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La Nouvelle-Calédonie dans l’entre deux guerres (1919-1939)

lundi 2 août 2010 par Luc STEINMETZ

Thème : Affirmation et limites du fait colonial. L’exemple de la Nouvelle-Calédonie.

Commentaires dans le programme adapté : « Dans ce chapitre, on se gardera de faire une
étude factuelle. Devront être privilégiés les concepts de colonie, d’administration et de
société coloniales : pour ce dernier point, on pourra aborder le statut des personnes et le
régime de l’indigénat en s’interrogeant sur la place de la Nouvelle-Calédonie dans la
démocratie française de l’entre-deux-guerres ».

Notions-clés : colonie ; Gouverneur ; Conseil général ; autonomie fiscale ; Conseil supérieur
des colonies ; commission municipale ; société coloniale ; Indigènes ; sujet français ; régime
de l’indigénat ; capitation ; prestations ; exposition coloniale ; engagement ; contrat
d’engagement ; engagés.

  Orientations

L’étude qui suit a pour but de donner aux
professeurs des pistes et des éléments qui
leur permettront, dans le respect de leur
liberté pédagogique, de bâtir un cours qui
répondra aux recommandations ci-dessus,
mais il ne saurait en aucun cas être un
cours « clés en mains ».

La question de programme « L’exemple de
la Nouvelle-Calédonie pendant l’entre-
deux-guerres » s’insère dans la 3e séquence
« Affirmation et limites du fait colonial »
du bloc « Guerres, démocratie,
totalitarisme, fait colonial » du premier
trimestre. On a intérêt à placer ce chapitre
après celui de « La France des années
trente ». L’étude de la « Nouvelle-
Calédonie coloniale » doit être précédée
d’une rapide présentation de l’empire
colonial français qui est à son apogée
pendant cette période. La France considère
alors la colonisation comme une oeuvre
positive, sûre d’accomplir une mission
civilisatrice et elle essaie d’en faire prendre
conscience à un opinion publique assez
indifférente (c’est le but de l’exposition
coloniale de 1931). Mais la participation
des colonies à la Grande Guerre a eu
d’importantes conséquences sur leurs
relations avec la Métropole : elle explique
en partie la montée des nationalismes
indigènes qui se heurtent au refus de toute
politique de réforme. Cependant, dans
l’entre-deux-guerres, la Nouvelle-
Calédonie échappe à l’expression d’un
nationalisme indigène.

Pour étudier la Nouvelle-Calédonie
pendant cette période en respectant les
instructions du programme adapté, la
double problématique à poser est évidente :
Pourquoi et comment la Nouvelle-
Calédonie était une colonie pendant
l’entre-deux-guerres ?

Elle appelle deux réponses :

- La Nouvelle-Calédonie était une
colonie d’abord par ses institutions
et son système électoral.

  • Elle l’était ensuite par
    l’organisation de sa société.

L’étude scientifique qui suit approfondit
ces deux réponses. Elle permet d’éclairer
un aspect particulier de la problématique
générale dans laquelle se situe la question :
l’évolution de la Nouvelle-Calédonie de
1914 à nos jours.

Selon l’horaire dévolu à ce thème (1 à 2 h),
deux heures sont recommandées, chaque
séance étant consacrée à une
problématique (institutions coloniales,
société coloniale), la première séance
pouvant s’ouvrir par une rapide
présentation de l’empire colonial français
(à partir d’une carte), de son apogée et de
ses problème(énoncés succinctement), afin
d’y insérer l’étude de la Nouvelle-
Calédonie.

Les documents fournis pourront être
utilisés comme support dans les deux
séances. Leur choix n’est pas limitatif. Ils
ne sont pas accompagnés d’un
questionnement de manière à laisser à
l’enseignant la pleine liberté de leur
utilisation. Un bref commentaire suit
chaque document.

