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L’exploitation minière en Nouvelle-Calédonie de 1873 à nos jours

mercredi 14 juillet 2010 par Sylvette BOUBIN-BOYER

conseil scientifique : Yann Bencivengo, doctorant : thèse d’histoire sur la SLN

Commentaire du thème dans le programme adapté :

Sujet d’étude : 1. L’évolution du travail et ses conséquences dans le monde industriel depuis le milieu du
XIXe siècle
L’évolution des techniques et les conséquences de cette évolution sur :

  • l’organisation du travail, dans l’entreprise et dans la société,
  • la redistribution du travail dans le monde.
    L’étude de l’exploitation minière en Nouvelle-Calédonie permettra d’illustrer ce thème à travers, entre
    autres, l’exemple de la société le Nickel :
  • Étude de l’évolution des techniques,
  • Observation des conditions de travail et des différents régimes des travailleurs, du syndicalisme avec son
    rapport éventuel aux autres secteurs d’activité,
  • On évoquera la division internationale du travail en abordant l’étude des projets miniers du Nord et du
    Sud.

Notions-clés : amodiation, garniérite, fours, ferro-nickel, poldériser, « boom », petit mineur, colonie
d’exploitation, dividendes, bagnard, sujet, commission municipale…

Selon le thème choisi, on se reportera au glossaire, pp. 261-266 de l’ouvrage 101 mots pour comprendre la
mine en Nouvelle-Calédonie (coordination Y. Bencivengo).

 ORIENTATIONS

Il ne s’agit pas dans ce thème de traiter une histoire des techniques. On s’appuie sur la
notion de système technique. On
abandonne ainsi le catalogue de l’évolution
des techniques décrites séparément « pour
cerner les relations étroites qui règlent au
jour le jour l’univers matériel d’une
civilisation. » (J.Y. Andrieux). L’essentiel
est de montrer l’évolution des rapports
entre ce système et le contexte économique
et social (particulièrement le travailleur, le
métier ou la tâche, l’entreprise). On
accorde une attention particulière à
l’histoire des luttes sociales, ici,
essentiellement après la Seconde Guerre
mondiale, qui s’intègre à ce cadre d’étude.
On inscrit ce thème dans un cadre
chronologique périodisé. Il convient de
souligner les interactions entre les
différents facteurs qui expliquent :

  • l’évolution des formes de la
    division et de l’organisation du
    travail, y compris dans sa
    dimension spatiale.
  • La transformation des métiers, des
    catégories professionnelles, la
    naissance et l’évolution du
    syndicalisme.
  • L’évolution des techniques et ses
    conséquences seront étudiées à
    partir d’un exemple pris dans les
    pays précocement industrialisés et
    qui permettent de comprendre qu’il
    s’agit d’un processus continu parti
    de l’Europe.

Ce document d’accompagnement a pour
but de donner aux professeurs quelques
pistes et éléments qui leur permettront de
traiter ce sujet sans altérer toutefois la liberté pédagogique qui leur appartient
pour aborder ce thème. Toutefois, on ne
perdra pas de vue que cette question se
situe dans une problématique générale :
montrer comment, parmi d’autres
productions de minerais, la Nouvelle-
Calédonie est devenue à la fin du 19e
siècle, le premier producteur mondial de
nickel, et qu’elle « vit », depuis, au rythme
des fluctuations de la vente de minerais, en
tenant compte de ce que l’exploitation
minière dépend de l’offre et de la demande
des marchés mondiaux.
On n’oubliera pas de changer la
problématique que l’on trouve dans le
manuel métropolitain. En effet, dès la prise
de possession par la France (1853) et
jusqu’en 1946, on est dans le cadre d’une
colonie d’exploitation (l’exploitation
minière n’en est que l’un des aspects) et de
peuplement …et pas dans le cadre de la
métropole... Donc, le patronat, les
financiers, les travailleurs, les syndicats…
tout est différent de la métropole ou de
l’Europe ! La Nouvelle-Calédonie n’est pas
non plus un « pays neuf » comme les États-
Unis.

