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Le rôle des bagnards dans la colonisation pénale en Nouvelle-Calédonie

dimanche 8 août 2010 par Cynthia DEBIEN VANMAI

  Dossier documentaire

Document 1 : extraits de la loi sur l’exécution de la peine des travaux forcés du 30 mai
1854.

Napoléon, par la grâce de Dieu et la volonté nationale, Empereur des Français, à tous présents et à
venir, salut.
Avons sanctionné et sanctionnons, promulgué et promulguons ce qui suit :
Le Corps Législatif a adopté le projet de loi dont la teneur suit :

Article premier. La peine aux travaux forcés sera subie, à l’avenir, dans des établissements crés par
décret de l’Empereur, sur le territoire d’une ou plusieurs possessions françaises autre que l’Algérie.

Article 2. Les condamnés seront employés aux travaux les plus pénibles de la colonisation et à tous
autres travaux d’utilité publique.

Article 3. Ils pourront être enchaînés deux à deux ou assujettis à traîner le boulet à titre de punition
disciplinaire ou par mesure de sûreté.

Article 4. Les femmes condamnées aux travaux forcés pourront être conduites dans un des
établissements crés aux colonies ; elles seront séparées des hommes et employées dans des travaux
en rapport avec leur âge et leur sexe.

Article 6. Tout individu condamné à moins de huit années de travaux forcés sera tenu, à l’expiration de
sa peine, à résider dans la colonie dans un temps égal à la durée de sa condamnation.
Si la peine est de huit années, il sera tenu d’y résider toute sa vie.
Toutefois, le libéré pourra quitter momentanément la colonie, en vertu d’une autorisation expresse du
gouverneur. Il ne pourra en aucun cas, être autorisé à se rendre en France.
En cas de grâce, le libéré ne pourra être dispensé de l’obligation de résidence que par une disposition
spéciale des lettres de grâce.

Article 11. Les condamnés des deux sexes qui se seront rendus dignes d’indulgence par leur bonne
conduite, leur travail et leur repentir pourront obtenir
1° l’autorisation de travailler aux conditions déterminées par l’administration, soit pour les habitants de
la colonie, soit pour les administrations locales.
2°Une concession de terrain et la faculté de le cultiver pour leur propre compte.
Cette concession ne pourra devenir définitive qu’après la libération du condamné.

Article 12. Le gouvernement pourra accorder aux condamnés aux travaux forcés à temps l’exercice,
dans la colonie, des droits civils ou de quelques-uns de ces droits, dont ils sont privés par leur état
d’interdiction légale.

Article 13. Des concessions provisoires ou définitives de terrains pourront être faites aux individus qui
ont subi leur peine et qui restent dans la colonie.

Délibéré en séance publique, à Paris, le 30 mai 1854.
Le président
Signé Billault
Les secrétaires,
Signé Joachim Murat, Edouard Dalloz, Baron E. Chassériaux.

Document 2 : extraits des dépêches ministérielles dans les années 1880.

« Je ne saurais trop vous recommander, M. le gouverneur, de tenir la main à ce que la colonisation
pénale soit encouragée et soutenue par tous les moyens possibles, et je vous serai obligé en
conséquence, de donner des ordres précis aux fonctionnaires placés sous vos ordres. La mise en
concession des transportés qui remplissent les conditions exigées par le décret disciplinaire du 18 juin
1880 doit faire l’objet de tous vos efforts. C’est en facilitant l’essor de la colonisation pénale que vous
seconderez utilement les intentions du département, qui s’impose de lourds sacrifices pour parvenir à
ce but ».
Dépêche ministérielle du 15 mai 1882, notice sur la transportation 1882-1883 p.338

« Vous ne devez pas perdre de vue que l’oeuvre principale qui s’impose à votre administration est celle
de la transportation, dont la loi a confié l’exécution à mon département. Bien que pourvue d’une
population libre, industrieuse, adonnée aux travaux agricoles, aux transactions commerciales, et digne
d’encouragement, la Nouvelle-Calédonie est avant tout une colonie pénitentiaire »
Instruction du ministre au gouverneur Pallu de la Barrière, 29 juin 1882, archives ministérielles
modernes, carton 25.

« Je ne saurais trop insister, Monsieur le Gouverneur, sur la nécessité de hâter la mise en concession
des transportés parvenus à la première classe et de favoriser leur mariage ou leur réunion avec leur
famille : ces sortes d’autorisation doivent être accordées très largement, elles sont un puissant moyen
de moralisation, en même temps qu’elles activent le développement de la colonisation pénale »
Dépêche ministérielle du 24 janvier 1883 au sujet du départ du convoi de femmes condamnées,
embarquées sur le bâtiment de commerce l’Océanie, notice sur la transportation 1882-1883 p.46
« J’ai constaté avec regret que sur 3000 individus environ portés sur l’tat nominatif des transportés de
la première classe, il n’y a que 208 concessionnaires. J’appelle toute votre sollicitude, Monsieur le
Gouverneur, sur cette question fâcheuse et je vous prie d’encourager et de provoquer, par tous les
moyens en votre pouvoir, les demandes d’envois en concession. »

Ibidem

Document 3 : la colonisation pénale en Nouvelle-Calédonie, son implantation et ses
effectifs dans les années 1880.