 Mise au point scientifique

 Le concept de colonie

Une colonie est une terre extérieure à un État appelé métropole. Elle résulte d’une conquête
ou d’une prise de possession. Pour la Nouvelle-Calédonie, il s’est agi d’une prise de
possession en date du 24 septembre 1853. La Nouvelle-Calédonie a dès lors été placée sous la
dépendance et l’autorité de la France selon le droit et les usages internationaux alors en
vigueur.
L’histoire de la colonie au XIXe siècle et ses différents aspects ont été étudiés en classe de 4e.
En 3e, l’étude de l’administration et de la société coloniales pendant l’entre-deux-guerres est
intéressante pour elle-même mais aussi parce qu’elle permettra à nos élèves, par des
comparaisons fondamentales avec la situation qu’ils vivent aujourd’hui, de mieux comprendre
les changements qui vont intervenir à partir de 1946, lorsque la Nouvelle-Calédonie cessera
d’être une colonie pour devenir un Territoire d’outre-mer puis finalement une collectivité
d’outre-mer à statut particulier avec l’Accord de Nouméa. Nos élèves pourront ainsi mieux
voir que l’organisation de l’administration et de la société calédonienne au temps de la
colonie n’avaient rien à voir avec celle de la Nouvelle-Calédonie post-coloniale, même si la
décolonisation des mentalités et des comportements a été plus lente que la décolonisation
politique et administrative.

 I – L’organisation administrative de la colonie.

Après la prise de possession, la Nouvelle-Calédonie a d’abord été administrée par le
gouverneur des Établissements français d’Océanie en poste à Papeete. Elle est devenue une
colonie autonome en 1860 avec un gouverneur nommé à Nouméa.
Le Gouverneur était le pivot de l’administration coloniale, mais depuis le décret du 2 avril
1885, il existait aussi à Nouméa une représentation de la population locale, le Conseil
général. Mais la Nouvelle-Calédonie n’était pas représentée au Parlement et l’organisation
communale était inexistante.

1°) Le Gouverneur : pivot de l’administration coloniale.

Dans la colonie calédonienne de l’entre-deux-guerres, le Gouverneur avait encore l’image
d’un personnage tout-puissant, dont les pouvoirs étaient très étendus au point qu’on les a
parfois comparés à ceux d’un proconsul (à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, on
a ainsi parlé de proconsulat pour la période de 9 ans pendant laquelle le Gouverneur Feillet a
dirigé la colonie). Le Gouverneur restait le pivot de l’administration coloniale, même si
l’assemblée locale, le Conseil général, essayait de s’affirmer comme une chambre avec
laquelle il fallait compter et non comme une simple chambre d’enregistrement. C’est
d’ailleurs dans les années trente qu’une certaine libéralisation du système colonial intervint et
le Gouverneur prit de plus en plus en compte les intérêts locaux exprimés par le Conseil
général, le Conseil municipal de Nouméa, la Chambre de commerce ou la Chambre
d’agriculture.
Il n’en demeure pas moins que pendant l’entre-deux-guerres, le Gouverneur restait dans la
société et la mentalité coloniales de l’époque, l’incarnation de l’État et du pouvoir colonial.

Le Gouverneur était nommé par Paris (décret en Conseil des ministres). Représentant le
gouvernement de la République en Nouvelle-Calédonie, il dépendait du ministère des
colonies (département ministériel créé en 1894, alors qu’auparavant les colonies dépendaient
du ministère de la marine). Ses pouvoirs étaient très étendus et nettement plus importants que
ceux des préfets exerçant dans les départements métropolitains.

Le Gouverneur était à la fois le représentant de l’État dans la colonie et l’exécutif de la
colonie.

- En tant que représentant de l’État, il était chargé de la défense intérieure et extérieure
de la colonie. Il était responsable de l’ordre public. Il exécutait les décisions émanant
de l’État. Il était le chef de l’administration coloniale qui était totalement placée sous
son autorité et était assisté pour cette fonction par un secrétaire général.

  • Le Gouverneur était aussi l’exécutif de la colonie : il préparait et exécutait les
    délibérations du Conseil général.
2°) Le Conseil général : organe de représentation de la population locale ?

- L’élection du Conseil général portait la marque de l’état de colonie dans lequel se
trouvait la Nouvelle-Calédonie. En effet, en prenant comme exemple l’année 1925, la
Nouvelle-Calédonie avait près de 51 000 habitants (dont 12 000 Européens et 27 000
Indigènes) mais seulement 3 571 inscrits sur les listes électorales pour désigner les
membres du Conseil général car le droit de vote était réservé aux seuls nationaux
français citoyens et de sexe masculin (les femmes n’avaient pas encore le droit de
vote). Étaient exclus du droit de vote les Indigènes, les bagnards (mais c’était tout à
fait normal puisqu’ils étaient frappés d’un incapacité de jouissance et donc d’exercice
de leurs droits civils et politiques ; et d’ailleurs il n’en restait plus beaucoup à cette
époque), les libérés récents, les immigrants engagés (Javanais et Indochinois, même si
ces derniers étaient sujets français) et enfin les étrangers (essentiellement des
Japonais). Ce n’était donc qu’une petite partie de la population de la colonie que
représentait le Conseil général.