De nos jours, l’étude de l’évolution du
travail en Nouvelle-Calédonie et ses
conséquences dans le monde industriel
calédonien doit tenir compte du statut
actuel très particulier de cette collectivité
d’outre-mer française : il faudra alors
évoquer le problème des compétences dans
le domaine minier (préalable minier dans
l’Accord de Nouméa de 1998).
La mise au point scientifique
accompagnant la sélection de documents
ne prétend pas traiter de manière
exhaustive ce sujet, elle se limite à
présenter quelques aspects de la question
sur lesquels on peut plus particulièrement
insister selon les classes et la
problématique retenue. De même, le choix
des documents n’est pas limitatif.
Selon l’horaire dévolu à ce thème (1 à 2
heures sur un horaire global de 4 à 6 heures
pour la séquence), on peut envisager une
séance qui privilégie une des deux
problématiques.
On peut monter deux séances permettant
d’aborder ces deux aspects de la question.

Remarque :
Une partie du thème a déjà été travaillé en BEP : Le boom du nickel et ses conséquences
(1969-1972), fait l’objet d’une double page dans le manuel d’histoire-géographie et dans le
cahier d’activités, édités par le CDP.

 MISE AU POINT SCIENTIFIQUE

Les documents mentionnés dans cet approfondissement scientifique sont présentés dans le
support documentaire qui suit.

L’exploitation minière en Nouvelle-Calédonie a commencé par la recherche de charbon (pour
approvisionner les navires à vapeur, et, en particulier, ceux de la Marine) puis d’or, puis du
nickel, l’or vert, depuis 1873 (Jules Garnier). Mais de nombreux minerais ont été exploités,
associés ou non au nickel : chrome et cobalt, manganèse, cuivre…

La Nouvelle-Calédonie est une colonie d’exploitation et de peuplement. On exploite les
mines, on vend le minerai qui part par navires en métropole ou à l’étranger (à raccrocher au
thème des transports : avant l’ouverture du canal de Panama, l’utilisation de voiliers jusqu’à la
Seconde Guerre mondiale pour transporter le minerai : gain distance-coût, les cargo-mixtes ou
les vapeurs étant réservés au transport de passagers et de cargaison périssable). Bien qu’ayant
des caractères de pays neuf, c’est avant tout un pays dépendant, surtout à l’époque coloniale.
Il suffit pour s’en convaincre de lire les interminables jérémiades des journaux locaux à ce
sujet au début du XXe siècle.
La Nouvelle-Calédonie est le premier producteur mondial de nickel à partir de 1876, année
d’arrivée des premiers lots de minerais en Europe. Elle est dépassée une première fois par le
Canada en 1903, puis définitivement à partir de 1905, DONC AVANT la Première Guerre
mondiale. En 1914, la production canadienne est presque trois fois plus importante que la
production calédonienne : 20,6 millions de tonnes contre 7,8 millions (en métal contenu). La
vie économique de la Nouvelle-Calédonie bat au rythme des cycles du nickel : booms et
crises, entraînant des arrivées massives de travailleurs ou provoquant du chômage.

De grandes sociétés achètent ou louent les terrains miniers depuis plus d’un siècle. Tous ces
terrains sont des concessions. Certaines sont directement exploitées par leur détenteur,
d’autres sont amodiées. Des « petits mineurs », détenteurs de leur concession, obtiennent des
contrats avec de grandes sociétés (SLN, INCO), qui, de leur côté, sous-traitent
éventuellement à d’autres « petits mineurs ». Des hommes d’affaires ou des banquiers
(Marchand, Rotchild), voire des aventuriers, s’enrichissent puis disparaissent (Higginson)…
d’autres créent des « dynasties » (Lafleur, Montagnat, Ballande…). Peu développent le pays
en créant d’autres activités économiques (Ballande, Lafleur, Pentecost). Les « petits mineurs »
réinvestissent en partie seulement dans le pays et s’associent parfois ; les grandes sociétés
minières investissent peu et ce sont leurs actionnaires, européens la plupart du temps, qui se
répartissent les dividendes.
Les guerres mondiales provoquent la mise sous séquestre des mines appartenant à des
ressortissants des puissances ennemies (Allemands, Autrichiens ou Hongrois) : en 1914-15,
les Mines Nickélifères et du Mont-Dô Réunies et une mine de cobalt à My-Kuakué sont
saisies. L’administrateur du séquestre en Nouvelle-Calédonie est la Maison Ballande. Par
ailleurs, 15 000F, provenant de la Maison Krupp, ont été mis sous séquestre, l’administrateur
étant la Maison de Béchade : Krupp avait envoyé cette somme pour régler sa dette vis à vis de
Mr Johnston. La liquidation des biens faisant l’objet d’un séquestre est prévue par le décret du
17 septembre publié au JORF du 22/9/1920. Le séquestre de la S des Mines Nickélifères et
du Mont Dô Réunies a été levé en 1923. Lors de la Seconde Guerre mondiale, les séquestres
japonais sont à étudier.