Carte : le bagne en Nouvelle-Calédonie dans les années 1880
Source : Barbançon Louis-José, L’archipel des forçats. Histoire du bagne de Nouvelle-
Calédonie (1863-1931), Presses Universitaires du septentrion, 2003

Commentaire :
Le domaine pénitentiaire s’étend sur plus de 100000 hectares, choisis parmi les terres les plus
fertiles. Jusqu’à la fin du XIXe siècle les centres agricoles pénitentiaires constituent les seuls
centres de peuplement européens à l’intérieur de la Grande Terre, excepté Canala.

Document 4 : le pénitencier de l’île Nou avant 1870.

Le pénitencier de l’île Nou avant 1870
Source : Service des archives de la Nouvelle-Calédonie, Album Robin-de Greslan.

Commentaire :
Le matin et à la fin de la journée, les condamnés, sont rassemblés devant leur « case », c’est-
à-dire leur dortoir. Sur le site de l’île Nou vit une partie des bagnards seulement, ceux qu’on
nomme alors les « incorrigibles », individus reconnus dangereux nécessitant une surveillance
rapprochée. Les autres sont détachés sur les chantiers de la ville ou sur les routes en
construction non loin du chef lieu. Les mieux notés sont employés chez des particuliers ou par
l’administration de la colonie. Outre sa vocation à la réclusion, le pénitencier de l’île Nou, se
transforme rapidement en centre industriel où on produit une grande partie des besoins de
l’administration en produits manufacturés en tout genre : matériel agricole pour les centres de
colonisation pénale, équipement divers, même des ponts métalliques… Les colons libres
finissent par s’en plaindre, cette activité est considérée comme une concurrence néfaste à
l’activité économique.

Document 5 : le centre pénitentiaire de Bourail en 1871.

le centre pénitentiaire de Bourail en 1871
Source : Service des archives de la Nouvelle-Calédonie, Album Robin- de Greslan

Commentaire :
Le centre de Bourail est le berceau de la colonisation pénale, il est ouvert dès 1867, non sans
la résistance des tribus qui se révoltent dès 1868. C’est le centre le plus peuplé de l’intérieur.
Certains forçats peuvent bénéficier d’une concession urbaine en plus du terrain agricole dans
la mesure où ils s’adonnent à l’activité artisanale ou que leur concession rurale est
inconstructible du fait des inondations.

Document 6 : une concession pénitentiaire à Bourail vers 1871.

une concession pénitentiaire à Bourail vers 1871
Source : Service des archives de la Nouvelle-Calédonie, album Robin-de Greslan

Commentaire :
On peut distinguer les principales cultures : haricots au premier plan, le maïs qui sèche sur la
véranda, ces productions sont consommées par les ménages, le surplus est acheté par
l’administration pour les besoins des pénitenciers. La case d’habitation est construite sur les
plans de l’administration, avec la cuisine à l’extérieur.

Document 7 : Auguste forçat-pionnier à Pouembout . Fiche descriptive du
concessionnaire provisoire.

Centre de Pouembout
Section de la rive gauche
Lot rural n°73

N°2978, Auguste, Jules
condamné à perpétuité, marié à Bourail le 9 Juin, avec Marie, libérée n°100,
arrivé dans la colonie le 3 juin 1871,
mis en concession le 13 février 1883,
en cours de peine, concessionnaire provisoire.

Renseignements divers sur le concessionnaire : Auguste, Jules, fils de Barthélémy, Auguste et de
Rosalie, né le 22 février 1852, à Alais, arrondissement du Gard, domicilié au même lieu, profession de
journalier. Condamné à Nîmes assises du Gard le 22 février 1869, à perpétuité pour : homicide
volontaire avec préméditation et guet apens sur son oncle.
Condamnation antérieure : néant, condamnation dans la colonie néant. Grâces obtenues le 21 juin
1881, la peine perpétuelle commuée en celle de 20 ans. 1889, grâces générales : remise de 4 ans.

Marié à Bourail, le 9 juin 1886, à Marie libérée le 12 juillet sous le n° 100.
Enfants : Raymond, né le 15 décembre 1878, en France (reconnu) ; Jules Clément, né le 4 octobre
1887 ; Louise, Marie, née le 23 octobre 1888 (décédée), Anna née en 1889, Anaïs en 1891 et Édouard
en mars 1893.
Très bon travailleur, caractère difficile.