  • Les fonctions de conseiller général étaient bénévoles.

- Les attributions du Conseil général s’étendaient à toutes les affaires concernant la
colonie, notamment en matière d’aménagement, de travaux d’intérêt public, de budget,
d’impôts (depuis que l’autonomie fiscale avait été accordée à la Nouvelle-Calédonie
par la loi du 13 avril 1900). Car comme les autres colonies, la Nouvelle-Calédonie
devait s’autofinancer même pour l’exercice des compétences d’État : ainsi des
dépenses de souveraineté comme celles ayant trait à la gendarmerie et à la justice
avaient été transférées à la colonie. À l’époque, l’idée de transferts financiers depuis la
métropole aurait été saugrenue. Les délibérations du Conseil général étaient soit
approuvées et appliquées par le Gouverneur, soit rejetées.

- Le Conseil général désignait en son sein une commission coloniale qui était sa
commission permanente.

- Les relations entre le Gouverneur et le Conseil général ne furent pas toujours faciles,
surtout pour les questions financières et fiscales pour lesquelles l’assemblée de la
colonie était seule compétente. Fort du soutien de l’électorat qu’il représentait, le
Conseil général constitua selon les circonstances et les personnalités, soit un ferme
soutien, soit une forte opposition au Gouverneur. Mais en cas de crise, c’est le
Gouverneur qui avait le dernier mot. Ainsi l’opposition du Conseil général au vote des
impôts nouveaux proposés par le Gouverneur d’Arboussier en 1924 se termina par la
dissolution de l’assemblée et par la réduction du nombre de ses membres de 19 à 10
(ils seront 15 après 1926).

Document 1 - Les Institutions de la Nouvelle-Calédonie au temps de la colonie

Document 2 - Les impôts en Nouvelle-Calédonie pendant l’entre-deux-guerres.

3°) L’absence de représentation calédonienne au sein du Parlement français.

La Nouvelle-Calédonie, pas plus que les autres colonies de l’Empire, n’avait de
représentant au sein de la Chambre des députés.
Elle avait seulement un représentant au Conseil supérieur des colonies (organe créé en
1883 par Jules Ferry) et dont le rôle était essentiellement consultatif auprès du
gouvernement de la IIIe République. Le délégué au Conseil supérieur des colonies était élu
par les Calédoniens (avec le même corps électoral que pour le Conseil général), mais autre
marque de l’époque coloniale, c’était un métropolitain inconnu des électeurs, qui restait en
France pendant la campagne électorale et qui était sûr d’être élu parce qu’il était souvent
le seul candidat. Ainsi en 1928, M. Archimbaud avait été réélu au CSC par 1033 voix sur
3571 inscrits, avec 1076 votants et 43 bulletins blancs et nuls.
Cependant, par un vœu émis en 1930 et renouvelé en 1935, le Conseil général avait
demandé que la Nouvelle-Calédonie soit représentée au Parlement par un député.
Soutenue à partir de 1937 par le gouvernement, la création d’un poste de député pour la
Nouvelle-Calédonie a été votée par le Parlement en mars 1939. Mais la Seconde Guerre
mondiale bloqua le processus, et la Nouvelle-Calédonie dut attendre 1945 pour élire son
premier député, à l’instar des autres membres de l’Union française.

4°) L’inexistence d’une vraie organisation communale.

Le législateur colonial du XIXe siècle n’avait pas voulu adopter pour la Nouvelle-
Calédonie l’organisation communale métropolitaine issue de la Révolution de 1789, puis
de la loi communale de 1884.
Cependant dans les lieux où existait un rassemblement important de population
européenne, il fallait permettre à l’administration d’appréhender les besoins des
communautés humaines qui peuplaient la colonie.
C’est pour cette raison qu’avaient été créées à partir de 1870 à Païta, puis en 1871 à
Canala, à Nouméa en 1874, etc. des commissions municipales composées de 3 membres
élus par les citoyens français. Ces commissions élisaient en leur sein leur maire. Elles
disposaient d’un budget. Seule la ville de Nouméa devait être érigée par la suite (en 1879)
en commune de plein exercice. N’ayant pas de population européenne, les Iles Loyauté
n’étaient pas dotées de commissions municipales.
Ainsi pendant l’entre-deux-guerres, la Nouvelle-Calédonie comprenait une commune et
dix commissions municipales permettant l’exercice d’une démocratie locale réduite aux
seuls Européens, comme en témoigne le peu d’inscrits sur les listes électorales de Nouméa
(1484 en 1928), Houaïlou (46 en 1927) et Voh (98 en 1927), pour ne citer que quelques
exemples.

