professionnels
dans le public : L.P Escofier, L.P Industriel Jules Garnier , L.P Pétro Attiti, L.P Touho, le Lycée
Polyvalent des îles et neuf dans le privé sous contrat : lycée Do Kamo, L.P Jean XXIII, L.P
Champagnat (Païta), L.P St Joseph de Cluny, L.P St Pierre Chanel (Mont Dore), L.P Père
Guéneau (Bourail), L.P Johana Vakié (Houaïlou), L.P Gabriel Rivat (Pouébo), lycée agricole
privé de Do Neva ; ainsi que neuf A.L.P : Nouméa (Vallée du Tir), Bourail, La Foa, Koné,
Koumac, Ouvéa, Maré, Poindimié, Houailou. Des formations professionnelles sont assurées par
les M.F.R et les centres d’apprentissage.

Voici, quelques chiffres des effectifs 2002 :

ALP : annexes de lycée professionnel qui regroupent des 4e et 3e de détermination
professionnelle et préparent ensuite les élèves au diplôme de C.A.P au développement.
CIPPA : classe d’insertion professionnelle par alternance
CEPA : classe d’enseignement professionnel adapté.
MC : mention complémentaire (souvent un an).
FCIL : formation complémentaire d’initiative locale.
DPECF, DECF : diplômes d’études comptable et financière (lycée du Grand Nouméa).


titre documents joints

Ecole et société en Nouvelle-Calédonie depuis 1850 2

14 octobre 2010
info document : PDF
322.4 ko

Accompagnement du programme adapté d’histoire en première bac pro. Deuxième partie.


Ecole et société en Nouvelle-Calédonie depuis 1850 1

14 octobre 2010
info document : PDF
225.8 ko

Accompagnement du programme adapté d’histoire en première bac pro. Première partie.


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