Sources : registre établi par l’administration pénitentiaire en 1895, Archives
ministérielles anciennes, série H : administration pénitentiaire coloniale, carton H 831,
centre de Pouembout.

Commentaire :
Dans ce registre est répertorié chaque lot délimité sur le domaine pénitentiaire de la région,
avec les renseignements concernant le propriétaire en 1895 et sa concession (document
suivant). On peut aussi connaître l’identité de tous les occupants qui l’ont précédé, ce qui
permet d’évaluer la solidité de l’implantation.
Ce type de registre a été établi dans chaque centre pénitentiaire, il fait un état des lieux de la
colonisation pénale à l’heure où il est justement question d’arrêter les convois de transportés
sur la colonie et de relancer la colonisation libre (politique mise en œuvre de Feillet).
J’ai volontairement dissimulé le nom de famille du condamné qui apparaît sur le document
officiel.
Ces informations sont précieuses, toute étude de la colonisation pénale en classe se devrait de
partir de ce document, complété par celui qui suit. Ils permettent de rapprocher les élèves de
la réalité humaine. L’expérience prouve l’intérêt des élèves pour ce type d’informations.
À l’aide de la synthèse scientifique, l’enseignant établit un questionnaire judicieux qui doit
aboutir à dégager les objectifs de la colonisation pénale, ses modalités (la peine, la réinsertion,
le peuplement, la colonisation agricole …), et peut-être ses résultats.

Document 8 : une concession rurale à Pouembout, descriptif de l’exploitation.

une concession rurale à Pouembout, descriptif de l’exploitation
Source : Ibidem.

Transcription :
Nature et qualité du terrain : sablonneux, bonne qualité.
Produits cultivés : 2000 caféiers en rapport, maïs, haricots, manioc, jardinage.
A récolté en 1894 : 20 sacs de maïs, 10 sacs de haricots, 450 kg de café vendu 2f50 le kilo.
A vendu pour 250fr de légumes, et 300 fr de porcs et de volailles pour l’année 1894.

Constructions élevées : case en torchis couverte en tôle, 7 mètres sur 4 mètres, 2 pièces, véranda
autour, hangar de 11M sur 6 M couvert en paille, cuisine couverte en paille, écurie couverte en tôle 6 M
sur 4 M, poulailler, porcherie, puits, (en bon état).

Matériel agricole servant à l’exploitation de la concession : voiture à cheval, charrue, herse,
égrenoir, et outillage accessoire complet. (il s’agit de celui distribué gratuitement par l’administration,
essentiellement des outils arratoirs)

Animaux : de basse-cour : 70 ; porcs : 28 ; chevaux : 1 jument, 2 poulains

Valeur de la concession : du lot : 1500 FR ; des constructions : 1500 FR ; du matériel : 600 FR ; des
animaux : 1640 FR ; ensemble : 5240 FR
Situation de fortune du concessionnaire : très bonne situation.
Revenu annuel : 4200 à 1500 FR

Document 9 : les bagnards sur un chantier de la ville de Nouméa, arasement de la butte
Conneau.

arasement de la butte Conneau.
Sources : Kakou Serge, découverte photographique de la Nouvelle-Calédonie, 1848-1900,
Actes Sud, Arles, 1998.

Commentaire :
Il s’agit ici d’un chantier de travaux publics, l’arasement de la butte Conneau, dans le centre
ville de Nouméa, il occupa 200 à 300 condamnés chaque jour pendant 2 ans, de 1875 à 1877.
Les matériaux dégagés ont été utilisés à l’assèchement des marais du même centre ville.
Les escadrons de bagnards quittent chaque jour le pénitencier de l’île Nou pour se rendre,
surveillés par les gardiens, sur les différents chantiers de la ville. Bientôt, le camp de
Montravel loge ces hommes pour éviter les tentatives d’évasion sur le trajet.

Document 10 : la main d’œuvre pénale sur les mines : un exemple de contrat de chair
humaine vers 1893.

Commentaire :
Ce sont des forçats, « loués » par l’administration pénitentiaire à la société Le Nickel, ils sont
ici photographiés sur le site minier de Thio vers 1893. Ces contrats passés avec les industriels
sont aussi qualifiés de « contrats de chair humaine » par leurs rares détracteurs et se
rapprochent d’une forme d’esclavage.



titre documents joints

Le rôle des bagnards dans la colonisation pénale (documents)

19 août 2010
info document : PDF
2.4 Mo

Dossier documentaire.


Le rôle des bagnards dans la colonisation pénale en Nouvelle-Calédonie

19 août 2010
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33.9 ko

le rôle des bagnards dans la colonisation en Nouvelle-Calédonie
(1854-1931).


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