 II – Une population déjà multiethnique, mais une société coloniale.

1°) La population de la colonie.

En 1925, la Nouvelle-Calédonie comptait presque 51 000 habitants se répartissant comme
suit :

  • Les Indigènes au nombre de 27 000 (soit près de 53 % de la population) étaient le
    groupe le plus nombreux. 60 % d’entre eux vivaient sur la Grande-Terre, l’Ile des Pins
    et Bélep. Près de 11 000 vivaient les Iles Loyauté où la population européenne était
    pour ainsi dire absente hormis le médecin, le ou les prêtres, pasteurs et autres
    missionnaires, quelques fonctionnaires et commerçants.
  • Les « Européens » étaient environ 14 500. Ils se partageaient pour moitié entre
    Nouméa, le chef-lieu de la colonie et les villages de la Grande-Terre. 65 % d’entre eux
    étaient nés en Nouvelle-Calédonie et 35 % en métropole.
  • Les travailleurs immigrés étaient un peu plus de 8 000, parmi lesquels les Javanais et
    les Indochinois constituaient les groupes les plus nombreux, suivis par les Japonais.
    Les Wallisiens et Futuniens étaient seulement une vingtaine.

Document 3 - Composition de la population de la Nouvelle-Calédonie en 1925

2°) Le caractère colonial de la société.

Le caractère majeur de la société calédonienne de l’entre-deux-guerres c’est qu’elle était
encore largement marquée par une situation coloniale. C’était une société de personnes
inégales où la liberté n’était pas un principe parfaitement partagé. La Déclaration des Droits
de l’Homme et du Citoyen de 1789 n’avait pas encore valeur constitutionnelle et ne
s’appliquait pas à tous.

a) Les nationaux et citoyens français

On disait aussi les « Européens » ou les « Blancs ». Ils étaient Français par la nationalité
et citoyens de la République dès leur majorité (21 ans à cette époque). Eux seuls
jouissaient du droit de vote et de la liberté civile.
Ils formaient trois groupes sociaux : les petits fonctionnaires, ouvriers et employés de
Nouméa ; les colons de l’intérieur ; les bourgeois de Nouméa qui rassemblaient un
nombre réduit de gros commerçants et de fonctionnaires. Tous payaient des impôts et des
taxes qui alimentaient le budget de la colonie.

b) Les Indigènes

On disait rarement les Mélanésiens pour désigner les Indigènes de Nouvelle-Calédonie.
On commençait par contre à parler des Autochtones. Et Canaque ne s’orthographiait pas
avec deux k.
Les Indigènes étaient nationaux et sujets français, mais pas citoyens, en ce sens qu’ils
étaient assujettis (c’est-à-dire soumis) à la législation de l’autorité coloniale sans avoir le
droit de participer à son élaboration. Par ailleurs, les Indigènes étaient aussi sujets
coutumiers.

La mise en place des réserves et la création par l’administration des grands-chefs (à la tête
des districts) et des petits-chefs (à la tête des tribus), parfois à la place des vrais chefs
coutumiers, avaient transformé l’organisation du monde canaque traditionnel. La
christianisation, le développement des écoles, l’introduction de nouvelles cultures
(manioc, café, arbres fruitiers ) qui s’ajoutaient aux cultures anciennes (ignames et taros)
avaient changé la vie quotidienne des Indigènes qui réussissaient cependant à maintenir
l’essentiel de leurs traditions et de leurs coutumes.
Mais vis-à-vis de l’administration coloniale, pendant l’entre-deux-guerres, les Indigènes
étaient des sujets encore soumis à un régime spécial appelé le régime de l’indigénat.
Ce régime, institué en 1887 pour l’ensemble de l’empire colonial français, s’est appliqué
en Nouvelle-Calédonie aussi longtemps qu’elle a été une colonie, c’est-à-dire jusqu’en
1946

Le régime de l’indigénat (dont l’ensemble des dispositions était appelé « code de
l’indigénat ») comprenait deux volets : un volet administratif et un volet punitif.