La SLN (attention aux changements d’appellation) a un rôle social à étudier. La société passe
aux mains des Rothschild dès 1883, et ils ont été présents jusqu’à 1975, date à laquelle la SLN
a été reprise par l’État. Mais évidemment, il s’agit bien là d’un contrôle extérieur. Quant à
Higginson, il n’est pas sûr qu’il se soit vraiment enrichi puisqu’il était criblé de dettes à sa
mort. Il est intervenu en Nouvelle-Calédonie jusqu’au début du XXe siècle (mines Pilou, Pam,
Tao) mais dès les années 1880, il passe le plus clair de son temps hors de la colonie.

Les conditions de travail et les différents régimes des travailleurs sont observés, de même le
syndicalisme ouvrier avec son élargissement aux autres secteurs d’activité puis le
syndicalisme patronal constitué de diverses associations de défense de petits producteurs.
Dans la colonie du 19e et du début du 20e siècle, on utilise des travailleurs « sous contrat » :
bagnards puis sujets d’autres colonies, indigènes calédoniens et Européens de Nouvelle-
Calédonie, puis métropolitains ou étrangers, en fonction des booms… Certains deviennent
ouvriers mineurs ou prospecteurs. Beaucoup restent en Nouvelle-Calédonie et sont à l’origine
de certaines communautés aujourd’hui bien implantées (Asiatiques, Océaniens, Indiens,
Européens…). Une constante : l’immigration est une nécessité pour procurer des bras. La
main d’oeuvre asiatique est méprisée et doit souvent subir des exactions. De même que le
système des contrats la place dans une situation de sujétion. En retour il semble que les
contremaîtres soient souvent exposés à de graves problèmes car les travailleurs asiatiques ne
sont pas toujours dociles. La France Australe et le Bulletin du Commerce regorgent de faits
divers concernant la violence sur mine.

L’évolution des techniques : du pic et de la pelle au marteau-piqueur puis à la pelle
mécanique. Ou bien du transport à dos d’hommes ou d’animaux au va-et-vient, puis au
téléphérique puis au transporteur sur tapis roulant et au camion (apparition de nouveaux
métiers : cobaleur, rouleur, par ex.). L’hydrométallurgie et la pyrométallurgie existent dès
les prémices du traitement du nickel calédonien. Déjà, en 1876, le procédé de traitement
élaboré par Christofle est un procédé mixte par voie sèche et voie humide. Les deux procédés
sont plus complémentaires qu’opposés : actuellement le minerai de la SLN est transformé en
ferro-nickel et en mattes par la voie pyrométallurgique. Les mattes sont ensuite affinées en
nickel pur à Sandouville par procédé hydrométallurgique. Le choix de l’une de ces deux voies
dépend du type de minerai traité. La voie hydrométallurgique est actuellement développée par
Inco, Falconbridge et d’autres pour traiter la latérite à très basse teneur en nickel. On peut, au
sein de la pyrométallurgie, évoquer l’évolution de l’énergie utilisée pour chauffer le minerai
(du charbon au fuel lourd). A partir du début du 20e siècle, l’électrométallurgie apparaît dans
le nickel : première expérience en Nouvelle-Calédonie : l’usine expérimentale de Tao (mars
1910). Les mineurs calédoniens (Ballande, Le Nickel…) installent des fours pour les mattes
et les billes de ferro-nickel, pour abaisser les coûts du fret : transporter moins de volume à
moindre prix, pour s’adapter à la demande de la clientèle (que ferait-on des scories en
métropole ?), tandis que le Japon, lui, en a besoin pour « poldériser… » et faire travailler ses
propres ouvriers.