Le volet administratif avait mis en place un système d’administration des tribus déjà cité.
Le volet punitif avait mis en place un système de répression par voie disciplinaire
d’infractions spéciales aux indigènes. Le pouvoir de sanction appartenait à des
fonctionnaires et échappait ainsi aux juridictions pénales (jugées trop lentes et trop
éloignées pour avoir un effet réel). Parmi les infractions, citons : désobéir aux ordres,
circuler nu sur les routes, pratiquer la sorcellerie, quitter sa tribu sans autorisation, refuser
de payer la capitation ou de se soumettre aux prestations (cf. infra).
Les sanctions permettaient au Gouverneur d’infliger aux Indigènes des peines d’amende
(jusqu’à 100 f) et de prison (jusqu’à 15 jours), cette dernière peine pouvant être
transformée en travaux d’utilité publique sous le contrôle du service des affaires
indigènes. Des colons manquant de main-d’œuvre profitèrent parfois du travail
d’Indigènes ainsi sanctionnés, ce qui était illégal.

Les Indigènes étaient aussi soumis à des impôts et redevances attachés à leur état de
sujets : la capitation et les prestations.
La capitation existait depuis 1895 mais elle avait été portée en 1928 à 40 f par an et par
homme valide. Elle était dégressive selon le nombre d’enfants et les anciens combattants
en étaient exemptés.
Les prestations existaient depuis 1928. C’était un impôt en nature obligeant l’Indigène à
accomplir annuellement 8 jours de travail d’utilité publique (durée dégressive selon le
nombre d’enfants). Les prestations pouvaient être rachetées au taux de 5 f par jour de
travail ( c’était à l’époque le prix d’une journée de travail pour la main d’œuvre).
Les chefs (administratifs) des tribus étaient responsables de la perception de l’impôt de
capitation et des prestations.
Mais les Indigènes furent pendant la période de l’entre-deux-guerres l’objet d’attentions
du pouvoir colonial. Par un décret en date du 19 avril 1933 , il accorda la qualité de
citoyen français aux Indigènes anciens combattants à condition qu’ils en fassent la
demande. Il développa les écoles laïques indigènes (les écoles de mission étaient déjà
nombreuses), créa en 1934 l’état civil indigène (pour mieux distinguer les individus), et
lança une « nouvelle politique indigène » dont l’artisan fut le capitaine de gendarmerie
Meunier, chef du service des affaires indigènes (le poste avait été créé en 1919) . Cette
politique visait à insérer les Indigènes dans la vie économique marchande par la culture de
plantes et de produits commercialisables (café surtout, mais aussi coprah et maïs), de
manière à leur donner des moyens monétaires d’existence garants de leurs progrès
matériels. Il est à noter que les missionnaires maristes ou le pasteur Leenhardt avaient déjà
eu ce souci, mais leurs moyens étaient plus limités que ceux de l’administration.

Document 4 - Extraits de mesures du code de l’indigénat

Document 5 - La société calédonienne dans l’entre-deux-guerres : une société coloniale

Cette politique d’attentions du pouvoir parisien contrastait avec l’attitude qu’il avait eue
lors de l’exposition coloniale de 1931. La France croyait en une colonisation positive :
pays des droits de l’homme, elle estimait accomplir une mission civilisatrice à l’égard des
peuples colonisés et donc à l’égard des Canaques. En faire prendre conscience à l’opinion
publique métropolitaine, dans l’ensemble assez indifférente, avait été le but de
l’exposition coloniale organisée à Paris (Vincennes) en 1931 et conçue comme une
grandiose « leçon de choses » pour les métropolitains. La France devait y présenter avec
fierté, entre autres peuples indigènes, des Canaques.
À cette fin, 114 Canaques, hommes, femmes et enfants en bas âge, avaient été embarqués
en janvier 1931 sur le « Ville de Verdun » et envoyés vers la métropole. On les « exposa »
non pas sur le lieu de l’exposition coloniale (Parc de Vincennes) mais au Jardin
d’acclimatation du Bois de Boulogne, près des plantes et des animaux exotiques
(crocodiles en particulier), les visiteurs étant informés qu’ils allaient voir des « Canaques
mangeurs d’hommes venus de leurs îles lointaines ». Cette attraction, agrémentée de
chants et de danses, commença par déplacer beaucoup de monde. Mais l’opinion publique
métropolitaine finit par s’émouvoir de l’indignité d’un tel spectacle et l’affaire fit grand
bruit à Nouméa. Les presses parisienne et nouméenne s’en mêlèrent, dénonçant l’atteinte à
la dignité humaine que constituait cette représentation malencontreuse et choquante. Mis
en cause à Nouméa par le Conseil Général, le représentant de l’État, le Gouverneur
Guyon, demanda au ministre des colonies d’y mettre un terme. Ce qui fut fait assez
rapidement, permettant aux Canaques de rembarquer en Novembre 1931 pour Nouméa, où
ils furent accueillis chaleureusement par tous, tant la réaction d’indignation des
Calédoniens, teintée ou non de paternalisme, avait été grande.

Document 6 - Les Canaques à l’exposition coloniale de Paris de 1931

c) Les Asiatiques

Indochinois et Javanais avaient en commun d’être des sujets coloniaux (français pour les
premiers et hollandais pour les seconds).

- Les Indochinois. Le premier convoi d’Indochinois est arrivé en Nouvelle-Calédonie
en 1891. Mais c’est surtout après la Grande Guerre que les convois d’Indochinois se
sont succédé à un rythme soutenu. En 1929, 6440 Indochinois travaillaient dans la
colonie, essentiellement sur les mines.

- Les Javanais. Les premiers Javanais sont arrivés en 1896 pour travailler dans les
caféières. Ils étaient 7600 en 1929. Les Javanais étaient employés plutôt dans
l’agriculture (plantation de café et de coton ) et à la domesticité. Ils constituaient une
main d’œuvre travailleuse et appréciée.

- L’engagement était le statut de ces travailleurs immigrés. Il a été organisé par un
arrêté de 1874 qui en a fixé les règles. Les conditions de la venue de ces travailleurs,
de leur séjour (5ans, renouvelable une seule fois) et de leur rapatriement étaient fixées
par un contrat de travail de type particulier, obligatoirement écrit, le contrat
d’engagement. Ils étaient payés mensuellement, mais une partie de leur salaire était
déposée sur un compte épargne pour constituer un pécule récupérable au départ. Ils
recevaient une ration alimentaire et un trousseau de vêtements deux fois par an.
Le Gouverneur pouvait accorder la résidence libre à ces travailleurs, ce qui les faisait
sortir de leurs conditions d’engagés (ces résidents libres étaient près de 1000 en
1939).
Il est à noter que les conditions faites en Nouvelle-Calédonie à ces immigrants
engagés sous contrat (d’où leur surnom de « contrats » ou « d’engagés ») étaient
meilleures que celles des travailleurs indochinois et javanais dans leur colonie
d’origine : ils étaient nettement mieux payés et leur ration alimentaire était plus
consistante et plus équilibrée.

Document 7 - Un contrat type d’engagement en 1920

  • Les Japonais. Ils sont arrivés en Nouvelle-Calédonie à partir de 1892. Contrairement
    aux Indochinois et aux Javanais, ils n’étaient pas sujets coloniaux. Et depuis 1911, ils
    pouvaient s’établir en Nouvelle-Calédonie en toute liberté. Ils étaient environ 1 300 en
    1929. Ils avaient le statut d’étrangers et payaient les impôts et les taxes. Ils étaient
    commerçants, manufacturiers (tailleurs), pêcheurs, agriculteurs, travailleurs sur mine.
    Ils vivaient à l’européenne et pendant l’entre-deux-guerres, certains ont demandé et
    obtenu la nationalité française, obtenant du même coup la citoyenneté.

Ainsi, l’état et donc les droits des habitants de la Nouvelle-Calédonie au temps de la colonie
différaient selon qu’ils étaient citoyens ou sujets. Il faudra attendre 1946 pour que cela
change, lorsque la Nouvelle-Calédonie cessera d’être une colonie pour devenir un Territoire
d’outre mer.


titre documents joints

La Nouvelle-Calédonie dans l’entre deux guerres (1919-1939) (1/4)

1er septembre 2010
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232.4 ko

Document accompagnant le programme de troisième pour le thème : affirmation et limites du fait colonial.


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