Des infrastructures se développent au rythme des besoins miniers : le port de Nouméa (quais
de différentes époques), les wharfs, les rails et tapis roulants sur mines, les pistes sur mine, les
téléphériques… Des villages se créent puis déclinent (Ouégoa au 19e siècle ; Thio, grand
centre minier de la côte Est, de la fin du 19e siècle aux années 1980, a perdu son importance
d’antan), tandis que la ville de Nouméa s’accroît. Les centres de colonisation en brousse
évoluent en fonction de leur importance au regard de la mine : des commissions municipales
disparaissent et/ou renaissent (Muéo, Nakety...). Les villages miniers sont provisoires et
abandonnés (villages « fantômes » comme Tiébaghi). Certains « centres de colonisation » de brousse évoluent en fonction de leur importance en rapport avec la mine (Koumac, Ouégoa,
Canala, Kouaoua, Thio..).
Les Mélanésiens sont longtemps restés à la périphérie économique de l’exploitation minière.
Les Loyaltiens ont toujours été employés comme dockers ou marins sur les minéraliers. Les
Kanak y entrent aujourd’hui en force grâce à la SMSP et au projet d’usine du Nord. Les
recherches et la relance d’exploitation minière, effectuées dans les réserves kanak de la région
de Koné ont contribué à la déstructuration de la société kanak et sont, en partie, à l’origine de
la révolte de 1917. L’importance des relations clans-entreprises minières est à étudier.

La division internationale du travail est évoquée en abordant l’étude des projets miniers du
Nord et du Sud qui maintiennent les esprits en haleine et font couler beaucoup d’encre : INCO
et l’usine du Sud, FALCONBRIDGE et l’usine du Nord (cas particulier de la SMSP : rachat
des mines Lafleur par la Province Nord au lendemain des accords de Matignon) : d’après
l’interview de Scott Hand et de Peter Jones dans les Nouvelles Calédoniennes du 8 avril 2003,
50 % de l’ingénierie serait maintenue à Brisbane pour le projet INCO/Goro Nickel. Toutefois,
il faut être très prudent à propos de ces projets dont les contours restent très changeants et à
propos desquels les informations peuvent devenir très vite dépassées. A ce propos, il faut
insister sur le fait que ces projets très coûteux entrent dans le cadre de politiques à très long
terme (au moins vingt ans) et que ceux qui manifestent de l’impatience à cause des retards du
projet d’INCO ( et à juste titre, au regard des emplois, par exemple ) ne doivent pas oublier
cet aspect essentiel de l’industrie lourde.

La Nouvelle-Calédonie est-elle un Eldorado ou bien le pays des grandes utopies minières
(Gascher : « La belle au bois dormant ») ? D’après Yann Bencivengo : « l’Eldorado minier
est un trait constitutif de l’identité calédonienne. » (catalogue de l’exposition du musée de la
Ville de Nouméa (2003) : « 150 ans de mémoire partagée »).
Un travail peut être mené en ECJS ou en PPCP sur les associations (ex. musée de la mine à
Thio-1992) et les villages miniers ou villages fantômes que l’on s’efforce aujourd’hui de
préserver (ex. Tiébaghi-1993 ; Poro-2002), mémoire de l’exploitation minière et partie
intégrante du patrimoine calédonien.
Des visites peuvent être prévues sur sites ou, dans le cadre des journées du patrimoine sur les
différentes exploitations minières de la Province où se trouve votre LP.
Quant à la SLN, elle peut faire l’objet d’étude d’un dossier spécifique, à partir des documents
fournis par le service des archives SLN (voir Madame Hurey) et en fonction d’un « cadrage »
précis axé sur des problématiques différentes (« multinationale », aspect financier, aspect
technique ou technologique, main d’oeuvre, impact de Doniambo sur la ville de Nouméa,
syndicalisme ouvrier, etc.)


titre documents joints

L’exploitation minière en Nouvelle-Calédonie de 1873 à nos jours 2

14 octobre 2010
info document : PDF
195.2 ko

Accompagnement du programme adapté d’histoire en première bac pro. Deuxième partie.


L’exploitation minière en Nouvelle-Calédonie de 1873 à nos jours 1

14 octobre 2010
info document : PDF
127 ko

Accompagnement du programme adapté d’histoire en première bac pro. Première partie.


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